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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2815/2013

ATA/559/2014 du 17.07.2014 ( AIDSO ) , ADMIS

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE ; DÉTRESSE ; DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE ; DÉLÉGATION LÉGISLATIVE ; PRESTATION D'ASSISTANCE ; ÉTUDES POSTGRADUÉES
Normes : LIASI.11.al4 ; RIASI.13.al1 ; RIASI.13.al2
Résumé : En précisant que l'aide financière aux personnes en formation n'est accordée que dans le but de terminer des études et à titre exceptionnel, l'art. 13 al. 2 RIASI dépasse le cadre de la délégation législative circonscrit par l'art. 11 al. 4 let. a LIASI. La volonté du législateur n'était en effet pas d'exclure a priori des personnes entamant des études, mais de ne pas transformer l'aide sociale en aide à la formation.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2815/2013-AIDSO ATA/559/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 juillet 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

et

Madame B______
représentés par CARITAS, mandataire

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

_________



EN FAIT

1) Madame B______, née le ______ 1977, et Monsieur A______, né le ______ 1966, (ci-après: les époux) sont ressortissants de D______.

Ils ont tous les deux obtenu des diplômes d'avocat dans leur pays d'origine. Ils ont exercé des fonctions dans des professions liées au droit et à l’économie pour ce qui est de M. A______.

2) Les époux sont arrivés en Suisse en novembre 2010. Ils ont obtenu l'asile politique le 10 janvier 2011.

3) Dès mars 2011 et jusqu'à la fin du semestre de l'année scolaire 2010-2011, les époux ont travaillé bénévolement comme éducateurs auprès de l'école C______. Ils ont dispensé des cours de K______à des enfants de, respectivement, 4 à 6 ans et 10 à 13 ans.

4) Dès le 1er octobre 2011, ils ont été suivis par l'Unité des réfugiés statutaires de l'aide aux requérants d'asile de l'Hospice général (ci-après: unité statutaire d'aide aux réfugiés) et ont touché des prestations d'aide financière sur la base de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

5) Le 10 octobre 2011, ils ont signé le formulaire « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général ». Ils ont pris acte du fait que cette aide était subsidiaire à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune ou d'une prestation sociale. L'engagement a été renouvelé le 4 février 2013.

6) Du 28 février 2011 au 26 septembre 2012, Mme B______ a suivi des cours intensifs de langue française de différents niveaux à l'Institut pour la formation des adultes (ci-après: IFAGE) jusqu'à obtenir le certificat Delf B II.

7) Du 4 avril 2011 au 22 juin 2012, M. A______ a suivi des cours intensifs de langue française à l'IFAGE jusqu'à réussir l'examen pour le cours de niveau B2.

8) Dès juin 2011, Mme B______ a été active auprès de l'Eglise de F______, notamment dans la garde d'enfants une fois par mois.

9) D'octobre 2011 à juillet 2012, les époux ont été suivis par l'association « Découvrir » qui œuvre pour l'intégration des personnes migrantes. Les questions de leur réintégration professionnelle ont été abordées, notamment la possibilité de poursuivre dans le domaine du droit ou au contraire dans des domaines « moins protégés » que le droit. Au vu notamment de leurs qualités personnelles et des perspectives du marché de l'emploi, l'association « Découvrir » a proposé une reconversion dans le domaine social aux époux.

10) Du 1er mars 2012 au 31 décembre 2012, M. A______ a travaillé, bénévolement, à 100% comme assistant administratif auprès de G______.

11) Fin 2012, les époux ont indiqué à l'assistante sociale en charge de leur dossier à l'Hospice général qu'ils désiraient suivre une formation à la Haute école de travail social (ci-après: HETS). L'assistante sociale leur a indiqué que s'ils entreprenaient des études, l'Hospice général ne les aiderait plus financièrement.

12) Du 1er février 2013 au 30 juin 2013, M. A______ a effectué un stage obligatoire de préparation pour entrer à l'HETS auprès de H______.

13) Dans une période allant du 4 mars 2013 au 9 août 2013, Mme B______ a effectué deux stages auprès des foyers de jour « I______ » et « J______ » afin d'obtenir les prérequis nécessaires pour entrer à l'HETS à la rentrée 2013-2014.

14) Le 8 mars 2013, les époux ont demandé une décision à l'Hospice général pour savoir si ce dernier entrait en matière ou non sur des études à l'HETS. En outre, ils demandaient de changer d'assistante sociale, car cette dernière ne connaissait pas suffisamment leur dossier et ne les aidait pas du tout dans leurs démarches.

15) Le 11 mars 2013, l'Hospice général a indiqué aux époux qu'il ne serait pas possible d'intervenir financièrement pour une formation auprès de l'HETS.

Les époux n'avaient pas réussi à passer le test de français requis pour poursuivre leurs études de droit, ce qui les avaient décidé à se présenter à l'HETS. Ce n'était pas l'aide sociale mais une bourse, un prêt ou un travail qui permettraient de financer leurs études. L'Hospice général ne finançait pas de deuxième formation.

16) Par décision du 9 avril 2013, l'Hospice général a confirmé que le fait d'entreprendre des études à l'HETS était incompatible avec le versement d'une aide financière.

L'aide sociale n'était pas destinée à financer des études supérieures. Les conditions pour bénéficier d'une aide financière exceptionnelle n'étaient pas remplies.

Il fallait se tourner vers une bourse ou un prêt d'études.

17) Le 10 mai 2013, par l'intermédiaire de leur conseil, les époux ont formé opposition contre cette décision.

Leur situation était exceptionnelle. Ils avaient dû fuir leur pays. Reprendre des études de droit prendrait plus de temps que la formation à l'HETS. Ils avaient travaillé bénévolement depuis leur arrivée et appris le français.

Les conditions légales pour l'obtention d'une aide exceptionnelle pour les étudiants étaient remplies.

18) Par décision du 4 juillet 2013, l'Hospice général a rejeté l'opposition.

Conformément au principe de subsidiarité de l'aide sociale, les époux pouvaient travailler dans le domaine des organisations internationales avec leur formation juridique complète.

L'aide exceptionnelle pour les étudiants était réservée aux situations de nécessité afin de permettre aux personnes de terminer leurs études. Elle n'existait en aucun cas dans le but de commencer une nouvelle formation.

19) Par décision sur opposition du 28 août 2013, le service des bourses et prêts d’études du département de l'instruction publique (ci-après: SBPE) a décidé d'octroyer à M. A______ une bourse de CHF 16'000.- pour l'année scolaire 2013-2014 à l'HETS.

20) Le 3 septembre 2013, les époux ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) contre la décision du 4 juillet 2013 (cause A/2815/2013). Ils concluaient à ce que Mme B______ conserve son droit à l'aide sociale indépendamment de la décision concernant son époux. En outre, M. A______ avait le droit à l'aide financière exceptionnelle pour les étudiants.

En refusant l'aide financière exceptionnelle et en s'appuyant sur l'art. 13 du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), l'Hospice général violait le droit à un niveau de vie suffisant.

La délégation prévue à l'art. 11 al. 4 LIASI n'était pas suffisante pour permettre d'ajouter à l'art. 13 al. 2 RIASI que l'aide financière devait permettre de « surmonter des difficultés passagères et de terminer les études ».

Si la chambre administrative devait estimer que la délégation était valide, elle devait constater qu'il existait une lacune improprement dite à l'art. 13 al. 2
1ère phr. RIASI. La situation particulière des réfugiés politiques n'avait pas été envisagée dans la rédaction de cet article.

21) Par décision du 26 septembre 2013, l'Hospice général a indiqué que chaque membre du groupe familial devait individuellement remplir les conditions pour l'aide sociale pour que les membres de cette famille reçussent une aide financière. Ainsi, le sort de Mme B______ suivait celui de son époux.

22) Le 10 octobre 2013, l'Hospice général a conclu au rejet du recours du 3 septembre 2013. M. A______ ne remplissait pas les conditions d'octroi de prestations LIASI du fait de son statut d'étudiant.

Les époux bénéficiaient d'une formation qualifiée. Ils ne devraient donc pas avoir le droit à une deuxième formation. Ils ne remplissaient pas les conditions pour une aide financière exceptionnelle.

L'art. 13 al. 2 RIASI ne faisait que préciser l'art. 11 LIASI. La limitation dans le temps de l'aide financière respectait la volonté du législateur. Le droit à un minimum vital ne donnait pas le droit à une formation. Les buts d'intégration fixés par la Confédération ne supposaient pas que les étrangers bénéficiaient automatiquement d'une aide pour compléter une deuxième formation. L'aide sociale n'avait pas pour but de financer une formation.

La question de savoir si Mme B______ devait tout de même garder l'aide sociale au cas où M. A______ entamait des études dépassait le cadre de la décision querellée. En tout état de cause, si un membre du groupe familial ne remplissait pas les conditions d'octroi de prestations de la LIASI, il convenait d'exclure le groupe familial des prestations. Le couple était indissociable dans la délivrance de prestations.

23) Le 28 octobre 2013, les époux ont formé opposition contre la décision du 26 septembre 2013.

De jurisprudence constante, il était faux de priver un membre du groupe familial de prestations d'aide sociale en arguant qu'un autre membre du même groupe familial ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de cette aide.

24) Le 4 novembre 2013, dans le cadre de la cause A/2815/2013, a eu lieu une audience de comparution personnelle. Les deux époux étaient présents.

M. A______ a expliqué que lui et son épouse avaient suivi une formation juridique dans leur pays. Ils étaient venus en Suisse à cause d'une situation mettant en lien des organisations mafieuses et institutions juridiques et politiques.

Ils avaient essayé d'activer leur intégration dès leur arrivée en travaillant tout d'abord en cuisine puis comme enseignants de K______. Ils avaient appris le français à l'IFAGE et à l'université de Genève (ci-après : UNIGE).

Ils avaient envisagé de compléter leur formation juridique, mais s’étaient rendu compte qu’ils devaient changer de domaine d’activité pour ne pas mettre en danger leur famille restée en D______. Ils s'étaient donc tournés vers le travail social. Pour obtenir le bachelor en droit à l'UNIGE, ils auraient dû refaire une année complète. Ils avaient obtenu une équivalence pour à peu près une année de formation à l'HETS.

M. A______ avait commencé une formation en emploi à G______ qui ne pouvait pas le payer. Il touchait par contre une bourse d'étude. Mme B______ commencerait des études à l'HETS l'année suivante.

Les différentes expériences bénévoles effectuées à Genève depuis son arrivée avaient convaincu Mme B______ de son intérêt pour le travail social. Elle avait réussi à trouver des stages rémunérés jusqu'au mois d'août, mais ne recevait pas de bourse comme elle n'était pas encore étudiante à l'HETS. Elle avait ressenti la décision de l'Hospice général comme une décision la poussant à l'indigence alors qu'elle désirait être un peu soutenue dans ses démarches vers l'autonomie.

La représentante de l'Hospice général a précisé que la décision querellée était une décision de principe sur le refus d'octroi d'aide financière aux étudiants. Dans ce cas, tout le cercle familial étudiant devait être exclu.

25) Le 4 décembre 2013, sur demande du juge délégué, H______ a indiqué que M. A______ était employé dans H______ dans le cadre de sa formation à l'HETS. Il avait en effet donné entière satisfaction lors de son travail bénévole. Il n'était pour l'instant pas payé, la dépense n'ayant pas été budgétée. H______ était à la recherche des fonds nécessaires. La situation était connue de l'HETS.

26) Par décision du 23 décembre 2013, l'Hospice général a rejeté l'opposition du 26 septembre 2013.

Mme B______ n'avait pas le droit à une aide financière, comme son époux, membre de son groupe familial, avait commencé des études qui l'excluait de l'aide financière ordinaire de la LIASI. Il ne remplissait pas non plus les critères de l'aide exceptionnelle pour les étudiants.

27) Le 14 janvier 2014, l'Hospice général a indiqué déduire du courrier de H______ que M. A______ avait les fonds nécessaires pour sa subsistance. Du fait du principe de subsidiarité, l'aide sociale n'était plus nécessaire.

28) Le 16 janvier 2014, à la suite de ce courrier, la cause A/2815/2013 a été gardée à juger.

29) Le 3 février 2014, Mme B______, par l'intermédiaire de son conseil, a recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du 23 décembre 2013 (cause A/329/2014).

M. A______ avait le droit à une aide financière exceptionnelle.

En tout état de cause, la situation de Mme B______ ne devait pas être liée à celle de son époux, comme le montrait une série de jurisprudences de la chambre administrative. Elle avait le droit à l'aide sociale indépendamment du sort de la cause A/2815/2013.

30) Le 10 mars 2014, l'Hospice général a conclu au rejet du recours du 4 février 2014.

Il était justifié de refuser l'aide sociale à Mme B______ du fait que son époux avait le statut d'étudiant et, qu'à ce titre, il ne pouvait pas bénéficier d'une aide financière. La jurisprudence citée par la recourante ne s'appliquait pas dans le cas d'espèce.

31) Le 16 mai 2014, Mme B______ n'ayant pas émis d'observations supplémentaires, la cause A/329/2014 a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Les causes nos A/2815/2013 et A/329/2014 se rapportant à des faits éminemment connexes et à une cause juridique commune, elles seront jointes en application de l'art. 70 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sous le numéro de cause A/2815/2013.

2) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

3) Les recours seront analysés sous l'angle de la situation de M. A______, leur issue pouvant dépendre de la décision sur l'octroi ou non de l'aide financière exceptionnelle à ce dernier.

4) Quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 -
Cst. - RS 101). Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d’existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d’adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l’art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (Arrêts du Tribunal fédéral
2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/724/2013 du 29 octobre 2013). L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) - reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

5) En droit genevois, la LIASI et le RIASI mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

6) La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI).

Les prestations d’aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI). La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/227/2014 du 8 avril 2014 ; Félix WOLFFERS, Fondement du droit de l’aide sociale, 1995, p. 77). Le Tribunal fédéral a rappelé dans un arrêt 8C_56/2012 du 11 décembre 2012 que l'art. 9 al. 1 LIASI correspond aux principes dégagés par la Conférence suisse des institutions d'action sociale (ci-après : CSIAS).

7) Les étudiants et les personnes en formation n'ont pas droit aux prestations financières ordinaires (art. 11 al. 4 LIASI a contrario). Néanmoins, le Conseil d’Etat fixe par règlement les conditions d’une aide financière exceptionnelle pour cette catégorie de personnes (art. 11 al. 4 let. a LIASI).

Peut être mis au bénéfice d'une aide financière exceptionnelle l'étudiant ou la personne en formation, qui remplit les conditions cumulatives suivantes : être au bénéfice d'allocations ou prêts d'études (art. 13 al. 1 let. a RIASI) et ne pas faire ménage commun avec son père et/ou sa mère (art. 13 al. 1 let. b RIASI).

En outre, l’aide financière doit permettre de surmonter des difficultés passagères et de terminer la formation en cours. Elle est limitée à six mois. A titre exceptionnel, elle peut être reconduite (art. 13 al. 2 RIASI).

Dans l'ATA/380/2013 du 18 juin 2013, concernant une personne qui n'avait pas annoncé à l'Hospice général qu'elle avait commencé de nouvelles études ni qu'elle avait quitté son emploi, la chambre administrative avait confirmé la décision de retrait de l'aide financière. L'aide financière exceptionnelle était réservée aux étudiants afin qu'ils terminent leurs études, alors que, dans ce cas, la recourante avait entamé une formation pouvant durer quatre ans.

8) Les recourants estiment que l'art. 13 RIASI viole le droit à la formation de l'art. 24 al. 3 Cst-GE et le droit à un niveau de vie suffisant des art. 12 Cst et 39
al. 1 Cst-GE. La délégation législative ne respecterait pas le principe de la légalité.

9) Le règlement concrétise les règles qui figurent dans la loi et précise les modalités pratiques de son application. Seules des normes secondaires peuvent se trouver dans un règlement. Une norme secondaire est une norme qui ne déborde pas du cadre de la loi, qui ne fait qu'en préciser certaines dispositions et fixer, lorsque c'est nécessaire, la procédure applicable (Andreas AUER/
Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, l'Etat, volume I, 2e éd., Berne 2006, p. 544).

Au contraire, les normes primaires sont des règles dont il n’existe aucune trace dans la loi de base, des règles qui étendent ou restreignent le champ d'application de cette loi, confèrent aux particuliers des droits ou leur imposent des obligations dont la loi ne fait pas mention. Elles ne peuvent être édictées par l'autorité exécutive que si une telle compétence trouve son fondement dans une clause de délégation législative valable (Andreas AUER/
Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 545).

Le mécanisme de la délégation législative est solidement ancré dans le droit public cantonal. Il est en effet admis que le législateur cantonal a le droit de déléguer au gouvernement la compétence d'adopter des lois au sens matériel et de l'autoriser à créer des règles de droit sous forme d'ordonnance de substitution dépendante, fondée précisément sur une délégation législative. Ce droit est limité par quatre règles établies par une longue jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 128 I 113 consid. 2, p. 122, ATF 118 Ia consid. 3, p. 245, ATF 115 Ia 277
consid. 7, p. 290; ATA/455/2013 du 30 juillet 2013) et qui ont elles-mêmes valeur constitutionnelle :

- il faut que la délégation ne soit pas prohibée par le droit cantonal ;

- la délégation doit se limiter chaque fois à une matière déterminée ;

- la délégation doit figurer dans une loi au sens formel ;

- la norme de délégation doit indiquer le contenu essentiel de la réglementation.

Un acte législatif qui ne respecte pas l'une ou l'autre de ces 4 conditions ainsi qu'une décision qui se fonde sur une telle ordonnance manquent de base légale et violent le principe de la séparation des pouvoirs (Andreas AUER/
Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., pp. 590 et ss).

10) L'aide aux personnes en formation a un caractère exceptionnel (art. 11 al. 4 let. a LIASI).

Dans l'exposé de motifs accompagnant le PL 9676, le Conseil d'État précisait au sujet de l'art. 11 al. 3 let. a du projet de loi (devenu l'art. 11 al. 4 let. a LIASI) que les étudiants étaient exclus des prestations ordinaires de la loi. Ils devaient faire appel tout d'abord aux allocations d'études, aux bourses et autres encouragements à la formation. Le versement d'une prestation LIASI était également subsidiaire à l'aide des parents (MGC 2005-2006/I A pp. 262-263).

11) L'art. 13 RIASI définit deux premières conditions à son alinéa 1: être au bénéfice d'allocations ou de prêts d'études ; ne pas faire ménage commun avec ses parents.

La première condition est circonscrite par la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20) et plus particulièrement par l'art. 11 LBPE. Cet article délimite l'accès aux bourses et aux prêts notamment pour ce qui est du type de formation poursuivie. Pour les personnes de plus de 35 ans l'accès à une bourse ou à un prêt n'est possible que pour des mesures d'insertion ou de réinsertion après une période consacrée à sa famille ou ses proche (art. 17 let. a LBPE) ou pour de justes motifs (art. 17 let. b LBPE).

La deuxième condition se rapporte au principe général de subsidiarité de l'aide sociale.

Dans la troisième condition, il est précisé que l'aide doit permettre de surmonter des difficultés passagères et de terminer ses études. Elle est limitée à six mois renouvelable qu'exceptionnellement (art. 13 al. 2 RIASI).

12) L'ensemble de ces conditions respecte la volonté de réserver l'aide financière aux étudiants dans des situations exceptionnelles ressortant de
l'art. 11 al. 4 let. a LIASI. Le renvoi aux conditions d'octroi des allocations et prêts (bourses y comprises à la lecture de l'exposé des motifs du PL 9676) évite l'écueil de la multiplication des formations et de l'utilisation de l'aide sociale comme une aide à la formation. La précision apportée quant au caractère passager des difficultés et de l'aide liée mais aussi la limite des six mois renouvelables qu'à titre exceptionnel permet à la fois de s'assurer que l'octroi de l'aide reste une exception limitée dans le temps mais aussi que l'Hospice général conserve un pouvoir d'appréciation.

En revanche, l'ajout d'une précision complémentaire quant à la nécessité que l'aide soit uniquement octroyée dans le but de terminer ses études va au-delà de ce que propose l'art. 11 al. 4 let. a LIASI. En effet, le caractère exceptionnel est assuré par les autres conditions, notamment par la limitation dans le temps de l'aide. Certes, l'art. 11 al. 4 let. a LIASI décrit des « personnes en formation », cependant, la volonté du législateur n'était pas d'exclure a priori des personnes entamant des études, mais de ne pas transformer l'aide sociale en aide à la formation. L'obligation d'aboutissement des études crée une inégalité de traitement, non justifiée par la loi, entre des personnes se trouvant au début d'un cycle de formation et des personnes le terminant. La situation est également peu claire quant à la définition du moment à partir duquel une formation peut être terminée. Le critère primordial demeure le caractère exceptionnel de l'aide pour faire face à des difficultés passagères. Le fait de discriminer le moment de survenance de ces difficultés n'entre pas dans le champ de l'art. 11 al. 4 let. a LIASI, mais ajoute une condition supplémentaire.

En outre, le réfugié politique, qui désire se réinsérer en commençant une formation, comme dans le cas d'espèce, ne peut pas espérer bénéficier d'une aide passagère, car il se trouve de fait au début de son parcours. Cette situation n'est pas conforme à la volonté du législateur.

Ainsi, l'art. 13 al. 2 RIASI manque d'une base légale suffisamment claire sur le point que l’aide sociale doive permettre de terminer des études en cours.

13) Au vu de ce qui précède, les recours du 3 septembre 2013 et 3 février 2014 seront admis. Le refus de l'aide financière à M. A______ de l'Hospice général sera annulé et le dossier lui sera retourné pour nouvelle décision. Il ressort du dossier que la décision à rendre devra tenir compte du fait que M. A______ ne peut continuer à travailler dans le domaine juridique afin de ne pas mettre en danger ses proches et que sa formation antérieure ne peut, de ce fait, être directement exploitée en Suisse. 

14) L'issue des recours sur la décision d'octroi de l'aide financière à M. A______ rend - en l’état - sans objet le grief de l'indépendance de la situation de Mme B______.

15) Vu la nature et l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l’Hospice général, est allouée aux recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 septembre 2013 par Monsieur A______ et Madame B______ contre la décision de l'HOSPICE GÉNÉRAL du 4 juillet 2013 ;

déclare recevable le recours interjeté le 3 février 2014 par Madame B______ contre la décision de l'HOSPICE GÉNÉRAL du 23 décembre 2013 ;

préalablement :

ordonne la jonction des causes nos A/2815/2013 et A/329/2014 sous le n° A/2815/2013 ;

au fond :

admet les recours ;

annule les décisions de l’Hospice général du 4 juillet 2013 et du 23 décembre 2013 ;

renvoie le dossier à l’Hospice général pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur A______ et Madame B______ à la charge de l’Hospice général ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF – RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Caritas Genève, mandataire des recourants, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :