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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/895/2015

ATA/886/2015 du 01.09.2015 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.10.2015, rendu le 12.10.2016, REJETE, 2C_931/2015
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/895/2015-PROF ATA/886/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er septembre 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMISSION DU BARREAU



EN FAIT

1) Le 2 juillet 2012, Maître B______, avocat, a déposé, au nom et pour le compte de la société C______ S.A. (ci-après : la société), une plainte à l’encontre de Maître A______, avocat, auprès de la commission du barreau du canton de Genève (ci-après : la commission).

La société reprochait à Me A______ de ne pas avoir exercé la profession d’avocat avec soin et diligence dans le cadre d’un mandat qu’elle lui avait confié, en violation de l’art. 12 let. a de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61). Elle se plaignait également du fait que Me A______ refusait de lui fournir tout décompte pour sa prétendue activité et contrevenait ainsi à l’art. 12 let. i LLCA.

2) Le 3 juillet 2012, la commission a informé Me A______ de la plainte du 2 juillet 2012 et l’a invité à se déterminer afin qu’elle puisse décider de la suite à y donner.

3) Le 13 août 2012, Me A______ a remis ses observations à la commission au sujet de la plainte du 2 juillet 2012.

4) Le 11 septembre 2012, Maître D______, avocat, rapporteur de la commission, a informé Me A______, au nom de cette dernière, qu’une procédure disciplinaire était ouverte à son encontre pour violation de l’art. 12 let. a LLCA.

Me D______ a invité Me A______ à se déterminer jusqu’au 2 novembre 2012. Ce délai a été prolongé, sur demandes successives de l’intéressé, d’abord au 23 novembre 2012, puis au 23 décembre 2012 et enfin au 11 janvier 2013.

5) Le 11 janvier 2013, Me A______ a transmis ses observations à la commission. Il a principalement conclu à ce qu’il soit constaté qu’il avait agi avec soin, diligence et fidélité, et au classement de la procédure disciplinaire.

A titre préalable, il a demandé la récusation de Me D______ et la nomination d’un autre membre en tant que rapporteur de la commission. Me D______ avait succédé à un confrère dans une procédure civile en cours qui durait depuis quelques années. Elle était de nature commerciale et sa valeur litigieuse était élevée. Me D______ s’était constitué pour la partie demanderesse, alors que l’intéressé représentait la partie défenderesse. Une audience de plaidoiries était fixée au 28 janvier 2013.

6) Le 21 janvier 2013, la commission, par l’intermédiaire de son président, Maître E______, a informé Me A______ qu’elle avait pris connaissance de sa demande de récusation et demandé à Me D______ de se déterminer à ce sujet.

7) Le 4 février 2013, Me D______ s’est prononcé sur la demande de récusation de Me A______ à son encontre. Il s’en est remis à l’appréciation de la commission sur l’opportunité d’une récusation. Il n’existait pas, d’après lui, de cause de récusation au sens de l’art. 18 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10).

8) Par décision sur récusation du 18 février 2013, la commission, par l’intermédiaire de son président, Me E______, a rejeté la demande de récusation de Me A______ à l’encontre de Me D______.

Un avocat pouvait être appelé à agir comme membre de la commission parallèlement à son activité professionnelle. Il s’agissait de deux fonctions distinctes. Le fait que l’avocat, rapporteur de ladite commission, soit mandaté dans le cadre d’une autre procédure où il affrontait l’avocat faisant l’objet de la plainte qu’il instruisait, n’était à lui seul pas suffisant pour fonder un motif de prévention.

Me A______ n’invoquait aucun élément concret permettant de douter de l’impartialité de Me D______. Ce dernier s’était constitué pour la partie défenderesse en cours de procédure, l’instruction était terminée et la cause gardée à juger. Il n’y avait eu en outre que très peu d’échanges entre les avocats, et aucune animosité n’était relevée.

En l’absence de circonstances concrètes pouvant donner l’apparence de prévention, la commission estimait qu’il n’existait pas de motifs justifiant la récusation de Me D______.

9) Par acte posté le 15 avril 2013, Me A______ a interjeté recours contre la décision sur récusation, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant principalement à son annulation, ainsi qu'à l'octroi de « dépens ».

10) Le 23 mai 2013, sous la signature de son président d'alors Me E______, la commission a conclu en substance au rejet du recours.

11) Par arrêt du 4 février 2014 (ATA/58/2014), la chambre administrative a admis le recours et a renvoyé la cause à la commission afin qu’elle instruise la plainte déposée à l’encontre de Me A______ et statue après attribution du dossier à un nouveau rapporteur.

Cet arrêt n'a pas été contesté et est devenu définitif.

12) Le 30 juin 2014, la commission a informé Me A______ de ce qu'elle avait nommé Me F______ en tant que nouveau rapporteur.

13) Par requête du 9 juillet 2014, complétée le 15 août 2014, Me A______ a conclu à ce qu'il soit dit et constaté que les membres ordinaires et suppléants de la commission qui étaient avocats ne pouvaient « être des juges indépendants et impartiaux » au sein de la commission, et prononcer leur récusation, ainsi que celle de tous les membres ayant participé à la décision du 18 février 2013 ou à la prise de position devant la chambre administrative dans la procédure ayant abouti à l'ATA/58/2014.

Il ne s'agissait pas seulement de la récusation de Me D______, mais d'une question plus générale.

La loi n'imposait pas que les membres de la commission fussent avocats. Dans sa décision du 18 février 2013, la commission, composée majoritairement d'avocats, avait avalisé une situation en violation flagrante de tous les principes régissant tant les conflits d'intérêts que la garantie du juge indépendant et impartial. La chambre administrative avait considéré cette garantie comme incompatible avec le fait que les membres de la commission pratiquent le barreau. Les avocats, en situation et en rapport de concurrence entre eux, ne pouvaient du reste juger de manière indépendante et impartiale le comportement professionnel de leurs confrères. Il y avait donc là une incompatibilité naturelle et de principe. Pourtant, dans la pratique, seuls les membres avocats étaient nommés rapporteurs.

Les membres ayant participé à la procédure précédente avaient quant à eux commis des violations graves de leurs devoirs de magistrats, ce qui induisait à leur égard une suspicion de partialité et justifiait également leur récusation.

14) Le 7 octobre 2014, la commission a indiqué qu'elle statuerait sur la demande de récusation dans une composition ad hoc constituée uniquement de membres non avocats. Elle a invité plusieurs membres de la commission - soit Mes G______, H______, I______, F______, J______, K______ et L______, ainsi que Monsieur M______ - à faire part de leur détermination à cet égard, au plus tard le 22 octobre 2014, délai par la suite prolongé au 7 novembre 2014.

15) La plupart des membres susmentionnés se sont ainsi déterminés sur la demande de récusation :

a. Me K______, le 9 octobre 2014, a indiqué ne pas avoir de raison de se déporter ;

b. M. M______, le 9 octobre 2014, s'en est rapporté à justice ;

c. Me L______, le 14 octobre 2014, a indiqué se rallier à la majorité ;

d. Me G______, le 17 octobre 2014, a conclu au rejet de la demande. Me A______ se livrait à une interprétation de l'ATA/58/2014 qui n'avait aucun sens. En effet, si l'on pouvait regretter que la chambre administrative étende sa vision de l'indépendance jusqu'au cas de figure visé dans l'arrêt, elle ne remettait pas en cause la présence d'avocats au sein de la commission. La « lecture fantaisiste » proposée par Me A______ aurait pour conséquence de paralyser l'institution. S'agissant de sa propre récusation, il n'était ni l'ami ni l'ennemi de Me A______, n'avait pas de lien avec les personnes physiques et morales impliquées dans la procédure disciplinaire, et ne représentait pas de client qui aurait pour partie adverse un client de Me A______. Sa qualité d'ancien bâtonnier, que l'intéressé « sembl[ait] considérer comme une flétrissure » était au contraire plutôt un atout pour juger du respect des règles professionnelles ;

e. Me J______, le 21 octobre 2014, a conclu à ce que les conclusions de la demande soient écartées. Elle n'avait aucun motif de se récuser à titre personnel. L'interprétation faite par Me A______ de l'ATA/58/2014 était « parfaitement abusive », la chambre administrative n'ayant pas relevé dans son arrêt d'incompatibilité entre la profession d'avocat et la qualité de membre de la commission. Dans tous les autres cantons, les autorités de surveillance des avocats incluaient des membres de la profession. Il appartenait enfin au législateur seul de préciser la composition de la commission ;

f. Me H______, le 5 novembre 2014, a conclu au rejet de la demande en se référant au « raisonnement développé avec beaucoup de clarté » par Me G______ ;

g. Me F______, le 13 novembre 2014, a conclu au rejet de la demande de récusation. Il n'avait aucun motif de se récuser à titre personnel ou professionnel, n'ayant notamment jamais été adversaire de Me A______ dans une quelconque procédure. La prévention imputée aux membres avocats de la commission sous prétexte d'un risque intrinsèque ou potentiel de concurrence dénotait une vision bien sombre de l'éthique et de l'intégrité de ses confrères, mais ne reposait sur aucun élément objectif ou concret. La profession d'avocat n'était pas la seule à être surveillée par une entité composée en partie de membres de la profession en cause.

16) Le 26 novembre 2014, Me A______ a indiqué ne pas avoir de motif de récusation s'agissant des membres de la commission ad hoc qui statuerait sur sa requête, et dont les noms lui avaient été communiqués par la commission le 18 novembre 2014. Il s'est par ailleurs exprimé sur les propos tenus par les membres de la commission visés par sa requête et s'étant déterminés à son sujet ; les déterminations de Mes G______, H______, F______ et J______ témoignaient d'un parti pris incompatible avec la garantie d'impartialité. Dès lors qu'ils s'étaient livrés à des attaques personnelles en dénigrant ses propos et en concluant à l'abus ou à la fantaisie de son argumentation, leur récusation s'imposait également.

17) Par décision du 26 février 2015, la commission a rejeté la demande de récusation visant ses membres avocats, ceux ayant participé à la précédente procédure de récusation ainsi que Mes G______, H______, F______ et J______ sur la base de leur détermination précitée.

Le législateur cantonal avait expressément prévu la présence d'avocats au sein de l'autorité de surveillance, le processus d'élection des membres étant du reste fixé par la loi. Il ne ressortait pas du tout de l'ATA/58/2014 que la chambre administrative avait retenu une partialité de la part des membres avocats en raison de leur appartenance professionnelle.

Selon la jurisprudence, le juge qui voyait sa décision annulée par l'instance supérieure et devait statuer à nouveau n'en était pas pour autant récusable ; il s'ensuivait que les membres de la commission ayant pris part à la précédente procédure n'avaient pas à se récuser.

Enfin, aucune des déterminations présentées par les membres de la commission ne permettait de retenir une apparence de prévention.

18) Par acte posté le 16 mars 2015, Me A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant à l'admission de la requête en récusation de Mes G______, H______, F______ et J______, des membres de la commission ayant rendu la décision du 18 février 2013 et de ceux ayant participé à la procédure ayant conduit à l'ATA/58/2014 ; et à ce qu'il soit dit et constaté que les membres avocats de la commission ne pouvaient siéger au sein de celle-ci.

Son argumentation sera reprise en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

19) Le 31 mars 2015, la commission s'est référée à sa décision du 26 février 2015, précisant qu'elle n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

20) Le 2 avril 2015, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant invoque des motifs de récusation de trois ordres, qui se recoupent pour certains membres de la commission. Il se plaint ainsi de ce que des avocats siègent en tant que membres de la commission, et demande leur récusation. De plus, les membres de la commission ayant participé à la précédente procédure de récusation auraient commis des violations graves de leurs devoirs de magistrats, ce qui induirait à leur égard une suspicion de partialité et justifierait également leur récusation. Enfin, les déterminations de Mes G______, H______, F______ et J______ démontreraient un parti pris incompatible avec les exigences d'indépendance et d'impartialité.

3) a. Il y a lieu de se pencher sur chacun de ces trois griefs en examinant préalablement si la demande de récusation du recourant est tardive, étant précisé qu’il s’agit d’une question de droit que la chambre de céans examine d’office (art. 61 al. 1 let. a LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_316/2012 du 17 octobre 2012 consid. 6.1).

b. Conformément à l’art. 34 LLCA et à l’art. 49 LPAv, les questions liées à la récusation autres que celles concernant les motifs de récusation (art. 18 LPAv) sont régies par les art. 15 et 15A LPA. En particulier, ces deux dispositions, dont le contenu est similaire à l’art. 49 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), indiquent que la demande de récusation doit être présentée sans délai à l’autorité respectivement la juridiction compétente (art. 15 al. 3 et art. 15A al. 4 LPA).

c. Selon un principe général, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement. Il est, en effet, contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 138 I 1 consid. 2.2 ; 136 III 605 consid. 3.2.2). Sauf circonstances particulières, il s’agit d’un délai de quelques jours (Denis TAPPY, in Code de procédure civile commenté, 2011, ad art. 49 n. 12). Le moment de la connaissance du motif de récusation peut se décomposer en deux temps : il faut en effet, d'une part, connaître l'identité de la personne récusable et savoir qu'elle sera appelée à participer à la procédure et, d'autre part, connaître l'origine du possible biais (ATA/535/2012 du 21 août 2012 consid. 4c).

4) La récusation est une question procédurale et relève, en vertu de l’art. 34 LLCA, du droit cantonal. Selon l’art. 18 LPAv, entré en vigueur le 1er janvier 2011, les cas de récusation des membres de la commission sont les mêmes que ceux prévus par le CPC pour la récusation des juges. La commission statue sur les demandes de récusation.

Vu la disposition spécifique de l’art. 18 LPAv, les causes de récusation prévues aux art. 15 et 15A LPA ne sont pas applicables in casu (art. 49 LPAv), étant toutefois précisé que ces dispositions cantonales sont calquées sur les art. 47 ss CPC (ATA/578/2013 du 3 septembre 2013 consid. 7c, avec référence au MGC 2008-2009/VIII A 10995), et que ces derniers, tout comme les art. 56 ss du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), avec lesquels ils sont harmonisés, sont calqués à l'exception de quelques points mineurs sur les art. 34 ss LTF, si bien que la doctrine et la jurisprudence rendues à leur sujet valent donc en principe de manière analogique (arrêt du Tribunal fédéral 2B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841, 6887 ad art. 45 [devenu l'art. 47 CPC] ; Message du Conseil fédéral sur l'unification de la procédure pénale, FF 2005 1125 s.).

Les cas de récusation prévus figurent à l’art. 47 CPC sous l’intitulé « Motifs de récusation ». Sous réserve des exceptions de son alinéa 2, non pertinentes en l’espèce, cette disposition fédérale dispose à son premier alinéa que les magistrats et les fonctionnaires judiciaires se récusent dans les cas suivants : a. ils ont un intérêt personnel dans la cause ; b. ils ont agi dans la même cause à un autre titre, notamment comme membre d'une autorité, comme conseil juridique d'une partie, comme expert, comme témoin ou comme médiateur ; c. ils sont conjoints, ex-conjoints, partenaires enregistrés ou ex-partenaires enregistrés d'une partie, de son représentant ou d'une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l'autorité précédente ou mènent de fait une vie de couple avec l'une de ces personnes ; d. ils sont parents ou alliés en ligne directe, ou jusqu'au troisième degré en ligne collatérale d'une partie ; e. ils sont parents ou alliés en ligne directe ou au deuxième degré en ligne collatérale d'un représentant d'une partie ou d'une personne qui a agi dans la même cause comme membre de l'autorité précédente ; f. ils pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant.

L’art. 47 al. 1 let. f CPC est une clause générale applicable lorsque l’attitude particulière du juge est de nature à créer une apparence de partialité d’un point de vue objectif. Les motifs de récusation de l’art. 47 al. 1 CPC sont conformes à ceux de l’art. 34 al. 1 LTF et de l’art. 56 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.2).

5) De manière générale, la problématique de la récusation s’examine à la lumière du droit à un procès équitable (ATF 139 I 121 consid. 4.1 et 5.1 ; 139 III 433 consid. 2.1.2 ; 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 131 I 113 consid. 3.4 ; 131 I 24 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_286/2013 du 12 juin 2013 consid. 2). Ce droit est consacré à l’art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et à l’art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Ces deux dispositions s’appliquent uniquement en procédure judiciaire, c’est-à-dire devant une instance juridictionnelle.

En procédure administrative, l’art. 29 al. 1 Cst., également applicable à la procédure judiciaire, prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. D’après la jurisprudence du Tribunal fédéral, la garantie de l’indépendance et de l’impartialité du juge consacrée à l’art. 30 al. 1 Cst. a une portée équivalente dans le cadre de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 127 I 196 consid. 2b ; 125 I 119 consid. 3b sous l’angle de l’ancienne Cst. ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_831/2011 du 30 décembre 2011 consid. 3.1 ; 2C_187/2011 du 28 juillet 2011 consid. 3.1 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, Vol. II, 3ème éd., 2011, p. 270 s ; Gerold STEINMANN, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 3ème éd., 2014, n. 16 ss ad art. 29 Cst.).

Ainsi, les critères déterminant l’apparence de prévention pour les membres des tribunaux doivent être, à première vue, appliqués de la même façon lorsqu’une demande de récusation est dirigée contre un membre d’une autorité autre qu’un tribunal. Cette approche ne pose en principe pas de problème lorsque l’autorité est composée et organisée selon des règles propres à assurer a priori l’impartialité de ses membres, telles que des commissions de surveillance externes à l’administration. Elle doit être nuancée dans certains cas, notamment lorsque la récusation porte sur des membres des autorités supérieures du pouvoir exécutif (ATF 125 I 119 consid. 3b à 3f ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/2011 du 30 décembre 2011 consid. 3.1 et 3.2).

6) Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la garantie procédurale d’indépendance et d’impartialité résultant des art. 29 al. 1 Cst., 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH (lorsque cette dernière garantie est applicable), permet notamment d'exiger la récusation des membres d'une autorité administrative dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité ; elle tend à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s'imposer même si une prévention effective du membre de l'autorité visée n'est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération ; les impressions purement individuelles d'une des personnes impliquées ne sont pas décisives (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 131 I 24 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/2011 précité consid. 3.1). Dès qu’il existe une apparence objective de prévention, peu importe que le juge concerné se sente lui-même apte à se prononcer en toute impartialité, la récusation est admise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_755/2008 du 7 janvier 2009 consid. 3.2). En d’autres termes, il faut que l’on puisse garantir que le procès demeure ouvert (ATF 139 I 121 consid. 5.1 ; 133 I 1 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_755/2008 précité consid. 3.2).

Le Tribunal fédéral a examiné, sur la base de la jurisprudence susmentionnée, et indépendamment de l’art. 47 CPC, la question de l’indépendance et de l’impartialité des avocats exerçant les fonctions de juge ou d’arbitre. Selon le Tribunal fédéral, l’avocat qui exerce les fonctions de juge apparaît objectivement partial non seulement lorsque, dans le cadre d’une autre procédure, il représente ou a représenté l’une des parties à la procédure dans laquelle il siège, mais également lorsqu’il représente ou a représenté récemment la partie adverse de cette partie (ATF 139 III 433 consid. 2.1.4 ; 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 138 I 406 consid. 5.3 et 5.4 ; 135 I 14 consid. 4.1 à 4.3 ; 116 Ia 485 consid. 3b). Dans ces cas, l’apparence de prévention doit être admise, et ce indépendamment de l’existence d’autres circonstances concrètes (ATF 139 III 433 consid. 2.1.4 ; 138 I 406 consid. 5.4.1). Il en va de même lorsque lesdits rapports de représentation ne concernent pas l’avocat exerçant les fonctions de juge, mais un autre avocat de son étude (ATF 139 III 433 consid. 2.1.4 ; 138 I 406 consid. 5.3).

7) La commission est l’autorité chargée de la surveillance des avocats qui pratiquent la représentation en justice dans le canton de Genève (art. 14 LLCA ; art. 14 LPAv). Elle est composée, conformément à l’art. 15 al. 1 LPAv, de neuf membres, soit trois membres nommés par les avocats inscrits au registre cantonal (let. a), trois membres nommés par le Grand Conseil (let. b) et trois membres nommés par le Conseil d’État (let. c). Deux des membres mentionnés aux lettres b et c sont choisis parmi les magistrats de carrière du pouvoir judiciaire et deux au moins des autres membres sont choisis en dehors de la profession d’avocat (art. 15 al. 2 LPAv). Ces membres sont désignés tous les quatre ans (art. 16 al. 1 LPAv), en même temps que la désignation d’un nombre égal de suppléants, choisis selon les mêmes règles que les titulaires (art. 16 al. 2 LPAv). La commission siège à huis clos et délibère valablement lorsque cinq au moins de ses membres sont présents (art. 17 al. 2 LPAv). En cas d’empêchement, de demande de récusation ou de récusation admise, les membres de la commission sont remplacés par un suppléant (art. 19 LPAv).

L’art. 14 LLCA n’exige pas que l’autorité cantonale de surveillance des avocats soit une autorité judiciaire (François BOHNET/Vincent MARTENET, Droit de la profession d’avocat, 2009, p. 801 n. 1963 ; Nicolas WISARD, Les autorités administratives indépendantes cantonales, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL [éd.], Les autorités administratives indépendantes, p. 118 ; Alain BAUER/Philippe BAUER in Commentaire romand, Loi sur les avocats - Commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, 2010, ad art. 14 n. 1 ss). D’après la doctrine, la commission est une autorité administrative (François BOHNET/Vincent MARTENET, op. cit., p. 805 n. 1971 ; Nicolas WISARD, op. cit., p. 118 s). Au regard de l’art. 29 al. 1 Cst. et de la jurisprudence fédérale susmentionnée, les membres de la commission sont donc soumis aux garanties procédurales du droit à un traitement équitable, soit en particulier le droit d’exiger la récusation des membres lorsqu’il existe une apparence de prévention à leur égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_187/2011 précité consid. 3.1 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 270 ss ; Gerold STEINMANN, op. cit., ad art. 29 n. 16 ss ; François BOHNET/Vincent MARTENET, op. cit., p. 843 n. 2069 ; Alain BAUER/Philippe BAUER, op. cit., ad art. 14 n. 13 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1514 ss). La question de la nature juridictionnelle de la commission peut donc rester ouverte, quand bien même la jurisprudence fédérale, qui n'a encore pas tranché la question s'agissant du canton de Genève, semble aller dans le même sens que la doctrine sur ce point (arrêts du Tribunal fédéral 2C_794/2011 du 22 décembre 2011 consid. 3.1 ; 2C_187/2011 précité consid. 3.1 non publié aux ATF 137 II 425).

8) S'agissant de la récusation des membres avocats de la commission, le moment de la prise de connaissance de l'identité de la personne récusable et celui de la découverte du possible biais coïncident, dès lors que c'est dès l'ouverture de la procédure, ou au plus tard dès la connaissance de la nomination de Me D______ en tant que rapporteur, que le recourant pouvait prendre connaissance de la composition de la commission (dont les membres sont notamment recensés sur le site http://ge.ch/justice/commission-du-barreau) et se rendre compte que plusieurs de ses membres étaient avocats, si tant est que l'on puisse admettre qu'il ne le sût auparavant, ayant déjà été appelé en principe à plusieurs reprises à élire les trois membres de la commission nommés par les avocats, en application de l'art. 15 al. 1 let. a LPAv, et ayant en outre fait l'objet d'au moins une procédure disciplinaire par le passé (cf. ATA/97/2007 du 6 mars 2007).

Or même à l'occasion de sa demande de récusation de Me D______ (comme du reste dans son recours à la chambre de céans du 15 avril 2013), il n'a pas fait valoir la simple qualité d'avocat de ce dernier pour demander sa récusation, mais uniquement le fait que tous deux soient adversaires dans une procédure civile en cours.

La demande de récusation est donc manifestement tardive en tant qu'elle conclut au déport des membres avocats de la commission.

9) a. Il en va de même pour le grief de partialité des membres de la commission ayant participé à la décision du 18 février 2013. En effet, le grief de partialité de membres d'une autorité pouvant constituer un motif de recours à l'autorité supérieure s'il ne peut être décelé plus tôt (ATA/229/2015 du 3 mars 2015 consid. 9 ; ATA/6/2015 du 6 janvier 2015 consid. 7c ; ATA/381/2013 du 18 juin 2013 consid. 1 et 3), le recourant aurait dû s'en prévaloir lors de son premier recours auprès de la chambre administrative, et l'on ne comprend pas pourquoi il a attendu le 9 juillet 2014 pour l'invoquer.

b. La demande est enfin également tardive, pour les mêmes motifs, en ce qui concerne les membres de la commission ayant pris position dans le cadre de la procédure devant la chambre administrative ayant conduit à l'ATA/58/2014, en particulier le signataire de la prise de position du 23 mai 2013. En ce qui concerne ce dernier (à savoir Me E______), il ne siège plus au sein de la commission, si bien que la demande est en outre sans objet. Aucun autre membre titulaire ou suppléant de la commission n'est du reste identifié dans le dossier, et le recourant ne donne pas davantage de précision sur la ou les personnes dont il entend demander la récusation. Le grief apparaît donc largement comme sans objet, et donc irrecevable à un double titre.

c. Il s'ensuit que la demande est irrecevable en ce qu'elle concerne les membres de la commission ayant participé à la précédente procédure de récusation.

10) a. La demande de récusation des membres titulaires et suppléants de la commission s'étant déterminés dans le cadre de la présente procédure doit en revanche être tenue pour recevable, dès lors que le recourant a saisi la première occasion utile - son écriture du 26 novembre 2014, qui faisait immédiatement suite aux prises de position litigieuses, aucun acte d'instruction n'ayant été entrepris entretemps - pour s'en plaindre.

b. Sur le fond, on ne décèle toutefois rien dans ces déterminations qui dénote un parti pris à l'encontre du recourant. Le fait de qualifier négativement son interprétation de l'ATA/58/2014 - quels que soient les mots utilisés, certes parfois emphatiques mais nullement constitutifs d'une attaque ou d'une insulte personnelle - ne saurait équivaloir à une manifestation incompatible avec la garantie d'impartialité. Les prises de position en cause concernaient du reste toutes la demande de récusation déposée, sur laquelle les membres s'étant exprimés ne devaient pas statuer, et non le fond du litige, qu'aucun des membres mis en cause n'a abordé.

c. Le grief sera dès lors écarté, aucun motif de récusation au sens des art. 18 LPAv et 47 CPC n'étant donné.

11) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

12. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 mars 2015 par Monsieur A______ contre la décision de la commission du barreau du 26 février 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin, Dumartheray et Pagan, juges, Mme Steiner Schmid, juge suppléante.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :