Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/186/2025 du 18.02.2025 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT
REJETE par ATA/204/2025
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 18 février 2025
| ||||
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1981, aussi connu sous d'autres identités, notamment celle de B______, se prétend ressortissant de la Sierra Leone. Il est dépourvu de document d'identité.
2. Il a déposé deux demandes d'asile en Suisse, en 1999 et en 2011, qui ont fait l'objet de décisions de non-entrée en matière et de renvoi du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM). Dans le cadre de ces procédures, il a été attribué au canton de Berne. Il a par ailleurs fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, notifiée le 24 novembre 2016 et valable jusqu'au 22 septembre 2019.
3. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, M. A______ a été condamné à six reprises entre le 17 septembre 2014 et le 12 mai 2022, pour entrées et séjours illégaux, exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. a, b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 al. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - 311.0), délit et crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et rupture de ban (art. 291 al. 1 CP). Le Tribunal de police de Genève a ordonné, le 25 janvier 2019, son expulsion du territoire suisse pour une durée de dix ans (art. 66a CP), mesure d'expulsion que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter par décision du 9 mars 2020.
4. Dès 2019, une demande de soutien à l'exécution de son renvoi a été initiée auprès du SEM. En décembre 2019, il a été présenté à une délégation de Guinée, laquelle ne l'a pas reconnu comme étant l’un de ses ressortissants. En février 2020, il n'a pas non plus été reconnu par la délégation de la Sierra Leone. Par ailleurs, sa remise aux autorités portugaises – qui avaient requis son extradition – a été effectuée avant la date fixée pour les auditions centralisées menées par une délégation du Mali.
5. La mesure d'expulsion prononcée à l'encontre de M. A______ a été mise en œuvre le 9 mars 2020, date à laquelle il a été remis aux autorités portugaises dans le cadre de la procédure d'extradition dont il faisait l'objet.
6. Le 15 février 2024, M. A______ a à nouveau été arrêté par les forces de l'ordre genevoises. Entendu par les enquêteurs, il a indiqué n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse, aucun lien particulier avec ce pays ni aucune source légale de revenu. Il a par ailleurs déclaré : « Je sais que je n'ai pas le droit d'être en Suisse. Cela fait longtemps que je suis là du coup je ne veux pas partir ». Il a été placé en détention préventive.
7. Par jugement du 28 mai 2024, le Tribunal de police a condamné M. A______ pour rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP) à une peine pécuniaire de 180 jours-amende sous déduction de 104 jours de détention avant jugement et a ordonné sa libération immédiate.
8. Il a été remis le même jour entre les mains des services de police en vue de son refoulement.
9. Le 28 mai 2024, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée d'un mois. Sa détention a été régulièrement prolongée jusqu'au 28 janvier 2025.
10. Durant sa détention administrative, M. A______ a été présenté le 17 juin 2024, à une délégation de Sierra Leone, délégation qui devait procéder à des vérifications supplémentaires et en novembre 2024, à une délégation malienne qui ne l'a pas reconnu comme l'un de ses ressortissants et suggéré la présentation à une délégation de Guinée-Conakry.
11. Le 28 janvier 2025 à 12h40, en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une interdiction de quitter la commune de D______[GE] pour une durée de douze mois, soit jusqu'au 28 janvier 2026.
L'intéressé faisait l'objet de décisions fédérales de renvoi et d'une expulsion judiciaire du territoire suisse d'une durée de dix ans. Il ne possédait aucun titre de séjour en Suisse et avait été condamné à plusieurs reprises, en particulier pour des infractions à la LStup, soit des actes qui troublent et menacent gravement l'ordre et la sécurité publics. En dépit des décisions de renvoi et d'expulsion rendues à son endroit, M. A______ persistait à demeurer sur le territoire helvétique puis à y revenir alors même que cela lui était interdit. L'intéressé prétendait être de Sierra Leone mais n'entendait pas y retourner mais se rendre dans un pays européen alors même qu'il n'y possédait aucun titre de séjour. Au vu du comportement adopté jusqu'alors par M. A______, force était de constater qu'il n'avait aucunement l'intention de se plier aux décisions des autorités ni de collaborer avec ces dernières dans le cadre de son refoulement et bien plutôt, qu'il continuera à mettre tout en œuvre pour se soustraire à celui-ci. A cela s'ajoutait qu'il était dépourvu de tout lieu de résidence fixe en Suisse avec laquelle il n'avait aucune attache ni moyen légal de subsistance. Il s'imposait donc de protéger l'ordre et la sécurité publics en éloignant M. A______ des lieux notoirement connus en matière d'actes répréhensibles, de prévenir ainsi la commission d'infractions par ses soins et permettre la mise en œuvre de son refoulement. Compte tenu du temps nécessaire à la poursuite des démarches restant à effectuer en vue de son refoulement, une durée d'assignation de douze mois apparaissait proportionnée.
12. Il ressort d'un échange entre les autorités genevoises et le SEM du 7 novembre 2024, que cette autorité demeurait dans l'attente du résultat des vérifications effectuées par les autorités sierra-léonaises. Par ailleurs, M. A______ serait présenté aux prochaines auditions centralisées menées par la Guinée-Conakry durant le premier semestre 2025.
13. Le 11 février 2025, à 8h40, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) a reçu l'opposition de M. A______ contre cette décision.
14. M. A______ a été dûment convoqué pour l'audience du 18 février 2025 devant le tribunal.
15. Lors de ladite audience, M. A______ ne s’est pas présenté, bien que régulièrement cité. Son conseil a déclaré qu’il était grippé et qu’il se trouvait au C______. Son client n’avait pas quitté D______[GE] depuis le prononcé de la mesure le 28 janvier dernier. Il se présentait tous les mardis au vieil hôtel de police comme cela lui avait été ordonné. Il a conclu à l'annulation de l’assignation territoriale prise par le commissaire de police le 28 janvier 2025.
La représentante du commissaire de police a déclaré qu’ils n’avaient pas reçu de nouvelles des autorités de Sierra Leone depuis le 17 juin 2024. Ils n’avaient pas encore de date à laquelle M. A______ serait présenté à la délégation de Guinée-Conakry. Selon un entretien téléphonique survenu la semaine dernière avec le SEM, cette présentation pourrait s'effectuer en mai 2025, sans toutefois qu'une confirmation n'ait été reçue à ce sujet. Elle a transmis le document des présences de M. A______ auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM). Elle a plaidé et conclu au rejet de l'opposition par M. A______ et au maintien de l’assignation territoriale prise pour une durée de douze mois.
1. Le tribunal est compétent pour examiner, sur opposition, la légalité et l’adéquation des interdictions de quitter un territoire assigné prononcées par le commissaire de police (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a LaLEtr).
2. En vertu de l'art. 9 al. 1 let. a LaLEtr, le tribunal examine la légalité et l'adéquation de l'assignation territoriale dans les 96 heures au plus après sa saisine en cas d'interdiction de quitter un territoire assigné.
3. Pour les cas de détention administrative (art. 75 à 78 ss LEI), la LEI elle‑même prévoit que la légalité et l’adéquation de la détention doivent être examinées dans un délai de 96 heures par une autorité judiciaire (art. 80 al. 2 LEI).
4. En rapport avec l'art. 80 al. 2 LEI, le Tribunal fédéral a jugé qu'il s'agissait d'un délai impératif qui s'impose de manière contraignante aux autorités (ATF 137 I 23 consid. 2.4.5). La violation du délai maximal légal est susceptible de conduire à la libération de l'étranger, à moins qu'un intérêt public prépondérant ne s'y oppose (ATF 122 II 154 consid. 3a). À cet égard, le Tribunal fédéral retient que toute violation du délai impératif fixé à l'art. 80 al. 2 LEI n'entraîne pas nécessairement la libération de l'étranger détenu au titre des mesures de contrainte ; cela dépend des circonstances du cas d'espèce. Il faut notamment tenir compte de l'importance de la règle violée pour la sauvegarde des droits de l'intéressé. Par ailleurs, l'intérêt à garantir l'efficacité d'un renvoi peut s'opposer à une remise en liberté immédiate. Cet intérêt pèse d'un poids tout particulier et peut l'emporter, dans la balance, lorsque l'étranger constitue un danger pour l'ordre et la sécurité publics (arrêt du Tribunal fédéral 2C_992/2014 du 20 novembre 2014 consid. 5.1 et les arrêts cités).
5. Statuant ce jour, le tribunal n'a pas respecté le délai prévu à l'art. 9 al. 1 let. a LaLEtr. Dans la mesure où les dispositions fédérales sont de même nature que les dispositions cantonales, il y a lieu de de se référer à la jurisprudence fédérale en la matière et de procéder à une pesée des intérêts en présence, comme elle l'impose.
6. En l'espèce, M. A______ a été privé de la garantie du contrôle judiciaire durant trois jours, ce qui constitue une longue durée. Ce dernier a été condamné à six reprises entre le 17 septembre 2014 et le 12 mai 2022, notamment pour des délits et crimes contre la LStup, ce qui ne saurait être qualifié de bénin. Il a par ailleurs été expulsé du territoire suisse pour une durée de dix ans, mesure obligatoire vu les faits pour lesquels il a été condamné pénalement et destinée à protéger la société de la commission d’infractions futures et de comportements potentiellement dangereux. En pareilles circonstances, l'intérêt à la sécurité et l'ordre publics, notamment à éviter le trafic de stupéfiants et toute commission de crimes et délits, et l'intérêt à assurer l'efficacité du renvoi de M. A______ par sa disposition au moment où celui-ci pourra être effectué, l'emportent sur son intérêt à ne pas être assigné, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
7. Quant à elle, l'opposition de M. A______ ayant été formée dans le délai de dix jours courants dès la notification de la mesure entreprise, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.
8. Est litigieuse l'interdiction de quitter le territoire de la commune de D______[GE].
9. Selon l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :
a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants, en particulier à éloigner les personnes qui sont en contact répété avec le milieu de la drogue des lieux où se pratique le commerce de stupéfiants ;
b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;
c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).
10. Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 let. a LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).
Dans le contexte de l’art. 74 LEI, cette notion est interprétée de façon large ; elle vise à empêcher que la présence de l’étranger en Suisse puisse déboucher sur la commission d’infractions pénales ou tout autre comportement « rétif ou asocial » qui, tout en ne tombant pas nécessairement sous le coup du droit pénal, perturbe ou enfreint grossièrement les règles tacites de la cohabitation sociale. De simples vétilles ne sauraient toutefois, au regard du principe de la proportionnalité, suffire pour prononcer une telle mesure (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, Code annoté de droit des migrations, vol. II [Loi sur les étrangers], 2017, n. 16 ad art. 74 p. 733 et les arrêts cités).
La mesure vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants et à éloigner les personnes qui sont en contact répété avec le milieu de la drogue des lieux où se pratique le commerce de stupéfiants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_570/2016 du 30 juin 2016 consid. 5.1 ; 2C_1142/2014 du 29 juin 2015 consid. 3.1 ; 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1). D’autres comportements permettent néanmoins de retenir un trouble ou une menace de la sécurité et de l’ordre publics. On peut songer à la commission de vols et d’autres larcins (réitérés), même de peu d’importance du point de vue du droit pénal, à la mendicité organisée ou aux « jeux » de bonneteau sur la voie publique, qu’ils soient ou non pénalisés, à des contacts que l’étranger entretiendrait avec des groupes d’extrémistes politiques, religieux ou autres, à la violation grave et répétitive de prescriptions et d’injonctions découlant du droit des étrangers, notamment le fait d’avoir passé outre à une assignation antérieure ou de tenter de saboter activement les efforts entrepris par les autorités en vue d’organiser le renvoi de l’étranger (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 20 ad art. 74 p. 735 et les arrêts cités ; cf. aussi art. 6 al. 3 LaLEtr, qui prévoit que l’étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles et dommages à la propriété).
11. L'assignation d'un lieu de résidence ou l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée fondée sur l'art. 74 al. 1 let. b LEI vise à permettre le contrôle du lieu de séjour de l'intéressé et à s'assurer de sa disponibilité éventuelle pour la préparation et l'exécution de son refoulement hors de Suisse par les autorités (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.1), mais aussi, en tant que mesure de contrainte poursuivant les mêmes buts que la détention administrative, mais se présentant en tant que mesure atténuée - et donc plus respectueuse du principe de la proportionnalité - par rapport à cette dernière, à inciter, comme moyen de pression, la personne à se conformer à son obligation de quitter la Suisse, de sorte à constituer, selon les cas, un succédané moins incisif à la mesure visée par l’art. 78 LEI. Elle permet ainsi de vérifier la présence de l'étranger dans le pays et, en même temps, de lui faire prendre conscience que cette présence est illégale et qu'il ne peut pas bénéficier inconditionnellement des libertés associées à un droit de présence (cf. ATF 144 II 16 consid. 4 ; 142 II 1 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.1 ; 2C_934/2017 du 23 mars 2018 consid. 5.1 ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 22 ad art. 74 p. 739).
Pour qu'une telle assignation soit prononcée, il faut que l'étranger soit frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion, que cette décision soit entrée en force et que des éléments concrets fassent craindre que l'étranger ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il soit constaté qu'il n'a d'ores et déjà pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (cf. cf. ATF 144 II 16 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_934/2017 du 23 mars 2018 consid. 4 ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 21 ad art. 74 p. 736 s.).
12. Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 Cst. (cf. aussi art. 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_570/2016 du 30 juin 2016 consid. 5.2 ; 2C_1142/2014 du 29 juin 2015 consid. 4.1 ; 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4).
Ce principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation des droits individuels allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 144 II 16 consid. 2.2 ; 142 I 76 consid. 3.5.1 ; 142 I 49 consid. 9.1 ; 140 I 218 consid. 6.7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_88/2019 du 29 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3).
En matière d'assignation à un lieu de résidence, il y a lieu de prendre en compte en particulier la délimitation géographique et la durée de la mesure (arrêts du Tribunal fédéral 2C_830/2015 du 1er avril 2016 consid. 5.2 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3). Le périmètre de l’assignation territoriale doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3 ; 2C_494/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.3 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.2). En outre, sur la base d'une requête motivée, l'autorité compétente doit en principe accorder des exceptions, afin de permettre à l'intéressé l'accès aux autorités, à son avocat, au médecin, à ses proches ou à sa fiancée, pour autant qu'il s'agisse de garantir des besoins essentiels qui ne peuvent être assurés, matériellement et d'un point de vue conforme aux droits fondamentaux, dans le périmètre assigné (cf. ATF 142 II 1 consid. 2.3 ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_494/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.3 ; 2C_830/2015 du 1er avril 2016 consid. 5.2 ; Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 42 ad art. 74 p. 745). Le juge du contrôle de l’assignation pourra au besoin ordonner à l’autorité administrative cantonale d’adapter le périmètre interdit ou assigné afin de permettre à l’étranger d’accomplir des actes indispensables, notamment de bénéficier des soins médicaux requis auprès du médecin traitant (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 42 ad art. 74 p. 745 et les arrêts cités).
13. En principe, l'interdiction de quitter un territoire dans une région déterminée ne constitue pas une mesure équivalant à une privation de liberté au sens de l'art. 5 CEDH. Cependant, lorsque les conditions d'une telle mesure sont tellement strictes qu'elle a pour la personne concernée les mêmes effets qu'une privation de liberté, elle y est assimilée et tombe donc sous le coup de l'art. 5 par. 1 CEDH (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Guzzardi c. Italie du 6 novembre 1980, § 95 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_830/2015 du 1er avril 2016 consid. 3.2.2 ; ATA/1427/2017 du 20 octobre 2017 consid. 4a).
Une telle hypothèse a en particulier été niée par le Tribunal fédéral s'agissant d'une mesure d'assignation territoriale englobant, comme en l'espèce, le territoire d'une commune genevoise (il s'agissait de la commune de Lancy) et prévoyant quelques exceptions pour permettre à l'intéressé d'accéder au centre de santé pour migrants et à une permanence médicale à Genève. En effet, le confinement de l'étranger - avec les exceptions précitées - au périmètre communal de 5 km2, doté de parcs, de centres commerciaux, d'installations sportives et d'une bibliothèque, sans qu'il ne se soit en parallèle vu imposer une obligation d'annonce régulière ou de passer la totalité de son temps à l'intérieur de l'abri de protection civile assigné, ni des restrictions aux visites qu'il pouvait recevoir, n'équivalait pas, même sur une durée prolongée, à une mesure privative de liberté, mais constituait une simple restriction à sa liberté (arrêt 2C_830/2015 du 1er avril 2016 consid. 3.2.2 ss; cf. aussi arrêt 2C_934/2017 du 23 mars 2018 consid. 5.5).
Enfin, de telles mesures ne peuvent pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.3 ; 2C_494/2018 du 10 janvier 2019 consid. 3.3 ; 2C_431/2017 du 5 mars 2018 consid. 2.2 ; 2C_570/2016 du 30 juin 2016 consid. 5.2 ; 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.1). Le fait que l’art. 74 al. 1 LEI ne prévoit pas de durée maximale ou minimale laisse une certaine latitude sur ce point à l’autorité compétente, dite durée devant être fixée en tenant compte des circonstances de chaque cas d’espèce et en procédant à une balance entre les intérêts en jeu, publics et privés (ATA/468/2018 du 14 mai 2018 consid. 4c ; ATA/1041/2017 du 30 juin 2017 consid. 9 ; ATA/802/2015 du 7 août 2015 consid. 7).
14. En l'espèce, M. A______, dépourvu d'une autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement, séjourne illégalement en Suisse, sans domicile fixe ni revenu. Il a par ailleurs fait l'objet de plusieurs condamnations, notamment pour trafic de drogue. Dans cette mesure, le commissaire de police pouvait effectivement considérer qu'il constitue une menace pour l'ordre et la sécurité publics suffisante pour justifier l'application des art. 74 al. 1 let. a LEI et 6 al. 3 LaLEtr, dont les conditions apparaissent réunies en vue de l'éloigner du centre-ville de Genève, lieu notoire du trafic de stupéfiants selon la jurisprudence (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.5.3 ; 2C_796/2018 du 4 février 2019 consid. 4.3.1. et 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2). Par ailleurs, la mesure contestée est apte à atteindre le but visé par l'assignation à résidence, qui est avant tout celui de pouvoir contrôler le lieu de séjour de l'intéressé et de s'assurer de sa disponibilité pour la préparation et l'exécution de son renvoi, aux fins de laquelle, vu le comportement et la ferme opposition de M. A______, des mesures doivent être engagées. En effet, il a fait l'objet d'une mesure d'expulsion judiciaire qu'il a violée en revenant en Suisse après avoir été extradé au Portugal. Il n'a effectué aucune démarche en vue de son retour dans son pays d'origine, où il ne veut pas se rendre, démontrant ainsi, par son comportement, qu'il entend se soustraire aux décisions de renvoi prises à son encontre ainsi qu'à la mesure d'expulsion prononcée par le Tribunal de police le 25 janvier 2019.
De plus, la commune de D______[GE], sur le territoire de laquelle M. A______ a été assigné, dispose de parcs, d'installations sportives, de centres commerciaux, de pharmacies, de transports publics, d'un service social, d'un centre d'hébergement destiné aux migrants bénéficiant de sa propre équipe sociale (C______), d'un lieu distribuant une aide alimentaire aux familles précarisées (l'« épicerie solidaire »), d'un centre médical et de nombreuses offres culturelles et sportives. M. A______ y jouira d'une liberté de mouvement totale, pourra profiter des nombreuses infrastructures à disposition et y entretenir des relations sociales.
Par ailleurs, son renvoi apparaît possible puisque M. A______ peut être présenté devant la représentation consulaire de Guinée-Conakry qui, si elle le reconnaît comme l'un de ses ressortissants, pourrait lui délivrer un laissez-passer afin que les autorités suisses organisent et réservent un vol en sa faveur. Par contre, la durée de l'assignation de douze mois apparaît trop importante dans la mesure où l'intéressé doit être présenté devant les autorités de Guinée-Conakry durant le mois de mai 2025 et que le SEM n'a reçu aucune nouvelle des autorités de Sierra Leone depuis le 17 juin 2024. Dans ces circonstances, il y a lieu pour le tribunal de vérifier régulièrement si le renvoi de l'intéressé reste possible et si la mesure querellée respecte le principe de proportionnalité.
15. Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de quitter le territoire assigné, soit la commune de D______[GE], prise à l'encontre de M. A______ mais réduira sa durée à six mois. Cette durée est censée permettre aux autorités de présenter l'intéressé devant les autorités de Guinée-Conakry et cas échéant, de recevoir un laissez-passer et organiser un vol en sa faveur et/ou de recevoir des nouvelles des autorités de Sierra Leone.
16. Le tribunal relèvera encore que l'assignation de M. A______ pourrait prendre fin rapidement s'il entamait lui-même les démarches auprès des autorités sierra-léonaises, pays dont il prétend être ressortissant, afin de se voir délivrer un passeport ou un laissez-passer qui lui permettrait de voyager et rendrait possible l’exécution de son renvoi vers la Sierra Leone.
17. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.
18. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 7 février 2025 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de quitter le territoire assigné prise par le commissaire de police le 28 janvier 2025 pour une durée de douze mois ;
2. l'admet partiellement ;
3. confirme la décision d’interdiction de quitter le territoire assigné prise par le commissaire de police le 28 janvier 2025 à l'encontre de Monsieur A______ mais la réduit à six mois, soit jusqu'au 27 juillet 2025 inclus ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
5. dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au SEM.
| Genève, |
| Le greffier |