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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/490/2006

ACOM/20/2006 du 22.03.2006 ( CRUNI ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/490/2006-CRUNI ACOM/20/2006

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

du 22 mars 2006

 

dans la cause

 

Madame N__________

contre

UNIVERSITé DE GENèVE

et

FACULT
é DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

 

 

 

(élimination)


1. Madame N__________, née en 1981, d’origine ghanéenne-ougandaise, s’est immatriculée à l’université de Genève pour la rentrée académique 2000-2001. Elle briguait une licence en sciences sociales auprès de la faculté des sciences économiques et sociales (ci-après : la faculté).

2. Le 13 novembre 2000, Mme N__________ a sollicité son exmatriculation pour raisons de santé.

3. Mme N__________ a repris ses études lors de l’année académique 2001-2002. Le délai de réussite pour le 1er cycle était fixé à octobre 2003 et celui pour l’obtention de la licence à octobre 2006.

4. Après avoir redoublé sa première année, Mme N__________ a réussi le 1er cycle constituant le tronc commun à la session d’automne 2003.

5. Admise en 2ème cycle de la licence précitée, Mme N__________ a obtenu un certain nombre de crédits, soit 99 à la session d’automne 2005. Cela étant, Mme N__________ a suivi le cours de droit constitutionnel lors de l’année académique 2003-2004. Ayant obtenu la note de 3 à la session de juillet 2004 et de 2 à la session d’octobre 2004, Mme N__________ a suivi une deuxième fois le cours de droit constitutionnel lors de l’année académique 2004-2005. Elle a obtenu les notes de 0,75 à la session de juillet 2005 et de 2,5 à celle d’octobre 2005. Elle a de ce fait été exclue de la faculté le 21 octobre 2005 en raison d’un échec après deux inscriptions à un enseignement.

6. Mme N__________ a formé opposition à la décision précitée le 27 octobre 2005 par lettre déposée au secrétariat du département de droit constitutionnel de la faculté de droit. Celle-ci a été transmise à la faculté SES le 1er novembre 2005.

Le 31 octobre 2005, Mme N__________ a complété son opposition sur le formulaire ad hoc de la faculté. Elle sollicitait soit la réévaluation de son examen de droit constitutionnel, soit qu’il lui soit accordé une troisième chance. Elle exposait que son père était décédé à la fin de l’année 2003. Elle n’avait toutefois pas demandé de certificat médical, car elle estimait que « cela n’était pas nécessaire pour ce cours ». Elle a joint à son acte d’opposition différentes attestations de travail, prouvant qu’elle exerçait une activité lucrative parallèlement à ses études.

La faculté SES a transmis l’opposition à la commission chargée d’instruire les oppositions.

 

7. Par décision du 11 janvier 2006, le doyen de la faculté a informé Mme N__________ que son opposition était rejetée et la décision d’exclusion du 21 octobre 2005 confirmée. Le motif de l’exclusion était l’échec après deux inscriptions en droit constitutionnel, examen figurant au plan d’études de la licence ès sciences politiques. Mme N__________ reconnaissait que la mauvaise présentation de sa copie avait pu avoir une incidence négative sur son évaluation. La photocopie de ce travail montrait en effet qu’il était pratiquement illisible en raison de multiples ratures, au point qu’on ne pouvait que féliciter le correcteur d’avoir accepté d’évaluer un tel travail.

8. Mme N__________ a saisi la commission de recours de l’université (CRUNI) d’un recours contre la décision précitée par acte du 9 février 2006. Elle n’a pas contesté les résultats obtenus aux examens du cours de droit constitutionnel et cela malgré le fait qu’elle avait choisi de suivre une deuxième fois ce cours lors de l’année académique 2004-2005. Elle a exposé sa situation personnelle : ses parents s’étaient séparés en 2000, leur divorce avait été prononcé en 2002 et son père était décédé en décembre 2003. Elle avait dû assister à son enterrement seulement au mois de mars 2004, car il se trouvait au Ghana. Alors que ses parents étaient séparés, elle avait fait une dépression, ainsi qu’une tentative de suicide, mais malgré cela, elle avait poursuivi ses études universitaires avec un suivi psychologique. Elle a en outre exposé que pour des raisons financières elle avait dû prendre une colocataire, ce qui avait été source de difficultés. Enfin, parallèlement à ses études, il lui arrivait d’exercer une activité lucrative à mi-temps.

Elle n’a pas pris de conclusions expresses.

9. Dans sa réponse du 8 mars 2006, l’université s’est opposée au recours. La décision d’élimination avait été prise en application de l’article 15 alinéa 1 lettre c du règlement d’études. Aucun des arguments soulevés par Mme N__________ ne pouvait être pris en compte au titre de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 22 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 (RU C1 30.06).

1. Dirigé contre la décision sur opposition du 11 janvier 2006 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 - LU – C 1 30 ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 - RU – C 1 30.06 ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 - RIOR).

 

2. Selon l’article 63 D alinéa 3 LU, les conditions d’élimination des étudiants sont fixées par le règlement de l’université.

Parmi les cas d’élimination prévus par celui-ci figure celui de l’étudiant qui échoue à un examen ou à une session d’examens auxquels il ne peut plus se présenter en vertu du règlement d’études (art. 22 al. 2 let. a RU).

3. Mme N__________ est soumise au règlement d’études de la faculté en vigueur au 1er octobre 2001 (ci-après : RE), lequel prévoit pour ce qui relève du 2ème cycle en son article 14 chiffres 4 et 5 qu’un examen est réussi si le candidat obtient une note égale ou supérieure à 4, et qu’en cas d’échec lors de la session ordinaire, l’étudiant peut se représenter à la session d’automne. En cas de nouvel échec, l’étudiant peut se réinscrire au cours une fois au maximum, les dispositions précédentes demeurant applicables.

4. La recourante s’est inscrite une première fois, lors de l’année académique 2003-2004, au cours de droit constitutionnel et les examens qu’elle a présentés dans cette matière ont été sanctionnés par des notes respectivement de 3, puis de 2. Elle s’est alors inscrite une seconde fois au même cours lors de l’année académique 2004-2005 et là encore, elle a obtenu des résultats insatisfaisants, soit les notes de 0,75 à la session de juillet 2005, puis la note de 2,5 à la session d’octobre 2005.

Il en découle qu’aux termes de l’article 15 alinéa 1 lettre c RE, Mme N__________ s’exposait à une élimination. La CRUNI relève à ce propos que c’est à tort que les instances universitaires utilisent le terme d’exclusion. A rigueur de texte, il s’agit d’une élimination.

5. Il reste à examiner si la recourante est en mesure d’invoquer des circonstances exceptionnelles, au sens de l’article 22 alinéa 3 RU.

6. a. Selon la jurisprudence constante, n'est exceptionnelle que la situation qui est particulièrement grave pour l'étudiant. Dans l’examen des circonstances exceptionnelles, le doyen ou le président d’école dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui lui confère la possibilité de choisir entre plusieurs solutions. La CRUNI ne peut, de ce fait, substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité académique et se limite à vérifier que celle-ci n’a pas abusé du pouvoir d’appréciation qui lui a été confié (ACOM/71/2005 du 22 novembre 2005 et les références citées). La CRUNI a ainsi jugé que des graves problèmes de santé ou encore l'éclatement d'une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l'étudiant devaient être considérés comme des situations exceptionnelles, sous la condition toutefois que les effets perturbateurs aient été prouvés et qu'un rapport de causalité ait été démontré par l'étudiant (ACOM/102/2004 du 12 octobre 2004 et les références citées). En revanche, les difficultés financières ou économiques ne sont pas suffisantes pour justifier une situation exceptionnelle. En effet, la CRUNI a toujours considéré que de telles difficultés, comme le fait d'exercer une activité lucrative en sus de ses études, n'étaient pas exceptionnelles, même si elles constituaient à n'en pas douter une contrainte (ACOM/20/2005 du 7 mars 2005 consid. 5 et les références citées).

b. De jurisprudence constante, lorsque des circonstances exceptionnelles sont retenues, la situation ne revêt un caractère exceptionnel que si les effets perturbateurs ont été dûment prouvés par le recourant. Cette jurisprudence est conforme au principe de l’instruction d’office (ACOM/41/2005 du 9 juin 2004 consid. 7c ; ACOM/13/2005 du 7 mars 2005, consid. 5). Ce principe général de procédure administrative (ATF 128 II 139, consid. 2.b ; P. MOOR, Droit administratif, vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle, 2ème éd., Berne 2002, p. 259 ; Alfred Kölz, Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich, 1998, p. 37) est rappelé à l'article 10 RIOR et aux articles 19 et 20 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10 ; applicable par renvoi de l'art. 34 RIOR), qui contraint l'autorité à établir d'office les faits pertinents, n'est en effet pas absolu et trouve notamment ses limites dans le devoir de collaboration des parties (art. 22 LPA, voir aussi Moor, op. cit., p. 260 et Thomas Merkli, Arthur Aeschlimann, Ruth Herzog, Kommentar zum Gesetz vom 23 Mai 1989 über die Verwaltungsrechtspflege des Kantons Bern, Berne, 1997, p. 179). L'autorité n'est notamment pas tenue d’instruire d'office lorsqu'il s'agit de faits que l'administré est mieux à même de connaître, car ils ont spécifiquement trait à sa situation personnelle, laquelle s'écarte de l'ordinaire (Moor, op. cit., p. 260; Merkli, Aeschlimann, Herzog, op. cit., p. 179). Les conditions fixées par la CRUNI s'agissant de la preuve des effets perturbateurs et de la démonstration du rapport de causalité par l'étudiant sont donc conformes au principe d'instruction d'office, car elles concernent des faits qui touchent la situation personnelle de l'étudiant, qu'il est mieux à même de connaître.

7. En l’espèce, la recourante évoque notamment le décès de son père survenu à la fin de l’année 2003. S’il n’est pas contestable que cet événement pourrait être reconnu comme une circonstance exceptionnelle en conformité de la jurisprudence rappelée plus haut, il ne reste pas moins qu’en l’espèce la relation de cause à effet entre cet événement et les mauvais résultats obtenus en droit constitutionnel n’est pas établie. La CRUNI constate que malgré cet événement douloureux, la recourante a néanmoins poursuivi ses études et qu’elle a obtenu des notes satisfaisantes dans plusieurs branches, à l’exception toutefois du droit constitutionnel.

Quant aux autres arguments développés par la recourante, à savoir qu’elle a dû prendre une colocataire pour alléger sa situation financière d’une part et qu’elle exerce parallèlement à ses études une activité lucrative à mi-temps, ni l’un ni l’autre ne peuvent être retenus aux titres de circonstances exceptionnelles. Selon la jurisprudence constante de la CRUNI, le fait de travailler parallèlement à ses études ne constitue pas une circonstance exceptionnelle (ACOM/45/2005 du 6 juillet 2005 et les références citées).

8. Vu ce qui précède, il faut admettre que le doyen de la faculté n’a pas franchi les limites du large pouvoir d’appréciation qui est le sien en matière de circonstances exceptionnelles, ce qui conduit au rejet du recours.

9. Vu la nature de la cause, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 33 RIOR).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITÉ

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 février 2006 par Madame N__________ contre la décision de l'Université de Genève du 11 janvier 2006 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

communique la présente décision à Madame N__________, à la faculté des sciences économiques et sociales de l'Université de Genève, au service juridique de l’université, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

Siégeants : Madame Bovy, présidente ;
Messieurs Schulthess et Grodecki, membres

Au nom de la commission de recours de l’université :

la greffière :

 

 

 

C. Marinheiro

 

la présidente :

 

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :