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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2035/2014

ATA/902/2015 du 01.09.2015 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR ; OBJET DU LITIGE ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; AIDE FINANCIÈRE ; ÉTUDIANT ; GARANTIE DE LA DIGNITÉ HUMAINE ; ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LPA.60.al1; LPA.65.al1; LPA.69.al1; LIASI.11.al4.leta; Cst.12; RIASI.13; Cst.8
Résumé : Recours d'un étudiant contre une décision de l'hospice lui accordant l'aide financière exceptionnelle et lui refusant par là même l'aide financière ordinaire. Les étudiants et les personnes en formation n'ont en principe pas droit aux prestations financières ordinaires. L'aide financière sociale en faveur des étudiants, exceptionnelle, est appelée à intervenir en complément d'une bourse ou d'un prêt d'études. Le grief de violation du droit à la protection de la dignité humaine est en réalité dirigé contre le refus de bourse et est irrecevable. Absence de violation du principe de l'égalité de traitement. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2035/2014-AIDSO ATA/902/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er septembre 2015

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL


EN FAIT

1) Selon la base de données de l’office cantonal de la population et des migrations, ce dernier a délivré, le 11 avril 2012, une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité à Monsieur A______, ressortissant de la République démocratique du Congo, né le ______ 1991, avec validité rétroactive dès le 7 octobre 2009, date retenue comme celle de son arrivée en Suisse.

2) Le 13 novembre 2012, M. A______ a obtenu un certificat de maturité spécialisée en travail social décerné par l’école de culture générale Ella-Maillart.

3) Le 16 août 2012, il a demandé des prestations d’aide sociale financière à l’Hospice général (ci-après : l’hospice), indiquant être arrivé à Genève en 2003.

4) Le 28 août 2013, il a été engagé par la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (ci-après : D______) en tant que moniteur à temps partiel à compter du mois de septembre 2013.

5) Au semestre d’automne 2013-2014, il a débuté une formation auprès de la Haute école de travail social de Genève (ci-après : HETS) dans la filière de travail social.

6) Par requête de réévaluation du 3 février 2014, il a renouvelé sa demande de prestations d’aide sociale financière auprès de l’hospice.

7) Le 24 avril 2014, Point jeunes, rattaché au centre d’action sociale de l’hospice, a prononcé huit décisions concernant M. A______.

a. Par sa première décision, l’hospice a refusé de lui allouer des prestations d’aide financière dès le 1er septembre 2013, ses ressources dépassant les charges admises de CHF 52.10 (CHF 739.70 - CHF 687.60).

b. Par sa deuxième décision, l’hospice lui a alloué des prestations d’aide financière mensuelles de CHF 196.80 dès le mois d’octobre 2013, correspondant à la différence entre ses ressources, de CHF 940.80, et ses charges, de CHF 1'137.60.

c. Par sa troisième décision, l’hospice a refusé de lui allouer des prestations d’aide financière dès le 1er novembre 2013, ses ressources dépassant les charges admises de CHF 672.50 (CHF 1'810.10 - CHF 1'137.60).

d. Par sa quatrième décision, l’hospice lui a alloué des prestations d’aide financière mensuelles de CHF 61.80 dès le mois de décembre 2013 (CHF 1'075.80 [ressources] - CHF 1'137.60 [charges]).

e. Par sa cinquième décision, l’hospice a refusé de lui allouer des prestations d’aide financière dès le 1er janvier 2014, ses ressources dépassant les charges admises de CHF 747.80 (CHF 1'895.50 - CHF 1'147.70).

f. Par sa sixième décision, l’hospice lui a alloué des prestations d’aide financière mensuelles de CHF 285.80 dès le mois de février 2014 (CHF 861.90 [ressources] - CHF 1'147.70 [charges]).

g. Par sa septième décision, l’hospice lui a alloué des prestations d’aide financière mensuelles de CHF 261.20 dès le mois de mars 2014 (CHF 886.50 [ressources] - CHF 1'147.70 [charges]).

h. Par sa dernière décision, l’hospice a refusé de lui allouer des prestations d’aide financière dès le 1er avril 2014, ses ressources dépassant les charges admises de CHF 486.45 (CHF 1'643.15 - CHF 1'147.70).

8) Par acte du 9 mai 2014, cosigné avec Madame B______, travailleuse sociale au sein de la Ville de Carouge (ci-après : la commune), M. A______ a élevé opposition à l’encontre de ces huit décisions, concluant à l’octroi de l’aide sociale ordinaire (CHF 977.- et suppléments d’intégration).

Il était arrivé en Suisse en 2003 en tant que mineur non accompagné et avait été placé en famille d’accueil jusqu’à sa majorité. Il avait été soutenu par l’aide sociale durant sa scolarité. Durant l’année scolaire 2011-2012, il avait effectué deux stages pour l’obtention de sa maturité professionnelle et avait été aidé financièrement par le Centre social protestant. Pendant l’année 2012-2013, ses revenus obtenus auprès de la D______ avaient été complétés par l’aide sociale de Point jeunes. En septembre 2013, l’octroi d’une bourse d’études lui avait été refusé, ayant été au bénéfice d’une autorisation de séjour durant moins de cinq ans. En formation à plein temps, il travaillait pour la D______ le mercredi et certains week-ends, sur appel, réalisant des revenus mensuels de l’ordre de CHF 1'000.-. À Point jeunes, son dossier avait été transféré en septembre 2013 à une nouvelle assistante sociale, laquelle lui avait indiqué, sans rendre de décision motivée, qu’il n’avait plus droit à l’aide sociale. Le service des affaires sociales de la commune l’avait soutenu financièrement et avait obtenu les allocations familiales pour cas spéciaux en décembre 2013. Il vivait très largement en-dessous du minimum vital de l’aide sociale et avait des poursuites à son encontre en raison de primes d’assurance-maladie impayées. Suite à l’intervention et l’insistance de la commune, les décisions litigieuses avaient été rendues.

L’aide sociale financière exceptionnelle lui avait été octroyée, alors qu’il avait droit à l’aide ordinaire. Il suivait une formation tertiaire à la HETS, cursus non universitaire qui devait être assimilé à une formation professionnelle supérieure ouvrant le droit à l’aide ordinaire. Vu son parcours professionnel irréprochable, il ne devait pas être pénalisé par le barème de l’aide sociale extraordinaire. La formation restait le principal rempart contre la précarité et le chômage, de sorte que l’octroi de l’aide financière ordinaire constituerait un excellent investissement à terme, qui lui permettrait de mener à bien sa formation dans des conditions dignes.

9) Par décision du 10 juin 2014, la direction de l’hospice a rejeté l’opposition et confirmé les décisions de Point jeunes en tant qu’elles allouaient à M. A______ une aide financière exceptionnelle pour étudiants et personnes en formation dès le 1er septembre 2013.

L’aide sociale intervenait pour permettre aux personnes en difficultés sociales de satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables et n’avait pas pour vocation de financer une formation ou des études, ce qui relevait d’autres sources, telles que le travail ainsi que les aides aux études, auxquelles l’aide sociale était subsidiaire. C’est pourquoi les étudiants et personnes en formation étaient exclus de l’aide financière ordinaire et pouvaient uniquement bénéficier, à certaines conditions, de l’aide financière extraordinaire, qui n’avait pas pour but de permettre à une personne de commencer de nouvelles études. M. A______ n’était pas au bénéfice d’une bourse ou d’un prêt d’études et n’avait pas besoin d’une aide ponctuelle, nécessitant durablement un complément à ses revenus du travail. Il ne remplissait pas les conditions d’octroi de l’aide financière exceptionnelle. Point jeunes l’avait donc mis au bénéfice de l’aide financière exceptionnelle à titre dérogatoire pour tenir compte de la particularité de sa situation. Ne remplissant pas même les conditions de l’aide financière exceptionnelle, il ne pouvait a fortiori pas prétendre à une aide financière ordinaire. La HETS constituait au surplus une formation professionnelle supérieure universitaire et non une formation tertiaire non universitaire.

10) a. Par acte du 9 juillet 2014, M. A______ a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation, à l’octroi de l’aide sociale ordinaire, à être mis au bénéfice d’un contrat d’aide sociale (ci-après : CASI ; recte : supplément d’intégration) ainsi qu’à l’allocation d’une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours.

Il était parfaitement intégré et son parcours professionnel avait toujours été cohérent et constant. Son revenu mensuel ne suffisait pas à subvenir à ses besoins. Il existait un droit à la couverture des besoins vitaux pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle, s’agissant ici d’une aide financière ordinaire. L’aide financière exceptionnelle ne permettait pas de vivre dignement. L’hospice ne respectait pas l’esprit de la loi, l’aide financière exceptionnelle étant destinée aux jeunes en rupture et lui-même travaillant pour réduire au maximum la charge financière de son entretien. L’aide financière exceptionnelle était devenue la règle et non l’exception, contrairement à la volonté du législateur. Le fait de suivre une formation supérieure au sein d’une haute école, laquelle déboucherait sur un métier, ne devrait pas être pénalisant.

Le barème d’aide financière devait être le même pour tous dès 18 ans, personne ne devant être discriminé en raison de son âge notamment. Il était injuste de traiter les jeunes entre 18 et 25 ans différemment des personnes âgées de plus de 25 ans, les besoins à 23 et 26 ans étant les mêmes. S’il avait vécu dans une famille, il aurait eu droit à l’aide sociale ordinaire dans le dossier de ses parents pour ses études. Il y avait une inégalité de traitement entre les étudiants vivant avec et sans leur famille.

Le fait de ne pas avoir droit à des bourses d’études ne devrait pas conduire à exclure tout droit à l’aide sociale ordinaire. Il demandait l’aide financière ordinaire au nom du principe de subsidiarité.

Il remplissait les conditions pour qu’on lui accorde un CASI (recte : supplément d’intégration) et n’en avait bénéficié qu’une seule fois, en mars 2014. Ses efforts d’intégration étaient incontestables.

b. À l’appui de son recours, il a produit plusieurs documents. Par décision du 29 octobre 2013, l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC), rattaché au département de l’instruction publique, de la culture et du sport, avait refusé l’octroi d’une bourse ou d’un prêt d’études à l’intéressé pour l’année 2013-2014, du fait qu’il ne remplissait pas les conditions relatives au cercle des bénéficiaires. Selon ses décomptes de salaire de la D______

pour les mois de septembre, octobre et décembre 2013 ainsi que janvier, février, mars, mai et juin 2014, son salaire net mensuel se situait entre CHF 405.- et CHF 1'604.90. Un relevé de l’office des poursuites du 29 novembre 2013 faisait état de trois poursuites à son encontre, pour un total de CHF 1'763.70.

11) a. Par réponse du 8 août 2014, l’hospice a conclu au rejet du recours, reprenant l’argumentation formulée dans sa décision sur opposition et la complétant.

La mise au bénéfice des étudiants et personnes en formation de l’aide financière exceptionnelle excluait clairement l’aide financière ordinaire. L’aide financière exceptionnelle n’avait jamais été remise en cause par la chambre administrative, pas plus que l’aide d’urgence, plus restreinte et qui respectait les conditions minimales d’existence. Le législateur avait prévu de traiter les étudiants de manière différente afin de tenir compte de la spécificité de cette population, de sorte qu’il n’y avait pas d’inégalité de traitement. Le courage et la persévérance de M. A______ ne lui ouvraient pas la possibilité d’une aide financière ordinaire. Les conclusions tendant à la signature d’un CASI, nouvelles, étaient irrecevables. Les étudiants et personnes en formation ne concluaient cependant pas un CASI mais avaient un droit automatique à un supplément d’intégration.

b. À l’appui de sa réponse, il a notamment versé à la procédure une attestation d’aide financière du 4 août 2014 selon laquelle M. A______ avait perçu l’aide aux personnes non titulaires d’une autorisation de séjour du 1er novembre 2009 au 31 août 2011 et était bénéficiaire de l’aide sociale depuis le 1er septembre 2012, sous réserve d’une interruption d’aide financière du 1er août au 30 septembre 2013. Il avait perçu un total de CHF 26'399.40 au 31 mars 2014.

12) a. Par réplique du 9 septembre 2014, M. A______ a demandé à l’hospice de lui verser les montants dus selon les décisions du 24 avril 2014, conclu à ce que l’aide sociale lui soit accordée rapidement ainsi que maintenu ses conclusions.

Il n’avait reçu, depuis septembre 2013, qu’une seule fois l’aide financière versée par Point jeunes, en mars 2014, la remplaçante de son assistante sociale lui ayant versé CHF 836.45, supplément d’intégration compris.

Il avait réussi son semestre de première année, mais avait échoué le deuxième, qu’il devait refaire au lieu de poursuivre son cursus normal. Cet échec s’expliquait par le fait qu’il avait dû travailler pour survivre, au lieu d’étudier. D’août 2014 à février 2015, il effectuait un stage, pour un salaire brut de CHF 850.- par mois, auquel s’ajoutaient les allocations de formation de CHF 400.-, pour un total mensuel de CHF 1'250.-, montant insuffisant pour payer son loyer, son assurance-maladie, son entretien et les frais liés à ses études. Il pourrait demander une bourse d’études uniquement en octobre 2014.

b. À l’appui de sa réplique, il a produit ses relevés de comptes PostFinance du 1er janvier au 24 juillet 2014 et à la Banque Cantonale de Genève du 1er novembre 2013 au 9 septembre 2014, ses décomptes de salaire de la D______ de novembre 2013 et d’avril 2014 ainsi que son contrat pédagogique tripartite du 15 mai 2014.

13) Par courrier du 23 septembre 2014, adressé en copie à la chambre administrative, l’hospice a indiqué à l’intéressé que Point jeunes était à sa disposition pour lui verser les prestations d’aide financière exceptionnelle dès le 1er octobre 2013, pour autant qu’il reprenne contact et fournisse les informations requises.

Les prestations d’aide financière exceptionnelle pour la période du 1er octobre 2013 au 28 février 2014 n’avaient pas pu lui être versées car il n’avait pas fourni à Point jeunes les documents qui lui avaient été demandés. Pour avril 2014, il n’avait pas droit à des prestations d’aide financière exceptionnelle. Dès le 1er mai 2014, les prestations d’aide financière exceptionnelle n’avaient pas pu être calculées du fait qu’il ne s’était plus manifesté auprès de Point jeunes depuis le 17 avril 2014, alors qu’elles ne pouvaient être allouées que sur présentation des documents nécessaires.

14) Par courrier du 28 octobre 2014, adressé en copie à la chambre administrative, M. A______ a indiqué avoir repris contact avec Points jeunes et lui avoir remis les documents demandés, sous réserve de derniers documents qu’il devait transmettre le 3 décembre 2014. L’assistante sociale devait le rappeler dès que les calculs seraient effectués. Il n’avait pour l’heure pas eu de nouvelle ni reçu de prestations d’aide financière.

Il était surpris par la remarque relative aux documents manquants. Il avait remis tous les documents à son assistante sociale. Les prestations du mois de mars 2014, avec le supplément d’intégration, lui avaient d’ailleurs été versées et ses droits pour octobre 2013 à mars (recte : février) 2014 avaient été calculés mais jamais versés. Il comprenait qu’il devait payer ses primes d’assurance-maladie pour recevoir ses prestations, mais n’avait ni l’argent pour ce faire, ni reçu les bulletins de versement que Point jeunes aurait dû lui envoyer. Il ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas droit au supplément d’intégration. Si, en avril 2014, il était au-dessus du « barème 2 », il contestait précisément l’utilisation de ce barème devant la chambre administrative. Il ne s’était plus manifesté depuis avril 2014 auprès de Point jeunes car son assistante sociale lui avait fait comprendre qu’il était inutile de revenir, étant au-dessus du barème.

15) Par courrier du 31 octobre 2014, adressé en copie à la chambre administrative, l’hospice a pris note que Point jeunes contacterait l’intéressé dès que les calculs seraient effectués pour fixer les prestations d’aide financière exceptionnelle. Les points soulevés par ce dernier seraient par ailleurs tranchés par la chambre administrative, étant rappelé que le supplément d’intégration automatique était accordé aux étudiants, pour autant qu’ils aient un droit aux prestations d’aide financière exceptionnelle.

16) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces deux points de vue (art. 52 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/65/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2b ; ATA/193/2013 du 26 mars 2013 consid. 2b ; ATA/281/2012 du 8 mai 2012 consid. 8 et les références citées).

b. Le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué - qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164 ; 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 1.2). Il faut donc que l’admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 134 II 120 consid. 2 p. 122 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 8C_696/2011 du 2 mai 2012 consid. 5.1 ; ATA/65/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2c ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 consid. 3b ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3a). Un intérêt seulement indirect à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée n’est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 p. 296 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

c. En l’espèce, le recourant ne remet pas en cause l’octroi d’une aide financière en elle-même, qu’il n’a de fait aucun intérêt à contester, mais reproche à l’autorité intimée de lui avoir octroyé une aide insuffisante, demandant à être mis au bénéfice de l’aide financière ordinaire. Or, si les décisions du 24 avril 2014 prononcent l’octroi de l’aide financière exceptionnelle, elles prononcent par là même également un refus d’octroi de l’aide financière ordinaire, de sorte que le recourant a sous cet angle un intérêt à remettre en cause la décision sur opposition les confirmant.

Le recourant a par conséquent la qualité pour recourir contre la décision attaquée et son recours sera déclaré recevable.

3) Il convient préalablement d’examiner l’objet du litige.

a. Peuvent notamment faire l’objet d’un recours les décisions finales (art. 57 let. a LPA). L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant, ainsi que l’exposé des motifs et l’indication des moyens de preuve (art. 65 al. 1 et 2 LPA). La juridiction administrative applique le droit d’office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

b. L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 p. 365 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/744/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2a ; ATA/751/2013 du 12 novembre 2013 consid. 6). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés (ATA/744/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2a ; ATA/336/2014 du 13 mai 2014 consid. 4a ; ATA/790/2013 du 3 décembre 2013 consid. 4 ; ATA/560/2006 du 17 octobre 2006 consid. 5b). Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/744/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2a ; ATA/336/2014 du 13 mai 2014 consid. 4a ; ATA/163/2010 du 9 mars 2010 consid. 2c ; ATA/503/2009 du 6 octobre 2009 consid. 2b).

c. En l’espèce, le recours est dirigé contre la décision sur opposition du 10 juin 2014 en tant qu’elle confirme le refus d’accorder au recourant l’aide financière ordinaire de septembre 2013 à avril 2014 en lieu et place de l’aide financière exceptionnelle, prononcé par décisions du 24 avril 2014. Le litige porte dès lors uniquement sur la conformité au droit de ce refus.

En particulier, dans ses décisions du 24 avril 2014, l’autorité intimée n’a ni accordé ni expressément refusé l’octroi du supplément d’intégration au recourant. Les conclusions tendant à ce qu’il soit mis au bénéfice du supplément d’intégration, qui n’ont jamais été soumises à l’autorité intimée, sont dès lors exorbitantes au litige et seront déclarées irrecevables.

Au surplus, il convient de souligner que le litige ne porte pas non plus sur la conformité au droit du refus de mettre le recourant au bénéfice d’une bourse ou d’un prêt d’études, prononcé par l’OFPC par décision du 29 octobre 2013, laquelle est entrée en force en l’absence de recours à son encontre.

4) Le recourant soutient que l’autorité intimée aurait dû le mettre au bénéfice de l’aide financière ordinaire.

a. Les étudiants et les personnes en formation n'ont pas droit aux prestations financières ordinaires (art. 11 al. 4 LIASI a contrario ; ATA/840/2014 du 28 octobre 2014 consid. 5 ; ATA/559/2014 du 17 juillet 2014 consid. 7). Néanmoins, une aide financière exceptionnelle est octroyée aux étudiants et aux personnes en formation aux conditions fixées par le Conseil d’État (art. 11 al. 4 let. a LIASI).

b. Le Conseil d’État a prévu que les personnes en formation dans une filière tertiaire non universitaire (écoles professionnelles supérieures), notamment, étaient tout de même au bénéfice de l’aide ordinaire (art. 13 al. 5 let. a 2ème hyp. du règlement d'exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01).

Les formations dispensées par les hautes écoles spécialisées (ci-après : HES) aboutissant à un bachelor rentrent dans la catégorie des formations professionnelles universitaires (tertiaire A ; art. 11 al. 1 let. 2 ch. 2 de la loi sur les bourses et prêts d’études du 1er juin 2012 - LBPE - C 1 20).

c. En l’espèce, M. A______ est étudiant à la HETS, une HES.

Il n’a par conséquent pas droit à l’aide financière ordinaire, ni en vertu de la LIASI, ni en vertu du RIASI.

5) Le recourant soutient toutefois que le refus de lui octroyer l’aide financière ordinaire serait contraire au droit à la protection de la dignité humaine.

a. Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d’existence. Il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d’adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l’art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/840/2014 du 28 octobre 2014 consid. 2 ; ATA/724/2013 du 29 octobre 2013 consid. 3a). L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

b. En droit genevois, la LIASI et le RIASI mettent en œuvre ce principe constitutionnel. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI).

c. Les prestations d’aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI). La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/840/2014 du 28 octobre 2014 consid. 4 ; ATA/227/2014 du 8 avril 2014 consid. 3 ; Félix WOLFFERS, Fondement du droit de l’aide sociale, 1995, p. 77). Le Tribunal fédéral a rappelé, dans un arrêt 8C_56/2012 du 11 décembre 2012, que l'art. 9 al. 1 LIASI correspondait aux principes dégagés par la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après : CSIAS ; arrêt 8C_56/2012 précité consid. 3.1).

d. L’exclusion des étudiants et des personnes en formation de l’aide financière ordinaire s’explique en particulier par le fait que ces derniers doivent en premier lieu faire appel aux prestations spécifiques qui leur sont destinées, telles que les allocations d'études, les bourses et autres encouragements à la formation (MGC 2005-2006/I A 228 p. 263).

e. Peut être mis au bénéfice d'une aide financière exceptionnelle, l'étudiant ou la personne en formation qui est au bénéfice d'allocations ou prêts d'études (let. a) et ne fait pas ménage commun avec son père et/ou sa mère (let. b ; art. 13 al. 1 RIASI). L’aide financière doit permettre de surmonter des difficultés passagères et de terminer la formation en cours. Elle est limitée à six mois. À titre exceptionnel, elle peut être reconduite (art. 13 al. 2 RIASI).

6) En l’espèce, le recourant soutient que l’aide financière exceptionnelle serait insuffisante. Le refus d’octroi de l’aide financière ordinaire serait par conséquent contraire à son droit à la protection de la dignité humaine.

Il ressort toutefois de la systématique légale que les étudiants et les personnes en formation ont été soumis au régime particulier des prestations financières exceptionnelles précisément du fait que l’aide financière sociale en leur faveur, subsidiaire, est appelée intervenir en complément d’une bourse ou d’un prêt d’études. Les étudiants et les personnes en formation remplissant tant les conditions d’octroi d’une bourse ou d’un prêt d’étude, que les conditions supplémentaires d’octroi de l’aide financière exceptionnelle, bénéficient dès lors de deux aides de natures différentes, dont la seconde, relevant de l’aide sociale, vient compléter la première.

Certes, le recourant ne bénéficie que de l’aide exceptionnelle, sans être au bénéfice d’une bourse ou d’un prêt d’étude. Toutefois, cette situation n’est que la conséquence du fait que l’autorité intimée lui a accordé l’aide financière exceptionnelle sans que les conditions légales à cet effet ne soient remplies, comme elle l’a d’ailleurs elle-même indiqué en déclarant qu’elle lui avait été accordée à titre dérogatoire, eu égard à sa situation. Ainsi, en invoquant l’insuffisance de l’aide financière extraordinaire, le recourant remet de fait en cause son caractère suffisant lorsqu’elle est perçue isolément et conteste dès lors en réalité le refus d’octroi d’une bourse ou d’un prêt d’études.

Par conséquent, le grief de violation de son droit à la protection à la dignité humaine constitue en réalité un grief à l’encontre du refus d’octroi de bourse et de prêt d’études, lequel est entré en force et exorbitant au présent litige.

Le grief du recourant est dès lors irrecevable.

7) Le recourant invoque ensuite une violation du principe de l’égalité de traitement.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 138 V 176 consid. 8.2 p. 183 ; 134 I 23 consid. 9.1 p. 42 ; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6 s. ; Vincent MARTENET, Géométrie de l'égalité, 2003, p. 260 ss).

b. Les prestations d'aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie (art. 13 al. 1 LIASI). Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré vivant en ménage commun avec lui, et de leurs enfants à charge (art. 13 al. 2 LIASI). Les enfants à charge sont les enfants mineurs ainsi que les enfants majeurs jusqu'à l'âge de 25 ans révolus pour autant qu'ils soient en formation ou suivent des études régulières et qu'ils fassent ménage commun avec le demandeur. Les enfants qui sont momentanément absents du domicile du demandeur pour raisons d'études ou de formation, sont considérés comme faisant ménage commun avec celui-ci (art. 13 al. 3 LIASI).

c. En l’espèce, le recourant se plaint d’une différence de traitement selon l’âge de l’étudiant et l’existence ou non d’un ménage commun de ce dernier avec ses parents.

Toutefois, si l’unité économique de référence selon la LIASI implique une différenciation entre l’étudiant ou la personne en formation de moins de 25 ans à charge de ses parents et l’étudiant ou la personne en formation de moins de 25 ans autonome, il n’en demeure pas moins que la situation du premier diffère de celle du second, l’un étant justement à charge de ses parents et l’autre, autonome.

Le grief de violation du principe de l’égalité de traitement sera par conséquent écarté.

8) Dans ces circonstances, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

9) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 juillet 2014 par Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du 10 juin 2014 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :