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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/586/2007

ACOM/75/2007 du 10.09.2007 ( CRUNI ) , ADMIS

Résumé : élimination ; liberté d'appréciation
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/586/2007-CRUNI ACOM/75/2007

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 10 septembre 2007

 

dans la cause

 

Monsieur F_______

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

et

FACULTÉ DES SCIENCES éCONOMIQUES ET SOCIALES

 

 

 

(élimination ; liberté d’appréciation)


EN FAIT

1. Monsieur F_______, né le ______1974, de nationalité suisse, est immatriculé à l’Université de Genève (ci-après : l’université) depuis l’année académique 1994-1995.

Inscrit tout d’abord en faculté de droit avant d’en être éliminé une année plus tard, il s’est inscrit en faculté des lettres, au sein de laquelle il a obtenu une licence ès-lettres mention Histoire spéciale, en 2000.

2. Il a ensuite demandé à pouvoir s’inscrire en faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté), en vue d’y suivre les enseignements de la licence en géographie.

Admis à compter du semestre d’hiver 2002, il s’est vu octroyer à sa requête diverses équivalences en raison de ses études antérieures, selon décision du 6 novembre 2002, représentant un total de 69 crédits, soit 9 du premier cycle d’études et 60 du second, ainsi qu’une dispense de deux semestres sur la durée totale des études de licence.

L’attention de M. F_______ était au demeurant attirée sur le fait qu’il disposait en conséquence de huit semestres pour obtenir le grade postulé, soit en octobre 2006 au plus tard, et qu’il devait avoir acquis un minimum de 30 crédits à la fin de l’année académique 2003-2004, puis un total de 91 crédits au terme de l’année académique 2004-2005.

3. A la session d’été 2003, M. F_______ a réussi le premier cycle d’études, ne comptabilisant aucune note inférieure à 4.

4. Inscrit désormais en deuxième cycle de la licence, il a passé divers examens aux sessions d’hiver et d’été de l’année 2003-2004, réunissant les 30 crédits nécessaires, puis encore aux trois sessions de l’année 2004-2005 avant de se voir exclu de la faculté en date du 4 novembre 2005 pour ne pas avoir acquis le nombre de crédits exigé par le règlement d’études (ci-après : RE) après deux ans d’études de deuxième cycle. Il ne totalisait en effet que 60 crédits sur les 91 requis.

5. M. F_______ s’est opposé à cette décision d’exclusion.

Son engagement comme enseignant au cycle d’orientation des Coudriers correspondait à un taux d’activité de 66 %.

A cela, s’ajoutait la charge d’une maîtrise de classe de 9ème année, ainsi que le temps qu’il devait consacrer à sa formation auprès de l’institut de formation des maîtres de l’enseignement secondaire (ci-après : IFMES).

Il avait déjà demandé, en vain, en mai 2005, à pouvoir se retirer des examens et séminaires du semestre d’été.

Le doyen de la faculté lui avait alors répondu qu’en raison de l’avancement de son année académique, un calendrier personnalisé ne pouvait être établi, mais qu’il disposait encore de la session de rattrapage d’octobre 2005.

La faculté tenait compte néanmoins de l’engagement professionnel du candidat, dans la mesure où ce dernier pouvait se limiter à n’obtenir que 30 crédits à valoir sur le minimum réglementaire de 91 crédits de deuxième cycle à réunir d’ici octobre 2005, son calendrier d’études pouvant se poursuivre ainsi dans les années à venir, sous la condition d’une attestation régulière de son taux d’activité dans l’enseignement.

M. F_______ sollicitait en conséquence la reconsidération de la décision d’exclusion, car il présentait pour le surplus d’excellents résultats et il était apparu, suite à un entretien avec la conseillère aux études, qu’il pourrait terminer ses études en respectant le délai accordé au moment de son inscription à la faculté.

6. Le doyen a admis l’opposition en date du 11 janvier 2006.

Acceptant de tenir compte de l’ensemble des résultats obtenus, alors même que le minimum annuel de 30 crédits n’avait pas été atteint, la faculté accordait à titre exceptionnel à M. F_______ un dernier délai à la session d’examens d’octobre 2006 pour conclure sa licence. Son attention était expressément attirée sur le caractère non renouvelable de cette dérogation particulièrement importante de par sa durée.

7. Au terme de ladite session, M. F_______ a derechef été exclu de la faculté, le 20 octobre 2006, son délai de réussite étant échu sans qu’il ait obtenu le titre postulé.

8. Dans son opposition du 13 novembre 2006, M. F_______ a expliqué qu’il n’avait en fait disposé que de quatre et non de cinq ans pour réunir les 240 crédits ECTS réglementaires en raison des équivalences qui lui avaient été consenties.

Or tant sa situation professionnelle, que sa situation familiale, avec la naissance de son premier enfant, avaient absorbé son énergie et l’avaient empêché d’accomplir un travail sérieux et rigoureux lors de sa dernière session d’examens. Il ne lui restait d’ailleurs qu’à compléter deux travaux de séminaire et le mémoire de licence.

Il sollicitait une année supplémentaire pour achever ses études.

Sa démarche était en outre soutenue par l’assistante chargée de suivre la rédaction de son mémoire de licence, Madame Anne Fournand, par le directeur du département de géographie, Monsieur Bernard Debarbieux ainsi que par M. Léonard Morand, directeur du collège des Coudriers.

9. Par décision du 17 janvier 2007, le conseil décanal a rejeté l’opposition.

M. F_______ ne totalisait que 93 crédits effectivement acquis (auxquels s’ajoutaient les 57 crédits obtenus par équivalence ou dispense). Manquaient le mémoire de licence et deux séminaires.

Au surplus, la situation décrite par M. F_______ avait déjà été largement prise en compte par l’octroi de deux dérogations, charge à lui de tout mettre en œuvre pour terminer sa licence dans le délai fixé.

10. M. F_______ interjette recours auprès de la CRUNI contre cette décision par acte du 17 février 2007.

En substance, il relève que la première dérogation qui lui a été consentie, à savoir de n’obtenir que 30 crédits après la session d’octobre 2005 ne lui a été d’aucun secours. En effet, à la session d’octobre 2005, il totalisait 27 crédits. L’exclusion prononcée en octobre 2005 ne portait donc que sur un retard de trois crédits. En accueillant son opposition, le Conseil décanal lui avait accordé une seconde dérogation fixant l’échéance à octobre 2006. Cette dérogation présentait un caractère non renouvelable sur une base légale qu’il n’avait pas trouvée.

Rappelant son engagement professionnel, il avait décidé de ne pas se présenter avec un travail bâclé.

Il conclut à l’octroi de deux semestres supplémentaires, soit une cinquième année, comme la majorité des étudiants pour terminer définitivement ses études.

11. L’université s’oppose au recours.

Elle est d’avis que la faculté avait déjà largement tenu compte des engagements professionnels de M. F_______ en réduisant en premier lieu l’exigence de l’obtention des 91 crédits de deuxième cycle. Ayant acquis 30 crédits lors de l’année académique 2003-2004, l’étudiant devait réunir 61 crédits l’année suivante. Or, cette exigence avait été ramenée à 30, soit l’équivalent d’un mi-temps d’une année académique.

Ne totalisant que 27 crédits, M. F_______ avait en second lieu été autorisé néanmoins à poursuivre son cursus universitaire, ce qui concrétisait bien la deuxième dérogation accordée.

Il n’existe enfin aucune circonstance exceptionnelle dont il devrait être tenu compte, tant l’obligation de travailler en parallèle avec ses études que l’arrivée d’un enfant n’étant pas constitutives de telles circonstances pouvant survenir de manière imprévue.

12. La CRUNI a procédé à une comparution personnelle des parties.

Lors de l’audience qui s’est tenue le 31 mai 2007, M. F_______ a expliqué que lorsqu’il avait reçu la décision d’octroi d’équivalences, il n’avait pas réagi au fait qu’il ne disposait que de huit semestres pour obtenir sa licence en géographie, car à cette époque, soit à fin 2002, il n’était pas encore engagé au DIP. Depuis qu’il s’était rendu compte qu’il ne pourrait pas respecter le délai imparti pour terminer ses études, il avait l’impression de buter contre un mur, alors qu’il avait toujours privilégié le dialogue, d’autant qu’il avait obtenu des résultats satisfaisants, n’ayant notamment jamais validé le moindre examen. Il estimait que l’impact de son activité professionnelle sur ses études n’avait pas été suffisamment pris en compte : ainsi avait-il été éliminé de la faculté en automne 2005 pour n’avoir pas été en mesure de présenter le séminaire de géographie II du fait de son activité d’enseignant. Avec les 3 crédits attachés à ce séminaire, il n’aurait pas été éliminé.

Il lui restait deux séminaires du semestre d’été et le mémoire de licence dont il avait dû suspendre la rédaction et qu’il pourrait être à même de terminer en un semestre. A cet égard, sa directrice de mémoire avait relevé qu’il n’existait pas beaucoup de documentation en relation avec le sujet choisi, soit l’appropriation du territoire de la part des jeunes adolescents, de sorte que cette matière pourrait donc se révéler très utile à l’avenir.

Pour sa part, Madame Christiane Antoniades représentant la faculté, a contesté que cette dernière n’ait pas tenu compte de l’activité professionnelle de M. F_______.

En effet, celui-ci devait obtenir grosso modo 38 crédits par an (240 ./. 69 en équivalence ./. 57 en premier cycle = 114 crédits, sur trois ans), chiffre de peu supérieur aux 30 crédits annuels réglementaires.

Elle a de même contesté que trois crédits supplémentaires en automne 2005 eussent suffit à M. F_______ pour se maintenir, car il devait obtenir 91 crédits au terme du quatrième semestre du deuxième cycle, alors qu’il n’en comptait que 60.

Mme Antoniades a en outre précisé que la formulation de la lettre du 11 janvier 2006 du doyen, relative à l’importance de la seconde dérogation, était maladroite, car la faculté permettait en fait à M. F_______ de poursuivre sa formation comme s’il n’avait pas échoué à deux reprises.

Or, en général la faculté rétablissait un étudiant pour un semestre, alors qu’en l’occurrence il y en avait deux, et c’est dans ce sens qu’il fallait comprendre que cette dérogation était importante.

Elle a enfin ajouté que lorsque la faculté accorde un délai à un étudiant en échec, ce délai n’est pas remédiable et l’étudiant doit prendre toutes dispositions utiles pour le respecter.

13. Au terme de l’audience, la faculté s’est déclarée disposée à réexaminer le dossier de M. F_______.

Par courrier daté du 9 juillet 2007, le doyen de la faculté a confirmé la décision de refus de l’opposition, vu l’absence de tout fait nouveau.

Copie a été adressée à l’étudiant le 8 août 2007.

14. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 17 janvier 2007 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06 ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. a. Selon l’article 63D alinéa 3 LU, les conditions d’élimination des étudiants sont fixées par le règlement de l’université, lequel dispose en son article 22 alinéa 2 que l’étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études (let. a) ou qui ne subit pas ses examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d’études (let. b) est éliminé.

M. F_______ étant inscrit à la faculté depuis la rentrée académique de 2002, il est soumis au RE 2002-2003 de cette faculté, en vigueur depuis le 1er octobre 1995.

b. Les études de licence à la faculté, incluant la licence en géographie postulée par le recourant, sont divisées en deux cycles, l’étudiant devant acquérir un total minimum de 240 crédits y compris les crédits obtenus en premier cycle, dans une durée maximale de dix semestres (art. 3 al. 1, 5 al. 1, 6, 11 RE).

Un étudiant en mesure de se prévaloir d’études universitaires antérieures peut bénéficier d’équivalences se rapportant à des disciplines et, s’il y a lieu, à des semestres d’études (art. 6 al. 1 RE).

Est éliminé de la faculté l’étudiant qui, notamment,

-               n’a pas acquis 30 crédits par année d’études

-               n’a pas acquis au moins 160 crédits (y compris les crédits acquis en premier cycle) après deux ans d’études de deuxième cycle

-               n’a pas acquis au moins 240 crédits (y compris les crédits de premier cycle) après cinq ans d’études à compter du début des études (art. 15 al. 1 let a, b, d RE).

L’élimination est prononcée par le doyen de la faculté (art. 15 al. 2 RE).

c. En l’espèce, M. F_______, bénéficiait de 69 crédits en équivalence en raison de ses études antérieures à la faculté des lettres et d’une dispense de deux semestres sur la durée totale des études de licence, selon décision du 6 novembre 2002.

Il lui appartenait en conséquence d’obtenir le grade postulé dans un délai de huit semestres, soit octobre 2006, 30 crédits au terme de l’année académique 2003-2004 et 91 crédits au terme de l’année 2004-2005, compte tenu des 69 crédits acquis en équivalence, la faculté considérant que 24 crédits correspondent à un semestre d’études (déclaration de Mme Antoniades en comparution personnelle).

d. En octobre 2006, M. F_______ n’avait entre autres pas encore déposé son mémoire de licence.

N’ayant pas terminé ses études à l’échéance fixée, il a été exclu de la faculté par décision du 20 octobre 2006.

3. a. Motivant le rejet de l’opposition formée par M. F_______, le doyen de la faculté a considéré que le recourant ne totalisait à cette date que 93 crédits, hormis les 57 acquis en équivalence et en dispense et qu’il avait déjà bénéficié de deux dérogations, à savoir la poursuite de son cursus en dépit d’un nombre de crédits insuffisant en 2005, et l’obtention d’un ultime délai à octobre 2006 pour terminer sa licence, avec la mention que cette dernière dérogation ne serait pas renouvelable.

Dans son recours du 7 février 2007, M. F_______ fait valoir que la première dérogation n’ayant produit aucun effet, puisqu’il totalisait 27 crédits sur les 30 requis, elle n’existe donc pas et qu’il n’a finalement bénéficié que d’une seule dérogation.

b. Lorsque le recourant a pris conscience qu’il ne serait pas en mesure de suivre convenablement les cours et séminaires en raison de ses obligations professionnelles, il en a informé le doyen de la faculté le 22 mai 2005, lequel a réajusté le nombre de crédits devant être acquis par le candidat, passant de 61 à 30 pour l’année 2004-2005, 30 premiers crédits ayant déjà été réunis lors de l’année précédente, en conformité de la première condition qui avait été imposée.

M. F_______ a pourtant été exclu une première fois de la faculté par décision du 4 novembre 2005 pour n’être pas parvenu à réunir ces 30 crédits annuels, n’en comptabilisant que 27.

C’est en conséquence à tort que M. F_______ cherche à nier l’existence de la première dérogation qui lui a été accordée, laquelle ne saurait être remise en cause par l’absence du profit que l’étudiant aurait pu en tirer, ce d’autant qu’elle portait non seulement sur l’année 2004-2005, mais aussi sur les années à venir.

c. Il apparaît en revanche que le motif de l’exclusion, plus précisément de l’élimination, est erroné puisque le recourant était au bénéfice d’une dérogation le dispensant de parvenir aux 160 crédits après deux ans d’études (cf. art. 15 al. 1 let b RE).

A cet égard, la déclaration de la représentante de la faculté en comparution personnelle, selon laquelle trois crédits n’auraient pas suffi à ce moment-là au candidat pour échapper à la première élimination, car il devait obtenir 91 crédits, est inexacte puisque M. F_______ voyait son calendrier d’études être ainsi sensiblement modifié jusqu’à l’obtention de sa licence.

4. Le recourant a été exclu une seconde fois de la faculté par décision du 20 octobre 2006 au motif que son délai de réussite était échu.

a. Dit délai résulte comme vu ci-dessus de la décision d’octroi d’équivalences du 6 novembre 2002, qui imposait à l’étudiant d’obtenir le grade postulé dans un délai de huit semestres, soit quatre ans et non cinq, comme le prévoit l’article 15 alinéa 1 lettre d RE.

Il est constant qu’au terme de cette période de quatre ans, M. F_______ n’a pas obtenu sa licence.

Pour justifier le rejet de l’opposition formée par l’étudiant, le doyen de la faculté a, entre autres, rappelé les deux dérogations dont ce dernier avait bénéficié et notamment l’ultime délai à octobre 2006 qui lui avait été consenti.

b. Lorsque le doyen de la faculté a accepté la première opposition de M. F_______, il a précisé que la faculté lui accorde à titre exceptionnel un dernier délai pour conclure sa licence à octobre 2006. Cette dérogation « particulièrement importante » n’était pas renouvelable.

Il s’impose toutefois de constater que, ce faisant, la faculté n’a accordé en fait aucun délai au recourant : elle le rétablissait simplement dans son cursus devant s’achever en octobre 2006.

Certes la représentante de la faculté a-t-elle tenu à mentionner que l’importance de cette dérogation tenait dans le fait qu’il restait ainsi deux semestres encore à M. F_______ pour clore ses études avec succès.

Il n’en demeure pas moins que par cette seconde dérogation, la faculté réduisait encore ses exigences à l’égard du candidat au terme de sa deuxième année de deuxième cycle, en admettant 27 crédits au lieu des trente faisant l’objet de la première dérogation, plutôt qu’elle ne lui consentait quelque délai que ce soit.

5. a. A teneur de l’article 87 alinéa 3 RU, le recours auprès de la CRUNI ne peut être fondé que sur une violation du droit, l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation étant assimilé à la violation du droit.

La notion d’excès a trait à l’existence d’un pouvoir d’appréciation, celle de l’abus à son exercice. S’agissant plus précisément de cette dernière notion, l’autorité doit procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes et dans la mesure du possible ne pas commettre d’inégalité de traitement en refusant à l’un un avantage concédé à d’autres en vertu de sa liberté (P. MOOR, droit administratif I, 2000, p. 377-378).

Commet un excès ou un abus du pouvoir d’appréciation l’autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision tout simplement arbitraire, de même si cette autorité n’a pas usé de critères objectifs (ATF 5A.22/2006 du 13 juillet 2006, ATF 5A.15/2006 du 15 juin 2006, ATF 130 III 176 du 29 janvier 2004).

Enfin, la décision de l’autorité doit être compatible avec le principe de l’égalité de traitement, qui postule que ce qui est semblable soit traité de manière identique et qui se trouve violé lorsqu’une décision établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable (ATF 2A.174/2006 du 23 juin 2006).

b. Il convient dès lors d’examiner si la faculté a fait un usage correct de son pouvoir d’appréciation en opposant un refus à la requête de l’étudiant de lui consentir une année supplémentaire et si ce refus est conforme à sa pratique ou si au contraire celle-ci n’est pas systématiquement aussi rigoureuse (Décision CRUNI C. du 12 juillet 1994).

c. Au sein de l’abondante jurisprudence rendue par la commission de céans en matière d’élimination, on relèvera qu’un délai de deux semestres a été accordé à un étudiant pour réussir le premier cycle d’études en raison de problèmes familiaux (ACOM/35/2006 du 15 mai 2006) et un délai identique, au même stade des études, pour des problèmes de santé et familiaux (ACOM/49/2005 du 11 août 2005).

Dans une décision du 28 juin 2005, un semestre supplémentaire a été accordé pour la réussite du certificat de géomatique à un étudiant dont la moyenne était insuffisante (ACOM/42/2005 du 28 juin 2005).

Dans une décision du 11 mai 2005, le doyen de la faculté a octroyé deux semestres supplémentaires pour raisons médicales à l’étudiant ayant enregistré un très bon résultat à son mémoire de licence afin d’obtenir les crédits requis (ACOM/33/2005).

Dans une autre décision, du 4 février 2005, ce sont deux semestres supplémentaires accordés pour raisons médicales à un étudiant postulant un DEA en gestion d’entreprise (ACOM/9/2005).

Un étudiant se rendant compte qu’il ne lui était pas possible de mener en parallèle des études universitaires et une activité professionnelle à plein temps s’est vu proposer plusieurs solutions par le doyen, dont celle notamment de demander une prolongation de délai d’un ou deux semestres, avant d’être exclu de la faculté pour n’avoir pas réagi à temps, puis être autorisé à se réinscrire pour terminer ses études deux années plus tard (ACOM/23/2004 du 24 mars 2004).

Enfin dans une décision du 20 juin 2002, l’étudiant voit son délai d’obtention de la licence en sciences politiques être reporté pour raisons médicales et activité professionnelle, étant soutien financier pour sa famille (ACOM/64/2002).

d. Il faut retenir de cette casuistique que la pratique de la faculté tend à concéder un ou deux semestres supplémentaires à l’étudiant pressé par le temps en vue de l’achèvement de ses études et qui en fait la demande motivée, après examen de sa situation personnelle et prise en compte, cas échéant, des résultats obtenus par celui-ci, ce qui revient à différer dans le temps l’échéance imposée pour l’obtention du grade postulé, et qui correspond du reste bien à ce qu’il faut entendre par la notion d’octroi d’un délai.

6. Le recourant s’est inquiété à temps de l’avancement de ses études au regard de sa situation professionnelle, ce dont il a informé l’autorité académique.

Il a certes bénéficié d’une dérogation à fin 2005 mais il n’a pas vu son délai de réussite être prolongé, alors qu’il n’avait réalisé que des notes oscillant entre 4 et 6 pour les dix-huit examens de deuxième cycle qu’il a présentés.

Sa directrice de mémoire, tout en relevant l’intérêt du sujet traité par M. F_______, relève que sa situation professionnelle et familiale ainsi que le sérieux dont le recourant a fait preuve dans ses études de géographie, méritent d’être pris en considération dans sa demande de prolongation de délai.

Le directeur du département de géographie qualifie pour sa part la demande de M. F_______ de légitime sur le fond, venant d’un étudiant méritant qui a donné toute satisfaction aux enseignants, en dépit de sa situation difficile.

Quant au directeur du collège des Coudriers, il rappelle que c’est suite à ses demandes et aux recommandations de la CDIP que M. F_______ a commencé des études de géographie, alors même qu’il était déjà titulaire d’une licence en histoire, afin d’élargir sa palette de compétences et pouvoir en faire bénéficier les adolescents difficiles qui fréquentent l’établissement, estimant équitable qu’il soit tenu compte de sa situation très particulière dans l’application des règlements universitaires.

7. Il résulte de ce qui précède qu’en refusant de reporter le délai de réussite du recourant au-delà d’octobre 2006, ne lui concédant en définitive que l’échéance prévue dès son admission à la faculté et s’opposant à l’octroi d’un délai supplémentaire, accordé en maintes autres occasions, le doyen a outrepassé sa liberté d’appréciation.

8. Il n’y a pas lieu dès lors d’examiner la question des circonstances exceptionnelles dont il doit être tenu compte en cas d’élimination (art. 22 al. 3 RU).

Quoi qu’il en soit, tant l’obligation d’exercer une activité lucrative en parallèle avec ses études que la survenance d’un enfant au sein du couple ne saurait constituer de telles circonstances au sens de la jurisprudence constante de la CRUNI en la matière (ACOM/44/2007 du 22 mai 2007, ACOM/24/2006 du 4 avril 2006).

9. Le recours sera en conséquence admis et la décision entreprise annulée.

Il s’impose néanmoins de tenir compte du fait que le recourant a déjà obtenu des aménagements lui ayant permis de poursuivre ses études de licence alors même qu’il ne disposait pas des crédits nécessaires.

Estimant en outre qu’il pourrait être à même de terminer son mémoire de licence en un semestre, c’est un délai correspondant qui sera accordé à M. F_______, dont les dates seront fixées de manière à lui permettre également de suivre les deux séminaires qui lui manquent.

10. Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu.

Il n’y a par ailleurs pas lieu d’allouer une indemnité au recourant, qui n’a pas justifié de débours particuliers, en assurant seul sa défense.

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 février 2007 par Monsieur F_______ contre la décision sur opposition rendue par la faculté des sciences économiques et sociales en date du 17 janvier 2007 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision dont est recours ;

renvoie le dossier à la faculté des sciences économiques et sociales pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Monsieur F_______, à la faculté des sciences économiques et sociales, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Messieurs Schulthess et Bernard, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Ravier

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :