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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/206/2006

ACOM/24/2006 du 04.04.2006 ( CRUNI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/206/2006-CRUNI ACOM/24/2006

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 4 avril 2006

 

dans la cause

 

 

Monsieur D__________

 

contre

 

 

 

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 

 

et

 

 

 

FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

 

 

(élimination - nombre de crédits insuffisants - pas de circonstances exceptionnelles)


1. Monsieur D__________ est immatriculé à la faculté des sciences économiques et sociales depuis octobre 2002. Au vu des études qu’il avait effectuées antérieurement en Guinée, l’Université de Genève lui a octroyé le 4 décembre 2002 quarante-deux crédits pour le premier cycle d’études. Cette décision précisait que M. D__________ disposait de neuf semestres pour obtenir le grade postulé.

2. Au terme de la session d’examens d’octobre 2003, il a réussi les examens du premier cycle et présenté deux examens du deuxième cycle. Il a à nouveau demandé des équivalences pour ce deuxième cycle et il en a obtenu quarante-deux, par décision du 28 janvier 2004. Cette décision faisait expressément mention du fait que les crédits acquis en équivalence n’intervenaient pas dans l’application de l’article 15 alinéa 1 lettre a du règlement de sorte que l’étudiant devrait avoir obtenu un minimum de trente crédits de deuxième cycle au terme de l’année académique 2003-2004 et un total de nonante et un crédits au terme du deuxième cycle de l’année académique 2004-2005.

3. Lors de l’année académique 2003-2004, M. D__________ a commencé à suivre les enseignements de deuxième cycle et présenté des examens. Cependant, à l’issue de la session de février-mars 2004, le collège des professeurs a annulé tous les examens présentés par M. D__________ à cette occasion en raison d’une fraude à l’examen de modélisation économétrique A.

4. Saisi d’une opposition, le collège des professeurs a accepté de rétablir les notes obtenues pour les autres examens à l’exception de celui litigieux, et cela par souci d’égalité de traitement avec deux autres étudiants.

5. Lors de la session d’examens de juillet 2004, M. D__________ a présenté un certain nombre d’examens. Il en a fait de même en octobre 2004 y compris pour celui qui avait été annulé.

6. Lors de l’année académique 2004-2005, il a suivi les enseignements du deuxième cycle et a présenté des examens en février, mars, juillet et octobre 2005. A l’issue de la session d’octobre 2005, M. D__________ a été éliminé par décision du 21 octobre 2005 parce qu’il avait subi un échec définitif après deux inscriptions à un enseignement et cela pour sept examens. Au terme de ce second cycle, il totalisait trente-neuf crédits, non compris les quarante-deux obtenus au titre d’équivalences.

7. Par courrier du 24 octobre 2005, M. D__________ a fait opposition en faisant valoir qu’il avait été fortement perturbé par l’accouchement de sa copine en avril 2004 et par les difficultés qui en étaient résulté pour lui. Il devait s’occuper de son enfant et travailler parallèlement à ses études. Ses parents, opposés à cette relation, avaient cessé de l’aider financièrement. Il sollicitait ainsi une dernière chance.

8. A la requête de la conseillère aux études, il a produit l’extrait de naissance de son enfant né le __________ 2004 à Conakry.

9. Par décision du 6 janvier 2006, le conseil décanal, sur rapport de la commission chargée d’instruire les oppositions, a rejeté celle-ci pour plusieurs motifs. M. D__________ n’avait pas réussi un examen au terme de deux inscriptions pour sept enseignements. De plus, il n’avait pas obtenu nonante et un crédits mais trente-neuf seulement au terme du deuxième cycle d’études, les crédits acquis par équivalence ne pouvant participer à ce calcul, conformément à ce qui lui avait été indiqué. Par souci d’égalité de traitement, les difficultés familiales invoquées a posteriori par M. D__________ ne pouvaient justifier l’octroi d’une dérogation. Enfin, il aurait dû obtenir sa licence en février 2006, de sorte que même s’il était autorisé à refaire des examens, ce délai ne pourrait être respecté.

10. Par courrier daté du 9 janvier 2006, M. D__________ a prié le doyen de l’autoriser à s’inscrire à la prochaine session.

11. Considérant que M. D__________ entendait recourir, le doyen de la faculté l’a invité à "faire appel au Tribunal administratif" ce que l’intéressé a fait par acte posté le 20 janvier 2006 en reprenant ses explications et conclusions. Il demandait principalement l’annulation de la décision d’exclusion, la prise en compte de ses problèmes familiaux, et subsidiairement, le renvoi du dossier à l’autorité inférieure pour nouvelle décision.

12. Le 21 février 2006, la faculté a conclu au rejet du recours en se référant au règlement de 2002 applicable en l’espèce.

Le fait d’avoir eu un enfant et d’avoir dû travailler parallèlement à ses études n’était pas, selon la jurisprudence constante de la commission, constitutif d’une circonstance exceptionnelle de nature à faire échec à la décision d’exclusion. De plus, et compte tenu de l’écoulement du temps, il n’était pas certain que, même si l’élimination de M. D__________ était annulée, celui-ci puisse terminer ses études dans les délais fixés.

13. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 6 janvier 2006 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06 ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. Les conditions d’élimination des étudiants sont fixées par le règlement de l’Université (art. 63D al. 3 LU). L’article 22 alinéa 2 RU dispose que l’étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études (litt. a) ou qui ne subit pas ses examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d’études (litt. b), est éliminé.

M. D__________ suit une formation de base au sens de l’article 26 RU. Du fait qu’il a commencé ses études en octobre 2002, il est soumis au règlement de la faculté des SES d’octobre 2002 (ci-après  : le règlement).

3. Selon l’article 14 chiffre 5 du règlement, "en cas d’échec à la session d’automne, l’étudiant peut se réinscrire au cours une fois au maximum. Il est alors soumis aux dispositions prévues aux alinéas 1 à 4 du présent article".

De plus, après deux ans d’études de deuxième cycle, l’étudiant doit avoir acquis au moins 160 crédits y compris ceux acquis en premier cycle (art. 15 litt. b du règlement).

4. En l’espèce, M. D__________ a échoué à titre définitif après la deuxième inscription à sept enseignements et ne peut plus donc se réinscrire à ces enseignements-ci (art. 14 ch. 5 précité).

De plus, il n’a obtenu que 69 crédits au terme du premier cycle et 81 crédits à la fin du deuxième, soit 150 crédits au lieu des 160 requis (art. 15 ch. 1 litt. b).

En conséquence, la décision d’élimination est parfaitement justifiée.

5. Reste à examiner si les difficultés familiales rencontrées par le recourant peuvent constituer des circonstances exceptionnelles au sens de l’article 22 alinéa 3 RU.

6. a. Selon la jurisprudence constante rendue au sujet de cette disposition, n’est exceptionnelle que la situation qui est particulièrement grave pour l’étudiant. En outre, les autorités facultaires disposent dans ce cas d’un large pouvoir d’appréciation, dont la CRUNI ne censure que l’abus (ACOM/4/2006 du 15 février 2006 ; ACOM/31/2005 du 3 mai 2005 ; ACOM/28/2005 du 28 avril 2005). Il a ainsi été jugé à réitérées reprises que des difficultés financières ou le fait de devoir exercer une activité en sus de ses études ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles (ACOM/20/2005 du 7 mars 2005), étant précisé que les effets perturbateurs des difficultés invoquées aient été prouvés d’une part et qu’un rapport de causalité soit démontré par l’étudiant (ACOM/37/2005 du 26 mai 2005). Cette jurisprudence est conforme au principe de l’instruction d’office (ACOM/41/2005 du 9 juin 2004 consid. 7c ; ACOM/13/2005 du 7 mars 2005, consid. 5).

7. A cet égard, il sera relevé que l’enfant de M. D__________ est né le __________ 2004 ce qui n’a pas empêché le recourant de présenter des examens en juillet et octobre 2004 puis en février, mars, juillet et octobre 2005. Il n'existe ainsi pas de rapport de causalité entre la naissance de l'enfant et l'échec de M. D__________. Ce dernier ne démontre au demeurant pas en quoi le fait de s'occuper d'un enfant soit exceptionnel, étant précisé que le fait de devoir exercer une activité lucrative n'est pas relevant sous l'angle de l'article 22 alinéa 3 RU. Il faut relever à ce dernier égard que le bien-fondé de la jurisprudence constante de la CRUNI est confirmé par les chiffres récents de l'Office fédéral de la statistique qui démontrent qu'entre 75 et 80% des étudiants exercent une activité rémunérée. En outre, 80% de ces étudiants exerçant une activité rémunérée le font durant les périodes de cours (Office fédéral de la statistique, Situation sociale des étudiant-e-s 2005, Neuchâtel, 2005, p. 15-17). Le fait de devoir travailler durant ses études n'est ainsi pas exceptionnel pour un étudiant. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs jugé dans un arrêt récent qu'il n'était pas insupportable pour une étudiante de devoir travailler parallèlement à ses études (arrêt du Tribunal fédéral du 11 octobre 2005 5C.150/2005, consid. 4.4.2).

Dans ces circonstances, le refus de l’autorité intimée de ne pas considérer comme exceptionnelles les circonstances invoquées par M. D__________ n’est nullement arbitraire. Cette décision est conforme à la jurisprudence de la commission de céans, ce d'autant plus que lien de causalité entre ces difficultés et l'échec n'est pas prouvé.

8. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige il ne sera pas perçu d’émolument (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2006 par Monsieur D__________ contre la décision sur opposition de la faculté des sciences économiques et sociales du 6 janvier 2006 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

communique la présente décision à Monsieur D__________, à la faculté des sciences économiques et sociales, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Hurni, présidente suppléante ;
Messieurs Schulthess et Grodecki, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Barnaoui-Blatter

 

la présidente suppléante :

 

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :