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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4768/2017

ATA/1021/2019 du 18.06.2019 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4768/2017-FPUBL ATA/1021/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juin 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Daniel Kinzer, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______ est fonctionnaire de police depuis le 1er janvier 2006. Il a été transféré au sein de la police judiciaire le 8 janvier 2010, avec effet au 1er février 2010. Son traitement avait alors été fixé en classe 15, annuité 3. Celui-ci a suivi une évolution ordinaire jusqu'au 31 mars 2017, date à laquelle il se situait en classe 15, annuité 7.

2) Par décision du 27 mars 2017, le département de la sécurité et de l'économie, devenu depuis lors le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département), l'a informé que son traitement demeurerait bloqué jusqu'au 31 décembre 2018 et qu'il se trouverait en classe 14, position 9, dès le 1er janvier 2019.

3) Le 8 mai 2017, M. A______, à l'instar de nombreux collègues dans une situation identique et agissant individuellement par l'entremise du même conseil, a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant à son annulation. Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1740/2017.

4) Le 25 août 2017, M. A______ a été promu au poste ______ dès le 1er septembre 2017, son traitement passant dès cette date en classe 15, annuité 7. Le blocage jusqu'au 31 décembre 2018 et « le coulissement » en classe 14, annuité 9 le 1er janvier 2019 étaient supprimés.

5) Le 22 septembre 2017, M. A______ a recouru contre cette décision « en tant qu'elle fixait son traitement ». Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/3897/2017.

6) Le 29 septembre 2017, M. A______ a demandé au département de rectifier une erreur qu'il avait constatée dans son traitement et de le mettre rétroactivement au bénéfice du traitement suivant :

a.       Du 1er février au 31 décembre 2010 : classe 15, annuité 4

b.      Du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 : classe 15, annuité 5

c.       Du 1er janvier au 31 décembre 2014 : classe 15, annuité 6

d.      Du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 : classe 15, annuité 7

e.       Du 1er janvier 2017 au 31 août 2017 : classe 15, annuité 8

f.       Du 1er septembre 2017 au jour de la demande : classe 16, annuité 8

7) Le 7 octobre 2017, le département a admis l'existence d'une erreur dans la mesure où M. A______ aurait dû, en 2010, être mis au bénéfice d'un traitement en classe 15, annuité 4, et non 3, et annoncé une décision rectificative.

8) Le 27 octobre 2017, le département a corrigé le traitement de M. A______ rétroactivement depuis le 1er septembre 2012, de la manière suivante :

a.       15 annuité 5 avec effet au 1er septembre 2012 ;

b.      15 annuité 6 à compter du 1er janvier 2013 ;

c.       15 annuité 7 à compter du 1er janvier 2014 ;

d.      15 annuité 7 à compter du 1er janvier 2015 ;

e.       15 annuité 7 à compter du 1er janvier 2016 ;

f.       15 annuité 8 à compter du 1er janvier 2017 ;

9) Le 30 novembre 2017, M. A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation en tant qu'elle refusait de faire droit à sa requête en fixation rétroactive du traitement pour la période du 1er février 2010 au 31 août 2010 (recte : 2012). La chambre administrative devait dire que son traitement se situait :

a.       Du 1er février 2010 au 31 décembre 2010 : classe 15, annuité 4

b.      Du 1er janvier 2011 au 31 août 2012 : classe 15, annuité 5

Conformément à sa pratique en la matière, le département n'avait pas indiqué dans sa décision du 8 janvier 2010 qu'il s'agissait d'une décision, ne l'avait pas adressée par recommandé et ne l'avait pas pourvue d'une indication des voies de recours.

C'était dans le cadre de l'élaboration du recours du 22 septembre 2017 qu'il s'était rendu compte, en comparant son traitement avec celui d'un collègue ayant suivi le même parcours professionnel que lui, que son traitement était erroné depuis qu'il avait été affecté à la police judiciaire en 2010.

Le département considérait à tort que ses créances salariales étaient prescrites en tant qu'elles étaient antérieures au 1er septembre 2012, soit cinq ans avant sa requête.

D'une part, le délai de prescription ne commençait à courir qu'à partir du moment où la créance était exigible. En l'occurrence, contrairement à un cas d'heures supplémentaires, le surplus de salaire réclamé pour la période litigieuse n'était pas exigible à compter du moment où le travail avait été fourni, puisque ce qui avait été versé correspondait exactement à la décision prise par le département. En d'autres termes, avant que la créance soit exigible, il fallait encore que ladite décision soit modifiée.

Dans la mesure où le département avait accepté d'entrer en matière sur sa demande et rendu une nouvelle décision sur le fond, sujette à recours, la question de savoir s'il avait encore un droit à ce que la décision litigieuse du 8 janvier 2010 soit modifiée pouvait demeurer indécise. Il avait en outre respecté le principe de la bonne foi en agissant sans délai une fois qu'il s'était rendu compte de l'erreur.

D'autre part, l'activité de l'administration devait s'exercer dans le respect du principe de la bonne foi. Or, dans le cas présent, le département se prévalait de sa propre erreur pour lui refuser un traitement auquel il avait droit.

Il ignorait que la décision du 8 janvier 2010 était erronée et il ne pouvait pas se voir reprocher de n'avoir pas vérifié, partant du principe que les spécialistes de l'administration n'étaient pas censés commettre d'erreur. En l'absence de mention des voies de recours, il n'avait pas été averti que s'il avait souhaité contester la décision il aurait dû le faire immédiatement faute d'être forclos une fois le délai de recours passé. Dès lors que cette dérogation à la législation applicable était délibérée, il était à présent contradictoire et contraire à la bonne foi de refuser de faire droit à ses prétentions au motif qu'elles ne seraient pas intervenues en temps utile et que la créance serait prescrite.

10) Le 5 février 2018, le département a transmis ses observations concernant le recours du 30 novembre 2017, concluant à son rejet.

Contrairement à ce qu'alléguait le recourant, le salaire des fonctionnaires devenait exigible à partir des dates mensuelles de paie communiquées une année à l'avance, à partir desquelles le délai de prescription de 5 ans commençait à courir. En l'occurrence, il ne pouvait faire valoir ses créances salariales qu'à partir de septembre 2012, soit 5 ans avant sa demande. La créance salariale et son exigibilité dépendaient bien de dispositions légales et réglementaires, ainsi que du travail fourni et non d'une décision qui aurait été prise par le département, ce qui résultait de la nature synallagmatique du contrat de travail, à laquelle le droit de la fonction publique n'échappait pas.

Le courrier du département du 27 octobre 2017 ne contrevenait pas au principe de la bonne foi. Il était également faux de prétendre que le département, dans son courrier du 8 janvier 2010, n'avait volontairement pas rendu de décision sujette à recours pour dissuader le recourant d'en vérifier le contenu. Lors de sa promotion en tant qu'inspecteur, le recourant, censé connaître les dispositions légales applicables en matière de traitement et de promotion, aurait dû réagir en constatant que son traitement avait été fixé en classe 15, annuité 3 et non annuité 4, ce d'autant que l'erreur était facilement identifiable. Enfin, il n'avait pas allégué ni prouvé avoir pris, à raison de ce qui lui avait été communiqué, des dispositions contraires à ses intérêts et sur lesquelles il ne pouvait plus revenir.

11) Le 9 mars 2018, M. A______ a contesté le dernier argument soulevé par le département. Il ne s'agissait pas de ce qui lui avait été communiqué, mais précisément de ce qui ne le lui avait pas été, à savoir que le courrier du 8 janvier 2010 était une décision et qu'il disposait d'un délai pour recourir contre la fixation de son traitement. En raison de cette omission, il avait omis d'analyser cette décision et d'intenter recours, ce sur quoi il ne lui était plus possible de revenir.

12) Le 15 mars 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

13) Par deux arrêts du 12 avril 2019 rendus dans les causes A/1740/2017 et A/3897/2017, la chambre administrative a constaté que les recours déposés par M. A______ respectivement les 8 mai et 22 septembre 2017 étaient devenus sans objet, rayé les causes du rôle et alloué au recourant une indemnité de CHF 200.- pour chacune des procédures.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur le refus du département de corriger rétroactivement le traitement du recourant pour la période du 1er février 2010 au 31 août 2012, l'intimé considérant que la créance du recourant à son encontre est prescrite depuis, à tout le moins, le mois de septembre 2012, faute pour lui d'avoir faire valoir ses droits antérieurement.

3) Aux termes de l'art. 10 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), le droit au traitement prend naissance le jour de l'entrée en fonction et s'éteint le jour de la cessation des rapports de service ; le traitement est payé en 13 mensualités égales.

En droit de la fonction publique, ni la LTrait, ni le règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01), ni une autre loi ou règlement d'application en la matière ne contiennent de dispositions sur l'exigibilité de la créance salariale ou de sa prescription.

4) La chambre administrative a eu récemment l'occasion de confirmer sa jurisprudence (ATA/198/2014 du 1er avril 2014) sur la question de la prescription des créances salariales en droit de la fonction publique (ATA/89/2019 du 29 janvier 2019).

a. Le principe de la prescription des créances de droit public vaut même en l'absence de base légale expresse, en tant qu'institution générale du droit. En l'absence de dispositions légales pertinentes, le délai de prescription sera déterminé en se référant aux délais prévus dans la même loi s'ils apparaissent applicables ou, à défaut, à des règles légales régissant des cas analogues (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 261 n. 740 et p. 262 n. 742 et la jurisprudence citée). En l'absence d'une règlementation de droit public à laquelle se référer, des règles pertinentes du droit privé sont appliquées (Piermarco ZEN-RUFFINEN, Droit administratif, Partie générale et éléments de procédure, 2ème éd., 2013, p. 28 n. 122 et la jurisprudence citée).

Concernant la législation applicable au personnel de la fonction publique, la chambre de céans a déjà retenu que, celle-ci ne traitant pas de la question de la prescription des créances en matière d'heures supplémentaires, il convenait de faire référence à l'art. 128 ch. 3 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). S'agissant de rapports de travail, ce dernier prévoit que les actions des travailleurs, pour leurs services, se prescrivent par cinq ans (ATA/198/2014 du 1er avril 2014, consid. 15).

D'après la doctrine majoritaire en droit privé, seules les créances de salaires (en argent ou en nature), ou qui ont ce caractère, comme la rémunération pour travail supplémentaire, la gratification, le remplacement des vacances par une somme d'argent ou le remboursement des frais et dépenses, sont soumises à la prescription quinquennale (Pascal PICHONNAZ, in Luc THÉVENOZ/ Franz WERRO, Code des obligations I, Commentaire romand, 2012, 2ème éd., n. 30 ad art. 128).

b. La prescription court dès que la créance est devenue exigible (art. 130 al. 1 CO). Les créances issues du contrat de travail commencent à se prescrire au plus tard à la fin des rapports de travail (art. 339 al. 1 CO ; Pascal PICHONNAZ, op.cit., n. 3 ad art. 130 CO).

Le délai de prescription court à partir du moment où le créancier a le droit d'exiger la prestation du débiteur. S'agissant des créances ayant un caractère salarial, le salaire est en principe dû pour chaque mois de travail, à la fin du mois, de sorte que la créance de salaire naît pour chaque mois séparément et est exigible au terme de celui-ci. Aussi, un collaborateur de la fonction publique peut réclamer à son employeur les créances de salaire dès qu'elles sont devenues exigibles, mais seulement pour les années qui ne sont pas touchées par la prescription. En d'autres termes, le collaborateur peut en principe contester en tout temps le salaire qui lui est versé, mais la créance salariale est prescriptible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_943/2011 du 26 novembre 2012, consid. 5.1).

La prescription est interrompue lorsque le débiteur reconnaît la dette, notamment en payant des intérêts ou des acomptes, en constituant un gage ou en fournissant une caution (art. 135 ch. 1 CO). Le débiteur peut également renoncer à se prévaloir de la prescription lorsque le délai court et même lorsque le délai est écoulé (ATF 132 III 226 consid. 3.3.7). La renonciation peut intervenir par actes concluants, mais il faut des indices clairs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_495/2011 du 15 novembre 2011 consid. 2.3.1). Il suffit que le débiteur manifeste sa conviction que la dette existe encore (arrêt du Tribunal fédéral 4A_276/2008 du 31 juillet 2008 consid. 4) et qu'il reconnaisse l'obligation dans son principe ; peu importe qu'il soit dans l'incertitude quant à son étendue, sa déclaration n'ayant pas à se rapporter à une somme déterminée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_269/2014 du 17 mars 2015 consid. 9.1.1 et les références citées).

La prescription est également interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits par une action devant un tribunal (art. 135 ch. 2 CO).

Les conditions d'interruption de la prescription sont plus souples en droit public que celles prévues par l'art. 135 CO. Il s'agit de tout acte propre à faire admettre la prétention en question, visant à l'avancement de la procédure et accompli dans une forme adéquate. L'administré interrompt la prescription par toute intervention auprès de l'autorité compétente tendant à faire reconnaître ses droits (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 100 et la jurisprudence citée). D'une manière générale, la prescription est interrompue par tout acte par lequel le créancier fait valoir sa créance de manière adéquate vis-à-vis du débiteur (Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 262 n. 744).

c. L'interdiction de l'usage abusif de l'exception de prescription s'applique comme ordre public national, quel que soit le droit applicable à la prescription d'une créance. Il y a usage abusif d'un droit notamment lorsque celui qui invoque son droit a acquis sa position de façon déloyale ou irrégulière ou encore qu'il adopte un comportement contradictoire. Le juge doit relever d'office l'abus de droit. Les conditions concrètes de l'existence d'un abus de droit s'apprécient toutefois en vertu du droit de prescription dont on invoque l'usage abusif. Ces conditions sont réalisées lorsque le débiteur, même sans intention mauvaise, a eu un comportement (ouverture de négociations ou proposition de discussions transactionnelles) qui a amené le créancier à renoncer à entreprendre les démarches juridiques qui eussent été nécessaires pendant l'écoulement du délai. Le comportement du débiteur doit être apte à empêcher le créancier de préserver ses droits, en relation de causalité avec le retard à agir du créancier et l'inaction du créancier doit apparaître comme objectivement compréhensible. Lorsque le débiteur n'a pas de mauvaises intentions, ce n'est pas son comportement qui relève de l'abus de droit, mais le fait qu'il tire de ce comportement l'exception de prescription. Si le délai était déjà écoulé lorsque le débiteur a eu son comportement, le créancier ne saurait invoquer l'abus de droit ; il en va de même si le comportement a cessé bien avant la fin du délai de prescription (Pascal PICHONNAZ, op. cit, n. 11 et ss ad art. 142 CO ; Pierre TERCIER/ Pascal PICHONNAZ, Le droit des obligations, 5ème éd., 2012, n. 1589 p. 357 et les références citées).

Le seul fait qu'un créancier attende - dans les limites du délai de prescription - avant de faire valoir sa prétention ne saurait être considéré comme un abus manifeste de droit ; il faudrait qu'il s'y ajoute des circonstances particulières, par exemple que le créancier, en attendant, se procure un avantage injustifié ou encore qu'il cause au débiteur un préjudice manifeste alors que l'on pourrait exiger de lui qu'il exerce son droit (ATF 131 III 439 consid. 5.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_41/2011 du 27 avril 2011 consid. 2.2.1).

Lorsqu'il s'agit d'une créance de droit public, la prescription s'examine d'office. En revanche, elle ne s'examine que sur exception de l'État, lorsque c'est un particulier qui est créancier (ATF 138 II 169 consid. 2.2 in RDAF 2013 II 101 et la jurisprudence citée ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 745 p. 263).

d. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; ATA/1239/2017 du 29 août 2017 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 203 n. 568).

Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8D_4/2017 du 26 avril 2018 consid. 5.5 ; 2C_382/2016 du 11 juillet 2017 consid. 7.2).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_906/2017 du 7 mai 2018 consid. 3.1 ; 1C_587/2017 du 19 mars 2018 consid. 3.1 ; ATA/493/2018 du 22 mai 2018 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 654 n. 3510 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 206 s n. 578 s).

L'interdiction de l'abus de droit représente un correctif qui intervient dans l'exercice des droits (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1183). L'abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l'écart entre le droit exercé et l'intérêt qu'il est censé protéger s'avère manifeste (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., n. 1184 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, 2012, vol. 1, 3ème éd., n. 6.4.4 p. 933 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 208 n. 583). L'interdiction de l'abus de droit vaut, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3), et ce tant pour les administrés que pour l'administration (ATA/1470/2017 du 14 novembre 2017 consid. 6b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 208 n. 584).

5) En l'espèce, la créance salariale du recourant engendrée par l'erreur, reconnue par l'intimé, dans la fixation de son traitement dès le 1er février 2010 constitue une prestation relative au salaire, visée par l'art. 128 ch. 3 CO. La prescription quinquennale lui est ainsi applicable et cette créance était exigible dès le terme du mois où la différence de salaire dont il s'agit était due, soit février 2010, puis à la fin de chaque mois au versement du salaire. En conséquence, le recourant ne pouvait réclamer ses créances salariales que pour les cinq années qui précédaient sa demande du 29 septembre 2017, leur exigibilité dépendant du travail fourni et non d'une décision de l'intimé.

Bien que l'employeur, autorité administrative, eût pu, voire dû, s'assurer que la rémunération du recourant était en adéquation avec sa fonction conformément aux bases légales en vigueur, cela ne dispensait pas pour autant l'intéressé de son obligation de créancier de faire valoir ses droits en temps opportun.

En effet, dans la mesure où le recourant a été informé le 8 janvier 2010 de son changement de fonction avec promotion et de la fixation de son traitement en classe 15, annuité 3 et n'a fait valoir ses prétentions que le 29 septembre 2017, alors que l'erreur aurait pu être détectée à la lecture des dispositions légales et réglementaires applicables en cas de promotion, il ne peut pas être reproché au département d'avoir adopté un comportement contraire à la bonne foi, contradictoire ou destiné à l'induire en erreur ou à l'empêcher de réagir plus tôt. Ceci est d'autant plus vrai que le recourant, qui admet avoir « omis d'analyser » la décision du 8 janvier 2010 « et d'intenter recours » au motif qu'elle ne contenait pas d'indication des voies de droit, n'a pas pris sur la base de l'information erronée quant à la position de son annuité de dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice.

6) Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2017 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé du 27 octobre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Kinzer, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de l'emploi et de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :