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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1804/2020

ATA/622/2021 du 15.06.2021 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.07.2021, rendu le 29.11.2022, IRRECEVABLE, 2C_585/2021
Descripteurs : THÉÂTRE(ART);MONOPOLE DE FAIT;CONDITION DE RECEVABILITÉ;INTÉRÊT ACTUEL;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSULTATION DU DOSSIER;JUGE DE RENVOI;PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);PRINCIPE DE LA BONNE FOI;ART ET CULTURE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LPA.60.al1.leta; LPA.74; Cst.29.al2; LPA.18; LPA.41; CEDH.6.par1; LPA.45.al1; LMI.2.al7; LMI.9.al1; Cst.9; Cst.5.al3; Cst-GE.216.al1; Cst-GE.216.al2; LCulture.2; LCulture.4.al1; LCulture.4.al2; LCulture.4.al3; Cst.8; Cst.27
Résumé : Rejet du recours contre les décisions de nomination à la direction de deux théâtres à la suite de l’arrêt 2C_569/2018 du Tribunal fédéral du 27 mai 2019 et de l'ATA/277/2020 du 10 mars 2020. L'autorité intimée était en droit de ne pas autoriser les recourants à consulter les dossiers relatifs aux nominations contestées pour des motifs de confidentialité. Respect du principe de l'autorité de renvoi. Pas de violation des art. 2 al. 7 et 9 LMI. L'autorité intimée a rendu deux décisions attaquables et le principe de transparence n'a pas été violé au vu des notes d'information disponibles détaillant ce qui était attendu des candidats. Pas de discrimination du théâtre classique.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1804/2020-FPUBL ATA/622/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 juin 2021

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______
représentés par Me Romain Jordan, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE - DÉPARTEMENT DE LA CULTURE ET DE LA TRANSITION NUMÉRIQUE

 



EN FAIT

1) En avril 2017, le département de la culture et du sport, devenu depuis lors le département de la culture et de la transition numérique (ci-après : le département), de la Ville de Genève (ci-après : la ville) a mis au concours, pour une durée de trois ans renouvelable une fois dès le 1er juillet 2018, la direction du Théâtre C______ (ci-après : C______). Ce dernier était destiné à la création professionnelle indépendante et sa mission première était la mise en valeur des artistes et des compagnies locales et régionales dans le domaine des arts de la scène (théâtre, danse, arts du récit). Une note d'information y relative était disponible auprès du département.

a. Le 15 mai 2017, dans le délai indiqué par la ville, Madame A______ et Monsieur B______ ont déposé leur candidature pour une « direction conjointe » du C______.

b. Par courrier du 6 juillet 2017, le conseiller administratif en charge du département les a informés que leur candidature n'avait pas été retenue au terme du processus qui y était décrit. Une commission de préavis avait examiné vingt-cinq dossiers, procédé à neuf auditions, puis sélectionné trois dossiers pour une seconde audition.

c. Le 29 août 2017, la ville a annoncé, par communiqué de presse, la « nomination » de Mesdames D______ et E______ à la direction du C______ et présenté leur parcours professionnel. Elles avaient présenté un projet de « Centre de production et de diffusion des Arts vivants » incluant un « Bureau des compagnies ». L'accompagnement attentif, de la production à la diffusion, des projets de création qui se développeraient au C______, était au centre de leur démarche très complémentaire. Elles voulaient mettre leur expérience, notamment en matière de diffusion, au service des artistes et faire du C______ « un miroir de la diversité culturelle de la ville ». Leur projet portait une attention particulière à l'accueil des publics et aux initiatives originales favorisant l'accès à la culture, en lien avec la création locale.

d. Par la suite, la ville, par l'intermédiaire du département, a conclu une « convention de subventionnement » avec la nouvelle direction constituée sous la forme d'une association créée le 9 décembre 2017. La ville s'engageait à lui verser une aide financière pour les trois saisons 2018-2021 et à mettre à disposition les locaux par le biais d'un contrat de prêt à usage. Ladite association, autonome quant au choix de son programme artistique et culturel, s'engageait à mettre en œuvre le projet artistique et culturel qui était annexé et à respecter différentes obligations, notamment en lien avec les tarifs.

2) À la mi-juin 2017, le département a mis au concours, pour trois saisons à partir de l'été 2018, la direction du Théâtre F______ (ci-après : F______). Celui-ci accueillait durant la période estivale des manifestations artistiques publiques dans le domaine des arts de la scène. Une note d'information y relative pouvait être obtenue auprès du département. La durée de l'engagement de trois ans dès le 1er janvier 2018 était renouvelable deux fois.

a. Le 14 juillet 2017, dans le délai indiqué par la ville, Mme A______ et M. B______ ont déposé leur candidature pour une « direction conjointe » pour le F______.

b. Le 8 septembre 2017, le service culturel du département les a informés que leur candidature n'avait pas été retenue malgré l'intérêt et la valeur de leur contribution. Une commission de préavis comprenant quatre experts avait étudié attentivement les dix-neuf dossiers reçus.

c. Le 12 septembre 2017, la ville a annoncé, par communiqué de presse, la « nomination » de Monsieur G______ et présenté son parcours professionnel. Son travail se caractérisait par une approche très libre du répertoire théâtral classique et contemporain, dans une démarche très ouverte. Son projet artistique visait à faire du F______ un « Jardin des délices » multi-sensoriel, mêlant les arts de la scène, les arts visuels, la botanique et la gastronomie. Passionné par la diversité des cultures et les relations liant l'homme à la nature, il imaginait une programmation théâtrale exigeante et accessible accompagnée d'une large palette de propositions et d'explorations inédites.

d. Par la suite, la ville a conclu avec la nouvelle direction constituée sous la forme d'une association, une « convention de subventionnement pour les années 2018-2020 » au contenu similaire à celle conclue avec l'association dirigeant le C______.

3) Le 28 septembre 2017, M. B______ a contesté le « processus de nomination » aux directions des deux théâtres susmentionnés de la ville et demandé l'annulation des deux « nominations » auxquelles la procédure avait abouti. Son action en justice « n'attaqu[ait] nullement les candidatures retenues, mais uniquement le processus de nomination aux directions des théâtres du C______ et du F______ qu'[il] estim[ait] gravement dysfonctionnel et – fondamentalement – contraire aux principes d'équité, d'impartialité et de respect nécessaires au bon fonctionnement d'une administration publique et qui, pour [lui, étaient] inhérents à toute vraie politique de gauche ».

Il déplorait : la quasi-concomitance des processus de nomination des directions des deux théâtres par le seul département qui avait créé une importante distorsion de concurrence ; l'incompétence des commissions de sélection des candidatures ; leur manque d'indépendance ; leur manque de transparence de même que les décisions du magistrat ; les violations du devoir d'intérêt général – en favorisant systématiquement des nominations de même obédience artistique –, de la continuité du service public – par des nominations en rupture avec les missions historiques des théâtres concernés –, et de la mission de soutien à l'emploi des collectivités publiques, le magistrat n'ayant pas daigné accuser réception d'une pétition qui lui avait été adressée le 17 août 2017 et signée par quatre-vingt-cinq professionnels du spectacle romand.

Il invitait le conseiller administratif à examiner la conformité au droit et l'opportunité de ces deux « nominations » et à constater la violation de ses droits fondamentaux, en rendant une décision fondée sur l'art. 4A de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4) Le 3 novembre 2017, le conseiller administratif en charge du département a contesté l'existence des dysfonctionnements évoqués, les procédures de sélection et de nomination ayant été menées dans la plus grande transparence, avec impartialité et équité.

Il ne lui appartenait pas de rendre une décision au sens de la LPA, les courriers des 6 juillet et 8 septembre 2017 ayant informé M. B______ que ses projets n'avaient pas été retenus. Il réitérait la proposition faite par Madame H______, cheffe du service culturel dans son département, de clarifier lors d'un entretien les raisons ayant conduit au fait que ses projets n'avaient pas été retenus.

5) Malgré une mise en demeure de rendre une décision au sens de l'art. 4A LPA formulée le 10 novembre 2017, le conseiller administratif a, le 20 novembre 2017, indiqué à l'intéressé persister dans la teneur de son courrier du 3 novembre 2017.

M. B______ a, en décembre 2017, interjeté un recours pour déni de justice auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le refus de la ville de rendre la décision sollicitée.

La chambre de céans a rejeté ledit recours par arrêt du 22 mai 2018 (ATA/497/2018) contre lequel M. B______ a recouru auprès du Tribunal fédéral.

6) Par arrêt 2C_569/2018 du 27 mai 2019 (publié en partie dans l'ATF 145 II 303), le Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt de la chambre administrative et renvoyé la cause à la ville pour qu'elle procède dans le sens des considérants.

Du fait de sa maîtrise exclusive sur les locaux du C______ et du F______, faisant partie de son patrimoine administratif, la ville était dans une situation de monopole de fait par rapport à l'activité de gestion de ces théâtres (consid. 6.3). Ce constat avait pour conséquence l'application de l'art. 2 al. 7 de la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02) à l'acte par lequel la ville avait désigné les nouvelles personnes chargées de la direction de ces théâtres. Cet acte constituait en réalité une attribution de concession et devait prendre la forme d'une décision contre laquelle les voies de droit devaient être ouvertes (consid. 6.4).

Comme les directions avaient déjà été nommées et les contrats de subventionnement conclus, la procédure ne pouvait désormais concerner que l'éventuel caractère illicite de la décision. En l'absence d'un tel acte et des constatations de fait qui en découlaient, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause au département afin qu'il rende une décision dans laquelle il constaterait les règles et les critères suivis lors du processus de nomination des directions des deux théâtres précités, permettant ainsi le cas échéant au recourant de se plaindre de leur éventuelle illicéité, à supposer qu'il remplisse les conditions procédurales pour ce faire, ce qu'il n'appartenait pas au Tribunal fédéral de vérifier (consid. 7).

7) Par deux décisions séparées du 15 juillet 2019, le conseiller administratif du département de la ville a confirmé respectivement la nomination de Mmes D______ et E______ à la direction du C______ avec effet rétroactif au 28 août 2017 pour la saison 2018-2019, et celle de M. G______ à la direction du F______ avec effet rétroactif au 12 septembre 2017 pour la saison estivale 2018. La voie de droit auprès de la chambre administrative était indiquée.

a. Vu la mise au concours du 11 avril 2017 de la direction du C______, les vingt-huit dossiers de candidatures reçus, la note d'information relative aux dossiers de candidature, à la procédure et aux critères de sélection – à savoir la conformité par rapport au cahier des charges, la complémentarité avec les autres scènes genevoises et les compétences en matière de gestion et d'administration –, le dossier de candidature conjointe de Mme A______ et de M. B______, la commission de préavis indépendante composée de trois personnes dont l'identité était précisée, l'étude et la sélection des dossiers par ladite commission, l'audition du 24 juin 2017 de neuf candidats par cette commission, la deuxième audition du 28 juin 2017 de trois candidats par la même commission, le conseiller administratif a considéré que « au regard des dossiers présentés, la candidature de [Mmes D______ et E______] remplissait au mieux les critères de sélection pour prendre la direction du [T]héâtre du C______ ».

b. Vu la mise au concours de juin 2017 de la direction du F______, les dix-neuf dossiers de candidatures reçus, la note d'information relative aux dossiers de candidature, à la procédure et aux critères de sélection – à savoir la compréhension de la mission générale dudit théâtre, l'intégration dans un environnement particulier et les compétences en matière de gestion et d'administration –, le dossier de candidature conjointe de Mme A______ et de M. B______, la commission de préavis indépendante composée de trois personnes dont l'identité était précisée, l'étude et la sélection des dossiers par ladite commission, l'audition du 10 août 2017 de cinq candidatures par cette commission, la deuxième audition du 16 août 2017 de trois candidats par la même commission, le conseiller administratif a considéré que « au regard des dossiers présentés, la candidature de [M. G______] remplissait au mieux les critères de sélection pour prendre la direction du [T]héâtre du F______ ».

8) À la suite d'un recours formé par Mme A______ et M. B______ contre ces deux décisions, la chambre administrative les a annulées (ATA/277/2020 du 10 mars 2020).

Elle a considéré que les décisions en cause violaient l'obligation de motiver garantie par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et l'art. 46 al. 1 LPA régissant le contenu des décisions. En effet, ces décisions ne permettaient pas aux intéressés d'en comprendre la portée ni de les attaquer en toute connaissance de cause. Le fait que la ville jouisse d'une grande liberté d'appréciation dans ce type de processus ne la libérait pas de son obligation de motiver ses décisions. Enfin, le fait que plusieurs griefs de Mme A______ et M. B______ portaient sur le processus de sélection pouvait effectivement affecter la recevabilité de ceux-là eu égard au principe de la bonne foi. Cette question pouvait toutefois rester indécise, la ville n'ayant pas satisfait à son obligation de motiver la désignation des personnes choisies en 2017 pour s'occuper de la direction du C______ et du F______ pour une période renouvelable de trois ans respectivement de trois saisons.

Le dossier était renvoyé au département de la ville pour nouvelles décisions au sens des considérants.

9) Le 13 mars 2020, le conseil de M. B______ a sollicité du conseiller administratif en charge du département le tirage intégral des deux adjudications de directions théâtrale litigieuses, et qu'il réponde à toutes les interrogations contenues dans les écritures précédentes de son mandant.

10) Le 25 mars 2020, le mandataire de M. B______ a demandé au conseiller administratif en charge du département de lui confirmer que l'art. 2 al. 7 LMI serait respecté dans le cadre des prochaines adjudications. Si la LMI avait été violée, il convenait de procéder dans les plus brefs délais à de nouvelles adjudications. Un calendrier précis était demandé et l'application de l'art. 4A LPA était réservée.

11) Le 25 mai 2020, le conseil de M. B______ a sommé le conseiller administratif en charge du département de donner suite à son courrier du 25 mars 2020 dans les dix jours.

12) Par deux décisions séparées du 5 juin 2020, le conseiller administratif du département de la ville a confirmé respectivement la nomination de Mmes D______ et E______ à la direction du C______ avec effet rétroactif au 28 août 2017 pour une période de trois ans, renouvelable une fois, et celle de M. G______ à la direction du F______ avec effet rétroactif au 12 septembre 2017 pour une période de trois ans, renouvelable deux fois.

a. Il a repris l'historique figurant dans la décision du 15 juillet 2019, ajoutant avoir considéré :

- que la commission de préavis, au regard des dossiers présentés et des auditions réalisées, avait sélectionné la candidature de Mmes D______ et E______ pour prendre la direction du C______ ;

- l'adéquation du projet artistique des précitées au regard de l'histoire du C______, scène artistique vouée à la valorisation de la scène indépendante ;

- l'originalité de leur projet artistique, en particulier la création d'un « Bureau des compagnies » faisant du C______ un outil polyvalent pour les compagnies indépendantes locales permettant d'accompagner et de soutenir leur travail de création et de diffusion ;

- la qualité de la programmation proposée, la diversité des répertoires et l'ouverture aux autres arts scéniques, considérés comme complémentaires au regard du positionnement des autres scènes genevoises et de la politique culturelle menée par la ville ;

- la remarquable expérience de Mme D______ en termes d'administration, de production, de diffusion, d'attachée de presse durant seize années au sein d'une compagnie indépendante genevoise ayant acquis une importante renommée internationale ;

- les compétences prouvées de Mme E______ dans l'accompagnement du travail d'artistes, notamment à travers la création d'une association genevoise ayant activement travaillé à l'amélioration des conditions de travail des artistes ;

- leur exemplaire complémentarité, confirmée durant les auditions, pour mener leur projet à bien, en particulier entre d'une part les compétences de gestion d'une structure et, d'autre part, dans l'accompagnement du travail d'artistes.

b. Il a repris l'historique figurant dans la décision du 15 juillet 2019, ajoutant avoir considéré :

- que la commission de préavis, au regard des dossiers présentés et des auditions réalisées, avait sélectionné la candidature de M. G______ pour prendre la direction du F______ ;

- l'adéquation du projet artistique du précité au regard du contexte environnemental du F______ et des collaborations proposées avec le service des espaces verts ;

- l'originalité de son projet artistique au regard des enjeux environnementaux et de la crise climatique ;

- sa volonté de valoriser ce lieu théâtral auprès d'un large public en l'ouvrant de manière ponctuelle à d'autres domaines artistiques et au jeune public ;

- la qualité et l'ouverture de sa programmation, dont la diversité de répertoires, ainsi que le projet artistique dans sa globalité, lesquels avaient été considérés comme complémentaires au regard du positionnement des autres scènes genevoises, de l'offre culturelle genevoise et de la politique culturelle menée par la ville ;

- ses solides compétences en termes de gestion et d'exploitation d'un lieu théâtral compte tenu de son expérience de cinq ans à la direction du I______, institution d'importance régionale ;

- sa capacité, confirmée lors des auditions, de positionner le F______ en tant que partenaire de la saison culturelle estivale à Genève.

13) Par acte posté le 22 juin 2020, Mme A______ et M. B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre ces décisions, concluant, préalablement, à ce que la ville produise l'entier du dossier relatif à l'attribution de chacune des deux concessions litigieuses, à la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties et à l'ouverture des enquêtes. Principalement, les décisions attaquées devaient être annulées et leur caractère illicite constaté. Une procédure séparée portant sur l'indemnisation complète des recourants devait être ouverte ; subsidiairement ils devaient être invités à produire leurs prétentions à ce sujet, « sous suite de dépens ».

La ville avait violé leur droit d'être entendus en rendant directement des décisions sans leur permettre d'accéder au dossier de la cause. Cela était d'autant plus grave que le Tribunal fédéral dans son arrêt du 27 mai 2019 avait enjoint la ville de rendre une décision qui constaterait les règles et les critères suivis lors du processus de nomination des directions du C______ et du F______, permettant ainsi aux intéressés de se plaindre de leur éventuelle illicéité. Malgré plusieurs courriers, la ville ne les avait jamais interpellés. Ils étaient ainsi incapables de pouvoir remettre en cause utilement l'appréciation, au regard notamment des critères posés à l'art. 2 al. 7 LMI, de la ville. Ses décisions n'étaient dès lors pas motivées à satisfaction de droit.

Ni les règles ni les « critères de sélection » pris en considération n'étaient détaillés et motivés (et a fortiori leur appréciation et leur pondération étaient inconnues). On ignorait si la « commission de préavis indépendante » avait été soumise à des règles. Enfin, la ville s'était bornée à rendre des décisions quasi identiques à celles du 15 juillet 2019, réaffirmant sa volonté de ne pas se conformer à l'arrêt du Tribunal fédéral.

Depuis le 28 septembre 2017, la ville refusait de donner accès au dossier d'adjudication, violant le principe de transparence auquel elle était pourtant tenue en vertu de l'art. 2 al. 7 LMI. L'illicéité du processus ressortait du refus de la ville de rendre une décision au sens de l'art. 9 LMI, les recourants devant aller jusqu'au Tribunal fédéral pour se voir reconnaître ce droit. Ils avaient été illicitement privés de l'effectivité de la protection juridique garantie à l'art. 9 LMI, de la violation du principe de transparence (accès aux critères de sélection, leur pondération, leur importance, ainsi que les règles de conduite de la procédure). La ville avait en outre fait le choix – contraire à la législation genevoise et à la liberté de l'art – de discriminer le courant du théâtre classique. Les concessions attribuées les 28 août (pour le C______) et 12 septembre 2017 (pour le F______) avaient été faites sans décision formelle sujette à recours.

Les notes d'information pour les adjudications ne décrivaient pas les critères d'aptitude ou d'évaluation choisis pour attribuer les concessions mises au concours. Leur pondération était également inconnue. Aucune information n'avait été donnée quant à la composition du jury. Enfin, le cadre juridique n'était pas mentionné, aucune information n'était donnée au sujet de l'exercice du droit d'être entendu et les voies de droit et délais de recours n'étaient pas indiqués. Toutes ces omissions constituaient des violations manifestes de l'art. 2 al. 7 LMI.

L'identité des jurés des commissions n'avait été révélée que dans les décisions du 5 juin 2020. Aucun de leurs membres n'avait d'expérience dans la direction artistique d'entreprises théâtrales dont le chiffre d'affaires dépassait le million de francs. Dès lors, lesdites commissions n'avaient pas été en mesure de juger objectivement les projets soumis, violant les garanties antidiscriminatoires exigées par l'art. 2 al. 7 LMI. Elles n'avaient été en aucun cas indépendantes puisqu'elles avaient été nommées par le conseiller administratif du département de la ville.

14) Le 8 septembre 2020, la ville a conclu au rejet du recours « sous suite de frais et dépens ».

Dans son arrêt du 10 mars 2020, la chambre administrative, en annulant et en renvoyant à la ville la cause « pour nouvelles décisions au sens des considérants » avait implicitement considéré que les décisions du 15 juillet 2019 étaient conformes aux exigences légales, seule l'exigence de motivation faisant défaut. La ville avait ainsi rendu de nouvelles décisions en date du 5 juin 2020 et développé la motivation nécessaire à la compréhension par les intéressés des nominations intervenues. Dès lors, les griefs des recourants portant sur d'autres motifs que la motivation des décisions attaquées ne pouvaient être qu'écartés.

M. B______ ne s'était plaint pour la première fois des processus de sélection que le 28 septembre 2017, alors même que sa candidature conjointe avec celle de Mme A______ n'avait été retenue ni pour le C______ ni pour le F______. Une telle façon de procéder était contraire aux règles de la bonne foi, mais également aux règles des marchés publics applicables par analogie. L'obiter dictum figurant dans l'ATA/497/2018 précité, selon lequel M. B______ ne pouvait pas remettre en cause le processus de nomination une fois qu'il en avait été écarté, n'avait pas été contredit par le Tribunal fédéral dans son arrêt 2C_569/2018 précité.

Le droit d'être entendu appliqué à l'octroi des concessions n'impliquait pas une audition avant le prononcé des décisions du 15 juillet 2019 ou 5 juin 2020. Les recourants avaient fait valoir leur droit d'être entendus en déposant leurs dossiers suite aux appels d'offres. Ils avaient eu accès à l'ensemble des documents relatifs à ces appels d'offres comme l'ensemble des candidats. Les deux grilles d'évaluation avaient été produites dans la cause A/2824/2019 et produites une nouvelle fois dans le cadre de la présente procédure. Les recourants ne pouvaient en outre pas se substituer à la ville dans son appréciation quant aux candidatures désignées. Enfin, les recourants avaient été entendus durant les procédures précédentes et il n'y avait aucune raison de revenir sur l'évaluation des candidatures retenues puisque les directions avaient déjà été nommées et les contrats de subventionnements conclus.

La ville avait suivi les injonctions du Tribunal fédéral en ce sens qu'elle avait, pour chaque nomination de direction, rendu une décision attaquable en lien avec la nomination des directions et dans laquelle étaient constatées les règles et les critère suivis.

Tous les éléments concernant les critères, leur pondération, leur importance ainsi que les règles de conduite de la procédure (les règles de composition et de fonctionnement de la commission de préavis) figuraient dans la note explicative remise aux candidats. De plus, ils auraient dû se plaindre de ces éléments au moment où le processus de sélection était en cours et non après avoir été informés que leur candidature n'avait pas été retenue. Le reproche de discrimination du courant du théâtre classique était contesté et inexact.

Conformément à la LMI, la ville avait bien lancé un appel d'offres et n'avait discriminé aucune candidature. Les critères avaient été fixés de la manière la plus objectivable possible et avaient fait l'objet d'évaluations sérieuses par chaque membre des commissions de préavis. Les deux offres culturellement les plus avantageuses avaient été retenues.

Enfin, pour de questions de sécurité du droit, l'annulation des nominations n'était pas envisageable.

15) Le 13 novembre 2020, Mme A______ et M. B______ ont répliqué, persistant dans leurs conclusions.

La ville se trompait en arguant que les intéressés seraient uniquement autorisés à recourir contre la motivation complétée des décisions du 5 juin 2020. La chambre administrative dans l'ATA/227/2020 précité ne s'était pas déterminée sur les autres griefs, ni n'avait statué sur les conclusions en lien avec l'éventuelle illicéité des décisions querellées et la question d'une éventuelle indemnisation.

La première plainte de M. B______, adressée sous la forme d'une pétition, ne datait pas du 28 septembre 2017, mais du 17 août 2017, soit alors que les procédures de nomination étaient en cours. En outre, le 28 août 2017, ils avaient rencontré une journaliste culturelle de la Tribune de Genève expliquant les raisons de cette pétition et relevant les dysfonctionnements procéduraux révélés pour la première fois par un article du Temps le 19 août 2017. Les reproches concernant leur bonne foi tombaient donc à faux.

En vertu des règles en vigueur en matière de marchés publics, il ne pouvait pas être reproché aux intéressés d'être forclos puisqu'ils avaient communiqué à la ville les irrégularités constatées avant l'adjudication. En tout état de cause, rien dans les documents mis à disposition des soumissionnaires ne pouvait les interpeller. Les indications étaient lacunaires (absence de concession soumise à la LMI, absence de l'identité des membres des commissions de préavis et absence de voie de recours).

À l'exception des grilles illisibles, aucun procès-verbal n'avait été communiqué, alors que selon les décisions les commissions s'étaient réunies en tout cas quatre fois. Ils auraient dû pouvoir faire valoir leurs observations au regard des critères posés à l'art. 2 al. 7 LMI. Un accès au dossier était également obligatoire. Enfin, ils n'avaient pas eu la faculté de se déterminer avant la prise des décisions.

En refusant de détailler ses critères et en omettant d'indiquer les règles suivies dans ses décisions du 5 juin 2020, la ville avait réaffirmé sa volonté de ne pas vouloir se conformer à l'arrêt du Tribunal fédéral.

Selon l'art. 9 LMI, l'attribution des concessions du C______ et du F______ du 5 juin 2020 exigeait une décision respectivement dès le 29 août et le 12 septembre 2017. Les décisions du 5 juin 2020 n'indiquaient pas la pondération des critères de sélection, ni les règles de conduite de la procédure. Elles révélaient l'identité des jurés des commissions de préavis qui n'était préalablement dévoilée dans aucun document de l'adjudication.

16) Le 19 novembre 2020, Mme A______ et M. B______ ont produit une capture d'écran du site internet du F______ listant la composition de l'équipe 2020. Madame J______ y figurait, pourtant membre de la commission de préavis ayant conduit à la sélection du directeur du F______.

17) Le 5 février 2021, la ville a conclu à l'irrecevabilité des pièces produites à l'appui de la réplique du 13 novembre 2020, du courrier du 19 novembre 2019 et de sa pièce, ainsi qu'à l'irrecevabilité des motifs et griefs complémentaires contenus dans la réplique qui n'auraient pas été évoqués dans le recours du 22 juin 2020. Elle persistait dans ses conclusions pour le reste.

La ville réfutait les commentaires faits par Mme A______ et M. B______ sur ses allégués, sur ses déterminations, et de même que les allégués complémentaires formulés.

18) Le 5 mars 2021, Mme A______ et M. B______ ont soutenu que leur argumentation de fait et de droit complémentaire ainsi que leurs nouvelles pièces étaient recevables. Les allégués complémentaires venaient compléter les arguments antérieurement développés dans leur recours.

Ils se sont également déterminés sur les différents commentaires de la ville, persistant dans leur position.

19) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2) a. Par analogie avec le domaine des marchés publics, la qualité pour recourir se définit en fonction des critères de l'art. 60 al. 1 let. a et b LPA. Elle appartient aux parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, chacune de celles-ci devant néanmoins être touchée directement par la décision et avoir un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu'il s'agisse d'intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/927/2020 du 22 septembre 2020 consid. 2a).

b. En matière de marchés publics, l'intérêt actuel du soumissionnaire évincé est évident tant que le contrat n'est pas encore conclu entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire, car le recours lui permet d'obtenir la correction de la violation commise et la reprise du processus de passation. Mais il y a lieu d'admettre qu'un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l'adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d'illicéité de la décision pour pouvoir agir en dommages-intérêts (ATF 137 II 313 consid. 1.2.2 ; ATA/927/2020 précité consid. 2a). Le recourant qui conteste une décision d'adjudication et déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l'illicéité de l'adjudication, que des dommages-intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2 ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 consid. 2b).

c. Pour le Tribunal fédéral, le soumissionnaire dont l'offre n'a pas été retenue conserve le droit d'obtenir un jugement en constatation du caractère illicite de l'adjudication qui ouvre la voie de l'action en dommages-intérêts. Or, selon la jurisprudence, l'action en dommages-intérêts suppose que, sans la conclusion du contrat, la partie recourante ait eu une réelle chance d'obtenir l'adjudication, à défaut de quoi l'illégalité de la décision ne peut être la cause du dommage. Il faut distinguer à cet effet selon les conclusions et les griefs de la partie recourante : le soumissionnaire classé en quatrième position qui conteste l'adjudication ou réclame l'interruption de la procédure, mais discute seulement la qualification ou le classement du premier, est dénué de la qualité pour recourir parce que ses conclusions ne pourraient être accueillies même si ses critiques étaient fondées et que l'adjudication revenait au soumissionnaire classé deuxième. En revanche, celui qui discute la qualification ou le classement de ses trois devanciers a qualité pour recourir. Il n'est cependant pas question d'accorder l'adjudication à une offre qui ne satisfait pas aux exigences de qualification, raison pour laquelle celui qui a présenté une pareille offre est d'emblée dépourvu d'un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation d'adjudication, à moins qu'il ne réclame un nouvel appel d'offres après invalidation de l'ensemble de la procédure, ce qui lui ouvrirait la possibilité de présenter éventuellement une nouvelle offre (arrêt du Tribunal fédéral 2D_24/2017 du 14 mai 2018 ; ATA/1019/2018 du 2 octobre 2018 consid. 2c).

Le Tribunal fédéral a également eu l’occasion de préciser que cet intérêt existe notamment lorsque le soumissionnaire évincé avait été classé au deuxième rang derrière l’adjudicataire et qu’il aurait, en cas d’admission de son recours, disposé d’une réelle chance d’obtenir le marché (ATF 141 II 14 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2014 du 9 mai 2015 consid. 2.2 ; 2D_39/2014 du 26 juillet 2014 consid. 1.1 ; 2C_346/2013 du 20 janvier 2014 consid. 1.4.1). La jurisprudence a également admis cet intérêt par rapport au soumissionnaire qui, bien que classé en troisième position, était séparé du deuxième classé de quelques points seulement (arrêt du Tribunal fédéral 2D_50/2009 du 25 février 2010 consid. 4.1). A en revanche été nié l'intérêt juridique du soumissionnaire placé au quatrième rang qui exigeait l'exclusion du candidat retenu, dès lors que l'admission de sa conclusion n'aurait pas permis au recourant, en accédant au troisième rang, d'obtenir le marché à la place de l'adjudicataire (arrêt du Tribunal fédéral 2D_74/2010 du 31 mai 2011 consid. 1.3), excepté si l'écart relatif tout comme absolu entre l'adjudicataire et le soumissionnaire évincé s'était révélé minime (arrêt du Tribunal fédéral 2D_49/2011 du 25 septembre 2012 consid. 1.3.2). Finalement, le Tribunal fédéral a nié l’intérêt juridique à recourir d’un soumissionnaire placé au cinquième rang sur six offres évaluées et qui n’avait jamais conclu à l'adjudication du marché public en sa faveur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_203/2014 précité consid. 2.2 à 2.4).

d. En l'occurrence, les directions du C______ et du F______ ont déjà été nommées et les contrats de subventionnement conclus.

Il n'est pas contesté par les recourants que leur dossier ne figurait pas parmi les trois dossiers de candidature ayant fait l'objet d'une deuxième audition le 28 juin 2017 par la commission de préavis pour le C______. De la même façon, il n'est pas contesté par les recourants que leur candidature n'a pas été retenue par la commission de préavis pour une deuxième audition des trois derniers dossiers le 16 août 2017 pour le F______.

En tant que candidats évincés dont les dossiers ne figuraient pas parmi les trois derniers dossiers sélectionnés par les commissions de préavis pour des secondes auditions, il est douteux que les recourants conservent un intérêt juridique à recourir contre les décisions de nomination, puisqu'ils ne peuvent se prévaloir d'une chance raisonnable, en cas d’admission de leur recours, d’obtenir des dommages-intérêts pour cause d’illicéité des décisions de nomination.

Toutefois et vu le sort du litige, cette question n'a pas besoin d'être examinée plus avant et souffrira de rester indécise.

3) La ville conclut à l'irrecevabilité des pièces produites à l'appui de la réplique du 13 novembre 2020, du courrier du 19 novembre 2019 et de sa pièce, ainsi que des motifs et griefs complémentaires qui n'auraient pas été évoqués dans le recours du 22 juin 2020.

a. Selon l’art. 74 LPA, la juridiction peut autoriser une réplique et une duplique si ces écritures sont estimées nécessaires.

b. Selon la doctrine, le mémoire de réplique ne peut toutefois contenir qu'une argumentation de fait et de droit complémentaire, destinée à répondre aux arguments nouveaux développés dans le mémoire de réponse. Il ne peut en principe pas être utilisé afin de présenter de nouvelles conclusions ou de nouveaux griefs qui auraient déjà pu figurer dans l'acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 2.2 in SJ 2016 I 358 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 n. 927).

c. En l'occurrence et contrairement à ce que soutient la ville, on ne saurait conclure à l'irrecevabilité des allégués, motifs et pièces visés ci-dessus.

En effet, d'une part, les éléments soulevés par les recourants ainsi que les pièces produites à leur appui viennent compléter les arguments déjà soulevés dans le mémoire de recours. À titre d'exemple, le grief relatif à la liberté de l'art et à la diversité artistique et culturelle figure dans l'acte de recours dans le cadre du grief relatif à l'illicéité des adjudications.

D'autre part, les allégués et pièces produites après l'acte de recours par les intéressés, tels que les éléments portant sur les dysfonctionnements procéduraux allégués liés à l'attribution des concessions, viennent répondre aux arguments formulés par la ville dans son mémoire de réponse.

Dès lors, tant les écritures que leur contenu ainsi que les pièces produites à leur appui par les recourants sont recevables et seront pris en considération dans la mesure utile à la résolution du litige.

4) Les recourants demandent la production de l'intégralité du dossier relatif à l'attribution de chacune des deux concessions litigieuses ainsi que leur comparution personnelle et l'ouverture d'enquêtes.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. La procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l'affaire le requièrent, l'autorité peut procéder oralement (art. 18 LPA). Le droit d'être entendu quant à lui ne comprend pas le droit à une audition orale (art. 41 LPA ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1 ; ATA/1173/2020 du 24 novembre 2020 consid. 3a).

c. En l'espèce, la chambre administrative dispose d'un dossier complet. Au vu des griefs soulevés et des réponses fournies par l'autorité intimée dans ses écritures, il n'est pas nécessaire, compte tenu de ce qui suit, d'ordonner à la ville la production de l'intégralité du dossier relatif à l'attribution de chacune des deux concessions litigieuses.

Les recourants ont par ailleurs pu s'exprimer à plusieurs reprises devant la chambre de céans. Alors qu'il n'existe, comme précédemment exposé, pas de droit à une audition, ils n'expliquent pas en quoi celle-ci serait indispensable à la résolution du présent litige.

Partant, les demandes d'actes d'instruction correspondantes seront refusées.

5) Les recourants considèrent que leur droit d'être entendus a été violé par la ville qui ne leur a pas permis d'accéder au dossier de la cause avant qu'elle ne rende les deux décisions contestées. Pour ce motif, ils étaient en outre incapables de pouvoir remettre en cause utilement l'appréciation de l'autorité intimée.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n'a pas de portée différente dans ce contexte, est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 135 I 187 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

b. En l'occurrence, la ville a statué, par décisions du 5 juin 2020 sans donner suite à la demande des recourants visant à la transmission du dossier concernant les deux adjudications de direction théâtrale litigieuses.

Comme le relève la doctrine, le droit de consulter le dossier n’est toutefois pas sans limite. L’accès à tout ou partie du dossier peut être restreint si des intérêts publics ou privés prépondérants l’exigent (art. 45 al. 1 LPA ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, 2ème éd., p. 523-524 n. 1545).

Or, outre le fait qu'il ne ressort pas de l'arrêt de la chambre administrative du 20 mars 2020 que la ville devait autoriser les recourants à consulter les dossiers relatifs aux deux concessions de direction du C______ et du F______ avant nouvelles décisions, l'accès à ces dossiers pouvait être implicitement refusé pour des motifs de protection d'intérêts privés.

En effet, et dans la mesure où il convenait de fournir un projet culturel et artistique pour le C______ et un projet culturel pour le F______ selon les notes d'information concernant la mise en concours, la chambre de céans considère que les intérêts privés des candidats retenus à la confidentialité des projets proposés priment l'intérêt privé des recourants à y avoir accès.

Dès lors et pour ces motifs, la ville était en droit de ne pas autoriser les recourants à consulter les dossiers relatifs aux nominations théâtrales contestées.

Le grief sera écarté.

6) Les recourants considèrent que la ville a violé le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi en lien avec l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_569/2018 précité. Par ailleurs et par rapport aux décisions du 15 juillet 2019, l'autorité intimée avait rendu des décisions quasi identiques, rendant impossible leur critique.

a. En application du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès. La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées).

b. En l'occurrence, les décisions attaquées font suite à un premier arrêt de renvoi du Tribunal fédéral 2C_569/2018 précité demandant au département de rendre des décisions attaquables en lien avec la « nomination » des directions du C______ et du F______. Elles font également suite à un arrêt de renvoi de la chambre de céans laquelle a considéré que les décisions du 15 juillet 2019 n'étaient pas motivées à satisfaction de droit (ATA/277/2020 précité).

Dans ses considérants, le Tribunal fédéral a précisé que les décisions devraient constater les règles et les critères suivis lors du processus de nomination des directions du C______ et du F______ (consid. 7).

En l'occurrence, il ressort des décisions attaquées que les étapes procédurales ayant conduit au choix de la ville et les critères de sélection utilisés sont énoncés. Il s'agit, pour le C______, de la mise au concours le 11 avril 2017, d'une note d'information relative aux dossiers de candidature, de la mise en place d'une commission de préavis indépendante, d'une audition de neuf dossiers de candidature par ladite commission le 24 juin 2017 et d'une deuxième audition de trois dossiers de candidature le 28 juin 2017. Pour le F______, il s'agit de la mise au concours le 9 juin 2017, d'une note d'information relative aux dossiers de candidature, de la mise en place d'une commission de préavis indépendante, d'une audition de cinq dossiers de candidature par ladite commission le 10 août 2017 et d'une deuxième audition de trois dossiers de candidature le 16 août 2017.

En outre, les critères de sélection que la ville a retenus pour chacune des deux directions théâtrales sont énoncés. Pour le C______, il s'agissait de la conformité par rapport au cahier des charges, la complémentarité avec les autres scènes genevoises et les compétences en matière de gestion et d'administration. Pour le F______, il s'agissait de la compréhension de la mission générale dudit théâtre, de l'intégration dans un environnement particulier et des compétences en matière de gestion et d'administration.

Au vu de ces éléments et contrairement à ce que soutiennent les recourants, la ville a respecté les injonctions de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral 2C_569/2018 précité.

La ville a également respecté les consignes de la chambre de céans découlant de son ATA/277/2020 précité, puisque la lecture des décisions du 5 juin 2020 permet de comprendre en quoi le dossier des personnes choisies se distinguait de celui des autres candidats et correspondait mieux aux critères de sélection précisés par la ville dans les décisions litigieuses.

Ainsi, pour le C______, il a été pris en considération l'adéquation du projet artistique présenté au regard de l'histoire dudit théâtre, scène artistique vouée à la valorisation de la scène locale indépendante, son originalité, en particulier la création d'un « Bureau des compagnies », faisant dudit théâtre un outil polyvalent pour les compagnies indépendantes locales permettant d'accompagner et de soutenir leur travail de création et de diffusion, la qualité de la programmation proposée, la diversité des répertoires et l'ouverture à d'autres arts scéniques, considérés comme complémentaires au regard des autres scènes genevoises et de la politique culturelle menée par la ville, la remarquable expérience de Mme D______ en termes d'administration, de production, de diffusion, d'attachée de presse durant seize années au sein d'une compagnie indépendante genevoise ayant acquis une importante renommée internationale, les compétences prouvées de Mme E______ dans l'accompagnement du travail d'artistes, notamment à travers la création d'une association genevoise ayant activement travaillé à l'amélioration des conditions de travail des artistes et leur exemplaire complémentarité, confirmée durant les auditions, pour mener leur projet à bien, en particulier entre d'une part les compétences de gestion d'une structure et, d'autre part, dans l'accompagnement du travail d'artistes.

Quant au F______, ce sont l'adéquation du projet artistique de M. G______ au regard du contexte environnemental du F______ et des collaborations proposées avec le service des espaces verts, l'originalité de son projet au regard des enjeux environnementaux et de la crise climatique, sa volonté de valoriser ce lieu théâtral auprès d'un large public en l'ouvrant de manière ponctuelle à d'autres domaines artistiques et au jeune public, la qualité et l'ouverture de sa programmation, dont la diversité de répertoires, ainsi que le projet artistique dans sa globalité, lesquels avaient été considérés comme complémentaires au regard du positionnement des autres scènes genevoises, de l'offre culturelle genevoise et de la politique culturelle menée par la ville, ses solides compétences en termes de gestion et d'exploitation d'un lieu théâtral compte tenu de son expérience de cinq ans à la direction du I______, institution d'importance régionale et sa capacité, confirmée lors des auditions, de positionner le F______ en tant que partenaire de la saison culturelle estivale à Genève qui ont motivé la ville à nommer M. G______ à la direction dudit théâtre.

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont amené la ville à sélectionner les dossiers de Mmes D______ et E______ pour la direction du C______ et de M. G______ pour celle du F______, le droit à une décision motivée a été respecté. Les recourants auraient d'ailleurs été en mesure de faire valoir leurs griefs quant à l'adéquation de cette motivation avec les critères énoncés.

Le grief sera écarté.

7) Les recourants soutiennent que les adjudications des directions du C______ et du F______ sont illicites au sens des art. 2 al. 7 et 9 LMI.

a. Selon l'art. 2 al. 7 LMI, la transmission de l’exploitation d’un monopole cantonal ou communal à des entreprises privées doit faire l’objet d’un appel d’offres et ne peut discriminer des personnes ayant leur établissement ou leur siège en Suisse.

Les restrictions à la liberté d’accès au marché doivent faire l’objet de décision (art. 9 al. 1 LMI).

b. Selon le Tribunal fédéral, l'art. 2 al. 7 LMI impose deux exigences (découlant du droit des marchés publics) à la transmission de l'exploitation d'un monopole cantonal ou communal : un appel d'offres et l'interdiction de discriminer des personnes ayant leur établissement ou leur siège en Suisse. La mise en place d'un appel d'offres implique certaines obligations procédurales. La collectivité publique doit non seulement organiser une procédure permettant aux personnes (physiques ou morales) privées intéressées par l'exploitation dudit monopole de déposer une offre, mais aussi attribuer la concession par le biais d'une décision contre laquelle des voies de droit doivent être ouvertes (art. 9 al. 1 et 2 LMI ; ATF 143 II 598 consid. 4.1.2 ; 143 II 120 consid. 6.4.1 ; 135 II 49 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_351/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.4). Quant à l'interdiction de discriminer, elle s'applique non seulement à la procédure d'appel d'offres stricto sensu, mais aussi à la détermination des critères de sélection et au choix du concessionnaire ; elle impose aussi le respect du principe de transparence, qui est son corollaire (ATF 143 II 120 consid. 6.4.1).

c. Le principe de la transparence commande que l'appel d'offres mentionne les critères d'aptitude et d'adjudication. Ces critères ne peuvent en principe être modifiés par la suite. Les critères d'adjudication doivent être indiqués selon leur pondération en pourcent ou au moins dans leur ordre d'importance. L'indication des sous-critères n'est en revanche pas requise d'un point de vue constitutionnel, pour autant qu'ils ne fassent que concrétiser les critères principaux (ATF 143 II 553 consid. 7.7), en étant inhérents à ceux-ci. Ainsi, le principe de transparence n'exige pas, en principe, la communication préalable de sous-critères ou de catégories qui tendent uniquement à concrétiser le critère publié, à moins que ceux-ci ne sortent de ce qui est communément observé pour définir le critère principal auquel ils se rapportent ou que l'adjudicateur ne leur accorde une importance prépondérante et leur confère un rôle équivalent à celui d'un critère publié. De la même manière, une simple grille d'évaluation ou d'autres aides destinées à noter les différents critères et sous-critères utilisés (telles une échelle de notes, une matrice de calcul, etc.) ne doivent pas nécessairement être portées par avance à la connaissance des soumissionnaires, sous réserve d'abus ou d'excès du pouvoir d'appréciation. Savoir si l'on se trouve en présence d'un sous-critère dont la publication est nécessaire dépend d'une appréciation de l'ensemble des circonstances du cas, soit notamment des documents d'appel d'offres, du cahier des charges et des conditions du marché (ATF 130 I 241 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_31/2018 du 1er février 2019 consid. 5.2 ; ATA/652/2020 du 7 juillet 2020 consid. 3a et l'arrêt cité).

d. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administrée ou l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 568 p. 203).

e. Conformément à la jurisprudence en matière de marchés publics, les griefs à l’encontre de l’appel d’offres ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (ATF 130 I 241 consid. 4.2 ; 125 I 203 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.47/2004 du 6 avril 2004 ; ATA/1073/2016 du 20 décembre 2016 consid. 5c ; ATA/821/2016 du 4 octobre 2016 consid. 4). Le Tribunal fédéral a en outre déjà jugé qu’il était admissible d’exiger des candidats qu’ils contestent immédiatement les documents d’appels d’offres prétendument incomplets ou entachés d’autres vices de forme lors de la procédure d’appel d’offres déjà et non dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision d’adjudication (ATF 130 I 241 consid 4.2 ; 129 I 313 consid. 6.2 ; 125 I 203).

f. En l'occurrence et comme analysé supra, la ville a rendu deux décisions au sens de l'art. 9 al. 1 LMI attaquables, de sorte que le grief y relatif ne peut qu'être écarté.

S'agissant du principe de la transparence, les recourants ne contestent pas que les notes d'information relatives à la mise au concours des directions du C______ et du F______ pouvaient être consultées par les intéressés qui souhaitaient y concourir.

Il ressort de la note concernant le C______ que ce théâtre est destiné à la création indépendante ayant pour mission première la mise en valeur des artistes et des compagnies locales et régionales, dans le domaine des arts de la scène (théâtre, danse, arts du récit). Par ailleurs, la convention de subventionnement précisait que les directeurs s'engageraient à la programmation de six créations par saison au moins ainsi qu'à la remise chaque année d'un budget de fonctionnement équilibré et d'un rapport d'activités et des comptes et bilan de l'exercice annuel écoulé. Concernant les ressources humaines, il est indiqué que l'engagement du personnel administratif et technique serait de la responsabilité de la nouvelle future direction. Enfin, les dossiers de candidature devaient comprendre au moins un projet culturel et artistique et un budget prévisionnel et indicatif.

Selon la note concernant le F______, sa mission consiste à l'accueil durant la période estivale de manifestations artistiques publiques dans le domaine des arts de la scène, intégrant des propositions pour jeune public. Il permet la présentation d'œuvres diverses dans un cadre et des conditions liés à son environnement particulier et, notamment, à la fonction première de l'endroit (serres abritant des plantes en hiver). De la même façon que la note concernant le C______, un point concernant les ressources humaines était prévu. Un projet culturel devait enfin être présenté.

Bien qu'ils ne soient pas textuellement formulés tels quels, les critères retenus dans les décisions attaquées se recoupent avec les éléments contenus dans ces notes. Ainsi et par exemple, le critère relatif aux compétences en matière de gestion et d'administration est illustré dans les notes par les paragraphes portant sur les ressources humaines et les indications budgétaires. Il ressort également de la grille des critères produite par la ville que le premier critère était la conformité par rapport au cahier des charges indiqué dans ces notes.

Il est toutefois vrai que les notes précitées ne contiennent ni la pondération des critères ni la composition de la commission d'évaluation. Néanmoins, conformément au principe de la bonne foi, les recourants ne pouvaient pas attendre l'issue des procédures de sélection pour se plaindre formellement de dysfonctionnements dans le cadre de la procédure de nomination, y compris sur la composition des commissions d'évaluation. Sur ce point, il convient de retenir que ce n'est que le 28 septembre 2017, soit postérieurement aux nominations, que les recourants ont fait part à la ville de leurs critiques. Ils sont ainsi forclos à se plaindre de ces manquements, étant relevé qu'en tout état de cause et selon ce courrier, la composition de la commission d'évaluation pour le C______ avait été révélée par la presse dix jours avant la fin du processus de sélection. Enfin et pour le même motif, ils ne peuvent pas se plaindre d'un manque d'indépendance de ces commissions.

Les griefs portant sur une violation des art. 2 al. 7 et 9 LMI sont mal fondés.

8) Les recourants considèrent enfin que les décisions attaquées consacrent une discrimination du théâtre classique.

a. L'État promeut la création artistique et l'activité culturelle. Il garantit leur diversité, leur accessibilité et leur enseignement. Il encourage les échanges culturels. À cette fin, il met à disposition des moyens, des espaces et des instruments de travail adéquats (art. 216 al. 1 et 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00).

La loi sur la culture du 16 mai 2013 (LCulture - C 3 05) a pour objet de définir le rôle et les tâches du canton en matière de politique culturelle (art. 2 LCulture).

En concertation avec les villes et les communes, le canton établit une politique culturelle coordonnée notamment par la répartition des compétences entre les collectivités publiques. Sur cette base, le canton fixe les grandes orientations et les priorités de sa politique culturelle ainsi que les mesures de financement y relatives, en début de chaque législature. Il instaure, avec la ville et les autres communes, la consultation des milieux culturels par le biais du conseil consultatif de la culture prévu au chapitre IV (art. 4 al. 1 à 3 LCulture).

b. Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 Cst., ou encore l'interdiction de la non-discrimination, lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2019 du 8 juin 2020 consid. 3.1). Le principe de l'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique est spécifiquement garanti à l'art. 27 Cst. En vertu de ce principe, les mesures étatiques qui ne sont pas neutres sur le plan de la concurrence entre les personnes exerçant la même activité économique (concurrents directs) sont prohibées (ATF 130 I 26 consid. 6.3.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_15/2011 du 31 octobre 2011 consid. 3.3 ; 2C_116/2011 du 29 août 2011 consid. 7.1). En particulier, le respect de l'égalité de traitement entre soumissionnaires oblige l'autorité adjudicatrice à traiter de manière égale les soumissionnaires pendant tout le déroulement formel de la procédure (ATA/1048/2020 du 27 octobre 2020 consid. 9b et les arrêts cités ; Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Droit des marchés publics, 2002, p. 109 ; Benoît BOVAY, La non-discrimination en droit des marchés publics in RDAF 2004, p. 241).

c. Dans le cadre de l'application de l'art. 2 al. 7 LMI, il convient de ne pas perdre de vue la position intrinsèquement différente de l'autorité lors de la passation d'un marché public par rapport à celle exercée lors du transfert d'un monopole. Contrairement au marché public dans lequel la collectivité publique, endossant le rôle de « consommateur », acquiert auprès d'une entreprise privée, en contre-partie du paiement d'un prix, une prestation dont elle a besoin pour exécuter ses tâches publiques (ATF 143 II 120 consid. 6.3.3 ; 141 II 113 consid. 1.2.1 ; 125 I 209 consid. 6b), l'attribution d'une concession de monopole cantonal ou communal implique que l'autorité concédante se trouve dans un rôle « d'offreur » ou de « vendeur », puisqu'elle cède, moyennant une redevance et diverses prestations annexes, le droit d'utiliser le domaine public à des fins commerciales (ATF 143 II 120 consid. 6.3.3 ; 135 II 49 consid. 4.2 ; 125 I 209 consid. 6b). Il n'y a pas de droit à l'obtention d'une concession de monopole, car la collectivité publique reste libre d'exercer elle-même l'activité en cause (ATF 143 II 120 consid. 6.3.3 ; 142 I 99 consid. 2.2.1 ; 128 I 3 consid. 3b). Ces différences justifient de laisser à la collectivité publique une plus grande liberté dans le choix des critères à remplir par le concessionnaire et des conditions qu'elle peut lui imposer dans l'exercice du monopole qu'en matière de marchés publics (ATF 143 II 120 consid. 6.3.3 ; 142 I 99 consid. 2.2.1 ; 128 I 3 consid. 3b).

d. En l'espèce, outre le fait que la ville se trouve en position « d'offreur » ou de « vendeur », ce qui lui laisse une plus grande liberté d'appréciation qu'en matière de marchés publics, et qu'il n'y a pas de droit à l'obtention d'une concession de monopole, il ne ressort nullement des missions du C______ et du F______ que ces théâtres devraient se limiter en particulier au répertoire classique.

En effet, concernant le C______, Mmes D______ et E______ ont présenté un projet artistique, en particulier la création d'un « Bureau des compagnies », faisant dudit théâtre un outil polyvalent pour les compagnies indépendantes locales permettant d'accompagner et de soutenir leur travail de création et de diffusion, ce qui va dans le sens de la mission du C______. En outre, la programmation proposée, la diversité des répertoires et l'ouverture aux autres arts scéniques ont été considérés comme étant complémentaires au regard du positionnement des autres scènes genevoises et de la politique culturelle menée par la ville.

Concernant le F______, M. G______ a présenté un projet artistique qui s'accordait avec le contexte environnemental du lieu et qui se mariait avec les enjeux environnementaux et la crise climatique. En outre et comme pour le C______, la programmation, dont la diversité des répertoires, a été considérée comme complémentaire au regard du positionnement des autres scènes genevoises de l'offre culturelle estivale genevoise et de la politique culturelle menée par la ville.

Enfin, il convient de retenir que la ville subventionne une dizaine de théâtres sur son territoire, de sorte qu'on ne saurait véritablement soutenir que le répertoire classique ne serait pas proposé dans d'autres théâtres. En tout état, les nominations en cause sont limitées dans le temps, ce qui assure un renouvellement et une variété dans le type d'œuvres proposées par les différentes directions.

Compte tenu de ces considérations et au vu de la grande liberté d'appréciation dont bénéficie la ville dans le choix de direction pour les théâtres qu'elle subventionne, on ne saurait considérer qu'elle a discriminé le théâtre classique dans ses nominations.

Le grief sera écarté.

Les décisions de nomination de la ville étant, en tous points, conformes au droit, le recours sera rejeté.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, pas plus qu'à la ville qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 10).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 22 juin 2020 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions du département de la culture et du sport de la Ville de Genève du 5 juin 2020 ,

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Madame A______ et Monsieur B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat des recourants, à la Ville de Genève - département de la culture et de la transition numérique, ainsi qu'à la commission de la concurrence.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :