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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3562/2024

JTAPI/451/2025 du 02.05.2025 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : ACTIVITÉ LUCRATIVE;AUTORISATION DE TRAVAIL;INTÉRÊT ÉCONOMIQUE;ADMISSION PROVISOIRE
Normes : LEI.18; LEI.33.al2; OASA.83.al1.leta; LEI.11
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3562/2024 et A/3659/2024

JTAPI/451/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 mai 2025

 

dans la cause

A______ SA, représentée par Me Laure BAUMANN, avocate, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : A______ ou la société) est une société anonyme de droit suisse inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le ______ 2022.

Elle a pour but la gestion de fortune et la fourniture de toutes prestations de conseils et de services dans le domaine de la gestion de fortune, du conseil en placement et de la finance, en particulier l'ouverture de comptes, l'acquisition ou l'aliénation d’instruments financiers, de devises et de métaux précieux, ainsi que l'exécution d'opérations de bourse pour compte propre ou pour le compte de tiers.

Ses fondateurs, Madame B______, née le ______ 1973, et Monsieur C______, né le ______ 1977, tous deux ressortissants libanais, en sont respectivement l’administratrice, directrice et présidente et l’administrateur et directeur.

2.             Le 6 décembre 2021, la société a déposé, par l'entremise d’un mandataire, une demande d'autorisations de séjour et de travail (permis B) en faveur de
Mme B______ et de M. C______ auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM).

A l'appui de sa demande elle a exposé souhaiter offrir une gamme de services financiers compétitifs, y compris tous les services de conseil financier autorisés, notamment dans la gestion de fortune, les investissements immobiliers, le D______ et des services de E______ à des clients privés et institutionnels. Elle a présenté ses fondateurs et futurs directeurs et détaillé son plan d'affaires. En substance, l’établissement de la société à Genève permettrait d’apporter des avantages notables à l’économie locale. Si elle réussissait son décollage, la société devrait recourir à des employés suisses ou autorisés à travaille en Suisse. Les objectifs de croissance dans le plan des affaires supposaient que les précités soient autorisés à travailler à plein temps dans les bureaux de la société à Genève dès janvier 2022. Il reposait en outre sur le développement de multiples partenariats avec des banques dépositaires suisses et d’autres prestataires de services locaux. Le nombre de nouveaux postes à plein temps était estimé à 400 % en 2022 et à 600% de 2023 à 2026. Le poste de Compliance and Risk Officer à 100% dès 2022 était soumis à l’approbation de l’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Dans le cas où un profil approprié pour ce poste ne pourrait être trouvé sur le marché suisse, ces fonctions seraient externalisées auprès d’un prestataire de service suisse, en attendant l’identification d’un profil approprié.

Elle a notamment joint les contrats de travail des précités et son business plan 2021 avec les budgets 2022-2026.

Il ressort en particulier de ce dernier, rédigé en anglais, que la société prévoyait d'atteindre le cap de 140 millions de dollars d'actifs clients sous gestion (AuM) d'ici fin 2022 et l'objectif de CHF 285 millions respectivement CHF 375 millions d'ici fin 2023 et 2024. Le produit brut des frais de gestion avant coûts directs prévu était de CHF 1'015'000.- pour 2022, CHF 2'133'971 pour 2023 et CHF 2'886'170 pour 2024.

3.             Par courriel du 4 janvier 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui cette demande avait été transmise pour raison de compétence, a invité la société à lui indiquer si une demande de permis serait également déposée pour son 3ème actionnaire, ce qu’elle entendait par banquiers-non-employés, si ses fonds sous gestion étaient ou seraient déposés en Suisse et quelles étaient les autorisations nécessaires de la FINMA, avec quel calendrier. Il l’invitait enfin à se déterminer sur la délivrance d’un permis L, ce qui était souvent le cas pour les nouvelles implantations.

4.             Le 7 janvier 2022, la société a notamment répondu à l’OCIRT, sous la plume de son mandataire, qu’elle n’entendait pas déposer de demande de permis pour le 3ème actionnaire, que les banquiers non-employés concluraient un contrat d’apport d’affaires avec elle et seraient rémunérés sur la base de commissions, qu’il était prévu que les fonds sous gestion soient déposés majoritairement auprès de banques en Suisse. En ce qui concernait le volume d'AuM d'USD 140 millions prévu à la fin de 2022 selon le business plan, environ 70 % correspondaient à des actifs déjà déposés auprès de banques à Genève. À cet égard, Mme B______ et M. C______ avaient déjà des demandes pour gérer les comptes de clients ayant des portefeuilles déposés à Genève. L’autorisation requise par la FINMA était une licence de gestionnaire de fortune conformément à l’art. 17 de la loi fédérale sur les établissements financiers du 15 juin 2018 (LEFin – RS 954.1) ; l’objectif était d’obtenir une décision finale de cet organisme d’ici le 30 juin 2022 au plus tard. Enfin, l’option d’un « permis L » était envisageable quand bien même elle souhaitait obtenir en priorité un permis B pour Mme B______ et M. C______.

5.             Par deux décisions du 13 janvier 2022, l’OCIRT a délivré à Mme B______ et M. C______ une autorisation de séjour et de travail de courte durée (permis L) valable 364 jours, prolongeable une fois.

Ces autorisations devaient leur permettre de concrétiser les objectifs annoncés dans la demande d'autorisation déposée en leur faveur ainsi que dans le plan d'affaires d'octobre 2021 de la société. A l'échéance des 24 mois, les éventuelles demandes de permis B seraient examinées à la lumière de la réalisation des objectifs, du développement de la société et du recrutement sur le marché local en collaboration avec l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE).

6.             Le 24 août 2022, Mme B______ et M. C______ se sont installés à Genève. Leurs autorisations de séjour et de travail de courte durée (permis L), renouvelées une fois, sont échues depuis le 23 août 2024.

7.             Le 29 novembre 2022, la société s’est vu délivrer par la FINMA l’autorisation d'exercer une activité de gestionnaire de fortune. Suite à cette autorisation, entrée en force le 2 février 2023, elle figure sur la liste des gestionnaires de fortune et trustees autorisés par cet organisme et contrôlés par une organisation de surveillance.

8.             Le 7 février 2023, la société a demandé une modification de ses statuts auprès du registre du commerce afin d'y refléter l'autorisation de la FINMA.

9.             Le 4 juillet 2024, la société a adressé à l’OCPM deux demandes d'autorisation de séjour et de travail (permis B) en faveur de Mme B______ et M. C______.

10.         Par courrier du 18 juillet 2024, l'OCIRT, à qui ces demandes avaient été transmises pour raison de compétence, a invité la société à lui faire parvenir un bref rapport retraçant son évolution au cours des deux dernières années, notamment en ce qui concernait la concrétisation des projets annoncés dans sa demande du 6 décembre 2021 et dans le plan d'affaires d'octobre 2021, les comptes annuels audités, le nombre d'emplois créés ayant permis un recrutement sur le marché local, ainsi que l'effectif complet de son personnel.

11.         Dans le délai prolongé au 22 août 2024, la société a transmis à l’OCIRT les pièces et informations complémentaires demandées, exposant ses activités depuis son établissement en Suisse. En substance, elle comptait désormais un troisième administrateur, soit Monsieur F______, avocat spécialisé en matière de réglementation bancaire et financière, d'opérations de financement et de placements collectifs de capitaux, un site internet et été inscrite au registre du commerce genevois depuis le 7 février 2022.

Elle n’avait pas pu déployer son activité de gestion de fortune durant l'année 2022, l’autorisation de la FINMA ne lui ayant été délivrée qu’en novembre 2022, avec une entrée en vigueur le 2 février 2023. En 2022, elle avait ainsi dû supporter ses charges sans bénéficier d'aucun revenu. Mme B______ et M. C______ avaient néanmoins immédiatement initié les démarches utiles pour trouver des banques dépositaires en Suisse et à Genève et plusieurs contrats avaient pu être signés. Cela lui avait permis de conclure, dès février 2023, un nombre important de mandats de gestion sur les comptes bancaires détenus au sein de ces banques dépositaires, pour 78 clients, représentant une masse sous gestion totale de CHF 104 millions.

Parallèlement, elle s'était activement mise à la recherche de banquiers seniors, sans toutefois trouver de candidats détenant les connaissances et l'expérience requises. Elle entendait poursuivre ses efforts avec des agences de recrutement et l’OCE. Elle avait par ailleurs mandaté la société G______ SA pour les tâches de compliance et gestion des risques et le cabinet H______ à Genève pour les travaux de comptabilité. Ces mandats représentaient un coût annuel de plusieurs dizaines de milliers de francs suisses d'honoraires. En parallèle et dans l'attente d'engager des banquiers confirmés, elle avait également formalisé une relation contractuelle avec deux apporteurs d'affaires (non domiciliés en Suisse).

S'agissant de la poursuite de son développement, elle entendait étendre prochainement son réseau de partenaires bancaires et avait constitué en juin 2024 un certificat activement géré (Actively Managed Certificate - AMC) en collaboration avec la banque I______, I______ SA. Le montant d'actifs gérés à travers cet AMC s'élevait actuellement à USD 5 millions. Par ailleurs, elle collaborait avec plusieurs sociétés genevoises actives dans la gestion d’actifs et la promotion d'instruments financiers pour répondre au plus près aux exigences de ses clients.

Quant aux projections financières initiales, elles devaient se lire avec un décalage chronologique d'une année, étant rappelé qu’alors qu’il était prévu que son activité débute en 2022, cela n’avait eu lieu qu'au début de l'année 2023. Il en ressortait, en tenant compte de ce décalage, que ses revenus (avant paiement des impôts) avaient été positifs (CHF 71'255,43) dès sa première année d'activité (i.e. à l'issue de l'année 2023). Dans tous les cas, il devait être tenu compte que le domaine de la gestion de fortune était un milieu extrêmement volatile et incertain. En 2023, les opérations financières avaient ainsi, notamment, beaucoup souffert du rachat de J______ par K______ et de la faillite de plusieurs banques américaines. Dans un tel climat, elle avait préféré revoir ses projections financières à la baisse mais elle s’attendait à ce que ses revenus (avant paiement des impôts) s'élèvent à USD 259’776 à la fin de l'année 2025, USD 736’058 à la fin de l'année 2026 et USD 1'163’387 à la fin de l'année 2027.

En terme d'actifs sous gestion, comme initialement envisagé, elle avait obtenu le mandat de gérer la fortune des clients identifiés par Mme B______ et M. C______ dès février 2023 pour une valeur légèrement inférieure à USD 140 millions. Ce montant, dont la croissance avait été ralentie par la déstabilisation des marchés en 2023, devrait augmenter au fil des années. Cela étant, elle faisait mieux que la moyenne des gérants établis depuis plusieurs années en Suisse, étant précisé que la totalité de ses actifs sous gestion était déposée en Suisse, et plus particulièrement à Genève.

Son évolution ces deux dernières années reposait majoritairement sur les connaissances, l'expertise et le carnet d’adresse de Mme B______ et M. C______. Leur présence à Genève constituait une condition au maintien de l'autorisation délivrée par la FINMA. Partant, s’ils devaient quitter Genève, elle devrait cesser son activité.

Plusieurs pièces étaient jointes au courrier, dont son plan d'affaires 2024 avec les budgets 2025-2027.

12.         Le 12 septembre 2024, l’OCIRT a invité la société à lui adresser ses comptes du premier semestre de l'année 2024 ainsi qu'une confirmation de son effectif actuel. Il rappelait les chiffres 2023, à savoir CHF 104 millions de fonds sous gestion, CHF 392'000 de revenus et CHF 71'000.- de bénéfice.

13.         Le 16 septembre 2024, la société lui a adressé les états financiers pour le premier trimestre 2024.

Les revenus à fin mars 2024 étaient de CHF 89'403,59. Il était attendu que les revenus à la fin de l’année 2024 soient d’environ CHF 450'000.-. Les fonds sous gestion devraient atteindre environ CHF 115 millions à la fin de 2024, soit un montant légèrement inférieur au budget de CHF 140 millions pour cette année-là, ce qui était principalement dû aux délais d'ouverture des relations auprès des banques dépositaires suisses. Le bénéfice à fin mars 2024 était de CHF 21'610.10 et devrait être de CHF 80'000.- au minimum d’ici fin 2024. L'effectif était enfin de deux personnes, soit Mme B______ et M. C______ mais elle espérait pouvoir finaliser l'engagement de banquiers prochainement.

14.         Par deux décisions du 18 septembre 2024, l'OCIRT a refusé de délivrer les autorisations requises en faveur de Mme B______ et M. C______, retenant que les conditions de l’art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’étaient pas remplies, la demande ne présentant pas un intérêt économique suffisant.

Les objectifs annoncés dans le plan d’affaires d'octobre 2021 n’avaient pas été remplis, même en tenant compte d'un décalage de 12 mois, que ce soit en terme de fonds sous gestion, de revenus, de bénéfices ou de recrutement. De plus, les nouveaux objectifs 2025-2027 étaient considérablement inférieurs à ceux annoncés initialement (2025-2026). Compte tenu des résultats atteints à ce jour, il n'était pas démontré que les nouveaux objectifs puissent même être atteints.

15.         Le 21 octobre 2024, la société a invité l’OCIRT à reconsidérer sa décision.

16.         Par deux actes du 21 octobre 2024 au contenu identique, la société, sous la plume d’un avocat, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre les décisions précitées, concluant principalement à leur annulation et ce qu’une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante soit octroyée à Mme B______ et M. C______, soit subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCIRT pour nouvelles décisions, le tout sous suite de frais et dépens.

Préalablement, elle a requis la jonction des causes concernant l’une
Mme B______ et l’autre M. C______ et, sur mesures provisionnelles, à ce que ces derniers soient autorisés à exercer une activité lucrative durant la présente procédure, ainsi qu’à leur audition. L’octroi de mesures provisionnelles était indispensable pour sauvegarder ses intérêts économiques, ce d’autant plus que Mme B______ et M. C______ ne pourraient retourner au Liban, en raison de la situation dans ce pays. En particulier, la FINMA avait accepté de lui délivrer une autorisation d'exercer une activité de gestionnaire de fortune en considération du profil, de l'expérience et des compétences professionnelles poussées de
Mme B______ et M. C______. Dans ce contexte, leur activité à Genève était une condition sine qua non au maintien de cette autorisation. Les précités devaient dès lors pouvoir séjourner en Suisse, sauf à la contraindre de cesser son activité. Elle rappelait au surplus leur rôle fondamental pour son activité. En outre, à défaut d'autorisation de travailler, il n'est pas exclu qu’ils risquent de devoir faire appel à l'aide sociale, privés de leurs moyens de subsistance, ce qui ne serait pas dans l'intérêt de la collectivité. A cela s’ajoutait que, ressortissants libanais, ils risqueraient leur vie en cas de retour dans leur pays, au vu de la situation de guerre sur place. Dans la mesure où leur renvoi était impossible et à supposer que la présente procédure n'aboutisse pas, l’OCPM devrait proposer leur admission provisoire, ce qui leur permettrait de travailler. Il convenait dès lors de ne pas interrompre leur droit à exercer une activité lucrative durant la présente procédure. La situation était particulièrement urgente, dans la mesure où leur refuser d'exercer une activité lucrative impliquerait la cessation immédiate de ses activités. Elle ne pourrait alors pas reprendre son activité avant plusieurs mois, même en cas d'issue favorable de la présente procédure, notamment en raison des conditions posées à son autorisation d'activités délivrée par la FINMA. Ainsi, un refus sur ce point porterait atteinte à sa liberté économique et lui causerait un préjudice irréparable.

Au fond, l’OCIRT avait procédé à une constatation inexacte des faits en retenant que les objectifs annoncés dans le plan d'affaires d'octobre 2021 n'étaient pas remplis et qu’il n’était pas démontré que les nouveaux objectifs 2025-2027, considérablement inférieurs à ceux annoncés initialement (2025-2026), puissent même être atteints.

En l'occurrence, les objectifs annoncés devaient être décalés de 18 et non de 12 mois, pour tenir compte du fait que Mme B______ et M. C______ avaient pu prendre domicile à Genève que le 24 août 2022 (alors que le plan des affaires supposait une activité à plein temps dès janvier 2022). Par ailleurs, l'autorisation de la FINMA pour son activité de gestionnaire de fortune n'avait pu entrer en force que le 2 février 2023. Il en découlait que les objectifs du plan d'affaires d'octobre 2021 avaient en réalité été atteints. Ainsi, à l'issue de la première demi-année d'activités, elle totalisait, en termes d'actifs sous gestion, un montant de CHF 104 millions, ce qui était bien supérieur au montant d'USD 70 millions initialement prévu, et ses revenus avaient atteint CHF 392’711.30, soit environ USD 450'000.-, correspondant à 90 % de l’objectif annoncé en 2021. S'agissant du profit net donné en 2021, il était négatif d'USD 122'027.50 pour la première demi-année d'activité. Or, elle avait finalement réalisé un profit net de CHF 71'255.43, ce qui était excellent, ce d'autant qu’elle avait dû supporter des charges de CHF 262’000.- tout au long de l'année 2022 et au début de l'année 2023. Enfin, alors qu’elle avait initialement prévu d'engager quelques nouveaux employés durant ses premières années d'activité, elle avait été confrontée à des difficultés liées à la spécificité des candidats recherchés. Elle continuait toutefois de rechercher activement des banquiers, comme en témoignait la publication du poste de Senior Private Banker sur sa page Linkedin ainsi que sur job-room avec l'aide de l'OCE le 14 octobre 2024.

S'agissant des nouveaux objectifs, il convenait de souligner le contexte actuel dans lequel elle évoluait (rachat de J______ par K______, faillite de plusieurs banques américaines), lequel avait entraîné une déstabilisation globale des marchés. Il fallait également tenir compte des marchés libanais dévastés depuis les discussions relatives à la suspension de l'autorité de surveillance libanaise du secteur financier et du conflit avec Israël. Dans une telle situation, retenir que les objectifs étaient considérablement inférieurs à ceux annoncés initialement était inexact en ce sens qu’ils s'inscrivaient dans un nouveau contexte particulièrement tendu et imprévisible et étaient réalistes quant à sa capacité à les réaliser. En outre elle continuait d’envisager un important profit, ce que les résultats des trois premiers mois de 2024 confirmaient. Elle détenait actuellement CHF 104 millions d’actifs sous gestion et s'attendait à en détenir CHF 115 millions
(USD 133 millions) d'ici la fin de l'année 2024. Les trois premiers mois d'activité en 2024 lui avaient par ailleurs ramené un revenu total de CHF 89’403.59, soit environ USD 100'000.-, et elle prévoyait de réaliser un revenu de l'ordre de CHF 450’000.- pour l'année 2024 entière, soit environ USD 520’000.-. Enfin, le profit net réalisé durant le seul premier trimestre 2024 était de CHF 21’610.10, ce qui laissait envisager de bons résultats d'ici la fin de cette année. A cela s'ajoutait qu’elle était en discussion avec la société L______ SA dans le but d’une collaboration, ce qui permettrait d’améliorer encore ses perspectives comptables. Les projections pour les années 2025 et 2026 étaient ainsi notablement plus favorables et se rapprochaient des chiffres articulés en 2021.

La condition de l'intérêt économique était partant remplie. Il devait en particulier être souligné qu’elle ne comptait aucune perte et disposait d’une solide santé financière, enregistrant un bénéfice bien supérieur à CHF 16'000.-. A cela s’ajoutait qu’elle comptait une clientèle internationale aisée dont elle ramenait les avoirs à Genève. En outre, ses fonds propres comprenant un capital-actions de CHF 1 million et un prêt postposé d'USD 1 million avaient été rapatriés de banques étrangères pour être directement investis au sein de banques suisses. De plus, elle avait développé des activités en sus de celles projetées dans son plan d'affaires de 2021, ainsi la constitution d’un AMC en collaboration avec la banque I______, I______ SA, qui devrait lui permettre de percevoir à relativement court terme des commissions importantes allant jusqu'à USD 180'000.- à la fin de l'année 2025. Partant, en niant son intérêt économique, l’OCIRT avait violé l'art. 18 LEI. Elle renvoyait notamment aux ATA/896/2018 du 4 septembre 2018, ATA/269/2021 du 2 mars 2021 et JTAPI/452/2023 du 27 avril 2023.

L’OCIRT avait enfin abusé de son pouvoir d'appréciation et violé le principe de proportionnalité, en ne tenant compte ni du fait que sa survie dépendait de l'octroi de l'autorisation de travail sollicitée ni des intérêts privés de Mme B______ et M. C______. L'intérêt des autorités compétentes à user du contingent octroyé par la Confédération à bon escient devait ainsi céder le pas.

Elle a joint un chargé de pièces à l’appui de chaque recours.

Le recours à l’encontre de la décision concernant Mme B______ a été ouvert sous le numéro de cause A/3562/2024, celui à l’encontre de la décision concernant M. C______, sous le n° de cause A/3659/2024.

17.         Par courrier du 5 novembre 2024, le tribunal a invité la recourante à s’adresser à l’OCPM aux fins de requérir une autorisation provisoire en faveur de
Mme B______ et M. C______.

18.         Par courrier du 11 novembre 2024, la société a fait valoir que l’art. 14 al. 2 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 9 mars 2009
(RaLEtr - F 2 10.01) ne permettait pas à l’OCPM de délivrer une autorisation provisoire en faveur d’un ressortissant étranger faisant l’objet de la décision contre laquelle le recours était interjeté. Elle persistait dès lors dans sa conclusion préalable tendant à ce qu’il plaise au tribunal d’autoriser Mme B______ et M. C______ à exercer une activité lucrative durant la présente procédure.

19.         Dans ses observations sur mesures provisionnelles et demande de jonction des 18 novembre et 25 novembre 2024, dans les deux causes précités, l’OCIRT a, en substance, indiqué ne pas s’opposer à la jonction.

Il s’opposait en revanche à l’octroi de mesures provisionnelles. En l’espèce, Mme B______ et M. C______ ne disposaient d'aucun droit à l'obtention des autorisations sollicitées en leur faveur et une décision cantonale préalable concernant le marché du travail était donc nécessaire pour les admettre en vue de l'exercice d'une activité lucrative. Leur permettre de travailler avant qu'il soit statué sur le recours reviendrait dès lors, d’une part, à leur accorder un droit et un statut auquel ils ne pouvaient prétendre, et, d'autre part, à mettre les autorités devant le fait accompli, ce qui ne devait pas être encouragé.

Par ailleurs, les mesures provisionnelles n’étaient légitimes que si elles s'avéraient indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis. A cet égard, la recourante soutenait que la présence de
Mme B______ et M. C______ était indispensable à l’exercice de son activité. Or, le recrutement d’employés, notamment de banquiers, était précisément l’un des objectifs annoncés dans le business plan initial, qu’il lui appartenait de concrétiser à l'échéance des 24 mois. Elle ne l’avait pas fait et les conséquence en découlant lui étaient connues. De plus, admettre l'octroi d'une telle autorisation reviendrait à mettre Mme B______ et M. C______ au bénéfice d'un permis B et non pas à uniquement prolonger leurs autorisations respectives. Elle obtiendrait dès lors par le biais de cette mesure provisionnelle ce qui lui avait été refusé et qui constituait l'objet du litige.

Le risque allégué de recours à l’aide sociale de Mme B______ et M. C______ apparaissait peu probable, étant au demeurant relevé que l'aide sociale n'était en principe pas accordée aux personnes sans titre de séjour durable. Concernant enfin leur éventuel renvoi ou admission provisoire, il appartenait aux précités de se renseigner directement auprès de l’OCPM.

Il joignait les deux décisions du 14 novembre 2024 rendues sur demande de reconsidération de ses décisions du 18 septembre 2024.

20.         Par écritures du 9 décembre 2024, la société s’est déterminée, dans les deux causes, sur les courriers de l’OCIRT des 18 et 25 novembre 2024, reprenant pour l’essentiel les arguments déjà invoqués.

Elle a persisté dans sa demande de jonction et dans sa conclusion tendant à autoriser Mme B______ et M. C______ à exercer une activité lucrative durant la présente procédure. En substance, l'absence de droit à l'exercice d'une activité lucrative n’était pas de nature à empêcher le prononcé des mesures provisionnelles requises et le dommage qui résulterait de l'absence de leur prononcé ne pouvait lui être imputé, en particulier pour lui refuser lesdites mesures. En tout état, l’OCIRT ne niait pas le dommage qui résulterait d’un tel refus, étant rappelé que si Mme B______ et M. C______ n’étaient pas autorisés à travailler elle n’aurait d’autre choix que de cesser son activité. Le dommage causé serait alors irréparable. Enfin, le prononcé des mesures provisionnelles requises, par nature temporaire, ne revenait pas à les mettre au bénéfice d'un permis B et le risque, qu’à défaut, ils doivent dépendre de l’aide publique ne pouvait être totalement exclu au vu de leurs importantes dépenses privées.

21.         Par décision du 11 décembre 2024 (DITAI/618/2024), le tribunal a joint les causes A/3562/2024 et A/3659/2024 sous le n° de cause A/3562/2024 et rejeté la demande de mesures provisionnelles aux recours formée par A______ SA.

22.         Dans ses observations du 7 janvier 2025, l’OCRIT a conclu au rejet du recours et à la confirmation de ses décisions sous suite de frais et dépens. Préalablement, il devait être ordonné à la recourante de produire la demande qu’elle avait initialement adressée à la FINMA ainsi que la décision du 29 novembre 2022 de cette dernière. Il a transmis son dossier.

Sous l’angle du principe de la proportionnalité et s’agissant de la pesée des intérêts en présence, s’il avait certes décelé un intérêt économique dans la demande déposée au vu des éléments mis en avant, il avait été extrêmement claire sur les conditions permettant d'obtenir un permis de séjour après 24 mois. Or, les objectifs planifiés n'avaient pas été atteints, loin de là et cela que ce soit en termes de fonds de gestion ou/et de revenus et bénéfices ainsi que de recrutement. Partant, l'intérêt du canton dans l'octroi des permis était insuffisant pour justifier l'octroi d'une autorisation contingentée compte tenu de l'exiguïté du contingent cantonal. Pour le surplus, l’examen de la situation personnelle particulière des intéressés, liée à la situation au Liban, ne relevait pas de ses compétences. Il n’y avait par conséquent pas eu de violation du principe de proportionnalité.

S’agissant plus particulièrement des objectifs planifiés à atteindre en vue d'obtenir un permis de séjour après 24 mois, il rappelait que c’était sur la base d'un business plan (daté d'octobre 2021) intéressant qu’il avait octroyé l'autorisation de séjour conditionnelle. La société prévoyait alors le développement dans la gestion de fortune, les investissements immobiliers et le « D______ » ; elle devait également fournir des services de « E______ » à des clients privés et institutionnels (p. 1 courrier du 6 décembre 2021 de M______), générant des bénéfices importants et l'engagement de 4 collaborateurs en plus de Mme B______ et M. C______ (masse salariale prévue d’USD 1'173’392 en 2023). Le business plan escomptait des fonds sous gestion s'élevant à USD 140 millions la première année, USD 294'340’800 la deuxième, et USD 398'092’402 après trois ans, avec des revenus bruts estimés à USD 1'015’000, USD 2'133’971 et USD 3'186’170 respectivement.

Or, la réalité ne reflétait pas l'évolution espérée.

S’agissant tout d’abord des recrutements, force était de constater que les objectifs n’étaient pas atteints et que l'effort fourni n’était pas suffisant. En effet, alors que les objectifs de recrutement fixés dans le business plan d’octobre 2021 indiquaient pour 2024, un effectif total de 6 personnes, soit un Compliance and Risk Officer (100 %) ou une entreprise externe mandatée le temps de trouver une personne adaptée pour le poste, un assistant (100 %) ainsi que deux banquiers (200 %), en sus de Mme B______ et de M. C______ (cf. business plan d'octobre 2021 d'A______, ppt7-8), par courriel du 16 septembre 2024, la recourante avait confirmé que l'effectif actuel était de 2 personnes, soit Mme B______ et M. C______. Si certes des « profils de qualité, à forte valeur ajoutée » étaient recherchés, cela aurait dû la conduire à effectuer des démarches poussées pour tenter de trouver un candidat durant ces deux ans, ce qu’elle n’avait pas démontré avoir fait. Elle avait de plus externalisé les services liés à la comptabilité, compliance et gestion des risques, alors même qu'il était attendu qu’elle engage du personnel sur le marché local. Quant aux démarches effectuées le 14 octobre 2024 (annonce de la vacance d'un poste de Senior Private Banker à l'OCE et mise en ligne de l’annonce sur N______ et sa page Linkedin), elles étaient tardives, ces démarches devant avoir lieu durant les 2 ans d'octroi du permis L. Pour ces mêmes motifs, rien ne justifiait l’attente supplémentaire quant au développement de la collaboration avec L______ SA afin d'augmenter ses revenus ainsi que son attractivité dans le cadre des recrutements.

Concernant les fonds sous gestion, la recourante avait transmis en août 2024 des nouveaux objectifs. Elle prévoyait cette fois-ci des fonds sous-gestion s'élevant à CHF 115 millions fin 2024, USD 150 millions en 2025 et USD 210 millions en 2026. Les revenus bruts étaient estimés à CHF 450'000, USD 1'187’500 et USD 1'787’558 respectivement, cela alors que pour l'année 2023 les fonds sous gestion s'élevaient à CHF 104 millions (différence de CHF 150'604’792 millions avec le business plan 2021), et le revenu brut était de CHF 392’711.30 (différence de CHF 1'741’259.70). À cela s'ajoutaient également les fonds gérés par l'AMC dont les actifs s'élevaient à USD 5 millions en 2024, puis selon les prévisions à plus de USD 10 millions en 2025 avec des revenus de plus de USD 35’000 en 2024, puis en 2025 à USD 180’000. La société envisageait aussi une collaboration avec la société genevoise M______ Sarl, collaboration qui permettrait une augmentation rapide de sa clientèle et par conséquent, de ses actifs sous gestion et revenus. Or, aucun délai n'avait été indiqué et aucune promesse contractuelle n'était produite au dossier. S'agissant de la temporalité liée à l'atteinte des objectifs, la marge de 18 mois requise pour la lecture des projections financières ne saurait être suivie. En effet, l'autorisation de la FINMA, attendue au 30 juin 2022 au plus tard, avait été rendue le 29 novembre 2022, avec une entrée en force le 2 février 2023. Sachant que la date d'entrée enregistrée pour les intéressés et donc le point de départ de la validité du permis était le 24 août 2022, seul un décalage de 6-11 mois pouvait être retenu, si tant était que la demande adressée à la FINMA l’avait bien été dans le délai annoncé. A cet égard, il devait être ordonné à la recourante de verser à la procédure une copie de sa demande initialement adressée à la FINMA et la décision de cette dernière du 29 novembre 2022. Cela étant, même en prenant en compte une marge de 12 mois une différence si importante ne pouvait se justifier (montants plus de la moitié en deçà de ce qui était initialement projeté par des experts du milieu) et l'augmentation, non justifiée, des montants lors de l’introduction de la demande en reconsidération ne pouvait pas être admise. Il relevait au surplus que, invitée à clarifier le montant de USD 140 millions (prévision des fonds sous gestion pour la première année) par courriel du 4 janvier 2022, son ancien mandataire avait répondu qu'il était « prévu que les fonds sous gestion soient déposés majoritairement auprès de banques en Suisse. En ce qui concerne le volume d'AuM d’USD 140'000’000 prévu à la fin de 2022 selon le business plan, environ 70 % correspond à des actifs qui sont déjà déposés auprès de banques à Genève. Sur la base des contacts des fondateurs en Europe et dans les pays du CCG, les intéressés ont d'ores et déjà des demandes pour gérer les comptes de clients ayant des portefeuilles déposés à Genève, comme indiqué dans le business plan ». Les explications deux ans plus tard de son nouveau conseil tendant à dire que la société avait identifié des clients qui détenaient des avoirs sur des comptes genevois et qu'elle allait contribuer à les accroître jusqu'à un montant de 65 % d'USD 140 millions ne pouvaient être suivies. La recourante avait changé son explication et passait de 70 à 65 % d'accroissement des avoirs. De plus, même lorsqu'elle avait introduit la demande de permis B par courrier du 4 juillet 2024, elle expliquait qu'autour de USD 70 millions étaient déjà liés à des clients à Genève. Il ne pouvait donc pas se baser sur le montant de CHF 93.6 millions (soit 90 % de 104 millions) que la recourante aurait amené auprès de banques genevoises, montant qui ne ressortait d’ailleurs d'aucun document, et aucune indication sur la date à laquelle ce chiffre avait été atteint n'avait été donnée. Par ailleurs, la recourante faisait preuve d'un manque de clarté lorsqu'elle indiquait que les actifs sous gestion s'élevaient à USD 294.340 millions en 2024, USD 398.092 millions pour 2025, USD 503.729 millions pour 2026 et finalement USD 607.114 millions en 2027 puis affirmait qu'en terme d'actifs sous gestion, elle envisageait CHF 115 millions (approximativement USD 133 millions) en 2024, USD 150 millions à l'issue de l'année 2025, USD 260 millions en 2026 et finalement USD 270 millions en fin d'année 2027. Ce n'était donc que si la société étendait sa collaboration avec L______ SA que les montants indiqués augmenteraient légèrement. Or, elle ne produisait aucun élément pouvant rendre crédible une telle possibilité ; au contraire, elle continuait de modifier les objectifs à atteindre et de changer la temporalité de leur lecture. Elle indiquait enfin avoir souffert de la déstabilisation globale des marchés durant la période 2023 alors même que, selon l'Association suisse des banquiers (baromètre bancaire 2024), les actifs sous gestion en Suisse ainsi que les actifs sous gestion transfrontalière pour le compte de client.e.s privé.e.s avaient eu une augmentation entre 2022 et 2023 de 6,9 % respectivement 4,8 %. En conclusion, les objectifs financiers n'avaient pas été atteints, et cela même en prenant en considération un décalage de 12 mois.

La recourante avait pris le risque de faire dépendre la pérennité de son activité de la présence de Mme B______ et M. C______ en Suisse alors que leur statut administratif était précaire, tout en sachant que si, à l’échéance de 24 mois impartis, les objectifs annoncés dans son plan d'affaire ne s'étaient pas concrétisés, les intéressés n'auraient pas pu se voir octroyer un permis B.

Les jurisprudences citées par la recourante ne lui étaient enfin d’aucun secours. Concernant l’ATA/896/2018 du 4 septembre 2018, il ne s’agissant pas des mêmes activités économiques et le SEM avait, au final, refusé l'autorisation de séjour sollicitée. S'agissant de l'arrêt ATA/269/2021 du 2 mars 2021, la partie recourante s'était vu octroyer un permis B conditionnel. Finalement, le JTAPI/452/2023 du 27 avril 2023, ne concernait pas l'implantation d'une nouvelle société mais une demande de permis B pour un employé de celle-ci.

23.         Le 4 mars 2025, dans le délai prolongé pour sa réplique, la recourante a persisté intégralement dans les conclusions de ses recours et corrigé les inexactitudes de l’OCIRT en lien avec le nombre de ses actionnaires (5), les fonds déjà déposés à Genève, le décalage du début de son activité, l’augmentation de son capital, l’atteinte de ses objectifs et ses nouveaux objectifs.

Concernant son intérêt économique, elle a rappelé que ses résultats devaient être analysés dans le contexte extrêmement compliqué des marchés concernés. Elle renvoyait notamment au rapport de l'Association suisse des banquiers de 2024.

La procédure devant la FINMA, dont elle rappelait les étapes, en vue de la délivrance d'une autorisation d'exercer une activité de gestionnaire de fortune avait pris un certain temps qui ne saurait lui être imputable.

Conformément à la 2ème étape du processus, elle avait soumis un formulaire de demande puis, au cours de la troisième étape, un entretien s'était tenu entre Madame B______ et l'organisme de surveillance concerné, en l'occurrence SO-FIT, qui avait confirmé à la FINMA qu’elle remplissait l'ensemble des conditions nécessaires à la délivrance de l'autorisation correspondante et, sur cette base, cette dernière avait émis une décision favorable en sa faveur le 29 novembre 2022, conditionnée à la remise de plusieurs documents dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette décision, ce qu’elle avait fait. L’autorisation de la FINMA était entrée en force le 2 février 2023.

Les reproches de l’OCIRT en lien avec le recrutement étaient infondées. Dans un premier temps, elle avait dû se concentrer sur l'établissement de son activité, afin d'assurer les revenus nécessaires à l'engagement d'employés et en particulier de Senior Private Bankers. Ces démarches de recrutement étaient complexes au vu de la nature de son activité et une diffusion de recherche à large échelle ou par des organismes spécialisés sans effet autre que d’augmenter le nombre de potentielles candidatures sans pour autant en accroître la qualité. En tout état, elle avait récemment procédé à l'engagement d'un directeur. La conclusion des contrats de délégation, notamment à G______ SA, était enfin exigée par la FINMA. Il en découlait qu’elle avait fourni tous les efforts raisonnablement exigibles de sa part pour procéder à des engagements sur le marché local.

Plusieurs jurisprudences devaient être prise en compte lors de l’examen de sa situation, laquelle était, notamment similaire à celle appréhendée dans l’ATA/894/2028 du 4 septembre 2018. Il importait pour le surplus peu que, dans ce cadre, le SEM ait ensuite rendu une décision négative, confirmée par arrêt du Tribunal administratif fédéral F/968/2019 du 16 août 2021. En effet, depuis cet arrêt, le TAF avait clairement établi que le SEM n’avait plus le pouvoir de refuser son approbation à l'octroi d'une autorisation de séjour admis par une autorité judiciaire de dernière instance cantonale mais devait saisir le Tribunal fédéral. Il n’y avait pas lieu d’écarter l’ATA/269/2021 du 2 mars 2021 la concernant, étant relevé que dans cet arrêt, la partie recourante, également gestionnaire de fortune, s'était vue renouveler son permis à cinq reprises, et ce alors que sa situation était bien moins bonne que celle d'A______. Enfin, le JTAPI/452/2023 du 27 avril 2023 s’appliquait pleinement à sa situation, la condition de l'intérêt économique s'appliquant de la même manière qu'il s’agisse de l'implantation d’une nouvelle société ou d’une demande de permis B déposée en faveur d'un employé d'une société établie de longue date dans le canton de Genève.

L'OCIRT avait enfin violé le principe de proportionnalité et, dès lors, abusé de son pouvoir d'appréciation en lui refusant les autorisations requises au motif qu’il devait composer avec un nombre très restreint d'autorisations de séjour avec activité lucrative (permis B) accordées au canton de Genève chaque année (91 en 2024) dès lors que la Confédération disposait elle-même d'un nombre d'autorisations annuelles (3250 en 2024) qui servait au rééquilibrage des besoins de l’économie et du marché du travail des cantons et que le SEM pouvait répartir entre les cantons. A cela s'ajoutait que l'implantation d'entreprises était précisément un cas reconnu dans lequel la Confédération pouvait libérer des unités supplémentaires de son propre contingent.

Au vu des échanges d'écritures ultérieurs au dépôt du recours, elle sollicitait une indemnité forfaitaire supplémentaire de CHF 2000.-.

Elle a joint un chargé de pièces complémentaires, dont un document de l’Association suisse des banquiers intitulé « Baromètre bancaire 2024, L’évolution conjoncturelle des banques en Suisse, le formulaire de demande d’autorisation, non daté, adressé à la FINMA et la décision du 29 novembre 2022 de cette dernière, se référant à une requête du 28 juin 2022, complétée en dernier lieu le 22 novembre 2022.

24.         L’OCIRT a dupliqué en date du 27 mars 2025, maintenant intégralement les conclusions de ses observations du 7 janvier 2025.

Il avait tenu compte d'un décalage de 12 mois concernant le début de l'activité de la recourante. La non-augmentation du capital qui devait avoir lieu au courant de la première année d'activité, n'était qu'une démonstration de plus que ses prévisions ne s’étaient pas réalisées. Les tableaux prévisionnels attestaient que les objectifs annoncés n'avaient pas été atteints, ce que la recourante ne contestait d’ailleurs pas. Le fait que les résultats seraient « satisfaisants » était insuffisant.

Concernant les chiffres ressortant du rapport de 2024 de l'Association suisse des banquiers, il renvoyait notamment aux évolutions du marché financier pour l'année 2023 et soulignait que ce dernier indiquait qu'« en chiffres absolus, les actifs sous gestion de la clientèle étrangère ont augmenté de CHF 645,1 milliards (+ 20,5 %0) entre 2013 et 2023 » (p. 39, fin du premier paragraphe).

Le formulaire d'autorisation pour gestionnaire de fortune de la FINMA semblait avoir été transmis en avril 2022 (au plus tôt) alors que la demande devait être envoyée au plus tard le 31 mars 2022. De plus, le document produit ne correspondait pas au document auquel O______ faisait référence dans son courriel du 7 janvier 2022, ce qui semblait indiquer que la recourante avait pris du retard, retard qui pouvait lui être imputable.

Il saluait la rapidité à trouver un nouveau Directeur et aurait souhaité qu'il en aille de même concernant les recrutements locaux en collaboration avec l'office cantonal de l'emploi.

Enfin, en lien avec les jurisprudences citées par la recourante, il rappelait que chaque cas d'espèce était analysé de manière individualisée.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante conteste les décisions de refus du 18 septembre 2024 de l'OCIRT. En niant que son activité répondait au critère de l'intérêt économique du pays, il avait violé l’art. 18 LEI. Il avait enfin abusé de son pouvoir d'appréciation et violé le principe de proportionnalité, en ne tenant compte ni du fait que sa survie dépendait de l'octroi des autorisations de travail sollicitées ni des intérêts privés de Mme B______ et M. C______. Face à ces derniers, l'intérêt des autorités compétentes à user du contingent octroyé par la Confédération à bon escient devait céder le pas.

6.             Selon l'art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

7.             Lorsqu’un étranger ne possède pas de droit à l’exercice d’une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l’admettre en vue de l’exercice d’une activité lucrative (art. 40 al.2 LEI).

8.             Aux termes de l’art. 83 al. 1 let. a OASA, avant d'octroyer une première autorisation de séjour ou de courte durée en vue de l'exercice d'une activité lucrative, l'autorité cantonale du marché du travail décide si les conditions sont remplies pour exercer une activité lucrative salariée ou indépendante au sens des art. 18 à 25 LEI. Cette autorité décide également des prolongations (art. 83 al. 2 OASA)

9.             La procédure d’obtention d’autorisation est réglée à Genève aux art. 6 al. 1 à 7 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 9 mars 2009 (RaLEtr - F 2 10.01).

10.         À teneur de l'art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l'ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI).

Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

11.         En raison de sa formulation potestative, l'art. 18 LEI ne confère aucun droit à la recourante (arrêts du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b) et les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de son application (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 6.2 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b). De même, en tant qu'employeur, la société ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3 ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b).

12.         La notion d'« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, in FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1 ; et les références citées ; ATA/1363/2020 du 22 décembre 2020 consid. 8e ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5d). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes. L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (ATA/184/2022 du 22 février 2022 consid. 8e et les références citées ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 s. et les références citées).

13.         Selon les directives et commentaires du SEM (domaine des étrangers, état au 1er juin 2024 ; ci-après : directives LEI, ch. 4.3.1, qui ne lient pas le juge, mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable ; ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 ; ATA/896/2018 du 4 septembre 2018 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015), il convient de tenir compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné à s'intégrer. Il ne s'agit pas de maintenir une infrastructure avec une main-d’œuvre peu qualifiée disposée à travailler pour de bas salaires, ni de soutenir des intérêts particuliers. Par ailleurs, les étrangers nouvellement entrés dans le pays ne doivent pas faire concurrence aux travailleurs en Suisse en provoquant, par leur disposition à accepter de moins bonnes conditions de rémunération et de travail, un dumping salarial et social (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1 ; C-857/2013 du 19 mai 2014 consid. 8.3 ; C-3518/2011 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; C-2485/2011 du 11 avril 2013 consid. 6 ; C-6135/2008 du 11 août 2008 consid. 8.2 ; ATA/1280/2015 du 1er décembre 2015 consid. 12 ; ATA/940/2015 du 15 septembre 2015 consid. 7c).

14.         À teneur de l’art. 20 LEI, le Conseil fédéral peut limiter le nombre d'autorisations de courte durée initiales et celui des autorisations de séjour initiales (art. 32 et 33) octroyées en vue de l'exercice d'une activité lucrative. Il entend les cantons et les partenaires sociaux au préalable (al. 1) et peut fixer un nombre maximum d'autorisations pour la Confédération et pour chaque canton (al. 2). Le SEM peut également, dans les limites du contingent de la Confédération, octroyer lui-même des autorisations initiales de courte durée ou de séjour ou relever le contingent d'un canton. Il tient compte des besoins du canton et des intérêts économiques du pays (al. 3).

Cette disposition prévoit le principe du contingentement des autorisations de séjour délivrées en vue de l’exercice d’une activité lucrative pour les ressortissants des États dits tiers (cf. Message précité, in FF 2002, p. 3536), à savoir les pays qui ne sont pas soumis à l’ALCP ou à la Convention du 4 janvier 1960 instituant l’Association européenne de Libre-Echange (AELE - RS 0.632.31). L'art. 20 al. 1 OASA dispose que les cantons peuvent délivrer des autorisations pour des séjours en vue d'exercer une activité lucrative d'une durée supérieure à un an, dans les limites des nombres maximums fixés à l'annexe 2 ch. 1 let. a OASA (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 7.1). Le nombre maximum de telles autorisations pour le canton de Genève pour l’année 2024 était de 91, selon la teneur de l’annexe 2 de l’OASA. Ainsi, compte tenu du contingent restreint accordé aux cantons, les autorités du marché de l’emploi sont contraintes de se montrer restrictives dans l’appréciation des demandes dont elles sont saisies et ne peuvent retenir que celles qui traduisent un intérêt pour la collectivité.

15.         L’art. 33 al. 2 LEI prévoit que l’autorisation de séjour peut être assortie de conditions. Elle est délivrée pour une durée limitée mais peut être prolongée s’il n’existe aucun motif de révocation au sens de l’art. 62 LEI (art. 33 al. 3 LEI). Le fait de ne pas respecter les conditions fixées est un motif de révocation de la décision (art. 62 al. 1 let. d LEI). Ainsi, la prolongation d’une autorisation conditionnelle est dépendante de la réalisation des conditions fixées.

16.         Afin de permettre à l'autorité d'examiner les conditions financières et les exigences liées à l'exploitation de l'entreprise, les demandes doivent être motivées et accompagnées des documents conformément à la liste de vérification des annexes à fournir (directives LEI, ch. 4.8.12) et d'un plan d'exploitation. Celui-ci devra notamment fournir des indications sur les activités prévues, l'analyse de marché (business plan), le développement de l'effectif du personnel (plans quantitatif et qualitatif) et les possibilités de recrutement, ainsi que les investissements prévus, le chiffre d'affaires et le bénéfice escomptés. Les liens organisationnels avec d'autres entreprises sont également à indiquer. L'acte constitutif de l'entreprise et/ou extrait du registre du commerce sont à joindre (directives LEI, ch. 4.7.2.3).

17.         La procédure administrative est régie par le principe de la libre appréciation des preuves, en ce sens qu'elle n'obéit pas à des règles de preuve légales prescrivant à quelles conditions l'autorité devrait admettre que la preuve a abouti et quelle valeur probante elle devrait reconnaître aux différents moyens de preuve les uns par rapport aux autres (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2500/2012 du 3 mai 2013 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie ainsi que le juge forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités), aucun moyen de preuve ne s'imposant à lui (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 6B_58/2017 du 21 août 2017 consid. 2.1 ; 6B_564/2013 du 22 avril 2014 consid. 2.3).

18.         Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst., lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 et les références citées). Il n’y a pas d’arbitraire du seul fait qu’une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 et les références citées).

19.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 49 consid. 9.1 et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 ; ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/779/2018 du 24 juillet 2018 consid. 7).

20.         En l'espèce, l'analyse à laquelle a procédé l'OCIRT, qui dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation, n'apparaît pas fondée sur des éléments dépourvus de pertinence, négligeant des facteurs décisifs ou guidée par une appréciation insoutenable des circonstances, que ce soit dans son approche ou dans son résultat.

Les autorisations de courte durée délivrées en janvier 2022 à la recourante en faveur de Mme B______ et M. C______ l’ont été pour une durée de 364 jours, prolongeable une fois, et avaient pour but de leur permettre de concrétiser les objectifs annoncés dans les demandes d'autorisation déposées en leur faveur ainsi que dans son business plan d'octobre 2021. Il était précisé à la recourante qu’à l'échéance des 24 mois, les éventuelles demandes de permis B seraient examinées à la lumière de la réalisation de ces objectifs, de son développement et du recrutement sur le marché local en collaboration avec l'OCE.

Pour rappel, les objectifs annoncés dans le business plan 2021 portaient notamment sur la création de nouveaux postes à plein temps estimé à 400 % en 2022 et 600 % de 2023 à 2026 et l’atteinte d’un cap de 140 millions de dollars d’AuM d'ici fin 2022 et de CHF 285 millions, respectivement CHF 375 millions, d'ici fin 2023 et 2024, sous condition que Mme B______ et M. C______ soient autorisés à travailler à plein temps dans les bureaux de la société à Genève dès janvier 2022. Le produit brut des frais de gestion avant coûts directs prévu était de CHF 1'015'000.- pour 2022, CHF 2'133'971 pour 2023 et CHF 2'886'170 pour 2024. C’est sur la base de ce business plan, estimé intéressant, que l’OCIRT a octroyé les autorisations de séjour de courte durée précitées.

Or, à la lecture des pièces du dossier, dont la teneur est largement reproduite dans la partie en fait, force est de constater que la société n’a pas atteint les objectifs fixés par elle-même dans son business plan 2021, que ce soit en terme de fonds sous gestion, de revenus, de bénéfices ou de recrutement. De plus, ses nouveaux objectifs 2025-2027 sont considérablement inférieurs à ceux annoncés initialement (2025-2026). Elle n’a donc manifestement pas réalisé les conditions qui permettraient la délivrance des autorisations de séjour et de travail requises (permis B) en faveur de Mme B______ et M. C______.

La recourante ne conteste pas que les objectifs fixés dans les autorisations délivrées en janvier 2022 ne sont pas réalisés mais fait valoir des éléments qui, selon elle, justifieraient cette situation et qu’ils soient néanmoins considérés comme atteints. Elle invoque tout d’abord que Mme B______ et M. C______ n’ont pu prendre domicile à Genève que le 24 août 2022 (alors que le plan des affaires supposait une activité à plein temps dès janvier 2022) et que l'autorisation de la FINMA pour son activité de gestionnaire de fortune n'a pu entrer en force que le 2 février 2023, ce qui impliquait que les objectifs annoncés soient décalés de 18 mois, respectivement revus à la baisse. Il fallait également tenir compte du contexte actuel dans lequel elle évoluait (rachat de J______ par K______, faillite de plusieurs banques américaines, marchés libanais dévastés et conflit avec Israël), lequel avait impacté son activité et les marchés. Concernant le recrutement, elle avait été confrontée à des difficultés liées à la spécificité des candidats recherchés. Cela étant, elle continuait d’envisager un important profit, ce que les résultats des trois premiers mois de 2024 confirmaient, et des collaborations qui permettraient d’améliorer encore ses perspectives comptables. Les projections pour les années 2025 et 2026 étaient ainsi notablement plus favorables et se rapprochaient des chiffres articulés en 2021.

Elle ne saurait être suivie. Tout d’abord, le retard pris par la recourante pour déployer son activité et atteindre les objectifs annoncés a été dûment et suffisamment pris en considération par l’OCIRT, lequel a également examiné sa situation avec un décalage de douze mois. La prise en compte d’un décalage plus important ne saurait se justifier, sauf à vider de sens les conditions posées à la recourante dans les autorisations temporaires délivrées qui avaient précisément pour but de mesurer sa capacité à concrétiser, sur une période de 24 mois, les objectifs qu’elle annonçait dans le business plan (octobre 2021) joint à ses demandes d’autorisations.

En tout état, le tribunal doit constater que les objectifs de recrutement fixés dans ledit business plan, soit l'engagement de quatre collaborateurs en plus de Mme B______ et M. C______ (pour une masse salariale prévue d’USD 1'173’392 en 2023) ne sont pas atteints, ainsi que l’a au demeurant confirmé la recourante dans son courriel du 16 septembre 2024. A cet égard, alors qu’elle invoque des difficultés liées à la spécificité des candidats recherchés, elle ne démontre pas avoir entrepris, depuis 2022, des recherches poussées et de grande envergure, par exemple en faisant appel à des agences de recrutement et en publiant des annonces dans la presse ou sur des sites internet spécialisés. Les démarches effectuées le 14 octobre 2024 (annonce de la vacance d'un poste de Senior Private Banker à l'OCE et mise en ligne de l’annonce sur N______ et sa page Linkedin) sont tardives et le tout récent engagement d’un directeur insuffisant. La recourante a de plus durablement externalisé les services liés à la comptabilité, compliance et gestion des risques, alors même qu'il était attendu qu’elle engage du personnel sur le marché local. Cette situation a pour conséquence qu’elle fait aujourd’hui dépendre la pérennité de son activité de la présence de Mme B______ et M. C______, dont la précarité du statut administratif en Suisse lui était pourtant connue, dès le début.

Concernant les fonds sous gestion et les revenus bruts estimés, comme vu ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que les objectifs du business plan n’ont clairement pas été atteints, même avec un décalage de douze mois, et les nouveaux objectifs transmis sont nettement inférieurs à ceux mentionnés à l’appui des demandes d’autorisations. Quant aux futures collaborations annoncées, qui auraient pour conséquence une rapide augmentation de la clientèle et, partant, de ses actifs sous gestion, elles ne sont à ce stade qu’hypothétiques, en l’absence notamment de promesses contractuelles versées à la procédure. L’OCIRT relève enfin, à juste titre, que la déstabilisation globale des marchés alléguée en 2023 est contredite par le rapport de l'Association suisse des banquiers (baromètre bancaire 2024), duquel il ressort que les actifs sous gestion en Suisse ainsi que les actifs sous gestion transfrontalière pour le compte de client.e.s privé.e.s ont eu une augmentation entre 2022 et 2023 de 6,9 % respectivement 4,8 %.

Dans ces conditions, l'OCIRT n'a ni excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que la recourante ne remplissait pas la condition d'un intérêt économique suffisant et refusé de délivrer une autorisation de séjour avec activité lucrative (permis B) en faveur de Mme B______ et M. C______, au motif que les objectifs posés à sa délivrance n’avaient pas été atteints, cela même en prenant en considération un décalage de 12 mois. Dans le cadre de cette analyse, les jurisprudences citées par la recourante ne sont d’aucun secours, traitant de situations différentes. Dans la mesure où cette dernière était parfaitement informée des objectifs à remplir pour l’obtention d’autorisations de séjour en faveur de Mme B______ et M. C______, il faut également retenir que le principe de proportionnalité est respecté. L'appréciation que l'autorité intimée a faite de la situation ne prête ainsi pas flanc à la critique.

La recourante tente en réalité de modifier au fil du temps et de ses écritures les objectifs à atteindre et changer la temporalité de leur lecture. Or, étant rappelé que c’est sur la base du business plan 2021 que l’OCIRT lui a délivré les autorisations temporaires, y décelant un intérêt économique qu’il lui appartenait toutefois de confirmer après 24 mois, la recourante ne saurait aujourd’hui, de bonne foi, revoir après coup à la baisse ses objectifs en faisant valoir des circonstances, dont elle ne démontre pas qu’elles n’étaient pas prévisibles, ou dont il a été retenu ci-dessus qu’elles étaient infondées et/ou irrelevantes.

S’agissant enfin de la situation personnelle de Mme B______ et M. C______, les conditions d’autorisation de l’art. 18 LEI étant cumulatives, dans la mesure où les conditions économiques ne sont pas remplies, il n’apparaît pas nécessaire d’examiner les conditions personnelles. Par surabondance, le tribunal relèvera toutefois que l’OCIRT ne serait, en tous les cas, pas compétent pour examiner ces éléments, puisque sa compétence se limite au volet économique, et que leurs autorisations étaient clairement limitées dans le temps et soumises à des conditions de sorte que les précités devaient s’attendre pour le cas où celles-ci ne seraient plus remplies à devoir renoncer à ce qu’ils avaient mis en place en Suisse.

21.         En conclusion, il n’apparaît pas que l’autorité intimée aurait constaté les faits de manière inexacte, violé la loi ou les principes de la proportionnalité, de l’égalité de traitement et d’interdiction de l’arbitraire ou encore mésusé de son pouvoir d’appréciation. L’appréciation effectuée par l’OCIRT demeure au contraire parfaitement défendable et, partant, admissible.

22.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au EM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevables les recours formés par A______ SA contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 21 octobre 2024 ;

2.             les rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1’000.-, lequel est couvert par les avances de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. b et 65 LPA, la présente décision est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné de la présente décision et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

Copie conforme de cette décision est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier