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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3509/2020

ATA/424/2021 du 20.04.2021 ( LIPAD ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.06.2021, rendu le 03.03.2022, ADMIS, 1C_336/2021
Descripteurs : ACCÈS(EN GÉNÉRAL);PROTECTION DES DONNÉES;PRÉPOSÉ À LA PROTECTION DES DONNÉES
Normes : LIPAD.1; LIPAD.24.al1; LIPAD.25; LIPAD.26.al1; LIPAD.26.al4; LPP.11.al1; LPP.51; LPP.51a; LPP.86; LPP.86a.al5.leta; LCPEG.1; LCPEG.4.al1; LCPEG.5; LCPEG.26.al6; LCPEG.25.al1; LCPEG.44; LCPEG.46; LGar.1; LGar.2; LGar.3; LGar.4
Résumé : Rejet d’un recours contre le refus de la CPEG de donner accès aux procès-verbaux de son comité à un journaliste. S’il fallait retenir que les documents dont la consultation était demandée contiennent des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une « tâche publique » au sens de l’art. 25. al. 1 LIPAD, encore faudrait-il qu’ils ne soient pas soustraits à communication en raison du droit fédéral au sens de l’art. 26 al. 4 LIPAD, ce qui est le cas en l’espèce. En effet, la LPP prévoit une seule exception au secret à l’égard des tiers prévu par l’art. 86 LPP, en cas d’intérêt prépondérant. Or, à teneur de la LPP, les devoirs d’information de la caisse n’existent qu’à l’égard de l’autorité de surveillance, de l’expert en prévoyance professionnelle ou encore du Conseil d’État, à l’exclusion des tiers, il n’y a dès lors pas d’intérêt prépondérant distinct de ceux concrétisés dans le devoir d’information prévu par la LGar ou dans le mécanisme de gestion paritaire de la CPEG qui permettrait de justifier la communication à un tiers.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3509/2020-LIPAD ATA/424/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 avril 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ÉTAT DE GENèVE



EN FAIT

1) Le 6 mai 2020, Monsieur A______, rédacteur en chef adjoint au quotidien B______, a adressé par courriel une liste de questions au service de presse de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (ci-après : la CPEG ou la caisse). Il faisait suite à un communiqué de presse publié par les partis dit de C______, lequel faisait grief au comité de la CPEG d'avoir adopté deux décisions, sans les expliquer aux citoyens genevois, à savoir le changement de base du calcul actuariel et l'abaissement du taux technique à 1.75%. Ces deux décisions auraient impliqué un coût supplémentaire de CHF 2 milliards pour l’État de Genève.

Afin de comprendre les termes selon lesquels le comité avait voté ces deux décisions, M. A______ demandait à avoir accès au procès-verbal de la séance durant laquelle elles avaient été prises.

2) La présidence du comité de la CPEG a répondu, le 7 mai 2020, aux questions posées par M. A______ mais a refusé la demande d'accès au procès-verbal.

La décision de changer la table de mortalité et celle d’abaisser le taux technique à 1.75% avaient été prises au cours du dernier trimestre de l'année 2019.

L'abaissement du taux technique applicable à 1.75% reflétait la perception du comité, confirmée par ses experts internes et externes, que les rendements obligataires à moyen terme - qui déterminaient en grande partie la borne supérieure du taux technique selon la nouvelle version de la directive technique DTA 4 - resteraient défavorables avec un maintien des taux de la Confédération dans les valeurs basses atteintes en septembre 2019 (- 0.7 %). Le taux d'intérêt technique de référence s'inscrivait depuis plusieurs années dans une tendance baissière. Depuis le début des années 2000, les rendements obligataires étaient passés d'environ 4 % à - 0. 51 % (valeur 5 mai 2020). Depuis cinq ans, les rendements obligataires sans risque étaient négatifs. Une partie des investissements de la CPEG ne rapportait pas de gains mais coûtait de l'argent (sic). Les prévisions pour l'évolution des rendements n'étaient guère réjouissantes. La situation économique actuelle ainsi que la force structurelle de l'économie suisse (un franc fort très nuisible pour les entreprises exportatrices) n'anticipaient pas un redressement des taux à court et moyen terme.

La décision du comité tenait également compte de la limite inférieure du taux technique déterminante pour l'apport d'actifs, au sens de l'art. 70 al. 2 let. a de la loi 12’228, acceptée sur référendum lors de la votation populaire du 19 mai 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2020.

En synthèse, le comité avait choisi de limiter le risque grâce à une meilleure appréhension des engagements de la CPEG et à une grande prudence quant au taux technique, vu les perspectives de rendements obligataires. Dans le cadre de la recapitalisation, cette décision renforcerait la pérennité financière de la CPEG.

Le comité avait décidé d'opter, à compter du 31 décembre 2019, pour le modèle statistique des tables générationnelles, extrapolées à cinq ans, lequel prenait mieux en compte, de façon plus précise, en fonction des classes d’âge assurées, le risque de longévité que les tables périodiques. Elles évitaient de devoir constituer une provision pour risque de longévité. En Suisse, 51 % des institutions sans garantie étatique et 13 % des caisses avec une telle garantie avaient opté pour les tables générationnelles.

Dans le cadre de l'autonomie de la CPEG, l'adoption des paramètres techniques faisait partie des compétences inaliénables du comité. En sa qualité d'organe suprême de l'institution de prévoyance, le comité avait l'obligation de fixer les bases techniques, dont le taux technique et les tables de mortalité pour le calcul des engagements de la caisse. Il devait dans ce cadre agir avec prudence pour garantir l'équilibre financier de la caisse à moyen et long terme et respecter par-dessus tout son devoir fiduciaire envers les assurés.

Même au vu de la crise liée au confinement et des conséquences financières qu'elle aurait sur l'ensemble de la population et, partant, sur les comptes de l'État, le comité ne regrettait pas ses deux décisions. La crise provoquée par la pandémie était imprévisible. Au vu de la récession provoquée par ladite crise, il était conforté par sa décision, prise dans l'intérêt supérieur des assurés. Au 31 mars 2020, le portefeuille de la CPEG avait perdu 5.3 %.

Enfin, s'agissant de l'accès au procès-verbal de la séance, les séances et les délibérations du comité étaient confidentielles et protégées par le secret de fonction.

3) Le 11 mai 2020, M. A______ a requis la mise en œuvre d'une médiation par le préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé ou la préposée adjointe) au vu du refus de la CPEG de transmettre les procès-verbaux. Cette demande a été transmise le 18 mai 2020 au responsable LIPAD de la CPEG.

4) Le 7 juin 2020, la direction de la CPEG a adressé un courrier à la préposée adjointe exposant en substance qu'en tant qu'institution de prévoyance, elle n'était pas soumise à la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08), mais à la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD - RS 235.1). Le préposé ne pouvait selon elle se saisir de l'examen d'une disposition de droit fédéral, y compris dans le cadre d'une médiation LIPAD. Elle n'était pas opposée à la tenue d'une séance de médiation, mais sa participation ne pouvait être interprétée comme une reconnaissance de son assujettissement à la LIPAD.

5) Une séance de médiation a eu lieu le 13 août 2020, en présence de Monsieur D______, responsable du pôle juridique et compliance de la CPEG, de M. A______ et de la préposée adjointe.

La séance n'a pas abouti.

6) Le 17 août 2020, le préposé a demandé à la CPEG de pouvoir consulter le document sollicité par M. A______, ce à quoi la CPEG lui a opposé, le 21 août suivant, une fin de non-recevoir au motif que ledit document était couvert par une obligation de secret au sens de l'art. 86 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40).

7) Dans sa recommandation du 31 août 2020, le préposé a constaté qu'il n'était pas en mesure de déterminer le caractère public ou non du document sollicité en raison du refus de la CPEG de lui en accorder l'accès, alors qu’au terme de son analyse, la CPEG était assujettie à la LIPAD.

8) Par courrier du 18 septembre 2020, M. A______ a mis la CPEG en demeure de rendre une décision suite à la recommandation du préposé du 31 août 2020.

9) Le 29 septembre 2020, la CPEG a adressé un courrier à M. A______ l'informant qu'elle ne pouvait pas donner une suite favorable à sa demande de transmission des procès-verbaux.

Les éléments développés par le préposé le 31 août 2020 ne modifiaient pas sa position.

Même à considérer qu’elle entrait dans le champ d'application de la LIPAD, ce qu’elle contestait, elle devrait se prévaloir de l’art. 26 al. 4 LIPAD qui réservait le droit fédéral comme faisant obstacle au droit d'accès. Or, précisément, l'art. 86 LPP prévoyait un telle obligation de garder le secret vis-à-vis des tiers.

Le procès-verbal auquel l'accès était demandé et les indications qu’il contenait étaient manifestement couverts par ce secret, opposable tant au préposé qu'au journal B______.

10) Le 30 octobre 2020, M. A______ a formé recours contre ce refus d'accès par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant préalablement à ce qu'il soit ordonné à la CPEG de produire le procès-verbal litigieux et, principalement, à l'annulation de la décision du 30 octobre 2020 et à ce qu'il soit ordonné à la CPEG de déférer à sa demande d'accès au procès-verbal de la séance durant laquelle « les décisions de baisser le taux technique applicable et de changer de table de mortalité [avaient] été prises ».

Le principe de la transparence trouvait depuis 2013 une assise constitutionnelle à Genève. Contrairement à ce que soutenait la CPEG, elle était soumise à la LIPAD, en sa qualité d'établissement de droit public du canton de Genève. La CPEG avait partant violé l'art. 30 al. 3 LIPAD en refusant de remettre le document litigieux au préposé, ce qui avait conduit à l'échec de la délivrance d'une recommandation de sa part. Elle ne faisait valoir aucun motif valable à l'appui de son refus de déférer à sa demande d'accès. L'art. 86 LPP invoqué par la CPEG ne trouvait pas à s'appliquer dès lors que le procès-verbal sollicité ne contenait, de par sa nature, aucune donnée personnelle. Elle ne prétendait d'ailleurs aucunement le contraire.

Ainsi seul l'art. 86a al. 5 LPP était susceptible de trouver application. Or, il permettait la communication de données lorsqu'un intérêt prépondérant le justifiait, ce qui était clairement le cas en l'espèce. En effet, les décisions prises par le comité concernaient directement les citoyens genevois, lesquels avaient récemment voté la recapitalisation de la CPEG pour un montant de CHF 5.3 milliards. Le principe de transparence commandait ainsi que le public soit tenu informé des motifs ayant guidé les décisions de principe du comité, dès lors qu'il ressortait des comptes 2019 de l'État de Genève que sans ces décisions, le montant engagé par l'État dans le cadre de la recapitalisation aurait pu être réduit de CHF 1.9 milliards.

11) Le 5 janvier 2021, la CPEG a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet.

Un avis de droit de Monsieur E______ relatif à la portée du devoir de confidentialité dans les institutions de prévoyance était joint à son courrier du 7 juin 2020 au préposé. La position de refus de la CPEG avait été confirmée dans un second avis de droit de M. E______.

Le Tribunal fédéral avait jugé que les institutions de prévoyance, qu'elles soient de droit privé ou de droit public, n'avaient pas de pouvoir souverain et donc, pas de pouvoir de décision. C'était également le cas en matière de communication de données dans le cas de l'application de l'art. 86a al. 5 LPP.

En matière de prévoyance professionnelle, la Confédération avait exercé sa compétence en adoptant des lois spéciales telles la LPP et leurs dispositions d'exécution intégrées dans diverses lois. Les compétences des cantons étaient restreintes par chacune de ces règles du droit fédéral. Depuis l'entrée en vigueur de l'art. 50 al. 2 LPP dans sa teneur actuelle, la définition des bases techniques n'était plus de la compétence de la collectivité cantonale ou communale, mais de l'organe paritaire.

La CPEG n'accomplissait pas une tâche publique au sens de la LIPAD. Cette loi n'était d’ailleurs pas applicable aux activités de l'État concernant son patrimoine financier, les biens n'étant pas affectés directement à une fin d'intérêt public. Il en allait par exemple également ainsi de la Banque cantonale genevoise (BCGE) dès lors qu'elle n'exerçait pas une tâche publique. La Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) mentionnait diverses entités publiques participant à la mise en œuvre de ces tâches publiques cantonales, mais aucunement la CPEG ou d'autres caisses de prévoyance de droit public cantonal ou communal. La CPEG ne gérait pas non plus de l'argent public. Les montants qu'elle gérait, même si les employeurs avaient participé à leur financement, étaient définitivement acquis aux assurés conformément au principe de la bonne foi.

Le recours de M. A______, pour autant que recevable, ne pourrait être examiné qu'au regard de l'art. 86a al. 5 LPP, s'agissant d'une demande d'accès à des données non personnelles, ce que recourant et intimée s'accordaient à considérer. Face à l'intérêt au secret de l'art. 86 LPP, M. A______ faisait valoir l'intérêt du public à être tenu informé des motifs ayant guidé les décisions du comité de la CPEG d'abaisser son taux technique et d'adapter ses bases techniques. Ces motifs avaient été communiqués par la caisse de manière détaillée et exhaustive. Elle avait dès lors répondu à sa demande.

Subsidiairement, un document soumis à l'obligation de confidentialité prévue par LPP (art. 86 LPP) constituait une restriction à l'accès aux documents au sens de l'art. 26 al. 4 LIPAD.

12) Dans une réplique du 8 février 2021, M. A______ a relevé que la CPEG étant un établissement de droit public du canton de Genève, elle était « évidemment » soumise à la LIPAD.

Lui-même n'était pas dans un rapport de prestations à son endroit, ce qui pourrait éventuellement justifier une compétence de l'autorité de surveillance, mais simplement dans une démarche de transparence, adressée à l'égard d'un établissement de droit public ayant impliqué de très grosses dépenses ces dernières années pour le contribuable genevois. Prétendre qu'elle ne gérerait pas de l'argent public et ne serait soumise à aucune autorité cantonale, dans ce contexte, était pour le moins choquant.

Pour les mêmes raisons, la force dérogatoire du droit fédéral n'avait pas de rôle à jouer, la CPEG étant soumise à la LIPAD, en tant qu'établissement de droit public, et non en tant que caisse de prévoyance.

En l'espèce, sa requête d'accès ne portait pas sur les données des assurés et visait à avoir accès à des documents et pièces consacrés à la gestion d'un établissement public autonome. Il renvoyait au préavis du préposé qui remettait bien les choses à leur place.

13) Les parties ont été informées, le 11 février 2021, que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1) La CPEG estime ne pas être soumise à la LIPAD de sorte que le recours serait irrecevable.

a. La LIPAD régit l’information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD).

Elle est constituée de deux volets, correspondant aux deux buts énoncés à l'art. 1 al. 2 LIPAD. Elle a pour premier but de favoriser la libre formation de l'opinion et la participation à la vie publique par l'information du public et l'accès aux documents (art. 1 al. 2 let. a LIPAD ; titre II LIPAD) et pour second but de protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (art. 1 al. 2 let. b LIPAD ; titre III LIPAD).

En l'espèce le recourant, rédacteur en chef adjoint d'un quotidien romand, fait valoir un besoin d'information en lien avec le premier volet de la LIPAD.

b. La LIPAD s’applique notamment aux institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi qu’à leurs administrations et aux commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. c, al. 3 et al. 5 LIPAD).

En l'espèce, selon la loi instituant la caisse de prévoyance de l’État de Genève du 14 septembre 2012 (LCPEG - B 5 22) ayant pour objet la création et l’organisation de la caisse, celle-ci est un établissement de droit public du canton de Genève dont le siège et l'administration sont dans ce même canton (art. 2 al. 1 et 2 LCPEG).

Partant, la CPEG entre dans le champ d'application de la LIPAD.

c. En matière d’accès aux documents selon la LIPAD, la décision que l’institution concernée prend à la suite de la recommandation formulée par le préposé cantonal en cas d’échec de la médiation est sujette à recours auprès de la chambre administrative (art. 60 al. 1 LIPAD ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05).

En conséquence, le recours déposé en temps utile devant la juridiction compétente contre la décision de refus de la CPEG, établissement de droit public, de donner accès aux procès-verbaux des séances de son comité est recevable (art. 5 let. e et art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Toute personne a le droit de prendre connaissance des informations et d’accéder aux documents officiels, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose (art. 28 al. 2 Cst-GE). Il a déjà été jugé que cette disposition n’avait pas une portée plus large que la LIPAD (arrêt du Tribunal fédéral du 29 janvier 2015 1C_379/2014 consid. 5.4).

b. La LIPAD a pour but de favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique (art. 1 LIPAD). En édictant cette loi, le législateur a érigé la transparence au rang de principe aux fins de renforcer tant la démocratie que le contrôle de l’administration et de valoriser l’activité étatique et la mise en œuvre des politiques publiques (MGC 2000 45/VIII 7671 ss). Le principe de transparence est un élément indissociable du principe démocratique et de l’état de droit, prévenant notamment des dysfonctionnements et assurant au citoyen une libre formation de sa volonté politique (ATA/376/2016 du 3 mai 2016 consid. 4b et les références citées). L’adoption de la LIPAD a renversé le principe du secret de l’administration pour faire primer celui de la publicité.

La LIPAD prévoit un droit d’accès aux documents à toute personne, physique ou morale, sauf exception prévue ou réservée par la loi (art. 24 al. 1 LIPAD). Toutefois, l’application de la LIPAD n’est pas inconditionnelle. En effet, dans la mesure où elle est applicable, elle ne confère pas un droit d’accès absolu et fait l’objet d’exceptions, aux fins notamment de garantir la sphère privée des administrés et de permettre le bon fonctionnement des institutions (ATA/213/2016 du 8 mars 2016 consid. 7a et les références citées ; MGC 2000/VIII 7641 p.7694 ; MGC 2001 49/X 9676 p. 9680 ss, 9697 et 9738). L’application des restrictions au droit d’accès implique une juste pesée des intérêts en présence lors de leur mise en œuvre (MGC 2000 45/VIII 7641 p. 7694 ss ; MGC 2001 49/X 9676 p. 9680).

Sont ainsi soustraits au droit d’accès les documents à la communication desquels un intérêt public ou privé prépondérant s’oppose (art. 26 al. 1 LIPAD). Tel est notamment le cas lorsque le droit fédéral ou cantonal interdit l’accès à des documents (art. 26 al. 4 LIPAD). Comme exposé dans les travaux législatifs, aux exceptions énumérées explicitement à l’art. 26 al. 2 et 3 LIPAD, il a été ajouté par prudence une réserve des dispositions de droit fédéral faisant obstacle à l’exercice du droit individuel d’accès même si le principe de la primauté du droit fédéral suffisait à fonder des refus au regard de normes de droit fédéral (art. 26 al. 4 LIPAD - art. 24 al. 1 LIPAD - MCG 2000 45/VIII 7643 p. 7698).

c. Au sens de la LIPAD, les documents sont tous les supports d’informations détenus par une institution contenant des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une tâche publique, à savoir une activité étatique ou paraétatique (art. 25 al. 1 LIPAD - MCG 2000 45/VIII 7641 p. 7693). Sont notamment considérés comme documents, les messages, rapports, études, procès-verbaux approuvés, statistiques, registres, correspondances, directives, prises de position, préavis ou décisions (art. 25 al. 2 LIPAD).

En l’espèce, s’il fallait retenir que les documents dont la consultation est demandée, soit les procès-verbaux du comité de la CPEG ayant trait aux décisions d’abaissement du taux technique à 1.75 % et de changement de table de mortalité, contiennent des renseignements relatifs à l’accomplissement d’une « tâche publique » au sens de l’art. 25 al. 1 LIPAD, ce que conteste la CPEG, encore faudrait-il établir qu’ils ne doivent pas être soustraits à la communication en raison du droit fédéral, au sens de l’art. 26 al. 4 LIPAD, ce que soutient la caisse.

3) a. La CPEG, créée avec effet au 1er mars 2013, résulte de la fusion de la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l’instruction publique et des fonctionnaires de l’administration du canton de Genève (CIA) et de la caisse de prévoyance du personnel des établissements publics médicaux du canton de Genève (CEH).

b. Elle a pour but d’assurer le personnel de l’État de Genève ainsi que des autres employeurs affiliés contre les conséquences économiques de la retraite, de l’invalidité et du décès (art. 4 al. 1 LCPEG). Les employeurs affiliés sont : l’État de Genève, à l’exception du personnel assuré par d’autres institutions de prévoyance instaurées par la législation cantonale, les établissements publics médicaux du canton, les établissements publics pour l’intégration du canton, la caisse et les institutions externes affiliées conventionnellement ou de par la loi (art. 7 LCPEG). Les institutions externes sont les personnes morales de droit public ou de droit privé, affiliées à la caisse par convention (art. 8 al. 1 LCPEG). Sont par exemple affiliées des institutions de droit privé subventionnées et d’autres non subventionnées selon une liste figurant à l’annexe I de la LCPEG.

c. La CPEG participe à l’assurance obligatoire prévue par la LPP et fournit de prestations conformément à la LCPEG mais au moins les prestations prévues par la LPP (art. 5 LCPEG). Elle est soumise à la surveillance de la prévoyance professionnelle et est inscrite au registre de la prévoyance professionnelle comme exigé par l’art. 48 al. 1 LPP (art. 3 LCPEG).

4) a. L’art. 113 al.1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prévoit que la Confédération légifère sur la prévoyance professionnelle, ce qu’elle a fait par l’adoption de lois spéciales telle la LPP. Il est ainsi admis que les cantons et les communes ne disposent plus que d’une compétence résiduelle en matière de prévoyance professionnelle. Ils peuvent uniquement adopter des dispositions concernant soit les prestations, soit le financement des institutions de prévoyance qu’ils instituent (art. art. 50 al. 2 LPP).

Le droit fédéral exige que les caisses de prévoyance inscrites au registre revêtent la forme d’une fondation ou soient des institutions de droit public dotées de la personnalité juridique. Elles doivent allouer des prestations répondant aux prescriptions sur l’assurance obligatoire et être organisées, financées et administrées conformément à la LPP (art. 48 al. 2 LPP). Les dispositions de la LPP priment les dispositions établies par l’institution de prévoyance (art. 50 al. 3 LPP).

b. Ainsi, conformément aux dispositions du droit fédéral, (art. 50 al. 1 let. a à e et al. 2 LPP) la LCPEG fixe les prestations (chapitre V, art. 21 à 23 LCPEG), l’organisation de la caisse (section 2 art. 40 et ss LCPEG), l’administration et le financement (art. chapitre VI, art. 24 et ss, chapitre VII art. 38 et ss LCPEG), le contrôle (chapitre VIII, art. 51 et 52 LCPEG) et les rapports avec les employeurs, les assurés et les ayants droit.

Les organes de la caisse sont le comité, l’assemblée des délégués et l’administration (art. 40 LCPEG).

Conformément à l’exigence du droit fédéral d’une gestion paritaire, avec le même nombre de représentants des salariés et des employeurs dans l’organe suprême de l’institution de prévoyance (art. 51 LPP), le comité de la CPEG, est composé de vingt membres, dont un pensionné. Les membres salariés et employeurs ont chacun le droit de désigner dix représentants au comité (art. 40 let. a LCPEG et 42 al. 1 et 2 LCPEG).

Le comité assure la direction générale de la caisse, veille à l’exécution des tâches légales de celle-ci et en détermine les objectifs et principes stratégiques ainsi que les moyens permettant de les mettre en œuvre. Il définit l’organisation de la caisse, notamment son administration, veille à sa stabilité financière et en surveille la gestion (art. 46 al. 1 LCPEG).

Les tâches remplies par le comité, qui sont intransmissibles et inaliénables selon l’art. 51a al. 1 LPP, sont listées à l’art. 46 al. 2 LCPEG et correspondent à celles prévues par la LPP. Ainsi, notamment, le comité doit définir le taux d’intérêt technique et les autres bases techniques (art. 51a al. 2 let. e LPP ; art. 46 al. 2 let. e LCPEG).

Depuis l’adoption d’une réforme législative relative au financement des institutions de prévoyance de corporation de droit public du 17 décembre 2010 (RO 2011 3385), le comité paritaire exerce ses compétences sous la surveillance d’une autorité de surveillance, établissement de droit public ne pouvant être soumis à aucune directive dans l’exercice de ses fonctions, aux termes de l’art. 61 al. 3 LPP et sous la vérification, en matière d’équilibre financier, d’un expert en prévoyance professionnelle indépendant, agréée par la commission fédérale de haute surveillance. Cet expert soumet des recommandations à l’organe suprême de l’institution de prévoyance concernant notamment le taux d’intérêt technique et les autres bases techniques (art. 52d al. 1, 52e al. 1 let. a et al. 2 let. a et 72d LPP).

Par ces modifications, le législateur fédéral a voulu limiter l’influence politique. Les compétences des collectivités publiques lorsqu’elles édictent des dispositions légales qui tiennent lieu de dispositions réglementaires ont été limitées, les dispositions de la LPP primant celles établies par l’institution (art. 50 al. 3 LPP en vigueur depuis le 1er janvier 2015 ; ATF 142 II 369 consid. 3.4.2 = JdT 2017 I p. 61).

c. Partant, il appert que les choix faits par le comité s’agissant de fixer le taux d’intérêt et d’adopter la table de mortalité, lors des séances de comité dont les procès-verbaux constituent l’objet dont le recourant demande l’accès, entrent dans le cadre des tâches qui sont attribuées de façon obligatoire par le droit fédéral au comité paritaire de la CPEG.

5) a. En matière de transparence, la LPP prévoit un principe très limité applicable aux institutions de prévoyance portant sur la réglementation de leur système des cotisations, de leur financement, du placement du capital et de leur comptabilité, mais à l’égard de leurs assurés, lesquels disposent d’un droit à être informés. En revanche, le législateur n’a pas prévu de droit particulier à l’information pour les employeurs, ni les tiers (art. 65a et 86b LPP ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_469/2014 du 20 février 2015 consid. 5.4 et 5.5 ; Jürg BRECHBÜHL/Lara FRETZ, in : Jacques-André SCHNEIDER/Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER [éd.]] LPP et LFLP, Lois fédérales sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité et sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, 2ème éd., 2020, art. 65a n. 9).

b. La LPP prévoit que les personnes qui participent à son application, ainsi qu’au contrôle ou à la surveillance de son exécution, sont tenues de garder le secret à l’égard des tiers (art. 86 LPP). La jurisprudence et la doctrine comprennent ce secret comme portant sur toutes les données dont les personnes qu’il lie prennent connaissance dans le cadre de leur activité en appliquant la LPP, en contrôlant ou en surveillant son exécution. Toute exception à l’obligation de garder le secret nécessite une base légale (ATAF 44467/2011 du 10 avril 2012 consid. 8.3.1 ; E______, in : Jacques-André SCHNEIDER/Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER [éd.] op. cit., art. 86 n. 10).

c. Partant, les membres du comité de la CPEG sont soumis à l’obligation de confidentialité de l’art. 86 LPP ainsi qu’à la menace des peines prévues par l’art. 76 LPP en cas de violation de l’obligation de garder le secret. Ils sont également soumis au secret de fonction, sous réserve de devoirs de communication et d’information imposés par cette loi ou par la législation fédérale (art. 55 LPCEG).

Il appert donc que la LCPEG ne prévoit ainsi pas d’exception au secret de fonction qui pourrait être donné par une autre loi cantonale.

6) a. S’agissant de l’interdiction de la communication de données non personnelles à des tiers, la LPP prévoit une exception à l’art. 86a al. 5 let. a LPP, en tant que clause générale. Des données non personnelles pourraient être communiquées lorsqu’un intérêt prépondérant le justifie.

Cette disposition joue un rôle en lien avec l’obligation de garder le secret des membres de l’organe paritaire. La communication sur la base de l’art. 86a al. 5 let. a LPP présuppose que l’intérêt à la communication de données non personnelles telles que par exemple des informations relatives à des questions matérielles fournies par des membres de l’organe paritaire à l’employeur, d’une part, et aux employés (ou à des organisations d’employés), d’autre part, prévale par rapport à l’obligation de garder le secret. Les membres de l’organe paritaire doivent également avoir le droit, sur demande, d’expliquer aux employés de l’entreprise les informations reçues et, en cas de besoin, de les informer de manière générale quant aux discussions tenues au sein du conseil de fondation (art. 86a LPP, E______, in Jacques-André SCHNEIDER/Thomas GEISER/ Thomas GÄCHTER [éd.] op. cit., art. 86a n. 26).

b. Il appert donc que le droit fédéral applicable à l’activité du comité au sein de la CPEG ne prévoit pas de communication de données, mêmes non personnelles à des tiers, sauf exception impliquant un intérêt prépondérant.

7) Le recourant estime qu’un tel intérêt prépondérant existe. Les décisions prises par le comité de la CPEG concerneraient directement les citoyens genevois en raison des montants payés par l’État pour la recapitalisation de la CPEG. Selon lui, ces montants auraient pu être réduits si les décisions du comité avaient été différentes. Il existait donc un intérêt à connaître les motifs de ces décisions.

a. L’État de Genève, en sa qualité d’employeur, est soumis à la LPP et a l’obligation d’assurer ses employés, comme les employeurs privés (art. 11 al. 1 LPP ; art. 5 LCPEG). Dans ce but, le législateur genevois a créé la CPEG et défini son organisation (art. 1 LCPEG). Cette institution assure également les employés d’autres employeurs affiliés (art. 4 al. 1 LCPEG).

Le comité paritaire de la CPEG assure la direction générale de la caisse, veille à l’exécution de ses tâches légales et en détermine les objectifs et principes stratégiques, ainsi que les moyens permettant leur mise en œuvre. Il définit l’organisation de la caisse, notamment son administration, veille à sa stabilité financière et en surveille la gestion en définissant notamment le taux technique et les autres bases techniques (art. 46 al. 1 et al. 2 let. e LCPEG).

Cette forme de gestion paritaire, figurant dans la loi cantonale est exigée de façon obligatoire par la LPP pour toutes les institutions de prévoyance qu’elles soient publiques ou privées (art. 51 et 51a LPP). Avant la révision législative du 17 décembre 2010, il était admis que les institutions de prévoyance publiques étaient constituées en unités administratives dépendant d’un canton et donc, subordonnées aux organes politiques cantonaux. Depuis lors, ces institutions doivent être obligatoirement séparées de l’administration centrale et la responsabilité de leur gestion opérationnelle et de leur sécurité financière a été transférée à leur organe suprême, le comité paritaire. Ainsi, en raison de cette modification législative, les liens de la collectivité publique avec l’institution de prévoyance se limitent actuellement à celle de sa qualité d’employeur affilié et à sa qualité de garant (ATF 142 II 369 consid. 3.4.2 = JdT 2017 I p. 61). En application du droit fédéral, le canton ne peut édicter que des dispositions concernant les prestations ou le financement (art. 50 al. 2 LPP).

Ainsi, en plus d’avoir des représentants siégeant au comité paritaire désignés par le Conseil d’État (art. 44 LCPEG), l’État de Genève est garant de la CPEG ainsi que de deux autres caisses de prévoyance, celle des fonctionnaires de police et des établissements pénitentiaires et celle de la fondation de prévoyance en faveur du personnel des transports publics genevois, en tant qu’institutions de prévoyance publiques cantonales au bénéfice d’une dérogation de l’autorité de surveillance au système de la capitalisation complète (art. 1 et 2 de la loi générale relative à la garantie de l'État pour les institutions de prévoyance publiques cantonales du 17 mars 2006 - LGar - D 2 20 ; art. 25 al. 1 LCPEG ; art. 72c LPP). De plus, l’État doit s’acquitter d’un intérêt égal au taux minimum selon l’art. 15 al. 2 LPP sur la part du découvert inférieur au palier de l’équilibre financier, compte tenu d’un objectif de taux de couverture de 80 % à 40 ans. Il peut refacturer cet intérêt aux autres employeurs affiliés, en tout ou en partie, en tenant notamment compte du nombre des membres salariés et pensionnés de la caisse qui leur sont rattachés ainsi que de leur capacité financière (art. 3 al. 2 LGar). En cas de déséquilibre financier structurel prévisible à long terme, attesté par l'expert en prévoyance professionnelle, la caisse doit en informer dans les trois mois l’autorité de surveillance et le Conseil d'État, qui en informe le Grand Conseil (art. 3 al. 3 LGar et art. 28 al. 3 LCPEG). À cet effet, il est prévu que les institutions de prévoyance publiques cantonales communiquent toutes les informations requises à la détermination de leur équilibre financier (art. 4 LGar). La caisse fournit à l’autorité de surveillance les informations nécessaires au contrôle et à l’approbation de son plan de financement ainsi qu’à la poursuite de sa gestion selon le système de la capitalisation partielle (art. 26 al. 6 LCPEG).

b. Il appert ainsi que les devoirs d’information de la caisse n’existent qu'à l'égard de l’autorité de surveillance, de l’expert en prévoyance professionnelle ou encore du Conseil d’État, à l'exclusion des tiers.

En conséquence, contrairement à ce que soutient le recourant, aucun intérêt prépondérant au sens de l’art. 86a al. 5 LPP, distinct de ceux concrétisés dans le devoir d’information prévu par la LGar ou dans le mécanisme de gestion paritaire de la CEPG, qui permettrait de justifier la communication des documents litigieux à un tiers, contrairement à l’interdiction de communication de données de l’art. 86 LPP, ne peut être mis en évidence.

Il découle de ce qui précède, qu’en l’espèce, l’hypothèse prévue à l’art. 26 al. 4 LIPAD dans laquelle le droit fédéral fait obstacle à la communication des documents demandée est réalisée.

8) En tous points infondé, le recours déposé contre la décision de refus de la CPEG de communiquer les procès-verbaux de son comité au recourant, sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2020 par Monsieur A______ contre la décision de la caisse de prévoyance de l’État de Genève du 29 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à la caisse de prévoyance de l'État de Genève et au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber et M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

OPINION SÉPARÉE

(art. 119 Cst-GE et 28 al. 4 et 5 du règlement de la Cour de Justice - RCJ - E 2 05.47)

Il ne m'est pas possible de souscrire à l'opinion majoritaire de la chambre administrative dans la présente affaire, pour les raisons qui suivent.

À titre liminaire, on notera que la présente cause fait s'entremêler droit cantonal et droit fédéral d'une part, droit d'accès au document, droit des données personnelles et secret de fonction d'autre part, ce qui pose des questions complexes qui sont ici abordées de manière trop simple à mon sens.

Je partage la première partie du raisonnement qui consiste à dire que la LIPAD trouve application en l'espèce, dès lors que la CPEG est un établissement de droit public cantonal (consid. 1b).

Comme le précise le consid. 1c, on se trouve ici en présence d'une demande d'accès à un document, et plus précisément à un document de séance (procès-verbal d'une séance de comité). Dans un premier temps, la CPEG avait déclaré ne pas être soumise à la LIPAD mais uniquement à la LPD, alors que cette loi n'est, au niveau fédéral, pas pertinente en l'espèce : s'agissant d'une demande d'accès à un document, ce serait, toujours au niveau fédéral, la loi fédérale sur le principe de la transparence dans l'administration, du 17 décembre 2004 (LTrans - RS 152.3), qui trouverait application.

La deuxième étape du raisonnement consiste dès lors à se demander si la séance dont le procès-verbal est demandé est publique, non publique ou à huis clos, selon la terminologie des art. 5 à 7 LIPAD. La question n'est pas traitée dans la LCPEG, si bien que, selon les art. 5 al. 1, 6 al. 2 et 17 al. 1 LIPAD, les séances du comité ne sont pas publiques, sans être à huis clos, ce qui a pour conséquence que les procès-verbaux desdites séances sont en principe accessibles.

L'on se retrouve alors, comme cela est fait aux consid. 3 à 7 de l'arrêt, à examiner l'exception posée par l'art. 26 al. 4 LIPAD, qui soustrait notamment au droit d'accès les documents à la communication desquels le droit fédéral fait obstacle. Les consid. 3 et 4 ne prêtent pas le flanc à la critique, y compris la conclusion selon laquelle les choix faits par le comité dans les domaines concernés entrent dans le cadre des tâches attribuées de façon obligatoire par le droit fédéral au comité paritaire de la CPEG.

L'arrêt considère néanmoins que les art. 86 et 86a LPP constituent des normes fédérales interdisant l'accès aux procès-verbaux des séances du comité, ce qui mérite plus ample examen.

Il convient de rappeler que ces deux dispositions ont été introduites par une novelle du 23 juin 2000, en vigueur depuis le 1er janv. 2001 (RO 2000 2689). Selon le titre du message du Conseil fédéral (FF 2000 219), les dispositions de la novelle avaient pour but « l'adaptation et l'harmonisation des bases légales pour le traitement des données personnelles dans les assurances sociales » (c'est moi qui souligne en italiques), ceci à la suite de l'adoption de la LPD. Elle ne pouvait à l'évidence mettre en œuvre la LTrans, qui a été adoptée le 17 décembre 2004 et est entrée en vigueur le 1er juillet 2006.

L'art. 86 LPP est intitulé « secret de fonction », secret qui est aussi prévu de manière plus laconique à l'art. 33 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1). Selon le Tribunal fédéral, l'art. 86 LPP règle le devoir de discrétion des personnes qui s'occupent de l'exécution de cette loi, tandis que l'art. 86a LPP règle les exceptions au devoir de garder le secret (arrêt du Tribunal fédéral 2A.96/2000 du 25 juillet 2001 consid. 2b ; voir aussi message, FF 2000 225). D'une manière générale, le secret de fonction fait l'objet d'une règle pénale valant pour tous les échelons et domaines administratifs, à savoir l'art. 320 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), et de nombreuses règles spécifiques de droit public rappelant ce principe (sans que tous les échelons et entités soient couverts par de telles règles : aucune norme de droit public ne rappelle ainsi le secret de fonction des conseillers fédéraux, qui y sont pourtant à l'évidence tenus, cf. ATF 116 IV 56).

Principe de transparence et secret de fonction ont certes partie liée. Ainsi, l'un des quatre éléments constitutifs objectifs de l'infraction prévue à l'art. 320 CP est la présence d'un secret. Or, ne constitue pas une information secrète celle qui résulte d'une publication officielle, a déjà été communiquée officiellement au public ou serait susceptible d'être communiquée sur requête en application de la législation applicable sur la transparence (Alain MACALUSO/Laurent MOREILLON/Nicolas QUELOZ [éd.], Commentaire romand – Code pénal II, n. 21 ad art. 320 CP). Dès lors, si la définition du secret de fonction renvoie au droit d'accès aux documents, le droit d'accès aux documents ne peut pas renvoyer à la définition du secret de fonction sous peine d'engendrer un « effet Larsen juridique », soit un cercle vicieux logique. Affirmer qu'une information soumise au secret de fonction est de ce seul fait exclue du droit d'accès revient à rien de moins qu'à annuler purement et simplement la législation sur la transparence, qu'elle soit fédérale ou cantonale ! Il est donc évident que ce n'est pas parce qu'un fonctionnaire ou le membre d'une autorité est soumis au secret de fonction que le document qu'il produit est soustrait au droit d'accès. L'art. 86 LPP ne peut dès lors constituer l'exception de droit fédéral à l'accès au document demandé.

Reste l'art. 86a LPP. Mais si la norme prévoyant le secret de fonction n'est pas pertinente, pourquoi la norme qui règle les exceptions audit secret le serait-elle ? Et si la LPD est étrangère au cas d'espèce puisqu'il s'agit d'accès aux documents et non de transmission de données personnelles, pourquoi une norme mettant en œuvre la LPD serait-elle pertinente ? Il n'y a ainsi, logiquement, pas de norme spécifique dans la LPP qui déroge au droit d'accès aux documents. Une étrangeté demeure toutefois, puisque l'art. 86a al. 5 let. a LPP – qui, encore une fois, a été adopté pour mettre en œuvre la législation sur les données personnelles – parle de transmission de données non personnelles, qui ne peuvent être communiquées à des tiers que lorsqu'un intérêt prépondérant le justifie. On rappellera que la LPD définit les données sensibles (art. 3 let. c LPD) et les données personnelles (art. 3 let. a LPD), mais pas les données tout court, si ce n'est en faisant équivaloir le terme de données à celui de données personnelles (art. 3 let. a LPD précité). Le message n'explique pas non plus à quoi correspondraient ces données non personnelles (FF 2000 224 à 231). Mais même à considérer que l'art. 86a al. 5 let. a constituerait bien une norme de droit fédéral à même d'exclure l'accès aux procès-verbaux du comité de la CPEG, il faudrait encore examiner si un intérêt prépondérant justifierait sa communication. À l'évidence, dans le contexte très discuté et public de la recapitalisation de la CPEG – votation cantonale à la clef –, la mise à disposition de la presse des documents sollicités revêt un intérêt non négligeable. Savoir s'il est prépondérant n'est cependant en l'état pas possible, dès lors que la CPEG n'a pas transmis lesdits documents à la chambre administrative, comme le prévoit pourtant l'art. 63 LIPAD. Il est donc impossible de dire si le résultat auquel parvient l'arrêt est – éventuellement et pour autant que l'art. 86a al. 5 let. a LPP soit pertinent, ce qui n'est, on l'a vu, pas évident – correct ou non.

 

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Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :