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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/662/2007

ACOM/54/2007 du 22.06.2007 ( CRUNI ) , REJETE

Descripteurs : ; INSTITUTION UNIVERSITAIRE ; ÉTUDIANT ; EXCLUSION(EN GÉNÉRAL) ; CIRCONSTANCE EXTRAORDINAIRE
Normes : LU.63D.al3; RU.22.al.2
Résumé : Élimination. Circonstances exceptionnelles. Tant l'inscription à un stage à l'étranger, sans en informer les autorités facultaires et sans entreprendre des démarches en vue de s'assurer du bon déroulement des études, que l'inscription à un nombre trop élevé d'enseignements, ne sauraient constituer des circonstances exceptionnelles, dès lors qu'il appartient à l'étudiant d'organiser ses études et son stage en fonction des échéances académiques et des contraintes réglementaires. Quant aux problèmes familiaux et personnels, à savoir le divorce des parents, intervenu lorsque le recourant était encore au cycle d'orientation, et la séparation avec son amie, il s'agit d'événements qui sont le lot de nombreux étudiants et qui, sauf à atteindre un degré de gravité exceptionnel dans des circonstances particulières dûment prouvées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ne sauraient conduire à retenir l'existence de circonstances exceptionnelles.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

A/662/2007-CRUNI ACOM/54/2007

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 22 juin 2007

 

dans la cause

 

Monsieur P_____

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

et

FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

 

 

 

(élimination ; circonstances exceptionnelles)


EN FAIT

1. Monsieur P_____, né le _____, a présenté une demande d'immatriculation à l’Université de Genève (ci-après : l’université) le 27 mai 2002, en vue de suivre les études de licence auprès de la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté). Il a débuté la première année d'études au mois d’octobre 2002.

2. A l’issue de la session d’examens d’été 2003, il a réussi le premier cycle d’études, avec une moyenne générale de 5.21 (procès-verbal d’examens du 11 juillet 2003).

3. Ayant terminé le tronc commun, il a choisi, pour les études de deuxième cycle, débutées en octobre 2003, l’orientation en économétrie appliquée.

4. Lors des sessions d’examens de février, juillet et octobre 2004, il a obtenu, au total, 30 crédits ECTS.

5. A l’issue de l’année académique 2004-2005, l'intéressé totalisait 96 crédits ECTS de deuxième cycle.

6. Lors de la session de février 2006, l’intéressé ne s’est présenté qu’à trois examens sur dix. Il ne s’est présenté à aucun examen en juillet, et, à l’issue de la session d’automne 2006, il a été éliminé de la faculté au motif qu’il avait échoué après deux inscriptions à un même enseignement, au regard de l'article 14 paragraphes 5 et 15, paragraphe 1 lettre c du règlement de la faculté (décision du 20 octobre 2006).

7. Par courrier du 20 novembre 2006, auquel il joignait le formulaire d’opposition, l’intéressé a contesté la décision d’élimination. Il expliquait que s’agissant de l’enseignement 4300 (séries chronologiques), le nombre de crédits était passé de 3 à 6, ce qui avait entraîné une augmentation de la charge de travail lors de la deuxième inscription. Quant au deuxième enseignement (macroéconomie appliquée), il ne s’était jamais présenté à l’examen. Ces absences aux examens s’expliquaient par son optimisme démesuré dans ses capacités, qui l’avaient conduit à s’inscrire à un nombre disproportionné d’enseignements. De plus, entre mai et septembre 2006, il avait été engagé en tant que stagiaire aux Nations Unies, dans un projet à l’étranger. C’est la raison pour laquelle, il n’avait pas suivi de cours durant le semestre d’été 2006. Cette expérience, qui s’était déroulée dans un contexte politique particulier, l’avait beaucoup marqué et rendu le retour à Genève et la préparation aux examens plus délicats. Il demandait l’autorisation de pouvoir se réinscrire aux deux enseignements à l’origine de son élimination.

8. Par décision du 23 janvier 2007, le doyen a rejeté l'opposition. Le Conseil décanal constatait que l’élimination reposait sur un échec après deux inscriptions aux enseignements de « Macroéconomie appliquée » et « Séries chronologiques » ainsi que sur la non-obtention, durant l’année universitaire 2005-2006, des 30 crédits ECTS annuels exigés par le règlement. Les motifs avancés, soit l’optimisme excessif et le stage à l’étranger, ne constituaient pas des circonstances exceptionnelles dont l’intéressé aurait été victime. Il ne pouvait en effet pas ignorer qu’un séjour de plusieurs mois à l’étranger, l’aurait empêché d’assister régulièrement aux cours et de préparer et passer les examens.

9. Par lettre-signature mise à la poste le 22 février 2007, M. P_____ a interjeté recours auprès de la commission de recours de l'université (ci-après :CRUNI). Il a sollicité, préalablement, l'octroi de l'effet suspensif. Sur le fond, il a demandé à pouvoir se réinscrire aux enseignements de macroéconomie appliquée et de séries chronologiques. Il se prévalait de circonstances exceptionnelles. Les absences répétées aux examens s’expliquaient par le fait qu’il s’était inscrit à un nombre excessif d’enseignements, la charge de travail étant trop grande et des problèmes personnels s’étant ensuite ajoutés. Il avait décidé de faire un stage à l’étranger afin de sortir de son malaise et de retrouver l’énergie qui lui manquait. Lorsqu’il avait reçu la réponse positive de l’ONU pour son stage, il était persuadé que c’était trop tard pour demander un semestre de congé ou une exmatriculation provisoire. Le stage avait ensuite eu des effets très bénéfiques, et il était très motivé depuis. Depuis son retour, il avait terminé son mémoire de licence. Avec la validation du mémoire et les crédits qu’il pouvait encore valider, il lui restait 39 crédits en tout pour terminer la licence.

10. Par décision présidentielle de la CRUNI du 22 mars 2007, la requête d’effet suspensif a été rejetée.

11. En date du 16 mars 2007, l'université a présenté sa réponse sur le fond, en concluant au rejet du recours. D’une part, il était constant que le recourant n’avait totalisé que 18 crédits ECTS durant l’année académique 2005-2006, ce qui était bien au-dessous des 30 crédits minimums requis par année d’études de deuxième cycle. D’autre part, il s’était aussi inscrit à deux reprises au cours n° 4300 de « Séries chronologiques » et au cours n° 4329 de « Macroéconomie appliquée », sans obtenir les crédits requis. Pour ces motifs, son élimination était justifiée au regard du règlement d’études. Quant à l’argument relatif au changement de la dotation en crédits de ces deux enseignements, il ne s’agissait que d’un redécoupage de certains enseignements qui n’avait pas eu d’influence sur le fond des cours. Enfin, quant à l’optimisme démesuré qui avait conduit le recourant à s’inscrire à un nombre trop important d’examens, il ne s’agissait pas d’une circonstance susceptible de conduire à une dérogation au règlement d’études. Quant au stage effectué à l’étranger entre mai et septembre 2006, il relevait de la pure convenance personnelle et n’était pas non plus un événement pouvant être qualifié d’exceptionnel au sens de l’article 22 alinéa 3 du règlement de l’université.

12. Par courrier du 28 mars 2007, le recourant a encore exposé à la CRUNI que sa vie n’avait pas été facile. Le divorce de ses parents l’avait obligé à devoir prendre soin de lui très tôt, lorsqu’il était encore au cycle d’orientation. Par ailleurs, après plusieurs années, son amie l’avait quitté peu de temps avant la session d’examens de février 2006, ce qui l’avait très affecté et qui était à l’origine de l’échec aux examens. Par ailleurs, la réforme de Bologne avait modifié à la forme les enseignements pour lesquels il avait échoué et avait eu aussi des répercussions sur le fond, même si pas majeures.

13. Invitée à se déterminer sur la dernière écriture du recourant, l'université a fait savoir, en date du 20 avril 2007, qu’elle n’avait pas de remarques à ajouter et qu’elle maintenait les termes de sa réponse du 16 mars 2007.

14. Une copie de cette correspondance a été communiquée au recourant pour information. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 23 janvier 2007 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

2. a. Les conditions d'élimination des étudiants sont fixées par le règlement de l'université (art. 63D al. 3 LU). L’article 22 alinéa 2 RU dispose que l'étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études (let. a) ou qui ne subit pas ses examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d'études (let. b), est éliminé.

b. Le recourant ayant débuté ses études en octobre 2002, il était soumis au règlement d’études de la faculté 2002-2003 (ci-après: RE).

3. a. Aux termes de l’article 15, chiffre 1, lettre a RE, subit un échec définitif au deuxième cycle et est donc éliminé de la faculté, l'étudiant qui n’a pas acquis au moins 30 crédits par année d’études. De même, selon l’article 15 , chiffre 1, lettre c RE, est également éliminé l’étudiant qui n’a pas obtenu les crédits correspondants après deux inscriptions à un enseignement.

b. En l'espèce, le recourant a obtenu 18 crédits ECTS au terme de l’année académique 2005-2006, ainsi que cela ressort du procès-verbal d'examens du 20 octobre 2006. Pour ce seul motif déjà, il s’est exposé à une décision d’élimination. Il n’a également pas obtenu les crédits correspondants après deux inscriptions aux examens de séries chronologiques et macroéconomie appliquée, ce qui conduit aussi à une décision d’élimination.

4. a. Il reste à examiner si le recourant peut bénéficier de circonstances exceptionnelles.

b. Selon l’article 22 alinéa 3 RU, il doit être tenu compte des situations exceptionnelles lors d’une décision d’élimination. Selon une jurisprudence constante, une situation peut être qualifiée d’exceptionnelle lorsqu’elle est particulièrement grave et difficile pour l’étudiant. Lorsque de telles circonstances sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant. Cette jurisprudence est conforme au principe de l’instruction d’office (ACOM/41/2005 du 9 juin 2004 consid. 7c ; ACOM/13/2005 du 7 mars 2005, consid. 5). Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation, dont la CRUNI ne censure que l’abus (ACOM/1/2005 du 11 janvier 2005 ; ACOM/102/2004 du 12 octobre 2004 et les références citées).

c. La CRUNI a eu l’occasion de juger que des problèmes graves de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant devaient être considérés comme des situations exceptionnelles, sous la condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu'un rapport de causalité soit démontré par l'étudiant (ACOM/102/2004 du 12 octobre 2004 et les références citées). En revanche, selon la jurisprudence de la CRUNI, des difficultés financières ou économiques ne sont pas suffisantes pour justifier une situation exceptionnelle. De telles difficultés, comme le fait d'exercer une activité lucrative en sus de ses études, n'étaient pas exceptionnelles, même si elles constituaient à n'en pas douter une contrainte (ACOM/20/2005 du 7 mars 2005, consid. 5 et les références citées). De même, le fait qu'un étudiant rencontre des problèmes financiers et familiaux est certes regrettable, mais fait hélas partie d'une réalité commune à de très nombreux étudiants, sans pour autant revêtir un caractère exceptionnel (ACOM/107/1997 du 4 juillet 1997). De plus, il est de la responsabilité de l'étudiant de planifier ses études en fonction de son travail et du règlement d'études de sa faculté (ACOM/45/1998 du 3 avril 1998 ; ACOM/107/1997 du 4 juillet 1997).

5. a. A cet égard, tant l'inscription au stage à l'étranger, sans en informer les autorités facultaires et sans entreprendre des démarches en vue de s'assurer du bon déroulement des études, que l'inscription à un nombre trop élevé d'enseignements, ne sauraient constituer des circonstances exceptionnelles, dès lors qu'il appartenait au recourant d'organiser ses études et son stage en fonction des échéances académiques et des contraintes réglementaires.

b. Quant aux problèmes familiaux et personnels évoqués dans le recours et dans la réplique, à savoir le divorce de ses parents, intervenu lorsque le recourant était encore au cycle d’orientation, et la séparation avec sa copine qui, selon les allégations du recourant, a eu lieu en février 2006, la CRUNI considère, sans vouloir minimiser ces problèmes, qu'il s'agit d'événements qui malheureusement sont le lot de nombreux étudiants et qui, sauf à atteindre un degré de gravité exceptionnel dans des circonstances particulières dûment prouvées, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ne sauraient conduire à retenir l'existence de circonstances exceptionnelles.

6. Dans ces circonstances, le refus de l’autorité intimée de considérer comme exceptionnelles les circonstances invoquées par le recourant n’est pas arbitraire. Cette décision est conforme à la jurisprudence de la commission de céans, ce d'autant plus que lien de causalité entre les problèmes personnels et l'échec n'est pas prouvé.

7. Vu la nature du litige aucun émolument ne sera perçu (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 février 2007 par Monsieur P_____ contre la décision sur opposition du 23 janvier 2007 de la faculté des sciences économiques et sociales ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Monsieur P_____, au service juridique de l’université, à la faculté des sciences économiques et sociales ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Madame Pedrazzini Rizzi et Monsieur Bernard, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Ravier

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :