Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/9233/2020

ACJC/1030/2023 du 14.08.2023 sur JTBL/636/2022 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9233/2020 ACJC/1030/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 14 AOÛT 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 2 septembre 2022, comparant par Me Malek ADJADJ, avocat, rue du Rhône 118, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

 

et

 

Madame B______, Madame C______ et Monsieur D______, intimés, comparant tous trois par Me Claire BOLSTERLI, avocate, rampe de la Treille 5, 1204 Genève, en l'étude de laquelle ils font élection de domicile.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/636/2022 du 2 septembre 2022, reçu par A______ le 12 septembre 2022, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré valable le congé notifié le 23 avril 2020 à A______ et E______(A______) pour le 31 août 2022 concernant l'appartement d'une pièce situé au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), débouté A______ et E______(A______) de l'ensemble de leurs conclusions (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 12 octobre 2022 à la Cour de justice, A______ et E______(A______) ont formé appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation. Ils concluent, cela fait principalement, à ce que la Cour annule le congé et, subsidiairement, à ce qu'une prolongation de bail de quatre ans leur soit octroyée.

b. Dans leur réponse du 14 novembre 2022, B______, C______ et D______ (ci-après : les bailleurs ou les intimés) ont conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 14 avril 2023 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. E______(A______) est une entreprise individuelle inscrite au Registre du commerce de Genève, avec siège [à] F______ [GE], dont A______ est titulaire.

b. Le 10 juillet 2008, A______ (ci-après : le locataire ou l'appelant) a rempli un bulletin d'inscription en vue de la location de l'appartement d'une pièce situé au 2ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève. Dans la rubrique relative aux observations, il a indiqué : « pour son fils ». Par ailleurs, dans un courrier accompagnant ce document, le locataire a sollicité que le bail soit établi au nom de son « bureau » E______(A______). Il a également demandé si un rafraîchissement de l'appartement était prévu et, dans la négative, s'il pouvait y procéder lui-même.

c. Le 5 août 2008, B______, C______ et D______, en qualité de bailleurs, et A______ et E______(A______), désignés comme locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location de l'appartement précité, destiné à usage d'« habitation privée exclusivement ».

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'une année et quinze jours, du 15 août 2008 au 31 août 2009, renouvelable ensuite tacitement d'année en année, le préavis de résiliation étant de trois mois.

Le loyer annuel a été initialement fixé à 7'800 fr., soit 650 fr. par mois. Les charges relatives au chauffage et à l'eau chaude ont été fixées annuellement à 840 fr., soit 70 fr. par mois, auxquels s'ajoutait un montant annuel de 252 fr. pour le téléréseau, soit 21 fr. par mois.

Selon l'article 11 des clauses additionnelles faisant partie intégrante du bail, le logement était destiné à l'habitation privée du fils de A______ exclusivement.

d. Par courrier du 12 août 2008, le locataire a sollicité de pouvoir entreprendre des travaux à ses frais dans la cuisine. Aucune autorisation écrite des bailleurs n'a été obtenue à la suite de cette requête. A teneur des factures produites, le coût de ces travaux, entrepris par la suite, s'est élevé à 14'690 fr.

e. Le 13 août 2008, la régie a adressé une annonce d'entrée à l'Office cantonal de la population, indiquant que les locaux ne seraient pas occupés personnellement par le locataire mais par le fils de celui-ci.

f. Par courrier du 4 mai 2016, sur demande du locataire, les bailleurs ont autorisé la réfection des peintures et le ponçage du parquet aux frais de ce dernier. Cet accord a été soumis à un certain nombre de conditions, dont celles d'amortir l'investissement de ces travaux pendant la durée de l'occupation des locaux et de renoncer à réclamer toute indemnité, quelles que soient la date et la cause de restitution des locaux. Les factures produites font état de « petite électricité» pour un montant de 537 fr. 70, nettoyage intégral du studio pour un montant de 894 fr. 25, changement du parquet pour un montant de 2'405 fr. 40, peinture pour un montant de 6'150 fr. et réparation du réfrigérateur encastré pour un montant de 291 fr. 25.

g. Par pli du 17 février 2020, la régie s'est plainte du fait que le locataire n'occupait pas lui-même les locaux et a rappelé qu'il lui appartenait d'obtenir une autorisation écrite pour les sous-louer. Elle l'a ainsi mis en demeure, dans un délai de trente jours, de réintégrer le logement ou, si son sous-locataire refusait de quitter les lieux, de prendre les mesures nécessaires à son encontre, ou encore de résilier son bail pour la prochaine échéance contractuelle. A défaut, son propre bail serait résilié. Par ailleurs, la régie a évoqué des plaintes de voisins relatives à d'importantes nuisances sonores et olfactives et réservé tous ses droits à l'encontre du locataire pour le dommage subi.

h. Par pli du 27 février 2020, le locataire s'est étonné du courrier précité et indiqué que, depuis le début de la location, l'appartement n'avait jamais été occupé de manière continue, comme annoncé lors de la conclusion du bail avec la précédente régie. Le bail avait été conclu au nom du bureau E______(A______) et non « au nom d'une personne ». Le studio était mis à disposition de « relations » de l'entreprise pour de courtes durées, gracieusement et de manière ponctuelle. Le studio avait également été occupé ponctuellement par ses enfants. Les nuisances sonores et olfactives étaient contestées. L'appartement était nettoyé.

i. Par avis du 23 avril 2020, les bailleurs ont résilié le bail pour sa prochaine échéance du 31 août 2020. Dans le courrier accompagnant cet avis, il était pris note du fait que l'appartement était laissé à disposition de « relations » de manière ponctuelle et gratuite. Le bail ne mentionnait toutefois pas d'autorisation spéciale à cet égard et le dossier ne contenait aucun document écrit en ce sens. Les locataires étaient tous deux titulaires d'autres baux, de sorte qu'il était superflu de louer un troisième appartement vu la pénurie de logement à Genève. Actuellement, il apparaissait qu'une dame sud-américaine vivait dans l'appartement depuis six mois. Cette situation d'occupation de l'appartement par des inconnus et de « va-et-vient immaîtrisables » dans l'immeuble n'était pas acceptable. S'agissant des nuisances reprochées aux locataires, il s'agissait effectivement d'une erreur dont la régie s'excusait.

j. Entre le 18 mai 2020 et le 24 juillet 2020, les parties ont échangé plusieurs courriers, chacune persistant dans sa position.

k. Le 22 mai 2020, A______ et E______(A______) ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête en contestation du congé.

Vu l'échec de la tentative de conciliation, une autorisation de procéder leur a été délivrée le 14 octobre 2021.

Le 15 novembre 2021, ils ont saisi le Tribunal d'une requête en contestation de congé, subsidiairement en prolongation de bail d'une « première » durée de quatre ans.

l. Dans leur réponse du 31 janvier 2022, les bailleurs ont conclu à la validité du congé notifié aux locataires, avec effet au 31 août 2020 et à ce que ceux-ci soient déboutés de toutes autres ou contraires conclusions.

Le congé était fondé sur le fait qu'ils n'avaient jamais eu l'intention de laisser le locataire utiliser l'appartement tantôt pour son usage personnel, tantôt pour y loger brièvement des employés ou des consultants de son entreprise, tantôt pour y accueillir des membres de sa famille. Des punaises de lit étaient apparues dans l'immeuble et les bailleurs avaient alors été sensibilisés à la question de savoir qui occupait réellement les divers appartements de leur immeuble. C'est à cette occasion qu'ils avaient été informés d'un va-et-vient incessant dans l'appartement litigieux, situation qui n'était pas conforme à ce qui avait été convenu à la signature du bail.

m. Lors de l'audience du Tribunal du 5 avril 2022, A______ a produit des déterminations sur les allégués des bailleurs. Selon lui, quand bien même le bulletin d'inscription location portait la mention « pour son fils », il avait toujours été prévu d'entente avec la régie que l'appartement serait également utilisé par d'autres membres de sa famille, ainsi que pour y accueillir des collaborateurs de E______(A______), raison pour laquelle cette dernière était cosignataire du bail.

Le Tribunal a ensuite procédé à l'interrogation de A______.

Celui-ci a déclaré avoir pris l'appartement en location car il cherchait un petit studio pour y loger son fils, voire sa famille ou le personnel du bureau, ce qui avait été convenu avec la régie à la conclusion du bail. C'est la raison pour laquelle le bail avait été conclu au nom de son entreprise également. L'usage exclusif de son fils, indiqué dans le bail, était une erreur d'écriture. Si l'appartement avait dû servir uniquement à son fils, il aurait conclu le bail en son seul nom. Ceci avait été discuté avec un représentant de la précédente régie, lequel était aujourd'hui décédé. L'appartement se situait à 100 mètres du sien et avait été utilisé, au départ, par son fils qui y était resté environ deux ou trois ans. Le studio avait également été utilisé pour les employés de son bureau d'ingénieurs domiciliés hors de Suisse et qui venaient parfois sur les chantiers. Tel était le cas de l'un de ses employés vivant à G______ [Belgique] qui venait tous les quinze jours et qui s'y sentait chez lui, y ayant laissé ses affaires personnelles. Le studio était également utilisé par ses beaux-parents ou des amis proches. Sa fille y avait également été logée quelques années auparavant, durant six mois. C'était en définitive les mêmes personnes qui utilisaient le studio à raison de quelques jours par semaine. Il n'avait pour sa part jamais occupé l'appartement mais s'y rendait régulièrement, le considérant comme une extension du sien. C'était dans ce sens qu'il l'avait loué dès le départ. Une femme de ménage venait régulièrement. Le loyer était payé par ses soins et rien n'était demandé aux occupants. En douze ans de bail, il n'avait jamais fait l'objet de plaintes, à l'exception des accusations injustes portées à son encontre en 2020, en lien avec une problématique d'odeurs. Il n'y avait pas non plus de va-et-vient, seule la femme de ménage se rendant régulièrement dans le studio. S'agissant des travaux réalisés dans la cuisine, il en avait avisé l'ancienne régie, qui lui avait confirmé son accord par téléphone. Il n'avait pas eu de retour écrit, de sorte qu'il avait effectué les travaux.

n. Lors de son audition du 14 juin 2022, D______, l'un des bailleurs, a indiqué que son neveu, H______ s'occupait de l'aspect locatif, et qu'il n'avait pour sa part pas été associé à la décision de résiliation du bail.

o. Lors de cette même audience, le Tribunal a procédé à l'audition de deux témoins.

I______ a confirmé faire le ménage de l'appartement litigieux depuis 2017, à raison de deux fois par mois. Celui-ci était « occupé » par A______ qui n'y habitait toutefois pas. Elle n'avait pour sa part jamais vécu dans cet appartement et n'y avait jamais vu d'autres personnes que A______. Il n'y avait pas de va-et-vient. Quelqu'un y avait toutefois vécu.

H______, fils de l'une des bailleresses, a expliqué qu'il était au bénéfice d'un mandat de représentation des propriétaires auprès de la régie. Il avait été associé à la décision de résiliation de bail, dont le motif était le non-respect des termes du contrat. Celui-ci prévoyait que l'appartement était destiné au fils de A______ ce qui n'était plus le cas. Sur demande du Tribunal quant à la manière dont il avait été informé de cet état de fait, il a expliqué que cela remontait à 2017 lors d'un épisode de punaises de lit dans l'immeuble. Selon la société qui était intervenue dans l'immeuble, l'apparition de punaises de lit était souvent liée à des va-et-vient dans les appartements. Il avait alors demandé à la régie de vérifier qui occupait réellement les septante-deux appartements de l'immeuble. A cette occasion, neuf cas de sous-location non-autorisée avaient été découverts et, dans tous les cas, des résiliations de bail avaient été notifiées. Il n'avait pas constaté de va-et-vient immaîtrisable dans l'appartement litigieux, se rendant dans l'immeuble environ deux à quatre fois par année. La régie ne lui avait pas non plus rapporté un tel va-et-vient mais que l'appartement n'était pas utilisé selon les termes du contrat. Il avait connaissance du fait que A______ était locataire d'un autre appartement et n'habitait pas dans l'immeuble. Selon lui, il était superflu de louer un troisième appartement. Ceci étant, le motif qui lui importait était le non-respect des termes du contrat. Il souhaitait savoir qui occupait réellement les appartements afin d'assurer le confort de l'ensemble des locataires de l'immeuble. Or, il ignorait qui occupait l'appartement litigieux.

p. A l'issue de cette audience, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions. La cause a ensuite été gardée à juger.

q. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le congé avait été motivé par le fait que les locataires n'occupaient pas l'appartement et le laissaient à disposition de relations familiales et professionnelles. Les bailleurs estimaient que l'occupation de l'appartement par des inconnus et les va-et-vient immaîtrisables dans l'immeuble n'étaient pas acceptables et préféraient, par la suite, louer l'appartement à une personne qui l'utiliserait comme résidence principale et non pour y loger des visiteurs occasionnels. Il leur importait de savoir qui occupait réellement les appartements de l'immeuble. Selon les clauses additionnelles du contrat de bail, l'appartement était destiné au fils de A______ et les explications de ce dernier quant à une erreur d'écriture n'étaient pas convaincantes. En tous les cas et même s'ils avaient été informés de la manière dont les locataires entendaient utiliser l'appartement litigieux, les bailleurs étaient en droit de modifier leur politique de gestion. Leur intérêt de connaître l'identité des personnes occupant l'appartement, de même que leur volonté de le louer comme résidence principale étaient légitimes et socialement défendables. En conséquence, le congé ne contrevenait pas aux règles de la bonne foi et devait être validé.

S'agissant d'une éventuelle prolongation, le Tribunal a retenu que les locataires n'occupaient pas personnellement les locaux et ne pouvaient se prévaloir de l'intérêt de tiers. S'agissant des investissements effectués, ils n'avaient pas reçu d'assurances quant à une durée minimum du bail, ni lors de la conclusion du contrat ni lors des derniers travaux exécutés en 2016. Les investissements entrepris l'avaient donc été à leurs risques et périls et ne pouvaient pas constituer des conséquences pénibles liées au congé. Ils avaient en outre bénéficié de facto d'une prolongation de bail de deux ans, sans avoir mis à profit ce temps pour rechercher un logement de remplacement. Aucune prolongation n'a par conséquent été octroyée.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges comprises, s'élève à 8'892 fr.
La valeur litigieuse est donc supérieure à 10'000 fr. (8'892 fr. x 3 ans = 26'676 fr.), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 138 al. 2 et 3 let. a, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid 4.3.1).

1.4 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procédure simplifiée s'applique notamment aux litiges portant sur des baux à loyer d'habitations et de locaux commerciaux en ce qui concerne la protection contre les congés ou la prolongation du bail. La maxime inquisitoire sociale régit alors la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

1.5 L'entreprise individuelle du locataire est dépourvue de la personnalité juridique, si bien qu'elle se confond avec le locataire, qui en est le titulaire. La qualité des parties sera donc rectifiée, en ce sens que seul A______ est partie au litige comme locataire, à l'exclusion de son entreprise E______(A______).

2. 2.1 L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir considéré que la résiliation litigieuse n'était pas contraire à la bonne foi et admis le motif invoqué par les bailleurs. Il soutient que les motifs du congé ont varié tout au long de la procédure et qu'il s'agit en réalité de prétextes.

2.2 Lorsque le contrat de bail est de durée indéterminée, ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite, chaque partie est en principe libre de le résilier pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue. Au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune des parties a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.1; 4A_484/2012 du 28 février 2013 consid. 2.3.1; 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2; 4A_735/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.2). La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO), et ce même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 141 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d'assainissement (ATF 142 III 91 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (arrêts 4A_293/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.1 et 5.2.3 non publié in ATF 143 III 15; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3; ATF 120 II 105 consid. 3b/bb) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou en faveur de ses proches parents ou alliés (arrêts 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).

La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 et 271a CO).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO. Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190 consid. 2;
135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts du Tribunal fédéral 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2; 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6). Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut examiner que l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux. Cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2016 consid. 3.2; 4A_484/2012 précité consid. 2.3.1 et les arrêts cités).

Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur dans l'avis de résiliation (pour le cas où l'avis de résiliation n'est pas motivé, cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2) et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tous cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation. Pour en juger, le juge doit se placer au moment où la résiliation a été notifiée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 précité consid. 4.4.1). Des faits survenus ultérieurement ne sont en effet pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification : si le motif pour lequel le congé a été donné tombe par la suite, le congé ne devient pas abusif a posteriori. En revanche, des faits ultérieurs peuvent fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (ATF 140 III 496 consid. 4.1; ATF 138 III 59 consid 2.1 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_435/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1.1).

Contrairement à ce qui prévaut lorsque le bailleur résilie le bail de manière anticipée - cas dans lequel le fardeau de la preuve de son besoin propre incombe au bailleur, - il appartient au locataire, qui est le destinataire de la résiliation, de supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un congé contraire aux règles de la bonne foi. Le bailleur qui résilie et qui doit motiver le congé a toutefois le devoir de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession, nécessaires à la vérification du motif invoqué par lui (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 précité consid. 4.4.2).

2.3 En l'espèce, le motif du congé donné par les intimés repose sur l'utilisation non conforme au contrat de l'appartement.

Ce motif n'a pas varié tout au long de la procédure, contrairement à ce que soutient l'appelant. Il est vrai que les reproches qui lui ont été faits par la régie s'agissant de nuisances olfactives, de va-et-vient incessants ou encore de l'occupation de l'appartement par une dame sud-américaine, se sont avérés infondés. Il n'en demeure pas moins que la résiliation ordinaire du 23 avril 2020 fait notamment suite au courrier du locataire du 27 février 2020, par lequel celui-ci a exposé que depuis le début de la location, l'appartement n'avait jamais été occupé de manière continue. Il n'avait été occupé ni personnellement par le locataire ni d'ailleurs par le fils de celui-ci, comme le stipulait pourtant le contrat de bail. Le logement était en effet mis à disposition de relations professionnelles du locataire, de manière ponctuelle et pour une courte durée. La régie a pris note de ces indications dans le courrier accompagnant l'avis de résiliation subséquent et a relevé que ni le bail ni le dossier ne mentionnaient une autorisation spéciale d'utiliser l'appartement de cette manière. Cette situation d'occupation de l'appartement par des inconnus et de va-et-vient immaîtrisables dans l'immeuble n'était pas acceptable. Les bailleurs ont ensuite précisé le motif, indiquant souhaiter louer le logement à un locataire qui y résiderait de manière permanente. Cette précision ne permet pas de retenir que le motif a changé.

Le motif du congé, fondé sur le souhait de savoir qui occupe réellement l'appartement loué, n'apparaît pas chicanier. En outre, le bailleur n'a pas à se prévaloir d'un besoin particulier de disposer de la chose louée; l'objectif de remettre les locaux à un autre locataire de son choix, au même loyer ou à un loyer supérieur mais non abusif ne permet pas de conclure qu'il poursuive un dessein illégitime en mettant fin au bail (cf. à ce propos, ACJC/448/2005 du 11 avril 2005 consid. 3.3 et ATF 136 III 190 consid. 3).

Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de déceler un éventuel accord préalable des intimés, explicite ou tacite, quant à l'utilisation effectivement faite de l'appartement. Tant le formulaire d'inscription que le contrat de bail indiquent que l'appartement serait loué pour le fils du locataire. L'erreur d'écriture alléguée par l'appelant repose sur ses seules déclarations. En effet, il se prévaut de discussions qui auraient précédé la signature du contrat, avec un collaborateur de la régie aujourd'hui décédé, sans apporter le moindre élément allant dans ce sens. Il se fonde par ailleurs sur la signature du contrat en son nom propre et pour le compte de son entreprise. Or, celle-ci n'a pas la personnalité juridique et ne pouvait donc pas être partie au contrat de bail. De plus, la régie a procédé ainsi à la demande du locataire, tout en annonçant ensuite le fils de celui-ci comme occupant à l'Office cantonal de la population, conformément aux indications fournies par le locataire dans ledit formulaire.

L'appelant soutient encore que l'usage fait de l'appartement était connu des intimés depuis 2017 en tous cas. A teneur des déclarations du témoin H______, c'est toutefois inexact. Celui-ci a en effet déclaré qu'il avait demandé à la régie de vérifier qui occupait réellement les appartements de l'immeuble suite à un épisode de punaises de lit en 2017. Des cas de sous-location avaient ainsi été découverts et c'est pour cette raison que l'appelant a initialement été interpellé, au travers de la mise en demeure du 17 février 2020. Ses explications contenues dans le pli du 27 février 2020 ont permis aux intimés de connaître l'occupation véritable de l'appartement, ce qui les a amenés à résilier le bail.

Il ne saurait donc être retenu que l'appelant bénéficiait d'un accord des intimés pour mettre à sa guise l'appartement à disposition de ses proches et employés, et ce contrairement aux dispositions prévues par le bail, que ce soit depuis sa conclusion ou depuis 2017.

Au vu de ce qui précède, le congé de l'appartement n'a pas été donné de manière contraire à la bonne foi. Le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point.

3. 3.1 L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir violé les art. 272 et 272b al. 1 CO, en refusant de lui accorder une prolongation.

3.2 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation du bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur ne le justifient. Pour trancher la question, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'al. 2 de cette disposition. La durée maximale de la prolongation est de six lorsqu'il s'agit de locaux commerciaux et de quatre ans lorsqu'il s'agit de bail d'habitations. Dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO).

Selon la jurisprudence, la prolongation du bail n'a de sens que si le report du congé permet d'espérer une atténuation des conséquences pénibles qu'entraînerait ce congé et laisse prévoir qu'un déménagement ultérieur présenterait moins d'inconvénients pour le locataire, lequel ne saurait, en revanche, invoquer les conséquences nécessairement liées à la résiliation du bail en tant que telle. Il s'agit d'accorder au locataire plus de temps que ne lui en donne le délai de résiliation ordinaire pour chercher de nouveaux locaux, et non pas de lui donner l'occasion de profiter le plus longtemps possible de locaux au loyer avantageux (ATF
116 II 446 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_639/2018 du 21 novembre 2019 consid. 6.1; 4A_556/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.2).

Lorsqu'il doit se prononcer sur une prolongation du bail, le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4b) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 116 II 446 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 4C_139/2000 du 10 juillet 2000 consid. 2a). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (ATF 136 III 190 consid. 6 et les arrêts cités; 125 III 226 consid. 4b). Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, comme de la durée de la procédure judiciaire qui prolonge en fait le bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_639/2018 précité consid. 6.1; 4A_545/2013 du 28 novembre 2013 consid. 3.1), ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (cf. ATF 125 III 226 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4C_425/2004 du 9 mars 2005 consid. 3.4).

Dans le cas d'investissements du locataire qui ne touchent pas à la substance de l'objet du bail, la prolongation d'un bail de très courte durée peut atténuer les conséquences économiques négatives résultant d'investissements pas encore amortis. Dans la mesure où un contrat de bail peut toujours être résilié aux conditions contractuelles ou légales, de tels investissements ne peuvent entraîner des conséquences pénibles pour le locataire que si celui-ci a agi en début du contrat et en tablant de bonne foi sur le fait que le contrat durerait un certain temps (ACJC/570/2016 consid. 5.2 et références citées). En revanche, le locataire qui procède à des investissements en cours de bail les effectue à ses risques et périls, s'il n'a pas passé un accord avec le bailleur afin que le bail ne puisse pas être résilié pendant un certain temps ou si le bailleur ne lui donne pas des assurances à ce sujet (ACJC/570/2016 consid. 5.2 et références citées).

3.3 En l'espèce, le Tribunal a considéré que l'appelant n'occupant pas lui-même l'appartement, il ne pouvait se prévaloir de l'intérêt de tiers. Il a également retenu qu'il n'était au bénéfice d'aucune assurance quant à la durée du bail et qu'ils avaient bénéficié de facto d'une prolongation de bail de deux ans.

Cette approche ne souffre aucune critique.

En effet, l'appartement litigieux n'est occupé ni par l'appelant ni par son fils. Si l'appelant ne peut en tout état pas se prévaloir de l'intérêt d'un tiers, il sied de relever que selon les éléments figurant au dossier, il n'a pas été démontré que quiconque occupe actuellement ce bien. Au demeurant, l'appelant n'a entrepris aucune démarche pour trouver une solution de remplacement. S'agissant des investissements réalisés, les intimés n'ont donné à l'appelant aucune assurance quant à une durée minimum du bail. Il n'a d'ailleurs même pas été établi que les travaux entrepris dans la cuisine au début du bail auraient obtenu l'accord des bailleurs. Ainsi, le Tribunal n'a pas erré en retenant que lesdits travaux ont été réalisés aux risques et périls de l'appelant, étant souligné que le bail a duré douze ans et que la prolongation, du fait de la procédure, lui a permis de bénéficier d'une durée supplémentaire de près de trois ans.

Partant, le jugement sera également confirmé en tant qu'il refuse toute prolongation du bail.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


Préalablement :

Rectifie la qualité des parties en ce sens que seul A______ est partie au litige comme locataire à l'exclusion de l'entreprise individuelle E______(A______).

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 octobre 2022 par A______ contre le jugement JTBL/636/2022 rendu le 2 septembre 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9233/2020-24-OSB.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC et Monsieur Nicolas DAUDIN; juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.