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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/499/2024

JTAPI/572/2025 du 27.05.2025 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;ENFANT;KOSOVO
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/499/2024

JTAPI/572/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 mai 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs, C______, D______ et E______, représentés par Monsieur Rémy KAMMERMANN, CSP-Centre social protestant, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1978 et Madame B______, née le ______ 1988, sont ressortissants du Kosovo.

Leurs enfants mineurs, E______, D______ et C______, nés respectivement les ______ 2011, ______ 2019 et ______ 2020, sont également ressortissants du Kosovo.

2.             Le 27 décembre 2004, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES) à l’encontre de M. A______ valable jusqu’au 26 décembre 2007.

3.             Par ordonnance pénale du 5 décembre 2014, le Ministère public genevois a condamné Mme B______ pour séjour illégal.

4.             Le 8 décembre 2014, le SEM a prononcé à l’encontre de Mme B______ une IES valable jusqu’au 12 décembre 2018, retenant qu’elle avait séjourné illégalement en Suisse durant près de 1’295 jours après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation.

5.             Par ordonnance pénale du 18 mai 2015, le Ministère public de l’arrondissement de la Côte a condamné M. A______ pour séjour illégal, entrée illégale et activité lucrative sans autorisation.

6.             Le 26 octobre 2015, le SEM a prononcé à l’encontre de M. A______ une IES valable jusqu’au 25 octobre 2018.

7.

Le 18 mars 2017, M. A______ a déposé, pour lui et les autres membres de sa famille, des demandes de régularisation des conditions de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il a indiqué résider sur le territoire suisse depuis l’âge de 25 ans.

À l’appui de sa demande, il a notamment produit les documents suivants :

-       un certificat de salaire pour la période du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2004 ;

-       un contrat de travail daté du 1er juin 2005 avec l’entreprise F______ pour la période du 1er juin au 31 août 2005 ;

-       une attestation de travail de l’entreprise G______ SA à teneur de laquelle il y avait travaillé en qualité d’ouvrier de 2006 à 2010 ;

-       une demande d’engagement de l’entreprise H______ SARL du mois de mars 2017 ;

-       une attestation d’assiduité au cours de français datée du 9 février 2017.

Le 27 juillet 2017, l’OCPM a demandé à M. A______ de lui transmettre des pièces complémentaires, soit les formulaires M dument remplis et signés, des curriculum vitæ, les attestations d’études et carnets scolaires pour E______, tous les justificatifs de leur présence continue en Suisse, une liste des membres de sa famille en Suisse et à l’étranger, les dates de ses différents voyages, l’attestation de l’office des poursuites, ainsi que l’attestation de langue française niveau A2.

Cette demande étant demeurée sans réponse, il l’a réitérée le 5 octobre 2017.

7.             Les 5 et 13 octobre 2017, M. A______ a transmis à l’OCPM une attestation de français niveau A2, un courrier de la I______, une attestation de l’Hospice général, un formulaire M, l’attestation de scolarité d’E______, une attestation de grossesse pour Mme B______, une attestation de l’inscription de cette dernière à l’école des Mamans et une carte de base au nom de Mme B______.

Il n’était jamais retourné dans son pays d’origine depuis son arrivée en Suisse et avait communiqué les coordonnées des membres de sa famille en Suisse et à l’étranger. Il faisait l’objet d’une poursuite pour dette, qu’il attendait de rembourser avant de transmettre son attestation de l’office des poursuites.

8.             Le 18 janvier 2018, M. A______ a sollicité la levée de son IES valable jusqu’au 25 octobre 2018 ce que le SEM a refusé le 24 janvier 2018.

9.             Le 30 janvier 2018, l’OCPM a demandé à M. A______ de le renseigner sur le lieu de vie de sa concubine [Mme B______], de lui remettre un formulaire M en sa faveur et celle de son fils E______, ainsi qu’un acte de reconnaissance de ce dernier, une copie du bail à loyer, de son décompte individuel AVS, de tous les passeports du groupe familial, des justificatifs de sa présence à Genève pour les années 2006 à 2017, et l’attestation récapitulative du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) en faveur d’E______.

10.         Le 27 février 2018, M. A______ a confirmé la présence de sa concubine auprès de lui à Genève et a transmis à l’OCPM les documents suivants :

-          une liste de ses consultations auprès des Hôpitaux universitaire de Genève
(ci-après : HUG) à teneur de laquelle il y avait consulté de 2014 à 2016 ;

-          une carte de base des transports publics genevois (ci-après : TPG) à son nom, ainsi qu’une attestation d’achat d’abonnements à teneur de laquelle il avait eu un abonnement TPG du 21 décembre 2009 au 20 janvier 2010, puis du 11 janvier au 20 juillet 2011, du 13 novembre 2015 au 17 janvier 2016, du 13 mars au 23 décembre 2016 et du 7 janvier au 16 juin 2017 ;

-          un extrait de compte individuel à teneur duquel il avait travaillé en Suisse d’octobre à décembre 2004, puis de janvier à mars 2005, de juin à novembre 2005, de juin à octobre 2006, en mars 2012, en avril 2015 et d’avril à juillet 2016 ;

-          la copie de son bail accompagné du contrat de sous-location ;

-          un formulaire C « annonce de changement d’adresse », les formulaires M et la copie intégrale des passeports du groupe familial ;

-          la copie de son contrat de travail auprès de l’entreprise J______ SA, en qualité d’agent d’entretien et de construction de piscines, d'une durée indéterminée, à 100%, dès le 1er mars 2018 ;

-          une attestation d’assurance pour E______, à teneur de laquelle ce dernier était assuré chez K______ dès sa date d’entrée en Suisse.

11.         Le 15 novembre 2018, l’OCPM a requis des pièces complémentaires auprès de M. A______, notamment le formulaire Papyrus, des justificatifs de résidence pour les années 2008 à 2013 et une déclaration par laquelle il attestait ne pas avoir déposé de demande d’autorisation de séjour dans un autre pays UE/AELE.

12.         Entre les 26 novembre 2018 et 20 janvier 2019, M. A______ a transmis à l’OCPM divers documents, dont « la confirmation d’une reconnaissance après la naissance » en faveur d’E______, une attestation de l’office des poursuites, copie de son nouveau passeport, le formulaire Papyrus, son certificat de salaire et sa fiche de salaire pour l’année 2018, l’extrait de son casier judiciaire (vierge) et une attestation datée du 4 janvier 2019 de l’Hospice général, à teneur de laquelle il n’avait jamais été aidé financièrement.

13.         Le 28 février 2019, l’OCPM a demandé au mandataire de M. A______ s’il était toujours en charge de la demande du précité, étant donné que les différentes pièces et courriers avait été directement envoyés par ce dernier. Au surplus, il a réclamé diverses pièces sollicitées préalablement et qui n’avaient toujours pas été produites.

Le 17 juillet 2019, l’OCPM a rappelé sa demande du 28 février 2019.

14.         Par courrier reçu le 27 août 2019, M. A______ a transmis à l’OCPM un formulaire M, la copie des passeports, une déclaration par laquelle il attestait n’avoir pas déposé de demande d’autorisation de séjour dans un pays de l’UE/AELE, un formulaire C accompagné du bail relatif à un nouveau domicile, un formulaire de demande d’allocations familiales et un nouveau formulaire Papyrus.

15.         Le 30 août 2019, l’OCPM a réclamé le formulaire de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) d’annonce de l’activité et de l’employeur, le certificat de langue niveau A2 à l'oral pour lui et Mme B______, le formulaire M pour cette dernière et l’attestation de scolarité pour E______.

16.         Le 9 septembre 2019, M. A______ a fait parvenir à l’OCPM : une attestation de français A2, un formulaire C, un formulaire M en faveur de Mme B______, l’inscription au test de langue pour cette dernière et l’attestation de scolarité pour E______.

17.         À une date inconnue, l’OCPM a reçu un formulaire OCIRT au nom de M. A______.

18.         Le 12 décembre 2019, l’OCPM a informé M. A______ de sa décision de faire droit à leur requête, les informant, lui et sa concubine, que leur demande de régularisation de séjour serait traitée dans le cadre de l'opération Papyrus, hormis la situation de l'enfant D______ − la date de son arrivée en Suisse étant postérieure à la date de début de l'opération Papyrus le 21 février 2017 − dont le statut administratif serait régularisé ultérieurement sous l'angle d'un regroupement familial. Il leur était encore rappelé que sa décision d’octroi de titres de séjour sous l'angle de l'opération Papyrus était soumise à l’approbation du SEM.

19.         Le 9 juillet 2020, le SEM a retourné le dossier à l’OCPM pour nouvel examen.

20.         Le 11 octobre 2021, l’OCPM a dénoncé M. A______ auprès du Ministère public du canton de Genève pour suspicion de faux documents.

21.         Le ______ 2021, M. A______ et Mme B______ se sont mariés au Kosovo.

22.         Le 12 août 2022, M. A______ a été auditionné par la police judiciaire.

23.         Le 24 juillet 2023, une ordonnance de classement a été rendue par le Ministère public dans le cadre de la procédure pénale susmentionnée.

Il en ressortait que, s’agissant de la fausse attestation de travail prétendument établie par G______, au vu des dénégations de M. A______, et en l’absence d’élément objectif propre à les remettre en cause, le Ministère public constatait qu’il n’était guère possible d’établir à satisfaction de droit que le prévenu avait eu connaissance de la remise de ce faux document à l’OCPM.

24.         Le 19 septembre 2023, l’OCPM a réclamé à M. A______ un formulaire M récent pour lui et son épouse, des justificatifs de séjour entre mars 2012 et février 2014 et des pièces complémentaires pour les années 2009, 2010 et 2012.

S’agissant de son épouse et de leur enfant, il demandait des pièces complémentaires concernant le séjour lors des années 2008, 2009 et 2012 à 2017, ainsi qu’une procuration en faveur de Mme B______. Il était également demandé à M. A______ de s’expliquer quant à la demande d’asile qu’il avait initiée en France le 27 août 2013.

25.         Le 18 octobre 2023, sous la plume d’un nouveau mandataire, M. A______ a transmis les documents précités.

Traversant une période économique difficile en 2013, il avait, sur les conseils d’un ami, déposé une demande d’asile en France afin d’obtenir les aides sociales. Cependant, lorsqu’il s’était rendu à L______(FRANCE) pour faire cette demande, il avait changé d’avis et avait par la suite abandonné cette procédure.

26.         Le 6 novembre 2023, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser de leur octroyer, à lui et toute sa famille, des autorisations de séjour et de prononcer leur renvoi de Suisse.

Un délai de trente jour leur était imparti pour faire valoir leurs observations écrites.

27.         Le 6 décembre 2023, sous la plume de leur mandataire, M. A______ et Mme B______ ont transmis leurs observations écrites.

Ils ne disposaient pas de pièces supplémentaires à même de prouver leur séjour hors des périodes pour lesquelles ils avaient été en mesure de démontrer leur présence sur le territoire helvétique.

Lors du dépôt de sa demande initiale en mars 2017, M. A______ avait été entraîné dans une procédure mal fondée par un intermédiaire indélicat qui lui avait fait miroiter une régularisation rapide et qui s’était occupé de constituer un dossier qui s’était révélé lacunaire. Au vu des pièces fournies, il apparaissait cependant clairement que M. A______ et sa famille étaient en Suisse depuis de nombreuses années et qu’une présence continue était incontestable depuis au moins le mois de septembre 2017, soit plus de six ans.

Une telle durée, s’agissant d’une famille, était plus que suffisante pour justifier l’existence d’un cas de rigueur. Si cette demande avait été déposée aujourd’hui, il n'eût fait aucun doute qu’elle aurait été acceptée puisque leur famille remplissait toutes les conditions d’une régularisation telles qu’elles avaient été définies par l’OCPM. La durée de six ans entre le dépôt de la demande et leur projet de décision n’était aucunement due à des manœuvres dilatoires de leur part, mais découlait presque exclusivement de la durée de la procédure pénale sur laquelle ils n’avaient eu aucune influence et pour laquelle M. A______ avait été finalement blanchi sans avoir lui-même sollicité le moindre acte de procédure.

Leur fils ainé E______ était né à Genève et il y avait passé la quasi-totalité de sa vie. Il atteindrait l’âge de 12 ans à la fin du mois, entrant ainsi dans l’adolescence ; son cas devait dès lors profiter d’une protection accrue face au risque que constituerait un déracinement.

28.         Par décision du 12 janvier 2024, l’OCPM a refusé de soumettre avec un préavis positif au SEM le dossier des intéressés, a prononcé leur renvoi de Suisse et leur a imparti un délai au 12 avril 2023 [recte 2024] pour quitter le territoire helvétique et le territoire des États membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen.

La durée du séjour de M. A______ au moment du dépôt de sa demande n’était que de huit ans : ce dernier avait déclaré, lors de son audition par les services de police, qu’il n’avait jamais travaillé pour l’entreprise G______, de sorte que les années 2006 à 2008 ne devaient pas être prises en compte. De plus, E______ n’était pas scolarisé à cette époque et il n’était probablement pas en Suisse. Dans ces circonstances, leur situation ne répondait pas aux critères légaux, notamment un séjour prouvé et continu de dix ans minimum à Genève pour une personne célibataire et sans enfants scolarisés.

Par ailleurs, le seul justificatif de séjour transmis pour justifier de la présence de M. A______ en Suisse entre mars 2012 et février 2014 était l’affiliation d’E______ à l’assurance-maladie, ce qui n'était guère suffisant dès lors que, comme explicité ci-après, E______ n’avait pas toujours été aux côtés de son père ces dernières années. Par ailleurs, M. A______ avait confirmé s’être rendu en France, à deux reprises, dans le courant de l’année 2013, pour une durée indéterminée, afin d’y déposer une demande d’asile et pouvoir ainsi bénéficier des aides sociales, alors qu’il avait signé le 21 août 2019, une attestation confirmant qu’il n’avait pas déposé de demande d’autorisation de séjour dans un autre pays UE/AELE.

Concernant Mme B______, il était constaté que celle-ci avait été interpellée, alors qu'elle était accompagnée de leur fils E______, par le corps des gardes-frontière à l’aéroport de Genève le 18 octobre 2014, à sa sortie de Suisse, à destination du Kosovo. E______ n’avait finalement été scolarisé à Genève qu’à partir du mois d'août 2017, au lieu de la rentrée du mois d’août 2016. Le séjour de Mme B______ n’était prouvé que depuis le 5 mars 2011, date du tampon d’entrée sur son passeport muni d’un visa slovène, entrecoupé d’un séjour au Kosovo durant trois ans.

Il avait préavisé favorablement le dossier du groupe familial le 12 décembre 2019 car il n’était pas en possession de tous les éléments nécessaires, ceux-ci ayant été mis en lumière suite à sa dénonciation du 11 octobre 2021 et la procédure pénale subséquente. Il semble par ailleurs discutable de reprocher à l'autorité la durée relativement longue de l'examen de leur demande et d'attendre que les six années passées depuis le dépôt de celle-ci soient prises en compte afin d'y donner une suite favorable. À cet égard, il convenait de relever le manque de transparence des intéressés tout au long de l'instruction et de leurs envois des documents par intermittence et bien souvent incomplets.

Les intéressés n’avaient en outre pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Ils ne faisaient certes pas l’objet de poursuites ni ne bénéficiaient de prestations de l’Hospice général. Cela étant, leur comportement correspondait simplement à celui qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour, si l’on ne tenait pas compte de leur manque de collaboration.

Ils n’avaient pas non plus démontré qu’une réintégration au Kosovo aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle indépendamment des circonstances économiques, sociales, sanitaires ou scolaires affectant l’ensemble de la population restée sur place. M. A______ et Mme B______ y avaient vécu toute leur enfance, adolescence et le début de leur vie d’adulte, périodes qui apparaissaient comme essentielles pour la formation de la personnalité, et partant, pour l’intégration sociale et culturelle. Mme B______ y avait encore de la famille, elle y était d'ailleurs restée près de trois ans entre 2014 et 2017, accompagnée d’E______. M. A______ avait également demandé plusieurs visas de retour afin de rendre visite à sa famille. Ils y avaient donc encore de fortes attaches. En outre, ils ne pouvaient se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de devoir admettre qu’ils ne pouvaient quitter la Suisse sans devoir être confrontés à des obstacles insurmontables.

S’agissant de la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants, il convenait de retenir que E______ était né en Suisse le 30 décembre 2011, qu’il était aujourd’hui âgé de onze ans [treize ans et demi à ce jour], qu’il n’avait pas fréquenté de crèche lors de ses premières années de vie, qu’il était retourné au Kosovo entre octobre 2014 et août 2017, qu’il avait été scolarisé avec une année de retard en août 2017 et que bien que scolarisé, il n'était pas encore adolescent, de sorte que son intégration en Suisse n’était pas encore déterminante. Quant à ses frères et sœur, D______ était tout juste scolarisé et C______ ne l’était pas encore. Tous étaient en bonne santé.

Ainsi, compte tenu de ce qui précédait, leur réintégration dans leur pays d’origine ne devrait pas leur poser de problèmes insurmontables.

29.         Par acte du 12 février 2024, sous la plume de leur mandataire, M. A______ et Mme B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs, ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit constaté que M. A______ et sa famille remplissent les conditions d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur et, par conséquent, à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de préaviser favorablement à l'octroi d'un tel permis et de transmettre le dossier au SEM pour approbation.

L’OCPM affirmait que M. A______ ne remplissait pas les conditions de l’opération Papyrus faute d’avoir prouvé un séjour continu pendant les années 2006 à 2017 au regard des directives applicables sur les moyens de preuves. Avec cette argumentation, l’OCPM se plaçait dans une perspective dans laquelle les demandes de régularisation devraient être tranchées sur la base de l’état de fait qui existait au moment de leur dépôt. Ils estimaient, au contraire, qu’il était commun, en matière de droit des étrangers, de tenir compte de la situation de fait et notamment de la durée de séjour, au moment de la prise de décision par l’autorité, voire même, en cas de recours, au moment où le juge rendait son jugement. Le tribunal avait d'ailleurs récemment retenu, s'agissant d'un cas incluant des enfants, que la situation devait être considérée au moment de la prise de décision et que l'on devait dès lors tenir compte de l'écoulement du temps entre le dépôt d'une demande et son traitement par l'autorité (JTAPI/820/2023 consid. 10).

E______, leur fils ainé, était né à ______ le ______ 2011 et il y avait passé la quasi-totalité de sa vie. Il avait atteint l'âge de douze ans au mois de décembre 2023, entrant ainsi, selon le Tribunal fédéral, dans l'adolescence. Son cas devait dès lors profiter d'une protection accrue face au risque que constituerait un déracinement. Contrairement à ce que laissait entendre l’OCPM, les sept ans qui s’étaient écoulés entre le dépôt de la demande et la décision de refus n’étaient pas dus à des manœuvres dilatoires de leur part, mais bien plutôt à des mandataires incompétents, voire malhonnêtes, comme l’avait constaté l’autorité pénale, ainsi qu’à des délais de procédure indépendants de leur volonté. M. A______ était lui-même incapable de se défendre dans des procédures administratives et il n’avait jamais entrepris la moindre démarche pour ralentir l’avancée de son dossier.

Ils relevaient également qu’entre la première approbation par l’OCPM en décembre 2019 et la reprise de la procédure suite au classement du volet pénal, il s’était écoulé trois ans et neuf mois sur lesquels ils n’avaient pas eu la moindre prise, puisqu’il s’était écoulé plus de trois ans et demi avant que M. A______ ne soit finalement interrogé par la police. Pendant les sept ans de cette procédure, leur famille avait continué son intégration et son enracinement dans le canton de Genève, particulièrement leurs enfants dont l’aîné y était désormais scolarisé depuis plus de six ans.

30.         Le 23 août 2024, l’OCPM a transmis ses observations, ainsi que son dossier. Il a conclu au rejet du recours. Ni les conditions présidant l'opération Papyrus ni celles relatives à la reconnaissance d'un cas de rigueur n'étaient réalisées en l'espèce.

Le recourant avait déposé une demande de régularisation de séjour sous l'angle de l'opération Papyrus en mars 2017, alléguant, entre autres, résider à Genève depuis l'année 2002 et être bien intégré.

Or, la durée du séjour du recourant n’était pas prouvée à satisfaction de droit. En effet, le recourant ne pouvait se prévaloir d’un séjour régulier et continu de dix ans en Suisse au moment du dépôt de sa requête d’autorisation de séjour, faute notamment d’avoir pu apporter des justificatifs de résidence pour les années 2006 à 2009. Puis, en 2013, ce dernier avait initié en France une procédure d’asile, ce qui avait en tout état de cause eu pour conséquence d’interrompre son séjour pour une durée non déterminée. Pour ce seul motif déjà, son séjour ne pouvait être réglé sur la base de l’opération Papyrus, les conditions devant être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour.

Quant à l’analyse de sa situation sous l’angle du cas de rigueur, quoi qu’en disaient les recourants, une longue durée de séjour ne pouvait à elle seule suffire à admettre un cas humanitaire sans examiner les autres éléments du dossier.

Dans la situation du recourant, même si une durée de séjour relativement longue devait être reconnue (à ce jour notamment), celle-ci se devait d’être fortement relativisée dès lors qu’elle s’était déroulée dans l’illégalité et, depuis le dépôt de sa demande, au bénéfice d’une simple tolérance cantonale.

À défaut, en outre, de pouvoir faire valoir une intégration socio-professionnelle particulièrement exceptionnelle au sens de la jurisprudence en la matière et en présence de possibilités de réintégration au Kosovo, les recourants n’avaient, en effet, pas démontré qu’ils seraient exposés à leur retour à des conditions socioéconomiques ou sanitaires autrement plus difficiles que celles auxquelles était confronté la plupart de leurs compatriotes restés au pays. Âgés de respectivement 46 [à ce jour 47 ans] et 35 ans [36 ans], M. A______ et Mme B______ ne devraient ainsi pas rencontrer de difficultés insurmontables pour se réintégrer au Kosovo. Le recourant ayant sollicité et obtenu plusieurs visas de retour pour s’y rendre, l'on pouvait considérer que les attaches avec son pays d’origine étaient pour le moins importantes.

S’agissant de Mme B______, elle était arrivée en Suisse en 2011 et était repartie au Kosovo courant octobre 2014, accompagnée d’E______, pour y revenir courant 2017 (année de scolarisation d'E______ à Genève).

Enfin, quant aux enfants, lesquels étaient âgés, à ce jour, respectivement de 12 ans [à ce jour 13 ans et demi], 5 ans [6 ans] et 4 ans [bientôt 5 ans], compte tenu de leur jeune âge, le processus d’intégration en Suisse n’apparaissait pas encore avancé et ne permettait ainsi pas de retenir une immersion essentielle.

31.         Par courrier du 17 septembre 2024, les recourants, sous la plume de leur mandataire, ont sollicité un délai pour répliquer au 31 octobre 2024.

En effet, ils avaient pris la décision de se séparer au cours de l’été 2024. Un délai supplémentaire leur était nécessaire afin d’identifier, entre autres, un nouveau mandataire chargé de représenter l’un d'eux.

32.         Le 3 octobre 2024, sous la plume de leur mandataire, les recourants ont transmis leur réplique, persistant entièrement dans les termes de leurs conclusions.

Ils avaient accepté de garder le même mandataire, malgré la crise conjugale qu’ils traversaient. Mme A______ était retournée au domicile conjugal avec leurs enfants, alors que son époux se tenait provisoirement à distance en attendant de prendre une décision pour l’avenir de leur couple.

S’agissant des observations de l’OCPM, il convenait de corriger une inexactitude ; M. A______ et Mme B______ n’étaient plus concubins. Ils étaient mariés depuis le 22 juillet 2021. Sur le fond, il n’était pas contesté qu’ils n’avaient pas pu faire la preuve qu’ils disposaient des années de séjour nécessaires au moment du dépôt de la demande initiale en 2017. Ce qu’ils soutenaient, c'était que cette demande « initiale » n’avait jamais été tranchée par les autorités avant la décision de l’OCPM du 12 janvier 2024. Dans la mesure où l’état de fait initial avait changé pendant les nombreuses années qu’avait duré cette procédure, l’OCPM se devait de tenir compte de la situation ex-nunc et, notamment, de la durée du séjour de la famille au moment de sa prise de décision.

33.         Le 21 octobre 2024, l’OCPM a indiqué n’avoir aucune observation complémentaire à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/53/2025 du 14 janvier 2025 consid. 4).

5.             Les griefs et arguments formulés par les parties ainsi que les éléments résultant des pièces figurant au dossier seront repris et discutés, en tant que besoin, dans la partie « en droit » ci-dessous (ATF 147 IV 249 consid. 2.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_300/ 2024 du 13 janvier 2025 consid. 3.2 ; 1C_622/2023 du 6 janvier 2025 consid. 2.1).

6.             Les recourants sollicitent la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur en leur faveur et celle de leurs enfants.

7.             Le 1er janvier 2019, une révision de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), est entrée en vigueur.

Selon l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de la présente loi sont régies par l’ancien droit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_94/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 ; 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1 ; ATA/1331/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3a).

8.             En l’occurrence, la requête à l’origine de la décision querellée ayant été déposée en mars 2017, la loi dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2019 est donc applicable au litige.

9.             Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, dont la teneur n’a pas changé le 1er janvier 2019, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité.

10.         L’art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019 - étant précisé que le nouveau droit n’est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l’ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d’autres éléments pouvant aussi entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

11.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

12.         L’opération « Papyrus » a consisté en un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises, « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 accessible sur Internet à l’adresse suivante : https://demain.ge.ch/actualite/operati on-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017). Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8a).

Les critères délibérément standardisés à respecter pour pouvoir en bénéficier étaient d’avoir un emploi, d’être indépendant financièrement, de ne pas avoir de dettes, d’avoir séjourné à Genève de manière continue, sans papiers, pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires (le séjour devait être documenté), de faire preuve d’une intégration réussie (minimum niveau A2 de français) et de ne pas avoir fait l’objet de condamnations pénales (autres que pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation).

La durée prise en considération doit correspondre à un séjour continu. Si une ou deux courtes interruptions annuelles, correspondant par exemple à la durée usuelle de quatre semaines de vacances, sont admissibles, la continuité du séjour en Suisse n’est par contre pas compatible avec des absences répétées ou des allers-retours avec le pays d’origine, notamment lorsqu’aucun emploi ne peut être trouvé en Suisse, ou encore avec des séjours répétés dans d’autres pays pour des motifs familiaux ou professionnels. Dans ces cas, en effet, même lorsque la personne vit la majeure partie du temps en Suisse, cela dénote un mode de vie fondé sur des déplacements selon les opportunités et, quand bien même elle parvient à établir un réseau social en Suisse, on ne peut considérer qu’elle y a vraiment installé son centre de vie et que son départ au bout de plusieurs années constituerait pour elle un véritable déracinement (JTAPI/984/2021 du 27 septembre 2021 consid. 18, confirmé par ATA/191/2022 du 22 février 2022).

Ces conditions de régularisation devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b). Elles ne perduraient pas après la fin de cette opération (ATA/1025/2023 du 19 septembre 2023 consid. 2.11).

13.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

14.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

15.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017). Le Tribunal fédéral a en outre considéré que l’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l’intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu’après la révocation de l’autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n’emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

16.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ;
F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ;
C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral
C-746/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

17.         Dans l’examen d’un cas de rigueur concernant le renvoi d’une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d’enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d’extrême gravité. D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1700/2022 du 10 janvier 2024 consid. 7.5 ; ATA/365/2024 du 12 mars 2024 consid. 2.5). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a).

Sous l’angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 par. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; ATA/1068/2024 du 10 septembre 2024 consid. 6.3).

18.         Dans l’ATF 123 II 125 précité, le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n’a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d’accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu’il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l’exemption des mesures de limitation d’une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s’était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s’était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n’aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d’origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d’extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d’intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15 ans).

19.         Dans l’arrêt du 6 avril 2011 précité qui concernait le cas d’une famille avec deux enfants dont l’aîné était âgé de 13 ans, le Tribunal fédéral a en revanche estimé que si l’âge de l’aîné et l’avancement relatif de son parcours scolaire étaient des éléments de nature à compliquer sa réintégration dans son pays d’origine, ils n’étaient pas suffisants, à eux seuls, pour faire obstacle au renvoi de la famille. Il était établi que l’enfant parlait parfaitement l’espagnol et qu’il n’avait pas encore terminé sa scolarité obligatoire ; la poursuite de celle-ci dans son pays d’origine devrait donc pouvoir se faire dans des conditions satisfaisantes (arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 précité consid. 3.4).

20.         Dans un arrêt ATA/430/2023 du 25 avril 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a considéré, pour sa part, que l’OCPM n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de déroger aux conditions d’admission s’agissant d’un jeune ressortissant sénégalais âgé de 23 ans et arrivé en Suisse avec sa sœur pour rendre visite à son père alors qu’il avait 13 ans. L’intéressé était au bénéfice d’un contrat de travail « d’exploitation journalier » en tant que « porteur » qui ne lui permettait pas d’être financièrement indépendant. Il avait suivi les trois années du cycle d’orientation avant d’intégrer l’ECG en classe préparatoire, qu’il avait arrêtée pour des motifs inconnus. Il avait été scolarisé dans une école privée pour une année, formation qu’il avait également interrompue pour des raisons financières. Il s’était ensuite réinscrit à l’ECG pour adultes mais n’avait au final obtenu aucun diplôme. Son parcours scolaire ne pouvait dès lors être qualifié de remarquable ou de si exceptionnel qu’il justifierait la poursuite de son séjour en Suisse. Le seul fait qu’il ait passé son adolescence en Suisse ne justifiait pas non plus, en soi et à lui seul, de lui octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur, à moins de reconnaître, de facto, un droit à chaque jeune passant son adolescence en Suisse à y demeurer. Il convenait par conséquent de déterminer si la relation de l’intéressé avec la Suisse était si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il retourne vivre dans son pays d’origine. Or, son intégration ne présentait pas de particularité et les relations qu’il avait nouées en Suisse n’étaient pas d’une intensité telle que cela compromettait son retour au Sénégal, pays dans lequel il avait conservé des attaches familiales et retournerait accompagné de sœur, dont le cas était tranché en parallèle. Il ne présentait donc pas une situation de détresse personnelle au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA, ce quand bien même il ne pouvait être nié qu’un retour dans son pays d’origine pourrait engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation (arrêt précité consid. 6).

21.         Dans un arrêt ATA/1299/2023 du 5 décembre 2023, la chambre administrative a en revanche considéré que l’OCPM avait abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur formée par une ressortissante ivoirienne et ses deux enfants âgés de 9 et 20 ans. La mère et le fils cadet ne remplissaient certes pas les conditions du cas de rigueur. Il en allait différemment pour la fille aînée. Arrivée à Genève à l’âge de 10 ans, celle-ci y avait fréquenté d’abord l’école primaire puis le cycle d’orientation. Elle avait ensuite suivi l’ECG puis entamé un apprentissage d’employée de commerce en mode « dual ». Les attestations scolaires produites la décrivaient comme une élève sérieuse, ayant de très bons résultats et investie dans ses études. Selon l’entreprise dans laquelle elle effectuait son apprentissage, son travail donnait entière satisfaction et était apprécié de tous. Les attestations produites soulignaient ses grands efforts d’intégration. Âgée de 20 ans, elle totalisait un séjour en Suisse de dix ans, y ayant passé toute son adolescence. Elle présentait un bon cursus scolaire et faisait preuve d’une forte volonté d’acquérir une formation pour s’intégrer dans le milieu professionnel genevois. Ces circonstances, prises dans leur ensemble, étaient de nature à faire admettre qu’un retour en Côte d’Ivoire présenterait pour elle une rigueur excessive. Elle remplissait ainsi les conditions pour bénéficier d’une exception aux mesures de limitation. Dès lors qu’elle se trouvait encore en formation et était tributaire du soutien matériel et moral de sa mère, cette exception devait également bénéficier à cette dernière ainsi qu’à son jeune frère (arrêt précité consid. 5.5).

22.         Dans un arrêt ATA/1067/2024 du 10 septembre 2024, la chambre administrative a également admis un cas d’extrême gravité s’agissant d’un ressortissant kosovar âgé de 20 ans, vivant en Suisse depuis l’âge de 14 ans. À son arrivée, celui-ci avait intégré la classe d’accueil du cycle d’orientation, à l’issue de laquelle il avait obtenu un bulletin le qualifiant d’élève motivé, excellent, investi et travailleur, progressant bien et doté de compétences avérées en mathématiques. Il avait ensuite été scolarisé en accueil de l’enseignement secondaire II. Selon l’évaluation de son maître titulaire, il était brillant, réfléchi et logique et avait fait preuve d’une très bonne progression. Il affichait une bonne attitude face au travail et participait volontiers en cours. Il constituait un modèle par son attitude scolaire et un exemple très positif pour toute sa classe. L’année suivante, il avait intégré une classe d’insertion professionnelle, effectuant différents stages d’observation et de découverte pour lesquels il avait obtenu des évaluations positives. Il avait ensuite conclu un contrat d’apprentissage en école de métiers d’une durée de quatre ans, en vue d’obtenir un CFC en construction métallique. Il avait obtenu des moyennes générales de 5.3 la première année, de 4.9 la seconde année et de 4.8 la troisième année. Durant cette dernière année, il avait effectué un stage en entreprise d’une durée de trois mois, à l’issue duquel son employeur avait souligné son bon esprit d’équipe, sa ponctualité exemplaire, sa participation aux projets de groupe et son intégration, même si une « plus grande proactivité et une anticipation des tâches seraient bénéfiques pour son développement professionnel ». Il bénéficiait ainsi de plusieurs attestations vantant sa bonne intégration et ses qualités scolaires et professionnelles. Il avait en outre montré une forte volonté d’acquérir une formation pour s’intégrer dans le milieu professionnel genevois. Il avait au surplus formé un réseau d’amis à Genève et n’était jamais retourné au Kosovo, entretenant une relation occasionnelle uniquement avec sa grand-mère maternelle. Sa formation n’était enfin pas terminée et il n’avait pas la garantie de pouvoir la poursuivre en cas de renvoi dans son pays d’origine, étant précisé qu’il avait d’ores et déjà des projets professionnels. Ces circonstances, prises dans leur ensemble, étaient de nature à faire admettre qu’un retour au Kosovo présenterait pour lui une rigueur excessive (arrêt précité consid. 3.7).

23.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître. Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a). En effet, il incombe à l’administré d’établir les faits qu’il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu’ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle.

En matière de droit des étrangers, l’art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l’étranger ou des tiers participants (arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 4.2). Cette obligation a été qualifiée de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu’il s’agit d’éléments ayant trait à la situation personnelle de l’intéressé et qu’il connaît donc mieux que quiconque (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2).

En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) relatif au fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

24.         De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l’intéressé a données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/1176/2024 du 8 octobre 2024 consid. 2.5).

Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2). Le juge forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/386/2025 du 8 avril 2025 consid. 2.3).

25.         Dans l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (ancien art. 96 al. 1 LEtr). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties.

26.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les recourants ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, y compris sous l’angle particulier de l’opération Papyrus, étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n’est à lui seul pas suffisant, sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

Le recourant ayant déposé sa demande de régularisation et d’autorisation de séjour pour cas de rigueur en mars 2017, c’est à juste titre que l’OCPM l’a examinée sous l’angle des critères de l’opération « Papyrus ». Toutefois, pour bénéficier de ce programme, l’intéressé devait notamment pouvoir démontrer, au jour du dépôt de sa requête, un séjour continu d’une durée de cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires. À titre préalable, le tribunal rappellera que comme la jurisprudence susmentionnée le prévoit, les conditions Papyrus devaient être remplies au moment du dépôt de la demande, de sorte qu’il n’est pas possible de prendre en compte la situation au moment où l’OCPM examine la demande comme en fait grief le mandataire des recourants. Ainsi, à teneur du dossier, force est de constater que M. A______ ne peut pas démontrer un séjour continu en Suisse d’une durée de cinq ans, et encore moins d'une durée de dix ans. Selon ses déclarations devant la police, il n’a jamais travaillé pour l’entreprise G______ de 2006 à 2008. Ainsi, dites années n’étaient pas justifiées. M. A______ est arrivé en Suisse au plus tard en 2004. Toutefois, à teneur des documents produits, notamment de son certificat AVS et de ses attestations TPG, il peut être au mieux retenu qu’il y séjourne de manière continue depuis 2015. En conséquence, ce dernier comptabilisait deux années de séjour au moment du dépôt de sa demande. Pour ce motif, il ne peut donc pas obtenir une autorisation de séjour sur la base des critères cumulatifs - stricts et sans dérogation possible - retenus dans le cadre de l’opération Papyrus.

Sous l’angle du cas de rigueur, ce qui a été dit précédemment concernant la durée du séjour du recourant en Suisse reste valable. Au mieux, une présence continue en Suisse à partir de 2015 peut être admise. Ce séjour peut certes être qualifié de long, mais doit être de toute façon fortement relativisé dès lors que le recourant a séjourné en Suisse dans l’illégalité, puis à la faveur d’une tolérance des autorités depuis le dépôt de sa demande de régularisation en mars 2017. En tout état, il ne peut tirer parti de la seule durée de son séjour, qui n’est qu’un élément parmi d’autres à prendre en compte pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission.

Son intégration socioprofessionnelle ne justifie également pas, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Certes, il n’émarge pas à l’aide sociale, exerce une activité lucrative lui permettant de subvenir à ses besoins et parle le français ; cependant, une telle situation ne revêt aucun caractère exceptionnel. En outre, le recourant n’établit pas avoir acquis des connaissances et qualifications spécifiques pendant son séjour qu’il ne pourrait pas mettre à profit ailleurs, notamment au Kosovo. À cela s’ajoute que le recourant a fait l’objet de deux IES valables respectivement du 27 décembre 2004 au 26 décembre 2007 et du 26 octobre 2015 au 25 octobre 2018, qu’il ne semble pas avoir respectées.

Pour sa part, Mme B______ dispose de connaissances de la langue française, n’exerce aucune activité lucrative et n’a pas démontré d’éléments permettant de retenir une intégration sociale particulièrement marquée en Suisse. Elle a par ailleurs, le 8 décembre 2014, fait l'objet d'une IES prononcée son encontre par le SEM, valable jusqu’au 12 décembre 2018, interdiction qu’elle n’a manifestement pas respectée. À cela s'ajoute, à teneur des pièces produites, qu'il apparaît vraisemblable qu’elle ait quitté le territoire suisse pendant trois ans, soit de 2014 à 2017, avec son fils E______. En effet, aucun élément au dossier ne démontre qu'ils étaient présents sur le territoire suisse durant cette période. Par ailleurs, le fait qu’E______ n’ait été scolarisé qu’à partir du mois d’août 2017 constitue un indice supplémentaire permettant d’établir le départ de Mme B______ avec son fils au Kosovo en 2014 et leur retour en Suisse en 2017.

S’ils se heurteront sans doute à des difficultés de réadaptation dans leur pays d’origine, les recourants ne démontrent pas que celles-ci seraient plus graves pour eux que pour n’importe lequel de leurs concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire. Âgés aujourd’hui respectivement de 36 et 47 ans, ils sont en bonne santé et ont conservé de fortes attaches au Kosovo, où M. A______ a vécu jusqu’en 2004 et Mme B______ jusqu’en 2009, puis de 2014 à 2017, avec son fils, étant rappelé que les précités y sont par ailleurs retournés à de nombreuses reprises alors qu'ils se trouvaient en Suisse, parfois pour de longues périodes. À cet égard, il convient encore de rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées). Ainsi, au vu de leur statut précaire en Suisse, les recourants ne pouvaient à aucun moment ignorer qu’ils risquaient d’être renvoyés dans leur pays d’origine.

La famille formant un tout, il convient encore d’examiner si les enfants du couple, âgés actuellement de treize ans et demi (E______), six ans (D______) et bientôt 5 ans (C______), seraient dans un cas d’extrême gravité. Au vu de la jurisprudence susmentionnée sur les enfants adolescents, on peut noter que la situation de l’enfant E______ est complexe. Né en Suisse en 2011, il y est ainsi bien intégré et est aujourd’hui entré dans l’adolescence ; au contact des autres jeunes de son milieu scolaire, il s’éloigne sans doute de plus en plus de ses origines culturelles. Cela étant, il n’a précisément pas encore traversé l’adolescence, période que la jurisprudence susmentionnée considère comme particulièrement importante pour l’intégration socioculturelle. Notons également que E______ est retourné de manière très répétée au Kosovo, où il a même vécu avec sa mère de 2014 à 2017, et qu’il n’est scolarisé à Genève que depuis le mois d’août 2017. Ainsi, quand bien même un retour au Kosovo serait certainement pour lui un moment difficile, notamment en raison du niveau de vie et du système scolaire très différents qui caractérisent la Suisse et son pays d'origine, on ne saurait considérer qu'un tel retour le mettrait dans une situation de détresse dès lors qu'il y sera en compagnie de ses parents, ainsi que de son frère et de sa sœur, que la famille y dispose encore d’attaches fortes vu notamment les divers visas sollicités et obtenus en vue de se rendre dans leur pays d'origine, parfois même pour de longues périodes. Il n’en va a fortiori pas différemment pour les cadets, D______ et C______, l’un étant tout juste scolarisé et l’autre par encore, lesquels, compte tenu de leur très jeune âge, restent encore rattachés dans une large mesure, par le biais de leurs parents, à leur pays d’origine.

Au vu de ce qui précède, il sera retenu que l’intégration de E______, D______ et C______ au milieu socio-culturel suisse n’est dès lors pas si profonde qu’un retour dans leur patrie constituerait pour eux un déracinement complet. Il sera enfin rappelé que l’intérêt supérieur des enfants au sens de l’art. 3 par. 1 CDE est de pouvoir vivre durablement auprès de leurs parents, quel que soit l’endroit où ils séjournent. À cet égard, le fait que les recourants envisagent de se séparer ne modifie pas l’analyse qui précède, les parents devant tous deux quitter la Suisse.

En conclusion, force est de constater que l’OCPM n’a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la requête des recourants. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l’OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire
(art. 61 al. 2 LPA).

27.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, dont la teneur n’a pas changé le 1er janvier 2019, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d’une autorisation de séjour, l’autorité ne disposant à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

28.         En l’espèce, dès lors que l'OCPM a refusé d'accéder à la requête des recourants du 18 mars 2017 et, par conséquent, de soumettre leur dossier avec un préavis positif au SEM, il devait ordonner leur renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI. Aucun élément ne laisse pour le surplus supposer que l’exécution de cette mesure se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

29.         Mal fondé, le recours est rejeté.

30.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants pris conjointement et solidairement qui succombent sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

31.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2024 par Monsieur A______ et Madamme B______, agissant en leur nom et celui de leurs enfants mineurs E______, A______ et D______, contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 12 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier