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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3509/2020

ATA/1017/2022 du 11.10.2022 sur ATA/424/2021 ( LIPAD ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 14.11.2022, rendu le 16.11.2023, PARTIELMNT ADMIS, 1C_597/2022, 1C_336/2021, 1C_590/2022
Recours TF déposé le 14.11.2022, rendu le 16.11.2023, REJETE, 1C_336/2021, 1C_590/2022, 1C_597/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3509/2020-LIPAD ATA/1017/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ÉTAT DE GENÈVE


EN FAIT

1) Le 6 mai 2020, Monsieur A______, rédacteur en chef adjoint au quotidien « B______ », a adressé par courriel une liste de questions au service de presse de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : la CPEG ou la caisse). Il faisait suite à un communiqué de presse publié par les partis dit de l'Entente (PDC, renommé Le Centre - PLR), lequel faisait grief au comité de la CPEG d'avoir adopté deux décisions, sans les expliquer aux citoyens genevois, à savoir le changement de base du calcul actuariel et l'abaissement du taux technique à 1.75 %. Ces deux décisions auraient impliqué un coût supplémentaire de CHF 2'000'000'000.- pour l’État de Genève.

Il souhaitait savoir à quelle date ces décisions avaient été prises, quelles en avaient été les motivations, si le comité regrettait celles-ci au vu des conséquences financières sur l’ensemble de la population et pour quel motif le comité avait décidé du changement de table de mortalité, alors que la loi ne l’y obligeait pas et que cette option n’avait jamais été présentée au Conseil d’État.

Afin de comprendre les termes selon lesquels le comité avait voté ces deux décisions, M. A______ demandait à avoir accès au procès-verbal de la séance durant laquelle elles avaient été prises.

2) Le 7 mai 2020, la présidence du comité de la CPEG a répondu aux questions posées par M. A______, mais a refusé de donner l'accès au procès-verbal de la séance, au motif que les séances et les délibérations du comité étaient confidentielles et protégées par le secret de fonction.

3) Le 11 mai 2020, M. A______ a requis la mise en œuvre d'une médiation par le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé ou la préposée adjointe) au vu du refus de la CPEG de transmettre le procès-verbal. Cette demande a été transmise le 18 mai 2020 au responsable LIPAD de la CPEG.

4) Le 7 juin 2020, la direction de la CPEG a adressé un courrier à la préposée adjointe exposant qu'en tant qu'institution de prévoyance, elle n'était pas soumise à la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08). Elle n'était pas opposée à la tenue d'une séance de médiation, mais sa participation ne pouvait être interprétée comme une reconnaissance de son assujettissement à la LIPAD.

5) La séance de médiation qui s’est tenue le 13 août 2020 n'a pas abouti.

6) Le 17 août 2020, le préposé a demandé à la CPEG à pouvoir consulter le document sollicité par M. A______, ce à quoi elle s’est opposée le 21 août 2020.

7) Dans sa recommandation du 31 août 2020, le préposé a constaté qu'il n'était pas en mesure de déterminer le caractère public ou non du document sollicité en raison du refus de la CPEG de lui en accorder l'accès, alors qu’au terme de son analyse, la CPEG était assujettie à la LIPAD.

8) Par courrier du 18 septembre 2020, M. A______ a mis la CPEG en demeure de rendre une décision suite à la recommandation du préposé du 31 août 2020.

9) Le 29 septembre 2020, la CPEG a adressé un courrier à M. A______ l'informant qu'elle ne pouvait pas donner une suite favorable à sa demande de transmission des procès-verbaux.

Même à considérer qu’elle entrait dans le champ d'application de la LIPAD, ce qu’elle contestait, elle devrait se prévaloir de l’art. 26 al. 4 LIPAD qui réservait le droit fédéral comme faisant obstacle au droit d'accès. Or, précisément, l'art. 86 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40) prévoyait une telle obligation de garder le secret vis-à-vis des tiers.

Le procès-verbal litigieux et les indications qu’il contenait étaient manifestement couverts par ce secret, opposable tant au préposé qu'au journal « B______ ».

10) Par acte du 30 octobre 2020, M. A______ a interjeté recours contre ce refus d'accès par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant préalablement à ce qu'il soit ordonné à la CPEG de produire le procès-verbal litigieux et, principalement, à l'annulation de la décision du 29 septembre 2020 et à ce qu'il soit ordonné à la CPEG de déférer à sa demande d'accès au procès-verbal de la séance durant laquelle « les décisions de baisser le taux technique applicable et de changer de table de mortalité [avaient] été prises ».

L'art. 86 LPP invoqué par la CPEG ne trouvait pas à s'appliquer dès lors que le procès-verbal sollicité ne contenait, de par sa nature, aucune donnée personnelle. Elle ne prétendait d'ailleurs aucunement le contraire.

Ainsi seul l'art. 86a al. 5 LPP était susceptible de trouver application. Or, il permettait la communication de données lorsqu'un intérêt prépondérant le justifiait, ce qui était clairement le cas en l'espèce.

11) Le 5 janvier 2021, la CPEG a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet.

La CPEG n'accomplissait pas une tâche publique au sens de la LIPAD.

Le recours, pour autant que recevable, ne pourrait être examiné qu'au regard de l'art. 86a al. 5 LPP, s'agissant d'une demande d'accès à des données non personnelles, ce que recourant et intimée s'accordaient à considérer. Face à l'intérêt au secret de l'art. 86 LPP, le recourant faisait valoir l'intérêt du public à être tenu informé des motifs ayant guidé les décisions du comité de la CPEG d'abaisser son taux technique et d'adapter ses bases techniques. Ces motifs avaient été communiqués par la caisse de manière détaillée et exhaustive. Elle avait dès lors répondu à sa demande.

Subsidiairement, un document soumis à l'obligation de confidentialité prévue à l’art. 86 LPP constituait une restriction à l'accès aux documents au sens de
l'art. 26 al. 4 LIPAD.

12) Dans sa réplique du 8 février 2021, le recourant a notamment relevé que la force dérogatoire du droit fédéral n'avait pas de rôle à jouer, la CPEG étant soumise à la LIPAD, en tant qu'établissement de droit public, et non en tant que caisse de prévoyance.

Sa requête d'accès ne portait pas sur les données des assurés mais visait à avoir accès à des documents et pièces consacrés à la gestion d'un établissement public autonome.

13) Par arrêt du 20 avril 2021 (ATA/424/2021), la chambre administrative a rejeté le recours.

La CPEG était un établissement de droit public du canton de Genève et, partant, entrait dans le champ d'application de la LIPAD.

Le droit fédéral applicable à l’activité du comité au sein de la CPEG ne prévoyait pas de communication de données, même non personnelles à des tiers, sauf exception impliquant un intérêt prépondérant. Or, aucun intérêt prépondérant au sens de l’art. 86a al. 5 LPP ne pouvait être mis en évidence. Il en découlait que l’hypothèse prévue à l’art. 26 al. 4 LIPAD dans laquelle le droit fédéral faisait obstacle à la communication des documents demandée était réalisée.

14) Par arrêt du 3 mars 2022 (1C_336/2021), le Tribunal fédéral a admis le recours interjeté par M. A______ et renvoyé la cause à la chambre administrative pour nouvelle décision.

Le droit fédéral ne faisait pas obstacle au droit d'accès aux documents au sens de l'art. 26 al. 4 LIPAD. L'art. 86 LPP ne pouvait dès lors constituer une exception de droit fédéral à l'accès au document demandé. L'arrêt attaqué apparaissait en contradiction avec le principe de transparence. La cour cantonale avait donc appliqué arbitrairement l'art. 26 al. 4 LIPAD, en jugeant que le droit fédéral faisait obstacle à la communication du document demandé.

La cause était renvoyée à la chambre administrative afin qu'elle examine, préalablement, si la séance dont le procès-verbal était demandé était publique, non publique ou à huis clos, au sens des art. 5 à 7 LIPAD. Le cas échéant, elle devait aussi déterminer si une autre exception au sens de l'art. 26 LIPAD était susceptible de s'appliquer à la demande d'accès au procès-verbal litigieux. Pour ce faire, il lui appartiendrait de demander l'accès au procès-verbal en question, conformément à l'art. 63 LIPAD. Si aucune autre exception au sens de l'art. 26 LIPAD ne devait trouver application, la chambre administrative devrait donner accès au procès-verbal en question, après avoir examiné si certaines de ses parties devaient éventuellement demeurer secrètes en application de l'art. 27 LIPAD, en particulier s'il devait contenir des données personnelles dont la révélation pourrait porter atteinte à la sphère privée.

15) Le 25 avril 2022, sur demande de la chambre administrative, la CPEG a transmis une copie du procès-verbal litigieux dans sa version intégrale. Ce dernier contenait des passages surlignés correspondant à ceux qu’elle souhaitait voir caviardés dans l’hypothèse où un droit d’accès serait accordé.

Elle considérait que la LIPAD ne s’appliquait pas au procès-verbal litigieux, dès lors que ce dernier ne constituait pas un document contenant des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique au sens de l’art. 25 al. 1 LIPAD. La CPEG ne gérait pas de l’argent public, mais le patrimoine nécessaire à la couverture des prestations offertes à ses assurés, dont les montants étaient définitivement acquis à ceux-ci, même si les employeurs publics avaient participé à leur financement. Elle gérait également la prévoyance d’employeurs de droit privé.

Même à admettre l’existence d’un document soumis à la LIPAD, les séances du comité ayant donné lieu au procès-verbal litigieux avaient eu lieu à huis clos, de sorte que le procès-verbal y relatif ne pouvait être transmis conformément à
l’art. 26 al. 2 let. l LIPAD. Cette possibilité de huis clos, prévue par la loi, ressortait du procès-verbal mais également du fait qu’il s’agissait d’une séance extraordinaire du comité, dans laquelle les membres de l’organe paritaire devaient pouvoir poser toutes les questions et s’exprimer librement sans craindre que leur avis se retrouve dans la presse. La volonté du législateur était de dépolitiser la gestion des institutions de prévoyance de droit public et de confier à l’organe paritaire uniquement la tâche d’assurer l’équilibre financier, de sorte que les échanges de points de vue devaient rester strictement confidentiels. Il fallait réserver à l’autorité collégiale un espace de délibération et de préparation en dehors de tout regard extérieur. La décision prise avait enfin fait l’objet d’une information adéquate et respectueuse des intérêts en jeu.

Le procès-verbal contenait par ailleurs des informations confidentielles, soit des discussions, opinions, et interrogations exprimées par les délégations des employeurs et des employés, ainsi que par leurs membres pris individuellement. Rendre publics les propos des membres du collège était de nature à rendre possible l’orchestration de « jeux de pouvoir » ou des pressions de la part des représentants des membres salariés sur ceux de la délégation patronale, voire entre les différents groupes de salariés ou tendances syndicales.

Si par impossible la transmission devait être autorisée, il convenait de le faire dans la version caviardée remise à la chambre administrative. Les délibérations, questions, votes et identité des membres du comité devaient demeurer secrets tant au regard de l’intérêt public prépondérant que de l’intérêt privé des membres du comité de la CPEG à la protection de leurs données personnelles.

16) a. Le 17 mai 2022, le recourant, faisant suite à une demande de la chambre de céans, a indiqué qu’il s’en rapportait à l’appréciation de cette dernière concernant la transmission du document litigieux au préposé dans une version caviardée, considérant à première vue qu’il n’existait aucune cause de caviardage, tout en regrettant l’attitude « dilatoire » de l’autorité intimée.

b. Le 30 mai 2022, la CPEG a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à la transmission du procès-verbal litigieux au préposé, dans une version toutefois caviardée pour les motifs qu’elle avait déjà exposés dans ses observations du 25 avril 2022.

17) Par courrier du 8 juin 2022, la CPEG a remis à la chambre administrative une version caviardée du procès-verbal litigieux afin qu’elle soit transmise au préposé.

18) Le 1er juillet 2022, le préposé a recommandé à la CPEG d’accorder l’accès au procès-verbal extraordinaire du comité du 28 octobre 2019, caviardé des données personnelles.

Le document querellé contenait des informations sur les conséquences financières de la recapitalisation de la CPEG, notamment sur la part à supporter financièrement par l’État, soit par des deniers publics. Il fallait considérer que l’ensemble de la communauté des contribuables genevois avait directement été touché par les décisions du comité prises le 28 octobre 2019. Les discussions sur la recapitalisation de la CPEG, qui avait également fait l’objet d’une votation le
19 mai 2019, relevaient en conséquence d’un intérêt public évident. Ce document contenait donc des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique au sens de l’art. 25 al. 1 LIPAD.

Ledit document remontait à près de trois ans et le comité de la CPEG n’avait plus la maîtrise du processus décisionnel. Ces deux éléments plaidaient en faveur de la publicité dudit procès-verbal dès lors qu’aucun processus décisionnel ne semblait entraver par sa remise. Les membres du comité avaient effectivement pu arrêter leur choix et les votes avaient été entérinés. Il ne s’agissait pas de décisions en préparation, ni de négociation en cours. Au surplus, le procès-verbal ne donnait aucune indication sur la position adoptée par l’un ou l’autre des membres du comité et ne faisait que donner le résultat du processus décisionnel, de manière objective. Dès lors, l’exception tirée de l’art. 26 al. 2 let. c LIPAD ne trouvait pas application.

L’accès à ce document n’était pas non plus susceptible de révéler des délibérations et votes intervenus à huis clos ou de compromettre les intérêts ayant justifié le huis clos d’une séance. Les interventions des membres du comité n’étaient pas rapportées nominativement, le document ayant été caviardé des données personnelles, de sorte que les délibérations et votes restaient secrets.

19) Le 10 août 2022, M. A______ a indiqué qu’il s’étonnait que le document remis à la chambre de céans puis au préposé soit déjà caviardé. Il devait au contraire être vierge de tout caviardage afin que l’autorité puisse utilement se prononcer sur les éventuelles suppressions demandées.

Le nom des intervenants ne constituait pas une donnée personnelle, mais au contraire une information utile à la compréhension et à l’information du public. Les principes posés au sujet des exécutifs n’étaient évidemment pas applicables au comité de la CPEG.

Il demandait dès lors que soit ordonné l’apport d’une version intégrale et non caviardée du document.

20) Le 30 août 2022, la CPEG a persisté dans ses précédentes déterminations, considérant que l’accès au procès-verbal ne devait pas être donné.

L’impact de l’accomplissement d’une tâche sur les finances de l’État n’était pas suffisant pour qualifier ladite tâche de publique au sens de la LIPAD. Si le patrimoine financier de l’État servait indirectement à remplir des tâches publiques et pouvait produire un revenu ou être réalisé, il n’en demeurait pas moins que sa gestion ne constituait pas une tâche publique

21) Le 31 août 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La recevabilité du recours a déjà été admise par arrêt de la chambre administrative du 20 avril 2021 (ATA/424/2021) et le présent arrêt fait suite à celui du Tribunal fédéral du 3 mars 2022 (1C_336/2021).

2) a. En application du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l’autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui ou l’ont été sans succès. La motivation de l’arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées).

b. En l’occurrence, la question de savoir si les dispositions de la LIPAD s’appliquent ou non à la CPEG ne sera pas rediscutée, dès lors que le Tribunal fédéral a définitivement tranché que cette dernière, en sa qualité d’établissement de droit public cantonal, y était soumise (1C_336/2021 précité consid. 2).

Le Tribunal fédéral a également définitivement jugé que le droit fédéral, et en particulier l’art. 86 LPP, ne constituait pas une exception de droit fédéral à l’accès au document sollicité, dès lors que ce dernier « ne contient à priori pas de données personnelles en lien avec des assurés et n’est ainsi pas couvert par l’obligation de garder le secret » (1C_336/2021précité consid. 3.4.3 et 3.5).

Ce dernier a en revanche renvoyé la cause à la chambre de céans afin qu'elle examine, préalablement, si la séance dont le procès-verbal est demandé était publique, non publique ou à huis clos, au sens des art. 5 à 7 LIPAD. Le cas échéant, elle devait aussi déterminer si une autre exception au sens de l'art. 26 LIPAD serait susceptible de s'appliquer à la demande d'accès au procès-verbal litigieux. Pour ce faire, il lui appartiendrait de demander l'accès au procès-verbal en question, conformément à l'art. 63 LIPAD, lequel prévoit que « la juridiction compétente a accès aux documents concernés par le recours, y compris les données personnelles constituant l'enjeu du recours, à charge pour elle de veiller à leur absolue confidentialité et de prendre, à l'égard tant des parties à la procédure que des tiers et du public, toutes mesures nécessaires au maintien de cette confidentialité aussi longtemps que l'accès à ces documents n'a pas été accordé par un jugement définitif et exécutoire ». Si aucune autre exception au sens de l'art. 26 LIPAD ne devait trouver application, la cour cantonale devrait alors donner accès au document en question, après avoir examiné si certaines parties de ce procès-verbal doivent éventuellement demeurer secrètes en application de l'art. 27 LIPAD (en particulier s'il devait contenir des données personnelles dont la révélation pourrait porter atteinte à la sphère privée ; arrêt 1C_336/2021 précité consid. 4).

3) Dans un premier grief, le recourant demande à ce qu’il soit ordonné à l’autorité intimée de produire le document litigieux de manière intégrale et non caviardée afin que « l’autorité puisse utilement se prononcer sur les éventuelles suppressions demandées ».

a. Selon l’art. 63 LIPAD, la juridiction compétente a accès aux documents concernés par le recours, y compris les données personnelles constituant l’enjeu du recours, à charge pour elle de veiller à leur absolue confidentialité et de prendre, à l’égard tant des parties à la procédure que des tiers et du public, toutes mesures nécessaires au maintien de cette confidentialité aussi longtemps que l’accès à ces documents n’a pas été accordé par un jugement définitif et exécutoire.

b. Le Tribunal administratif, dont les compétences ont été reprises par la chambre de céans, a déjà eu l’occasion de relever à propos de l'art. 37 al. 4 aLIPAD dont la teneur était très similaire à celle de l’actuellement 63 LIPAD , que cette disposition donnait pour mission au juge de déterminer, en cas de litige, si les documents dont la consultation était demandée au titre de la LIPAD étaient consultables. Si le juge ne pouvait prendre connaissance des documents litigieux dans le cadre de la procédure, il ne pourrait juger le cas qui lui était soumis, soit qualifier les documents en question et déterminer si des intérêts publics ou privés s'opposaient, cas échéant, à leur consultation (ATA/383/2010 du 8 juin 2010 consid. 7).

c. En l’occurrence, l’autorité intimée a transmis à la chambre de céans, le
25 avril 2022, la version intégrale et non-caviardée du procès-verbal litigieux du
28 octobre 2019. Dès lors, conformément à l’art. 63 LIPAD, la chambre de céans a obtenu un accès complet au document litigieux, lui permettant ainsi de se prononcer en toute connaissance de cause.

Le 8 juin 2022, la CPEG a ensuite remis une seconde version de cette pièce, caviardée par ses soins. C’est cette seconde version qui a été transmise au préposé. Le recourant, interrogé sur ce point, a notamment indiqué, le 17 mai 2022, qu’il s’en rapportait à l’appréciation de la chambre administrative quant à l’utilité de transmettre ladite pièce dans une version caviardée.

Ce grief sera dès lors écarté.

4) a. La LIPAD régit l’information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique, ainsi que d’autre part, protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (art. 1 al. 2 let. a et b LIPAD).

b. Cette législation comporte deux volets. Le premier concerne l’information du public et l’accès aux documents ; il est réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD). Le second porte sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD). Le présent contentieux ne touche que le premier de ces deux volets.

5) a. La LIPAD s’applique notamment, sous réserve de l’art. 3 al. 3, non pertinent en l’espèce, et de l’art. 3 al. 5 LIPAD, aux institutions publiques visées à l’art. 3
al. 1 LIPAD et aux entités mentionnées à l’art. 3 al. 2 LIPAD. Sont notamment concernées les institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. c LIPAD).

b. Selon l’art. 5 al. 1 LIPAD, les séances des institutions sont publiques, dans la mesure prévue par la loi, à défaut, elles sont non publiques et c’est la loi qui indique les cas dans lesquels le huis-clos est applicable.

Le caractère non public d’une séance ne restreint pas le devoir d’information et le droit d’accès aux documents prévus par la LIPAD (art. 6 al. 2 LIPAD).

C’est seulement lorsque les séances d’une institution ont lieu à huis clos que les délibérations et votes doivent rester secrets (art. 7 al. 1 LIPAD), mais même dans ce dernier cas, dans la mesure où un intérêt public ou privé prépondérant le justifie, les décisions prises à huis clos font l’objet d’une information adéquate, respectueuse des intérêts justifiant le huis clos (art. 7 al. 3 LIPAD).

c. Selon l’art. 17 LIPAD, les séances des instances exécutives et des directions des établissements et des corporations de droit public cantonaux ou communaux ne sont pas publiques (al. 1). Les séances des services administratifs et des commissions dépendant des établissements et corporations de droit public cantonaux ou communaux ne sont pas publiques (al. 2). L’instance exécutive ou la direction de l’institution considérée peut toutefois ordonner de cas en cas qu’elles aient lieu à huis clos lorsqu’un intérêt prépondérant le justifie. Elle doit communiquer sa décision pour information au préposé cantonal (al. 3). Les séances des instances délibératives de ces institutions qui sont comparables à des assemblées générales ou des assemblées des délégués sont publiques. Celles-ci sont habilitées à restreindre ou supprimer la publicité de leurs séances en raison d’un intérêt prépondérant (al. 4).

d. En l’occurrence, l’objet du litige concerne une demande d'accès au
procès-verbal d'une séance extraordinaire du comité de la CPEG qui s’est tenue le 28 octobre 2019. Les dispositions de la loi instituant la Caisse de prévoyance de l’État de Genève du 14 septembre 2012 (LCPEG - B 5 22) et du règlement général de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève du 13 mars 2013 (RCPEG - B 5 22.01) ne traitent pas spécifiquement des modalités de la tenue de telles séances.

Ainsi, à teneur des art. 5 al. 1, 6 al. 2 et 17 al. 1 LIPAD, les séances du comité ne sont pas publiques, sans être à huis clos, ce qui a pour conséquence que les procès-verbaux de ce type de séances sont en principe accessibles.

Contrairement à ce qu’affirme la CPEG, il ne ressort nullement du procès-verbal litigieux que le huis-clos aurait été ordonné. Le fait que la séance du comité en question soit « extraordinaire » et non « ordinaire » ne démontre en particulier pas que le huis-clos aurait été prévu, mais seulement qu’une affaire extraordinaire devait être traitée. Même à admettre la position de l’autorité intimée, selon laquelle la volonté du législateur de « dépolitiser la gestion des institutions de prévoyance de droit public » et de confier à son comité la tâche « d’assurer l’équilibre financier » desdites institutions impliquerait la stricte confidentialité des échanges de points de vue personnels et d’avis provisoires y relatifs, cela ne prouverait pas encore l’existence d’un huis clos. La mention « personnel et confidentiel » sur le procès-verbal en question n’y change rien non plus.

Conformément à l’art. 17 al. 3 LIPAD, le comité de la CPEG aurait d’ailleurs dû informer le préposé de sa décision d’ordonner le huis clos si tel avait été son souhait, étant encore relevé qu’elle aurait dû, dans un tel cas, établir qu’un intérêt prépondérant le justifiait. L’argumentation selon laquelle elle ne s’estimait pas soumise à la LIPAD ne saurait en particulier constituer une motivation suffisante pour s’affranchir du respect de cette disposition.

Compte tenu de ce qui précède, il doit être retenu que la séance ayant donné lieu au procès-verbal litigieux était non publique, mais non à huis clos.

6) Se pose en second lieu la question de savoir si le procès-verbal dont la remise est requise répond à la définition de document contenant des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une « tâche publique » au sens de l’art. 25 al. 1 LIPAD, ce que conteste la CPEG.

a. L'art. 24 LIPAD prévoit que toute personne, physique ou morale, a accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la LIPAD (al. 1). L'accès comprend la consultation sur place des documents et l'obtention de copies des documents (al. 2).

Selon l'art. 25 LIPAD, les documents au sens de cette loi sont tous les supports d'information détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique (al. 1). Constituent notamment des documents les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions
(al. 2). Pour les informations qui n'existent que sous forme électronique, l'impression qui peut en être obtenue sur support papier par un traitement informatique est un document (al. 3). En revanche, les notes à usage personnel, les brouillons ou autres textes inachevés ainsi que les procès-verbaux encore non approuvés ne constituent pas des documents (al. 4).

Le document doit avoir un contenu informationnel, c'est-à-dire contenir un élément de connaissance ou un renseignement, quelle qu'en soit la nature, à condition toutefois qu'il concerne l'accomplissement d'une tâche publique, à savoir une activité étatique ou paraétatique (art. 1 LIPAD ; MGC 2000 45/VIII 7693 ; ATA/949/2019 du 28 mai 2019 consid. 2d ; ATA/1003/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5a).

b. L’exposé des motifs relatif au projet de LIPAD relève qu’entrent par exemple dans la catégorie des établissements les Hôpitaux universitaires de Genève, les Transports publics genevois, les Services industriels de Genève et l'Aéroport international de Genève, alors que la Caisse de prévoyance du personnel enseignant de l’instruction publique et des fonctionnaires de l’administration du canton de Genève (ci-après : CIA) – remplacée le 1er janvier 2014 par la CPEG née de la fusion entre la CIA et la Caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH) et les autres caisses de retraite publiques représentent des corporations de droit public. Si de bons motifs peuvent justifier une autonomisation de services chargés de tâches publiques par le recours à des formes d'administration décentralisée, il ne se justifie en revanche pas que ces entités échappent de ce fait à l'exigence de transparence. Tant les activités étatiques que paraétatiques doivent en effet échapper au secret, sur le plan du principe, en tant qu'elles servent à l'accomplissement de tâches publiques financées au moyen des deniers publics (MGC 2000 45/VIII).

c. La jurisprudence distingue le patrimoine administratif et le patrimoine financier de l’État, précisant que lorsqu’il gère ce dernier, il agit comme un particulier et n’accomplit pas une tâche publique (arrêts du Tribunal fédéral 4A_250/2015 21 juillet 2015 consid. 4.1 ; 1C_379/2014 du 29 janvier 2015
consid. 5.3).

Relèvent du patrimoine administratif de l'État toutes les choses publiques servant directement, c'est-à-dire par leur utilisation en tant que telle, à remplir une tâche publique (ATF 143 I 37 consid. 6.1 ; 138 I 274 consid. 2.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_719/2016 du 24 août 2017 consid. 3.3.1 ; 1C_379/2014 précité consid. 5.3). La gestion du patrimoine administratif a pour but la réalisation de tâches publiques (ATA/163/2021 du 9 février 2021 consid. 2f ; ATA/1404/2017 du 17 octobre 2017 consid. 3b ; ATA/495/2014 du 24 juin 2014 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_379/2014 précité). Appartiennent en revanche au patrimoine financier de l'État les biens qui ne servent qu'indirectement, soit grâce à leur valeur en capital et à leur rendement, à remplir des tâches publiques et pouvant, à ce titre, produire un revenu, voire être réalisés (ATA/163/2021 précité consid. 2f).

d. Dans une affaire dans laquelle les informations demandées découlaient directement du prononcé par une commune d’un licenciement en violation du droit, la chambre de céans a considéré que dès lors qu’elles se rapportaient à l’accomplissement d’une tâche étatique, il existait en principe un droit d’accès, conformément au principe de la transparence, sous réserve d’exceptions. La gestion du personnel constituait effectivement une tâche étatique importante, la commune accomplissant ses activités publiques par le biais de ses employés, qui y participaient conformément à leur cahier des charges. Par ailleurs, la gestion du personnel était directement liée à la gestion du patrimoine administratif de la commune, les charges de personnel constituant du reste l’un des postes les plus importants parmi les charges de fonctionnement de l’autorité. Ainsi, les coûts liés à un licenciement contraire au droit, générés par une violation du droit par l’institution publique dans la gestion de ses relations avec un employé et prélevés sur les ressources de la commune, étaient directement liés à l’activité publique de cette dernière (ATA/758/2015 du 28 juillet 2015 consid. 11).

e. Dans le cadre d’une réflexion portant sur la question de savoir si les institutions de prévoyance de droit public remplissaient la définition d’organismes de droit public soumis aux marchés publics, un auteur a considéré qu’elles n’accomplissent pas des tâches publiques cantonales ou cantonales
(Jacques-André SCHNEIDER, La gestion indépendante de l’institution de prévoyance de droit public [IPDP], 2021, in RSAS 2021, p. 336).

Selon ce même auteur, la gestion d’une institution de prévoyance de droit public et l’administration de sa fortune de prévoyance ne relèvent ni des deniers, ni du patrimoine public, ce dernier étant doté d’un bilan et d’un compte d’exploitation propres servant exclusivement à la réalisation du but de prévoyance en faveur de ses assurés (art. 65-71, 72a-72f LPP ; Jacques-André SCHNEIDER, op. cit.,
p. 336).

7) L’État de Genève, en sa qualité d’employeur, est soumis à la LPP et a l’obligation d’assurer ses employés, comme les employeurs privés (art. 11
al. 1 LPP ; art. 5 LCPEG). Dans ce but, le législateur genevois a créé la CPEG et défini son organisation (art. 1 LCPEG).

Selon l’art. 4 LCPEG, la CPEG a pour but d'assurer le personnel de l'État de Genève ainsi que des autres employeurs affiliés contre les conséquences économiques de la retraite, de l'invalidité et du décès (al. 1). La CPEG peut assumer la gestion d'institutions de prévoyance de droit public, moyennant un contrat et un tarif approuvés par le Conseil d'État (al. 2).

À teneur de l’art. 5, elle participe à l'assurance obligatoire prévue par la LPP (al. 1). Elle fournit des prestations conformément à la présente loi et à ses règlements, mais au moins les prestations prévues par la LPP (al. 2).

L'État de Genève garantit la couverture des prestations suivantes :
a) prestations de vieillesse, de risque et de sortie ; b) prestations de sortie dues à l'effectif des membres salariés sortant en cas de liquidation partielle ; c) découverts techniques affectant l'effectif des membres salariés et pensionnés restant en cas de liquidation partielle (art. 9 al. 1 LCPEG). La garantie s'étend à la part des engagements pour les prestations qui ne sont pas entièrement financées en capitalisation sur la base des taux de couverture initiaux visés par l’art. 72a al. 1
let. b LPP (art. 9 al. 2 LCPEG).

Le comité paritaire de la CPEG assure la direction générale de la caisse, veille à l’exécution de ses tâches légales et en détermine les objectifs et principes stratégiques, ainsi que les moyens permettant leur mise en œuvre. Il définit l’organisation de la caisse, notamment son administration, veille à sa stabilité financière et en surveille la gestion en définissant notamment le taux technique et les autres bases techniques (art. 46 al. 1 et al. 2 let. e LCPEG).

Cette forme de gestion paritaire, figurant dans la loi cantonale est exigée de façon obligatoire par la LPP pour toutes les institutions de prévoyance qu’elles soient publiques ou privées (art. 51 et 51a LPP).

En plus d’avoir des représentants siégeant au comité paritaire désignés par le Conseil d’État (art. 44 LCPEG), l’État de Genève est garant notamment de la CPEG en tant qu’institution de prévoyance publique cantonale au bénéfice d’une dérogation de l’autorité de surveillance au système de la capitalisation complète (art. 1 et 2 de la loi générale relative à la garantie de l'État pour les institutions de prévoyance publiques cantonales du 17 mars 2006 - LGar - D 2 20 ; art. 25
al. 1 LCPEG ; art. 72c LPP). En cas de déséquilibre financier structurel prévisible à long terme, attesté par l'expert en prévoyance professionnelle, la CPEG doit en informer dans les trois mois l’autorité de surveillance et le Conseil d'État, qui en informe le Grand Conseil (art. 3 al. 3 LGar et art. 28 al. 3 LCPEG). À cet effet, il est prévu que les institutions de prévoyance publiques cantonales communiquent toutes les informations requises à la détermination de leur équilibre financier
(art. 4 LGar). La CPEG fournit à l’autorité de surveillance les informations nécessaires au contrôle et à l’approbation de son plan de financement ainsi qu’à la poursuite de sa gestion selon le système de la capitalisation partielle (art. 26
al. 6 LCPEG).

8) Le procès-verbal litigieux traite des discussions et décisions relatives à l’abaissement du taux technique à 1,75 % et au changement de tables de mortalité. Ces décisions sont intervenues le 28 octobre 2019, après que le peuple genevois eut été invité à voter, en mai 2019, sur la recapitalisation de la CPEG, selon les deux propositions qui lui avaient été soumises.

Le préposé considère que dès lors que le document querellé contenait des informations sur les conséquences financières de la recapitalisation de la CPEG, notamment sur la part à supporter financièrement par l’État, soit par des deniers publics, il faut considérer que l’ensemble de la communauté des contribuables genevois a directement été touché par les décisions du comité prises le
28 octobre 2019. L’autorité intimée considère quant à elle que la séance ayant donné lieu au procès-verbal litigieux a traité de questions techniques pouvant et devant être discutées et votées par n’importe quelle institution de prévoyance, qu’elle soit constituée sous la forme d’une fondation de droit privé ou d’une institution de droit public. Le fait d’assurer le personnel de l’État contre les conséquences économiques de la retraite, de l’invalidité et du décès ne participait pas à la réalisation d’une tâche politique ou d’une tâche publique cantonale.

Il ne fait aucun doute que tout document en lien avec la recapitalisation de la CPEG revêt un intérêt certain pour le public, et notamment pour un journaliste comme le recourant. Cela étant, un tel intérêt ne suffit pas en tant que tel pour admettre l’existence d’un document au sens de l’art. 25 al. 1 LIPAD.

Toutefois, les travaux préparatoires de la LIPAD précités visaient expressément les institutions de prévoyance de droit public, soit en particulier la CIA, remplacée depuis lors par la CPEG. Il ne semblait dès lors faire guère de doute dans l’esprit du législateur que de telles institutions étaient soumises aux dispositions de la LIPAD et accomplissaient une tâche publique, l’exposé des motifs relevant que si des motifs pouvaient justifier une autonomisation de services chargés de tâches publiques par des administrations décentralisées, il ne se justifiait pas que ces entités échappent à l'exigence de transparence.

Par ailleurs, il est vrai, comme le relève la CPEG, qu’elle gère le patrimoine nécessaire à la couverture des prestations offertes à ses assurés. Si l’État de Genève participe à leur financement, tout comme son personnel, les montants versés sont définitivement acquis aux assurés. Il n’en demeure pas moins que les versements opérés par l’État de Genève, et notamment lors de la recapitalisation de la CPEG, découlent de ses obligations d’employeur d’assurer son personnel (art. 11 al. 1 LPP ; art. 5 LCPEG). Or, par analogie avec la jurisprudence susmentionnée (ATA/758/2015 précité consid. 11), la gestion du personnel est directement liée à la gestion du patrimoine administratif de l’État – lequel vise à remplir une tâche publique , les charges de personnel constituant du reste l’un des postes les plus importants parmi ses charges de fonctionnement.

Le fait que l’activité de « prévoyance professionnelle » ne fasse pas partie des tâches énumérées par la Constitution de la République et canton de Genève du
14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), comme le relève la CPEG, est sans incidence, dès lors qu’il n’en demeure pas moins qu’elle est en lien avec le personnel de l’État de Genève et de ses établissements publics autonomes.

En outre, le fait que la CPEG ait, sous quelques réserves, les mêmes prérogatives que les fondations de prévoyance de droit privé, ce qui n’est en l’état pas contesté, n’empêche en rien qu’elle puisse également participer à l'accomplissement d'une tâche publique, dès lors qu’elle accomplit une tâche qui relève de la gestion des conséquences économiques concernant des employés de l’État de Genève.

Il doit dès lors être considéré que le procès-verbal litigieux contient des renseignements relatifs à l'accomplissement d'une tâche publique, de sorte qu’il s’agit bien d’un document au sens de l’art. 25 LIPAD.

9) Reste enfin à déterminer si la CPEG peut se prévaloir de l'une et/ou l'autre des exceptions figurant à l'art. 26 LIPAD en faisant valoir son intérêt privé prépondérant pour s’opposer à la transmission du document litigieux.

a. Selon l’art. 24 LIPAD, toute personne, physique ou morale, a ainsi accès aux documents en possession des institutions, sauf exception prévue ou réservée par la loi (al. 1). L’accès comprend la consultation sur place des documents et l’obtention de copies des documents (al. 2).

b. Le droit d’accès aux documents est cependant restreint aux conditions de
l’art. 26 LIPAD, dont l’application implique une juste pesée des intérêts en présence lors de sa mise en œuvre (MGC 2000 45/VIII 7694 ss ; MGC 2001 49/X 9680). Les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose sont soustraits au droit d’accès institué par la LIPAD (art. 26 al. 1 LIPAD ; art. 7 al. 1 du règlement d'application de la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 21 décembre 2011 - RIPAD - A 2 08 01). Cette disposition constitue une règle générale. Celle-ci est illustrée par l’énumération des cas dans lesquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose à la communication d’un document (MGC 2000 45/VIII 7694 ; MGC 2001 49/X 9697).

Selon l'art. 26 al. 2 LIPAD, sont donc soustraits au droit d'accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s'oppose, ce qui est notamment le cas lorsque l’accès aux documents est propre à : entraver notablement le processus décisionnel ou la position de négociation d’une institution (let. c) ; rendre inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers (let. f) ; révéler des délibérations et votes intervenus à huis clos ou compromettre les intérêts ayant justifié le huis clos d’une séance (let. l).

Sont également exclus du droit d’accès les documents à la communication desquels le droit fédéral ou une loi cantonale fait obstacle (art. 26 al. 4 LIPAD). Comme exposé dans les travaux législatifs, aux exceptions énumérées explicitement à l’art. 26 al. 2 et 3 LIPAD, il a été ajouté par prudence une réserve des dispositions de droit fédéral faisant obstacle à l’exercice du droit individuel d’accès même si le principe de la primauté du droit fédéral suffisait à fonder des refus au regard de normes de droit fédéral (art. 26 al. 4 LIPAD ; art. 24
al. 1 LIPAD ; MCG 2000 45/VIII 7643 p. 7698).

Est également soustrait au droit d'accès tout document couvert par un autre secret protégé par le droit fédéral, une loi ou un règlement (art. 7 al. 2 let. b RIPAD).

c. Les travaux préparatoires relèvent, concernant l’exception de l’art. 24 al. 2 let. c LIPAD, qu’il s'agit de permettre la libre formation de l'opinion du collège gouvernemental, en mettant ses membres à l'abri des pressions auxquelles les exposerait la communication de leur opinion souvent provisoire formulée au stade antérieur à la prise collective de décisions. Comme il est admis que les séances du Conseil d'État et des exécutifs communaux doivent se tenir à huis clos (art. 7 et 11 LIPAD ; art. 30 al. 1 du règlement pour l'organisation du Conseil d'État de la République et canton de Genève du 25 août 2005 - RCE - B 1 15 03), il faut réserver à ces autorités collégiales un espace de délibération et de préparation de leurs décisions collectives en dehors de tout regard extérieur. Le caractère catégorique de cette exception, en particulier le fait qu'une décision contraire de l'autorité collégiale elle-même ne soit pas réservée, se justifie par le souci d'engager chacun de ses membres dans le processus collégial et de les empêcher d'exercer un jeu de pouvoir des uns sur les autres sur la scène publique. Il s'agit aussi de permettre aux collaborateurs des membres d'autorités collégiales d'exprimer librement leurs opinons et propositions à l'intention de ces derniers (MGC 2000 45/VIII 7641
p. 7698).

Dans les travaux préparatoires relatifs à l'art. 27 LIPAD et au principe de la proportionnalité, qui implique qu'un accès différé soit préféré à un simple refus d'accès dans la mesure où l'obstacle à la communication d'un document n'aurait qu'un caractère temporaire, il a notamment été relevé que l'écoulement du temps pouvait modifier l'appréciation qu'il y avait lieu de faire du caractère confidentiel ou non d'un document. Cette considération a toute son importance au regard de l'exception tirée du risque d'entrave notable au processus décisionnel prévue à
l'art. 26 al. 2 let. c LIPAD (MGC 2000 45/VIII 7641 p. 7700).

d. Les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers, mentionnées à l’art. 26 al. 2 let. f LIPAD sont prévues à l’art. 39 LIPAD. (ATA/576/2017 du 23 mai 2017 consid. 5b). La communication de données personnelles à une tierce personne de droit privé n’est possible, alternativement, que si une loi ou un règlement le prévoit explicitement (let. a) ou un intérêt privé digne de protection du requérant le justifie sans qu’un intérêt prépondérant des personnes concernées ne s’y oppose (let. b ; art. 39 al. 9 LIPAD). Par données personnelles ou données, la LIPAD vise toutes les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable (art. 4 let. a LIPAD). Sont qualifiées de données personnelles sensibles, les données personnelles sur les opinions ou activités religieuses, philosophiques, politiques, syndicales ou culturelles (ch. 1), la santé, la sphère intime ou l’appartenance ethnique (ch. 2), des mesures d’aide sociale (ch. 3) et des poursuites ou sanctions pénales ou administratives (ch. 4 ; art. 4 let. b LIPAD).

e. L’art. 27 LIPAD concrétise le principe de la proportionnalité (MGC 2000 45/VIII 7699 s.). Pour autant que cela ne requière pas un travail disproportionné, un accès partiel doit être préféré à un simple refus d’accès à un document dans la mesure où seules certaines données ou parties du document considéré doivent être soustraites à communication, en vertu de l’art. 26 LIPAD (art. 27 al. 1 LIPAD). Les mentions à soustraire au droit d’accès doivent être caviardées de façon à ce qu’elles ne puissent être reconstituées et que le contenu informationnel du document ne s’en trouve pas déformé au point d’induire en erreur sur le sens ou la portée du document (art. 27 al. 2 LIPAD). Le caviardage des mentions à soustraire au droit d’accès peut représenter une solution médiane qui doit l’emporter (MGC 2000 45/VIII 7699 ; ATA/457/2022 du 3 mai 2022 consid. 2a). La décision de donner un accès total, partiel ou différé à un document peut être assortie de charges lorsque cela permet de sauvegarder suffisamment les intérêts que l’article 26 commande de protéger (art. 27 al. 4 LIPAD).

10) À titre préalable, il convient de relever que l’exception de l’art. 26 al. 2
let. l LIPAD invoquée par l’autorité intimée n’est pas remplie, dès lors que, comme susmentionné, la séance ayant donné lieu au procès-verbal litigieux ne s’est pas déroulée à huis clos.

Comme le relève la CPEG, il est vrai que la transmission du document litigieux permettrait non seulement au recourant de connaître le résultat du processus décisionnel, mais également les discussions et interrogations exprimées tant par la délégation des employeurs que celle des employés avant la prise de décision.

La chambre de céans rejoint la position du préposé selon laquelle, dès lors que le document querellé remonte à près de trois ans et concerne des décisions sur lesquelles le comité s’est définitivement prononcé, on ne voit pas quel processus décisionnel pourrait en tant que tel être entravé par sa remise. En revanche, il est également vrai, comme le relève l’autorité intimée, que rendre publics les propos des membres du comité pourrait faire obstacle à des décisions futures sur d’autres questions similaires ou pas. L’espace de discussion nécessaire à la prise de décision pourrait être réduit si les membres de l’organe devaient craindre que l’avis qu’ils expriment puisse se retrouver dans la presse ou être connu de tous. Ceci est d’autant plus vrai s’agissant en l’occurrence d’un organe paritaire composé de représentants employeurs et salariés. Il est en effet nécessaire au bon fonctionnement de l’institution que les positions nominatives ou paritaires soient préservées de toutes éventuelles influences, par exemple, des syndicats ou de l’employeur. Il convient dès lors de caviarder lesdites positions.

Par ailleurs, le document litigieux comporte, outre les noms des différents membres du comité, le nom de tiers entendus en qualité d’experts. Ces données personnelles requièrent ainsi une protection accrue, si bien qu’elles méritent d’être caviardées dans le document à transmettre au recourant.

Ainsi, dans le cas d’espèce, la remise du document litigieux caviardé, dans la mesure proposée subsidiairement par l’autorité intimée – qui correspond à la version qui a été transmise au préposé – représente une solution médiane qui doit l’emporter, laquelle est propre à respecter, notamment, le principe de la proportionnalité.

Enfin, l’argument tiré de l’art. 26 al. 4 LIPAD pour s’opposer à la consultation du document litigieux ne sera pas rediscuté, le Tribunal fédéral ayant définitivement tranché que le droit fédéral, et plus particulièrement l’art. 86 LPP, ne faisait pas obstacle au droit d'accès aux documents au sens de l'art. 26 al. 4 LIPAD (arrêt du Tribunal fédéral 1C_336/2021 précité consid. 3.5).

Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. L’autorité intimée devra donner accès au procès-verbal de la séance du comité de la CPEG du 28 octobre 2019, dans la version caviardée telle que remise par celle-ci dans son courrier du 8 juin 2022.

11) Vu l’issue du litige, un émolument réduit, de CHF 500.-, sera mis à la charge du recourant, qui succombe en partie (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- lui sera allouée, à la charge de la CPEG (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l’intimée, laquelle s’est défendue en personne.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2020 par Monsieur A______ contre la décision de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève du 29 septembre 2020 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

ordonne à la Caisse de prévoyance de l’État de Genève de donner à Monsieur A______ un accès au procès-verbal de la séance du comité de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève du 28 octobre 2019, caviardé dans le sens des considérants ;

l’y condamne en tant que de besoin ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument réduit de CHF 500.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Monsieur A______, à la charge de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, à la Caisse de prévoyance de l’État de Genève, ainsi qu’au préposé cantonal à la protection des données et de la transparence.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :