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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/720/2020

ATA/163/2021 du 09.02.2021 sur JTAPI/870/2020 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/720/2020-ICC ATA/163/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 février 2021

4ème section

 

dans la cause

 

COMMUNE DE A______
représenté par Me Antoine Berthoud, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
12 octobre 2020 (JTAPI/870/2020)


EN FAIT

1) Le litige concerne les droits d'enregistrement dont la commune de A______ a été taxée en 2016.

2) Lors de sa séance du 6 octobre 2015, « vu la volonté de la Commune d'acquérir des terrains de réserve pour développer et soutenir de futurs projets », le conseil municipal de la Commune a décidé « 1. D'autoriser le conseil administratif à acheter la parcelle n° 1______ [...], 2. D'ouvrir un crédit d'investissement jusqu'à concurrence d'un montant total de CHF 3'000'000.- [...], 3. De comptabiliser cette dépense à l'actif du bilan dans le patrimoine financier [...], 6. De prévoir au moins 50% de la parcelle n° 1______ ouverte au public, côté lac, 7. De louer le bâtiment et le solde non dévolu à l'usage public de la parcelle n° 1______ pour une durée limitée et renouvelable afin de ne pas prétériter un futur projet d'utilité publique ».

3) Par décision du 24 novembre 2015, le président du département présidentiel du canton de Genève a approuvé cette délibération.

4) Par acte authentique du 5 janvier 2016, la commune a acquis la parcelle au prix de CHF 2'850'000.-.

5) Par avis de taxation du 6 janvier 2016, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a prélevé des droits d'enregistrement pour de CHF 85'508.40.

6) Lors de sa séance du 26 janvier 2016, le conseil municipal de la commune a décidé d'autoriser le conseil administratif à acheter les parcelles nos 2______ et 3______, d'ouvrir un crédit d'investissement jusqu'à concurrence d'un montant total de CHF 6'500'000.- et de comptabiliser cette dépense à l'actif du bilan dans le patrimoine financier, sous réserve d'un reclassement ultérieur au patrimoine administratif.

7) Par décision du 14 mars 2016, le président du département présidentiel du canton de Genève a approuvé cette délibération en précisant que « un éventuel transfert ultérieur des parcelles au patrimoine administratif devra donner lieu au vote d'une délibération. »

8) Par acte authentique du 11 avril 2016, la commune a acquis les parcelles nos 2______ et 3______ au prix de CHF 6'000'000.-.

9) Par avis de taxation du 12 avril 2016, l'AFC-GE a prélevé des droits d'enregistrement de CHF 180'016.80.

10) Lors de sa séance du 7 mai 2019, « vu [notamment] l'affectation des parcelles nos 1______, 3______ et 2______, et 1'800 m 2 de la parcelle n° 4______ de 3'052 m 2, du bord du lac en plage, zone de délassement et parc public, et vu la volonté des autorités de construire des bâtiments à caractère public », le conseil municipal de la commune a décidé de transférer du patrimoine financier au patrimoine administratif au 1er janvier 2018, le montant de CHF 1'507'796.- représentant la valeur comptable de 1'800 m 2 de la parcelle n° 4______ ; de transférer du patrimoine financier au patrimoine administratif au 1er janvier 2018, le montant de CHF 2'949'834.80 représentant la valeur comptable de la parcelle n° 1______ ; de transférer du patrimoine financier au patrimoine administratif au 1er janvier 2018, le montant de CHF 6'230'826.80 représentant la valeur comptable des parcelles nos 2______ et 3______.

11) Par décision du 26 juin 2019, le conseiller d'État chargé du département de la cohésion sociale du canton de Genève (ci-après : DCS) a approuvé « le transfert du patrimoine financier au patrimoine administratif, au 1er janvier 2018, des parcelles nos 4______, 1______, 2______, 3______ et 5______ ».

12) Par courrier du 13 septembre 2019, la commune a adressé à l'AFC-GE une demande de dégrèvement des avis de taxation des 6 janvier et 12 avril 2016 concernant les achats des parcelles nos 1______, 2______ et 3______. Cette demande faisait suite à la délibération du 7 mai 2019 transférant ces parcelles du patrimoine financier au patrimoine administratif. Compte tenu du caractère d'utilité publique que revêtaient désormais ces parcelles, la commune priait l'autorité fiscale de bien vouloir « exonérer les opérations contractées en 2016 moyennant un bordereau rectificatif de dégrèvement ».

13) Par courrier du 2 octobre 2019, l'AFC-GE a invité la commune à lui remettre l'arrêté du Conseil d'État d'exonération pour cette opération.

14) La commune a remis à l'AFC-GE la décision du DCS du 26 juin 2019.

15) Par lettre du 29 octobre 2019, l'AFC-GE a refusé la demande de dégrèvement, au motif que, selon l'arrêté du Conseil d'État du 25 juin 1997 relatif au remboursement des droits d'enregistrement lors de l'affectation effective de réserves de terrains acquis par les communes dans un but d'utilité publique (ci-après : l'arrêté du 25 juin 1997), l'exonération devait être sollicitée lors de l'acquisition des immeubles. En cas de refus, le département des finances s'engageait à rembourser dans un délai de dix ans les droits de mutation en cas d'affectation ultérieure. Ces conditions n'étaient pas remplies en l'espèce.

16) Par courrier du 13 décembre 2019 adressé au Conseil d'État, la commune a déposé une requête en exonération et dégrèvement des droits d'enregistrement ayant fait l'objet des avis de taxation susmentionnés. La demande était fondée sur l'art. 42 al. 2 et 3 de la loi genevoise sur les droits d'enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30).

17) Cette requête a été transmise pour raison de compétence à l'AFC-GE, qui l'a rejetée par décision du 28 janvier 2020.

Traitée comme une réclamation contre les avis de taxation des droits d'enregistrement, la requête était irrecevable, faute d'avoir été déposée dans le délai légal de trente jours. Subsidiairement, s'il s'agissait d'une demande de restitution des droits au sens de l'art. 182 LDE, elle était également irrecevable, faute de respecter le délai légal d'un an.

Plus subsidiairement encore, traitée comme demande de révision au sens des art. 80 et 81 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA - E 5 10), elle serait également irrecevable, car, contrairement à ce que prévoyait l'arrêté du 25 juin 1997, l'exonération des droits d'enregistrement n'avait pas été sollicitée lors de l'acquisition immobilière. En outre, la voie extraordinaire de la révision n'avait pas pour but de permettre d'invoquer des faits survenus postérieurement à la procédure de taxation initiale.

18) Par acte du 25 février 2020, la commune a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant principalement à son annulation, à ce que sa requête en dégrèvement soit déclarée recevable en tant que demande de reconsidération des taxations litigieuses et à ce que le dossier soit renvoyé à l'AFC-GE afin que celle-ci statue sur le fond. Subsidiairement, elle a conclu à ce que le TAPI dise que les parcelles nos 1______, 2______ et 3______, toutes affectées à son patrimoine administratif, soient exonérées des droits d'enregistrement et ordonne la restitution des montants prélevés. Elle a sollicité, préalablement, l'apport de l'arrêté du 25 juin 1997.

L'AFC-GE aurait dû examiner la requête du 13 décembre 2019 comme une demande de reconsidération au sens de l'art. 48 LPA, laquelle permettait de tenir compte de faits nouveaux (vrais nova). L'affectation ultérieure au patrimoine administratif des biens immobiliers acquis par la commune en 2016 constituait un élément de fait nouveau qui modifiait de manière importante les bases juridiques sur lesquelles la taxation litigieuse était intervenue.

La décision du DCS du 26 juin 2019, approuvant le transfert du patrimoine financier au patrimoine administratif des parcelles en cause, validait matériellement le fait que leur acquisition poursuivait un but d'utilité publique. Bien que la demande de reconsidération ne fût soumise à aucun délai, elle avait agi dans les trois mois après la décision du DCS, respectant ainsi le principe de la bonne foi.

19) L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La commune connaissait les procédures prévues par l'art. 42 LDE et par l'arrêté du 25 juin 1997. Des pièces produites par l'AFC-GE démontraient que la commune les avait respectées lors de deux autres acquisitions intervenues en 2015 et 2017. Or, la commune n'ayant demandé aucune exonération des droits d'enregistrement en application de l'art. 42 LDE, aucun préavis ni aucune décision de l'AFC-GE n'avait été rendu sur la base de cette disposition légale, de sorte que l'arrêté du 25 juin 1997 n'était pas non plus applicable.

La voie de la reconsidération ne pouvait pas être utilisée pour réparer l'omission de sa demande d'exonération, laquelle aurait pu et dû être formulée lors du dépôt des actes notariés d'acquisition des parcelles. Les décisions de taxation des 6 janvier et 12 avril 2016 étaient basées sur l'art. 33 LDE et non sur
l'art. 42 LDE, puisqu'aucune première décision d'octroi ou de refus d'exonération basée sur ce dernier article n'avait été rendue. L'état de fait depuis ces décisions n'avait subi aucune modification notable, au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, puisqu'il s'agissait toujours d'immeubles acquis à titre onéreux. L'affectation effective des parcelles au but d'utilité publique datait du 1er janvier 2018, soit plus de onze mois avant le dépôt de la demande de restitution des droits d'enregistrement le 13 septembre 2019, ce qui était incompatible avec le principe de la bonne foi.

Il n'était pas non plus possible de restituer à l'intéressée les droits d'enregistrement en application de la procédure spécifique de l'arrêté du
25 juin 1997, car elle avait envisagé le projet d'utilité publique déjà lors de l'achat des parcelles et aurait dû à ce moment-là demander l'exonération des droits d'enregistrement. Si elle l'avait demandé, elle se serait réservé la possibilité, en cas de refus d'exonération pour défaut d'affectation effective à un but d'utilité publique, d'obtenir la restitution de ses droits en démontrant que le projet d'utilité publique envisagé était effectivement concrétisé dans les dix ans suivant la date d'enregistrement des actes notariés d'acquisition.

Elle a joint l'arrêté du 25 juin 1997 et le bulletin du service de surveillance des communes n. 1 de juin 2015 (ci-après : bulletin SSC), qui décrivaient la procédure d'exonération des droits d'enregistrement.

20) Dans sa réplique, la commune a relevé que le refus de l'AFC-GE n'était fondé que sur des motifs « purement formels, voire formalistes », dépourvus de base légale formelle.

Lors de l'achat des parcelles, en 2016, elle ne remplissait pas les conditions d'une exonération, de sorte qu'il lui était inutile de faire figurer une telle mention dans la délibération du conseil municipal ou dans l'acte de vente, ou même d'adresser une telle demande au Conseil d'État ou à l'AFC-GE. Dès lors, on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir entrepris une démarche inutile et vouée à l'échec pour en tirer ultérieurement des conséquences juridiques.

L'arrêté du 25 juin 1997 concernait l'acquisition de terrains qui, dès l'origine, visaient un but d'utilité publique, mais dont la concrétisation ne pouvait être démontrée qu'après l'adoption d'un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ), tandis que les parcelles en cause ne faisaient l'objet d'aucun PLQ. Le litige devait dès lors être tranché exclusivement sous l'angle d'une procédure en reconsidération puisqu'il n'y avait pas de voie de droit contre les décisions refusant l'exonération des droits d'enregistrement. L'affectation effective des parcelles à un but d'utilité publique postérieurement à leur acquisition avait été rendue définitive par la décision du DCS du 26 juin 2019. Elle constituait un motif justifiant une demande de reconsidération. Celle-ci n'était pas tardive, car elle avait été déposée moins de trois mois après, soit le 13 septembre 2019.

21) Dans sa duplique, l'AFC-GE a relevé qu'il n'y avait pas de contradiction entre l'arrêté du 25 juin 1997 et le bulletin SSC.

Une demande d'exonération formulée lors de l'acquisition des parcelles apportait un avantage aux communes même en cas de refus de l'exonération sollicitée, car elle donnait lieu à un engagement de l'État, valable durant dix ans au lieu de deux ans prévus par l'art. 42 al. 2 LDE, à rembourser les droits d'enregistrement en cas d'affectation effective au but d'utilité publique envisagé. Le PLQ cité dans l'arrêté du 25 juin 1997 ne servait qu'à illustrer une des situations dans lesquelles les communes risquaient de ne pas pouvoir respecter le délai de deux ans de l'art. 42 al. 2 LDE. Il ne s'agissait pas d'une condition cumulative d'application de cet arrêté.

La contribuable connaissant la procédure prévue par l'arrêté du
25 juin 1997, l'absence de demande d'exonération résultait d'une omission de sa part.

22) Par jugement du 12 octobre 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Il a retenu que la demande de la commune avait été déclarée irrecevable sous l'angle d'une réclamation, d'une demande en restitution et d'une demande en révision. Bien que l'AFC-GE ne se soit pas prononcée sur la requête en tant que demande en reconsidération, il ressortait de ses déterminations devant le TAPI qu'elle estimait qu'une telle voie n'était également pas ouverte. Par économie de procédure, il n'y avait donc pas lieu de renvoyer la cause à l'autorité fiscale, le TAPI disposant de tous les éléments pour se prononcer également sur ce point.

Les conditions permettant de revenir, par la voie de la reconsidération, sur les taxations du 6 janvier 2016 et 12 avril 2016 n'étaient pas remplies.

23) Par acte expédié le 12 novembre 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice, la commune de A______ a recouru contre ce jugement, dont elle a demandé l'annulation. Elle a conclu à ce que sa requête de dégrèvement soit déclarée recevable en tant que demande de reconsidération des taxations litigieuses, subsidiairement qu'il soit constaté que les acquisitions s'y rapportant, affectées ultérieurement à son patrimoine administratif, soient exonérées des droits d'enregistrement et que les montants perçus à ce titre lui soient restitués.

Au moment de l'acquisition des parcelles en cause, elle n'avait aucun projet d'affectation, de sorte qu'elle ne pouvait les attribuer à son patrimoine administratif. Deux des parcelles (n° 6______ et 7______) étaient des routes ; l'acquisition de ces parcelles n'avait pas encore été « exécutée ».

Le litige portait uniquement sur la question de savoir si les conditions d'une reconsidération étaient remplies. L'attribution des parcelles au patrimoine administratif constituait un élément de fait nouveau, qui modifiait de manière importante les bases des taxations qui avaient été opérées. En retenant que la commune aurait dû, lors de l'acquisition des trois parcelles, se prévaloir d'une demande d'exonération, le TAPI consacrait un formalisme excessif. Les autres opérations effectuées par la commune et lors desquelles l'exonération avait été immédiatement demandée s'étaient inscrites dans un contexte différent, dès lors que la commune prévoyait alors déjà une affectation précise. Enfin, l'arrêté du Conseil d'État du 25 juin 1997 n'était pas applicable, celui-ci se rapportant à l'acquisition de terrains dans l'attente de l'adoption d'un PLQ, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce.

24) L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La commune avait requis les exonérations lors d'autres acquisitions de parcelles, y compris alors qu'elle n'avait pas encore de projet d'affectation d'utilité publique pour celles-ci. L'exonération des droits d'enregistrement relatifs aux parcelles n° 6______ et 7______ ne faisait pas l'objet du présent litige.

Les actes notariés relatifs à l'acquisition des parcelles n° 1______, 2______ et 3______ ne contenaient aucune demande d'exonération des droits d'enregistrement. Celle-ci n'avait pas non plus été formulée dans le délai de 30 jours après réception des avis de taxation respectifs. La décision du DCS du 26 juin 2019 ne prévoyait pas d'exonération non plus.

Contrairement à ce que faisait valoir la recourante, il était nécessaire d'examiner les dispositions applicables à l'exonération des droits d'enregistrement pour se prononcer sur le bien-fondé de sa demande en reconsidération. Enfin, il n'y avait pas de formalisme excessif à exiger de la commune qu'elle respecte la voie prévue pour demander une exonération lors du transfert des parcelles.

25) Dans sa réplique, la commune a insisté sur le fait que l'objet du litige était limité à la question de savoir si les conditions d'une reconsidération étaient remplies.

L'arrête du Conseil d'état du 25 juin 1997 ne valait que si l'affectation des immeubles acquis dépendait de l'adoption d'un PLQ. Lorsque le fisc procédait à la perception des droits d'enregistrement, cela signifiait implicitement qu'il refusait une exonération. Il n'était donc pas besoin de la demander expressément. Une correction de cette décision s'effectuait par le biais d'une reconsidération. Il ne pouvait être exigé de faire figurer dans un acte des éléments, qui n'étaient pas encore réalisés.

26) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le refus de l'AFC-GE de reconsidérer les décisions de taxation des 6 janvier et 11 avril 2016.

a. Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b). À teneur de l'al. 2, les demandes n'entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif.

b. L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA.

Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA : faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b et l'arrêt cité).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

c. Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). En principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417). L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211).

d. Dans le canton de Genève, les droits de mutation sont régis par la LDE et dénommés droits d'enregistrement. Les droits de mutation sont des impôts perçus par les cantons sur les transferts de propriété immobilière. Il s'agit d'impôts indirects qui n'entrent pas dans le mandat d'harmonisation fiscale de la Confédération de l'art. 129 Cst. et qui relèvent exclusivement du droit cantonal (ATF 138 II 557 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1242/2012 du
12 août 2013 consid. 1.2 ; ATA/600/2018 du 12 juin 2018 consid. 4).

Selon l'art. 33 LDE, sont soumis obligatoirement au droit de 3 %, sous réserve des exceptions prévues par la loi, tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété, de la nue-propriété ou de l'usufruit de biens immobiliers sis dans le canton de Genève, notamment les ventes, substitutions d'acquéreur, adjudications, apports et reprises de biens (al. 1).

Selon l'art. 8 al. 6 LDE, il appartient à celui qui prétend bénéficier d'une réduction ou d'une exonération de droits de fournir toutes justifications nécessaires et d'en faire état dans l'acte soumis à l'enregistrement.

L'art. 42 al. 1 LDE dispose que les acquisitions d'immeubles faites dans un but d'utilité publique ou cultuel par les entités visées à l'art. 28 LDE, à savoir notamment les communes, sont exemptées des droits d'enregistrement.

L'entité bénéficiaire de l'exonération doit, dans tous les cas, deux ans au maximum après l'enregistrement de l'acte d'acquisition, ou l'achèvement des travaux en cas de construction, remettre à l'administration la preuve de l'affectation de l'immeuble à un but d'utilité publique ou cultuel. Elle doit, en outre, dès ce moment, affecter l'immeuble à un but d'utilité publique ou cultuel pendant une période continue de trois ans. À défaut, le droit d'enregistrement est dû. Toutefois, le droit d'enregistrement demeure exonéré dans la mesure où l'entité vend l'immeuble avant l'expiration de la période de trois ans et affecte, dans un délai raisonnable, le produit de la vente à l'acquisition d'un immeuble affecté à un but d'utilité publique ou cultuel (art. 42 al. 2 LDE).

Le conseil d'État constate, dans chaque cas, par un arrêté spécial, si l'acquisition poursuit un but d'utilité publique ou cultuel et remplit les conditions exigées (art. 42 al. 3 LDE).

À teneur de l'art. 185 al. 1 let. a ch. 4 LDE, le droit de l'État d'assujettir aux droits d'enregistrement se prescrit par deux ans à compter de l'expiration du délai de deux ans prévu notamment à l'art. 42 al. 2 LDE.

e. Par arrêté du 25 juin 1997 adressé à l'Association des communes genevoises (ACG) et au département des finances, le conseil d'État a prolongé à dix ans (à compter de la date de l'enregistrement de l'acte afférent à l'acquisition du bien immobilier concerné et pour autant que les communes apportent la preuve que cette acquisition est irrévocablement affectée au but d'utilité publique) la possibilité des communes de demander la restitution des droits d'enregistrement. L'arrêté précise toutefois que l'exonération des droits doit avoir été sollicitée lors de l'acquisition immobilière, que cette exonération a été refusée au motif que l'affectation à un but d'utilité publique n'était alors pas définitive ou prouvée et que ce refus a été assorti de l'engagement du département des finances de rembourser lesdits droits en cas de réalisation ultérieure de l'affectation à l'utilité publique.

Dans son bulletin SSC, le service cantonal de surveillance des communes a précisé la procédure applicable en matière d'exonération des droits d'enregistrement en expliquant que la demande d'exonération pouvait figurer dans leurs délibérations mêmes, auquel cas la décision du département présidentiel approuvant la délibération contenait un préavis favorable ou défavorable émanant de l'AFC-GE. À défaut de disposition relative à l'exonération dans la délibération, la commune pouvait toujours présenter une demande d'exonération au moment du dépôt de l'acte notarié auprès de l'AFC-GE, mais au plus tard le dernier jour du délai légal de trente jours pour former réclamation à l'encontre du bordereau de droits d'enregistrement.

f. Relèvent du patrimoine administratif de l'État toutes les choses publiques servant directement, c'est-à-dire par leur utilisation en tant que telle, à remplir une tâche publique. En font partie les immeubles qui abritent les écoles, les hôpitaux, les gares, les musées, les bibliothèques et, de manière générale, les établissements publics et les services administratifs de l'État (ATF 143 I 37 consid. 6.1 ;
138 I 274 consid. 2.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_719/2016 du 24 août 2017 consid. 3.3.1). La gestion du patrimoine administratif a pour but la réalisation de tâches publiques (ATA/1404/2017 du 17 octobre 2017 consid. 3b ; ATA/495/2014 du 24 juin 2014 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_379/2014 précité). Appartiennent en revanche au patrimoine financier de l'Etat les biens qui ne servent qu'indirectement, soit grâce à leur valeur en capital et à leur rendement, à remplir des tâches publiques et pouvant, à ce titre, produire un revenu, voire être réalisés.

g. Le caractère formaliste de l'enregistrement implique une interprétation restrictive des dispositions contenues dans la loi sur les droits d'enregistrement. Ceux-ci étant ainsi normalement prélevés à chaque fois qu'un acte translatif de propriété à titre onéreux est soumis à l'enregistrement, il faut déterminer pour chaque acte, pris séparément, s'il donne lieu à une exonération (DCCR 32/2006 du 27 février 2006). L'exonération constituant l'exception à la perception des droits d'enregistrement, il convient d'interpréter les conditions de celle-ci de manière stricte.

3) En l'espèce, il convient de relever que la recourante n'a pas sollicité d'exonération lors de l'acquisition des parcelles ayant donné lieu aux taxations de 2016. Au contraire, elle a soumis les transactions à l'AFC-GE en vue de la taxation des droits d'enregistrement, taxations qu'elle n'a pas contestées.

Les taxations opérées en 2016 étaient fondées sur l'art. 33 LDE. Cette disposition soumet aux droits d'enregistrement tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété de biens immobiliers sis dans le canton de Genève. Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, l'affectation à un but d'utilité publique n'est pas un critère déterminant au regard de l'art. 33 LDE. Les conditions de taxation, à savoir l'acquisition par la recourante d'un bien immobilier sis dans le canton de Genève, ne se sont pas modifiées depuis lors. En effet, les parcelles en question se trouvent toujours dans le canton de Genève et demeurent acquises à titre onéreux par la recourante. Aucune modification dans cet état de faits n'est survenue. La voie de la reconsidération n'est donc pas ouverte.

Les communes peuvent, comme exposé ci-dessus, requérir l'exonération des droits d'enregistrement au moment de l'acquisition d'un immeuble dont l'affectation envisagée est d'utilité publique. Elles doivent alors suivre la procédure prévue par l'art. 42 LDE, qui laisse un délai de deux ans au plus pour fournir la preuve de l'affectation de l'immeuble à un but d'utilité publique. Si ladite affectation n'est pas effective, une décision de refus d'exonération est rendue. Dans son arrêté du 25 juin 1997, le Conseil d'État a prolongé à dix ans le délai précité, si l'affectation à un but d'utilité publique survient dans ce délai. L'AFC-GE peut alors reconsidérer la décision refusant l'exonération, compte tenu de la modification d'une circonstance de fait déterminante dans l'examen des conditions d'exonération.

La commune n'a pas choisi de suivre cette procédure. Elle ne peut, par la voie de la reconsidération, tenter de réparer cette omission.

4) Dans un second moyen, la commune se plaint de formalisme excessif. Il aurait été inutile de requérir une exonération lors des taxations, les conditions n'étant alors pas remplies. Lui reprocher son omission dans ces circonstances relèverait du formalisme excessif.

a. Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi ou complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel
(ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 ; 142 V 152 consid. 4.2 ; 132 I 249 consid. 5).

b. En l'espèce, la loi énonce clairement les conditions auxquelles une commune peut faire une demande d'exonération des droits d'enregistrement. L'art. 8 al. 6 LDE prévoit qu'il appartient à celui qui prétend bénéficier d'une exonération de droits d'en faire état dans l'acte soumis à l'enregistrement. Cette exigence permet aux communes qui le souhaitent de bénéficier de l'exonération si elles envisagent d'affecter les immeubles acquis à des buts d'utilité publique. En se conformant à cette exigence, les communes peuvent ensuite se prévaloir de l'exonération prévue à l'art. 42 LDE. Elles peuvent, ainsi, invoquer le délai de deux ans pour prouver ladite affectation. La question de savoir si la prolongation de ce délai par le Conseil d'État à dix ans est valable, ce que la recourante semble mettre en doute, n'a pas à être examinée in casu. En effet, dans la présente espèce, la procédure prévue par les art. 8 al. 6 et 42 LDE n'a précisément pas été suivie.

Cela étant, les conditions formelles posées à l'exonération ne sont pas compliquées, encore moins inutilement compliquées. Elles se justifient par le besoin de l'État de pouvoir vérifier que les conditions matérielles de l'exonération sont remplies. Elles permettent également de garantir l'égalité de traitement entre les sujets fiscaux. L'exigence de leur respect ne consacre donc pas un formalisme excessif.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

5) Au vu de l'issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2020 par la Commune de A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 octobre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge de la Commune de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine Berthoud, avocat de la recourante, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :