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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4083/2023

JTAPI/1071/2024 du 29.10.2024 ( LDTR ) , ADMIS

Descripteurs : RÉNOVATION D'IMMEUBLE;LOYER CONTRÔLÉ;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LDTR.12; Cst
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4083/2023 LDTR

JTAPI/1071/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 octobre 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Pierre BANNA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après: A______ SA) est propriétaire de l’immeuble sis sur la parcelle n° 1______ de la commune de B______, ______[GE], qui comprend notamment un appartement situé au deuxième étage ayant été occupé par un cabinet médical entre septembre 1995 et août 2023.

2.             Par demande du 6 septembre 2023, A______ SA a, par le biais d’un mandataire, sollicité du département du territoire (ci-après : le département) la délivrance d’une autorisation de construire en procédure accélérée portant sur la rénovation de l’appartement précité.

Elle a indiqué qu’il s’agissait d’un appartement de cinq pièces et demie et a joint à sa demande diverses pièces, dont le formulaire D12 intitulé « APA - rénovation/ transformation d’un appartement destiné à la location », à teneur duquel les travaux, dont le coût total estimé se montait à CHF 140’700.- toutes taxes comprises, consistaient en la rénovation de la cuisine (CHF 14’000.-), la réfection des menuiseries y compris les intérieurs des placards (CHF 4’800.-), la rénovation complète électrique (CHF 14’000.-), le remplacement des sanitaires et colonnes de chute (CHF 17’000.-), le remplacement de l’ensemble des carrelages et faïences, démolition (CHF 26’500.-), la révision des stores (CHF 3’500.-), la réfection de l’ensemble des peintures (CHF 29’000.-), le démontage-remontage des radiateurs et l’installation de deux sèche-serviettes (CHF 5’200.-), la fourniture et pose de parquets neufs (CHF 16’000.-), la détection amiante-PCB-plomb (CHF 5’200.-) et le retrait des matériaux amiantés (CHF 5’500.-).

Le loyer actuel net de CHF 27’996.- par an, à savoir CHF 5’090.- la pièce par an serait porté, après travaux à CHF 35’924.- par an, soit CHF 6’532.- la pièce par an.

3.             Dans le cadre de l’instruction de cette demande, qui a été enregistrée sous le n° APA 2______, les diverses instances consultées ont émis, en dernier lieu, des préavis favorables, parfois sous conditions.

En particulier, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) a requis, dans son préavis du 13 septembre 2023, la production de pièces complémentaires et noté que s’il s’agissait de la transformation de logement n’ayant jamais fait l’objet d’un changement d’affectation, il s’agirait d’un retour à l’affectation d’origine, de sorte que le bail commercial ne serait pas accepté pour déterminer le nouveau loyer et que sans justificatif du dernier loyer « logement », le futur loyer de chaque pièce devrait répondre aux besoins prépondérants de la population (ci-après : BPP), soit CHF 3’528.- la pièce par an. Le 27 octobre 2023, l’OCLPF a préavisé favorablement le projet aux conditions suivantes : le respect des dispositions de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) (art. 9 LDTR) ; la surface de 82,79 m2, « 4,5 pièces RGL », à l’origine vouée à du logement mais utilisée comme bureau ou autre utilisation que logement sans autorisation depuis vingt-huit ans était réaffectée à l’habitation ; dès lors que cette surface retrouvait son affectation d’origine, le loyer de l’appartement concerné ne devrait pas excéder après travaux (transformation de la typologie) CHF 15’876.- par an, soit CHF 3’538.- pièce/an, pour une durée de cinq ans à dater de la remise en location après la fin des travaux (art. 10, 11 et 12 LDTR) ; toute modification devrait faire l’objet d’une demande complémentaire. Sous rubrique « Remarques » il était précisé : « Documents formels vus : le formulaire d’autorisation, les plans, le bail ou l’avis de fixation et le plan financier D12 ».

4.             Par décision du ______ 2023 publiée le jour même dans la feuille d’avis officielle, le département a délivré l’APA 2______, stipulant que les conditions prévues dans les préavis, dont celui de l’OCLPF du 27 octobre 2023, devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de la décision.

5.             Par acte du 29 novembre 2023, sous la plume de son conseil, A______ SA a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), concluant à son annulation en tant qu’elle ordonnait un contrôle du loyer durant cinq ans et à ce que cette durée soit fixée à trois ans dès la remise en location après la fin des travaux, sous suite de frais et dépens.

L’appartement avait été occupé depuis au moins septembre 1995 par un cabinet médical, moyennant un loyer net de CHF 27’996.- l’an, soit CHF 2’333.- par mois. De sa propre initiative, elle avait résilié le contrat de bail commercial le 14 février 2018 afin de réaffecter l’appartement en locaux d’habitation. Un procès-verbal d’accord par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers avait été signé le 23 avril 2018 : le locataire avait accepté le congé et une unique prolongation de bail de cinq, soit jusqu’à la fin de sa carrière professionnelle à fin août 2023, avait été accordée. Le plan soumis dans le cadre de l’APA 2______ déposée suite à la restitution des locaux prévoyait la création d’un appartement de cinq pièces et demie d’une surface nette de plancher de 82,80 m2 (surface brute de plancher de 111 m2) comprenant une cuisine avec jour d’une surface de 17,59 m2, une chambre avec jour d’une surface de 18,43 m2, une chambre avec jour d’une surface de 6,44 m2, une chambre avec jour d’une surface de 11,53 m2, un salon avec jour d’une surface de 17,40 m2, une salle à manger avec jour ouverte sur le salon d’une surface de 11,40 m2, une salle de bain équipée d’une baignoire, d’un lavabo et d’un WC et une salle de douche équipée également d’un WC. Avant travaux, l’appartement ne disposait ni de cuisine à proprement parler, ni de salle de bain, installations non nécessaires à l’exploitation d’un cabinet médical. Suite au premier préavis de l’OCLPF, elle avait transmis le descriptif des travaux envisagés, le formulaire D12 faisant état des coûts des travaux projetés et mentionnant que l’appartement comprenait « un nombre de pièces RGL de 5.5 », le contrat de bail commercial et le dernier avis de majoration du loyer du médecin. Elle avait indiqué ne posséder ni la preuve que l’objet était un local commercial depuis sa construction ni un bail d’habitation concernant ce logement. L’OCLPF avait retenu, malgré ces informations, que l’appartement disposait en réalité d’une surface de quatre pièces et demie au sens du règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01), que le loyer après travaux ne devait pas excéder CHF 15’876.- l’an, soit CHF 3’528.- la pièce par an, et qu’il devait être appliqué pour une durée de cinq ans dès la remise en location après la fin des travaux.

Le département avait abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les travaux faisant l’objet de l’APA 2______ équivalaient à une rénovation lourde au sens de l’art. 12 LDTR, avec pour effet qu’un loyer contrôlé devait être appliqué pour cinq ans. Les travaux projetés constituaient des travaux de rénovation usuels en cas de retour à l’affectation d’origine et n’impliquaient aucune transformation lourde. Même si les photographies de l’appartement dans son état actuel mentionnaient que la pièce désignée comme « cuisine » se situait à l’emplacement d’une future chambre de 11,53 m2 et que la nouvelle cuisine projetée se situerait dans la pièce désignée dans ce document « chambre 1 », ces transformations ne sauraient être qualifiées de lourdes puisque les locaux disposaient uniquement, en leur état actuel, d’un laboratoire et n’étaient pourvus ni d’installations de cuisine ni d’installations sanitaires. Au surplus, la pièce retenue côté ______[GE] pour l’aménagement d’une cuisine équipée possédait d’ores et déjà toutes les arrivées d’eau nécessaires. Enfin, la typologie de l’appartement demeurait identique à celle existante à l’heure actuelle, aucune réunion de pièces n’étant projetée.

Le département avait également mésusé de son pouvoir d’appréciation en omettant de considérer qu’au regard des montants élevés investis et du loyer raisonnable de CHF 1’323.- par mois qu’il avait lui-même fixé pour cet appartement, un contrôle de trois ans était adéquat et suffisant au regard de la jurisprudence, ce d’autant plus que le bail commercial avait été volontairement résilié afin que l’appartement puisse retrouver son affectation d’origine. Le département avait d’ailleurs appliqué scrupuleusement l’art. 1 al. 7 let. a RGL pour retenir que le calcul du loyer devait être effectué sur la base d’un nombre de quatre pièces et demie et non des cinq pièces et demie mentionnées dans le cadre du formulaire D12.

Le département avait enfin abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les travaux prévus justifiaient une durée de contrôle du loyer de cinq ans, alors qu’il avait considéré, pour des travaux similaires intervenus dans un appartement du même immeuble et pour les mêmes motifs, qu’une durée de contrôle du loyer de trois ans était suffisante. Dans le cadre de l’instruction de l’APA 3______ portant sur des travaux de transformation et de rénovation similaires d’un appartement situé au 1er étage du même immeuble et accueillant auparavant aussi un cabinet médical, l’OCLPF avait en effet considéré, aux termes de son préavis du 3 août 2022, que le loyer dudit appartement aussi réaffecté à l’habitation serait contrôlé pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux. Or, les travaux projetés dans l’APA 3______ étaient en tous points similaires à ceux faisant l’objet de l’APA 2______, exception faite du remplacement des parquets. Le coût desdits travaux pour cet appartement plus petit avait été estimé à CHF 97’500.-, toutes taxes comprises, et le plan de cet appartement après rénovation avait aussi été considéré par l’OCLPF comme correspondant à un appartement de quatre pièces et demie au sens du RGL, d’une surface nette de 71,40 m2 comportant une cuisine de 14,05 m2, une chambre de 5,75 m2, une chambre de 17,39 m2, un salon de 16,92 m2 et un séjour ouvert sur le salon de 17,27 m2. La dichotomie dans l’appréciation de la qualification des travaux entre les APA 3______ (1er étage) et 2______ (2ème étage) n’était fondée sur aucun motif.

La recourante a produit diverses pièces à l’appui de ses allégations, dont le formulaire D12 intitulé « APA - rénovation/transformation d’un appartement destiné à la location » relatif à l’APA 3______.

6.             Dans ses observations du 5 février 2024, le département a conclu au rejet du recours, sous suite de dépens.

Depuis un certain temps déjà, l’OCLPF considérait que les travaux ne consistant pas en de la simple rénovation mais portant également sur la permutation de pièces et la transformation de pièces humides en pièces sèches (et vice versa), avec toutes les modifications que cela pouvait impacter, devaient être considérés comme étant lourds, ce que le tribunal de céans avait estimé conforme au droit, confirmant cette pratique dans trois jugements de juin 2023 et de novembre 2022. Le présent cas était très proche de celui décrit dans ces jugements puisqu’il était question de permutation de pièces, que le coût des travaux s’élevait à CHF 140’700.- et qu’aux dires même de la recourante, l’actuelle cuisine serait permutée à l’emplacement de la « chambre 1 ». Le montant des travaux, environ CHF 25’000.- la pièce, devait être considéré comme élevé pour des travaux de simple entretien. Sur cette base, une durée de contrôle de cinq ans apparaissait justifiée. En avançant qu’un contrôle de trois ans aurait été adéquat et suffisant, la recourante ne faisait que substituer son appréciation à celle de l’instance spécialisée qui avait, sur la base des documents fournis par la recourante, procédé à un minutieux examen de la situation.

Le fait que des travaux similaires effectués dans un appartement sis au premier étage de l’immeuble avait entraîné un loyer bloqué pendant trois ans résultait du changement de pratique dans la qualification des travaux lors d’une permutation des pièces. L’APA 3______ et le préavis de l’OCLPF y relatif avaient été rendus dans le courant dudit changement et ne constituaient qu’un cas isolé. En effet, tel que constaté dans les jugements précités, l’ensemble des autorisations de construire délivrées ces trois dernières années l’avait été - pour ce genre de travaux - sur une base standard, prenant en considération une durée de contrôle de cinq ans, de sorte qu’aucune violation des principes d’égalité de traitement et de la bonne fois ne pouvait être retenue. Partant, c’était à bon droit qu’il avait été considéré que les travaux de transformations devaient être, selon la nouvelle pratique, qualifiés de lourds. Il n’avait pas violé l’art. 12 LDTR ou abusé de son pouvoir d’appréciation.

7.             Par réplique du 7 mars 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Le département invoquait pour justifier l’application d’une durée du contrôle du loyer de cinq ans, une pratique de l’OCLPF confirmée par trois jugements du tribunal. Suivant les critères retenus par ce dernier, les travaux qui ne consistaient pas seulement en de la rénovation mais qui portaient aussi sur la permutation de pièces et la transformation de pièces humides en pièces sèches (et vice versa), avec toutes les modifications que cela pouvait impacter, devaient être considérés comme étant lourds et justifiaient donc une durée du contrôle de cinq ans. Les travaux décrits dans ces trois jugements ne pouvaient en aucun cas être comparés à ceux autorisés en l’espèce, ceux-ci n’impliquant ni de permutation de pièce ni une transformation d’une pièce sèche en une pièce humide (et vice versa) avec toutes les modifications qui en découleraient. La pièce de l’appartement où les plans prévoyaient la cuisine n’était actuellement pas une pièce sèche, disposant déjà dans son état actuel d’une arrivée d’eau, d’un lavabo et d’une colonne de chute. L’emplacement de l’évier se trouverait d’ailleurs au même endroit que le lavabo actuellement présent. Les travaux concernant la nouvelle cuisine n’impliquaient donc pas la transformation d’une pièce sèche en une pièce humide avec toutes les modifications en découlant. L’actuelle pièce dénommée « cuisine » dans le reportage photographie n’était pas aménagée et équipée comme telle à l’heure actuelle, soit avant travaux. Son état d’équipement était équivalent à celui présent dans la pièce où les plans prévoyaient la future cuisine. Depuis au moins vingt-huit ans, l’actuelle pièce dénommée « cuisine » servait de laboratoire au médecin. Le coût des travaux de la cuisine, estimé à CHF 25’000.-, aurait été strictement identique dans l’hypothèse où la cuisine était prévue dans cette pièce-là et non pas dans une autre pièce humide, d’ores et déjà équipée d’une arrivée d’eau et d’un lavabo destiné aussi à l’usage professionnel du médecin. Ce prétendu motif, soit la transformation d’une pièce sèche en pièce humide, ne saurait justifier, s’agissant de l’importance des travaux au sens des jugements précités, leur qualification de transformation lourde. Les plans du projet ne prévoyaient pas de permutation de pièces, ni de changement de disposition de ces dernières, étant souligné que les locaux actuels ne disposaient pas d’une cuisine telle qu’on la trouvait dans des locaux servant effectivement à l’habitation. S’agissant du coût des travaux à la pièce invoqué pour justifier de l’importance des travaux, ceux-ci s’élevaient à CHF 31’266.- la pièce, coût parfaitement usuel dans les cas de retour à l’affectation d’origine, ce d’autant plus qu’aux termes de son préavis du 25 septembre 2023, le SMS avait exigé pour cet immeuble faisant partie d’un ensemble protégé du début du 20ème siècle, le maintien et le respect des éléments caractéristiques de cet immeuble. En tout état, le coût de ces travaux ne pouvait pas être considéré comme étant de très grande ampleur puisqu’il ne représentait pas une part considérable du prix de l’immeuble et n’était que trois fois supérieur au coût des travaux à la pièce à partir duquel il convenait de solliciter une autorisation de construire pour de simples travaux d’entretien.

Le changement de pratique administrative invoqué par le département pour fonder la différence d’appréciation n’était pas pertinent puisque non seulement l’autre autorisation avait été délivrée récemment, soit le ______ 2022, mais aussi que les critères retenus dans la nouvelle pratique n’étaient remplis ni dans le cadre des travaux autorisés par l’APA 2______ ni dans le cadre de l’APA 3______.

En décidant volontairement la réhabilitation de l’appartement en une affection de logement, la recourante avait accepté, alors qu’elle était à moins de deux ans de la prescription trentenaire, que le loyer mensuel du bail commercial en CHF 2’333.- ne soit pas pris en considération pour déterminer le nouveau loyer après retour à l’affectation d’origine. Elle pouvait donc de bonne foi considérer que le nouveau loyer ne soit plafonné au maximum LDTR, soit à CHF 1’323.- par mois, que pour une durée de trois ans.

8.             Le 12 avril 2024 2024, le département a dupliqué et persisté dans ses conclusions.

La recourante persistait à soutenir que les travaux effectués dans l’appartement ne sauraient être qualifiés de permutation de pièces, mais l’actuelle pièce désignée comme cuisine se situait à l’emplacement d’une future chambre de 11,53 m2 et la nouvelle cuisine projetée serait déplacée dans la pièce désignée dans le document comme « chambre 1 » ; le projet présentait ainsi clairement une permutation des pièces, en dépit des dires de la recourante qui tentait de substituer son appréciation à celle de l’OCLPF en donnant sa propre définition de ce qui devait être qualifié comme travaux de transformation lourde. De plus, même à la suivre et à considérer qu’il n’y aurait pas de transformation de pièces humides en pièces sèches, il ne s’agissait que d’un critère parmi d’autres à prendre en compte. Outre la permutation de pièces, il ne fallait pas minimiser le fait que la création et l’aménagement complets de la cuisine et des sanitaires étaient des travaux d’une certaine ampleur et que le projet présentait également un changement d’affectation de local à usage commercial à un local d’habitation.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 25 janvier 1996 et de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

5.             La recourante invoque une violation de l’art. 12 LDTR, contestant que les travaux projetés puissent être qualifiés de transformation lourde, avec pour conséquence un contrôle du loyer durant cinq ans.

6.             La LDTR a pour but de préserver l’habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l’habitat dans les zones visées à l’art. 2 LDTR (art. 1 al. 1 LDTR).

Elle prévoit notamment à cet effet, et tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d’appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d’affectation des maisons d’habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR).

7.             Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation de tout ou partie d’une maison d’habitation (art. 9 al. 1 LDTR).

Le département accorde l’autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 1ère phr. LDTR).

8.             Selon l’art. 3 al. 1 LDTR, par transformation, on entend tous les travaux qui ont pour objet : a) de modifier l’architecture, le volume, l’implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d’une maison d’habitation ; b) la création de nouveaux logements, notamment dans les combles ; c) la création d’installations nouvelles d’une certaine importance, telles que chauffage, distribution d’eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines ; d) la rénovation, c’est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d’une maison d’habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l’al. 2.

9.             En vertu de l’art. 10 al. 1 LDTR, le département fixe, comme condition de l’autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux. Il tient compte des critères énumérés à l’art. 11 LDTR (« mode de calcul »).

10.         Lorsque les logements répondent aux BPP quant à leur genre, leur typologie, leur qualité, leur prix de revient, le nombre de pièces ou leur surface, le loyer après transformation doit répondre aux BPP (art. 11 al. 2 LDTR).

11.         Selon l’arrêté relatif à la révision des loyers répondant aux BPP du 12 janvier 2022 entré en vigueur le 14 janvier 2022 (ArRLoyers - L 5 20.05), les loyers correspon-dant aux BPP, fondés sur le revenu brut médian des contribuables personnes physiques 2018, sont compris entre CHF 2’627.- et CHF 3’528.- la pièce par année.

12.         Les loyers maximaux ainsi fixés sont soumis au contrôle de l’État pendant une période de cinq à dix ans pour les constructions nouvelles et pendant une période de trois ans pour les immeubles transformés ou rénovés, durée qui peut être portée à cinq ans en cas de transformation lourde (art. 12 LDTR).

Le Tribunal fédéral a reconnu à la LDTR sa compatibilité avec les dispositions concernant le droit de propriété et la liberté économique consacrées aux art. 26 al.  1 et 27 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101 ; ATF 116 Ia 401 ; arrêt 2C_184/2013 du 8 janvier 2014). En effet, en matière de logement, il est interdit aux cantons d’intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail, réglé exhaustivement par le droit fédéral. Cela étant, les cantons demeurent libres d’édicter des mesures destinées à combattre la pénurie sur le marché locatif. Ainsi, les règles de contrôle temporaire des loyers prévues par la LDTR respectent le principe de primauté du droit fédéral, étant précisé que cette intervention étatique est limitée dans le temps et que les parties demeurent libres de modifier le contrat de bail à l’issue de la période de contrôle (arrêt du Tribunal fédéral 1P.20/2005 du 18 mars 2005 consid. 2.2).

13.         Dans un arrêt du 15 avril 2014, la chambre administrative a jugé que des travaux d’un montant total de CHF 58’379.-, correspondant à un montant de CHF 14’594,75 par pièce ayant pour conséquence une augmentation du loyer après travaux, concernant un appartement de quatre pièces et demie dans lequel avaient été réalisés, sans autorisation, la démolition complète de trois cloisons entre l’entrée, la cuisine, la chambre et le hall afin de créer un nouvel espace de jour plus spacieux côté cour, ayant pour conséquence la disparition d’une chambre et du hall, la démolition/reconstruction de parties de corniches et de plafonds, le rafraîchis-sement de la seconde chambre et de la pièce jusqu’alors utilisée comme séjour (côté rue), la pose d’un nouveau carrelage de sol à la cuisine, la refonte des espaces, cloisons, appareils, équipements et du réseau des sanitaires ainsi que le changement complet du réseau électrique et l’installation de nouveaux câblages, prises et interrupteurs, pouvaient à juste titre être qualifiés de transformations lourdes justifiant l’application d’un délai de contrôle de cinq ans (ATA/260/2014 consid. 16).

14.         Dans deux jugements (JTAPI/1300/2022 et JTAPI/1301/2022 du 29 novembre 2022 accessibles en ligne), le tribunal a examiné la problématique liée à la fixation de la durée du contrôle étatique du loyer d’un logement après travaux. Rappelant la jurisprudence de la chambre administrative et analysant la pratique du département ces dernières années, il a retenu, s’agissant d’une part de travaux d’un montant de CHF 139’000.- portant sur la rénovation complète d’un logement de quatre pièces et demi (peinture, rénovation des carrelages et faïences de la cuisine, la salle de bain et les toilettes, mise en conformité des installations électriques, pose d’un nouvel agencement de cuisine, rénovation des installations sanitaires, réfection des menuiseries, pose d’un nouveau parquet) avec permutation et modification de la disposition des pièces (alcôve du salon, cuisine, chambre) et, d’autre part, de travaux portant sur la réfection complète des peintures d’un logement de quatre pièces, la réfection des installations électriques, la pose de carrelages et faïences ainsi que des piquages, la pose d’un nouvel agencement de cuisine, la réfection des installations sanitaires, la réfection des menuiseries intérieures, le ponçage et la vitrification des parquets ainsi que la pose d’un nouveau parquet, la réparation des stores intérieurs, l’entretien de l’installation de chauffage mais également sur la permutation et modification de la disposition des pièces du logement, pour un coût total de CHF 168’287.-, que les transformations envisagées étaient lourdes au sens de l’art. 12 LDTR, avec pour conséquence que le contrôle des loyers après travaux devait être porté à cinq ans.

La jurisprudence a par la suite confirmé la nouvelle pratique du département (ATA/685/2024 du 10 juin 2024 confirmant sur ce point le JTAPI/700/2023 du 20 juin 2023 ; JTAPI/453/2024 du 15 mai 2024).

15.         Les préavis ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Selon le système prévu par la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. Lorsque la consultation d’une instance de préavis est imposée par la loi, son préavis a un poids certain dans l’appréciation qu’est amenée à effectuer l’autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/146/2021 du 9 février 2021 consid. 10a ; ATA/934/2019 du 21 mai 2019 consid. 8c).

Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s’imposer une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des entités ayant formulé un préavis dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation, pour autant que l’autorité inférieure ait suivi l’avis de celles-ci. Elle se limite à examiner si le département ne s’est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/146/2021 précité consid. 10a ; ATA/1724/2019 du 26 novembre 2019 consid. 7d ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 5).

16.         En l’espèce, est litigeuse la question de savoir si c’est à juste titre que le département a considéré que les transformations envisagées étaient lourdes, avec pour conséquence que le contrôle du loyer devait être porté à cinq ans.

Il ressort du dossier que les travaux autorisés portent sur la rénovation de la cuisine, la réfection des menuiseries y compris les intérieurs des placards, la rénovation complète du système électrique, le remplacement des sanitaires et des colonnes de chute, le remplacement de l’ensemble des carrelages et des faïences, la révision des stores, la réfection de l’ensemble des peintures, le démontage-remontage des radiateurs et l’installation de deux sèche-serviette, la fourniture et la pose de parquets neufs. Ces travaux, qui ont impliqué la détection amiante-PCB-plomb et le retrait des matériaux amiantés, impactent également la disposition des pièces de l’appartement dans la mesure où l’actuelle pièce désignée comme cuisine se situera à l’emplacement d’une future chambre et que la nouvelle cuisine sera déplacée dans la « chambre 1 ». Partant, il peut être constaté que les travaux autorisés portent sur une permutation de pièces, mais a priori non sur la transformation de pièce humide en pièce sèche et vice versa, question qui sera néanmoins laissée ouverte vu l’issue du litige. Aucune modification de la typologie de l’appartement n’est à relever : si le département a certes considéré que ce logement se compose de quatre pièces et demie et non de cinq pièces et demie ainsi que le faisait valoir la recourante, cela résulte de l’application stricte de l’art. 1 al. 7 let. a RGL et non d’un changement des locaux suite à une modifications des cloisons respectivement des murs. Le montant des travaux relatifs à l’autorisation querellée avoisine, au vu des pièces au dossier, de CHF 140’700.-, soit environ CHF 31’266.- par pièce, montant qui peut être qualifié de non négligeable dans le cadre de la rénovation d’un logement de quatre pièces et demie d’environ 82,80 m2 (cf. JTAPI/1300/2022 du 29 novembre 2022 consid. 12 où il a été retenu qu’un coût des travaux de CHF 139’000.-, soit environ CHF  30’000.- par pièce, pouvait être qualifié de non négligeable dans le cadre de la rénovation d’un logement de quatre pièces et demie d’environ 93 m2).

Au vu de ce qui précède et compte tenu qu’il ne convient pas de minimiser le fait que la création et l’aménagement complets de la cuisine et des sanitaires sont des travaux d’une certaine ampleur, il apparaît que les travaux de rénovation de l’appartement concerné doivent être considérés comme des transformations lourdes. Dès lors, en se fondant notamment sur le préavis du service LDTR, le département n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation ni violé la loi en retenant que lesdits travaux devaient être considérés comme des transformations lourdes et, partant, entraîner une durée de contrôle du loyer de cinq ans selon l’art. 12 LDTR.

17.         La recourante se prévaut d’une violation du principe d’égalité de traitement, eu égard au sort différent qui avait été réservé dans le cadre de l’APA 3______ portant sur des travaux similaires dans l’appartement du premier étage de l’immeuble en cause.

18.         Une décision viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst., lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (cf. ATF 146 II 56 consid. 9.1 ; 144 I 113 consid. 5.1.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_195/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.1.2 ; 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1 ; 2C_538/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2 ; 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 ; 8C_107/2019 du 4 juin 2019 consid. 4.2.1 ; 1C_564/2015 du 2 juin 2016 consid. 3.1). Il n’y a pas d’arbitraire du seul fait qu’une solution autre que celle choisie semble concevable, voire préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_523/2019 du 1er avril 2021 consid. 2 ; 2C_713/2020 du 8 décembre 2020 consid. 2.3 ; 1C_12/2019 du 11 novembre 2019 consid. 2.1.1).

19.         L’inapplication ou la fausse application de la loi dans un cas particulier n’attribue en principe pas à l’administré le droit d’être traité par la suite illégalement. En effet, selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l’activité administrative prévaut en principe sur celui de l’égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d’une inégalité devant la loi, lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu’elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d’autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l’autorité dont la décision est attaquée, la volonté d’appliquer correctement à l’avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l’égalité dans l’illégalité que s’il y a lieu de prévoir que l’administration persévérera dans l’inobservation de la loi. Il faut encore que l’autorité n’ait pas respecté la loi selon une pratique constante, et non pas dans un ou quelques cas isolés, et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant n’impose de donner la préférence au respect de la légalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_270/2021 du 1er octobre 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_949/2019 du 11 mai 2020 consid. 6.3 et les arrêts cités ; 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1). C’est seulement lorsque toutes ces conditions sont remplies que le citoyen est en droit de prétendre, à titre exceptionnel, au bénéfice de l’égalité dans l’illégalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_921/2019 du 19 septembre 2019 consid. 1.1 ; 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1).

20.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_18/2015 du 22 mai 2015 consid. 3). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2).

21.         En l’espèce, le département admet, tout au moins implicitement, que des travaux similaires ont été effectués dans un appartement au premier étage de l’immeuble dans le cadre de l’APA 3______, avec un loyer bloqué pendant trois ans. Il explique toutefois que cela résulte du changement de pratique intervenu en son sein et que l’APA 3______ et le préavis de l’OCLPF y relatif ont été rendus dans le courant de ce changement et ne constituent qu’un cas isolé.

Le tribunal ne peut suivre la position du département. En effet, l’APA 3______ - qui concerne effectivement la situation de travaux similaires voire même identiques, la seule différence étant que les parquets ont été poncés et vitrifiés dans le cadre de l’APA 3______ tandis qu’ils ont été posés neufs dans le cadre de l’APA 2______ - n’a pas été délivrée avant que l’OCLPF n’opère son changement de pratique mais en août 2022, soit de nombreux mois plus tard. La justification invoquée par l’autorité intimée est dès lors incorrecte. La recourante peut ainsi valablement invoquer l’APA 3______ pour en déduire une violation du principe de l’égalité de traitement, contrairement à la situation exposée dans le JTAPI/700/2023 du 20 juin 2023 où les APA invoquées avaient été délivrées avant que l’OCLPF n’opère son changement de pratique. Le tribunal tient également à souligner que cette égalité de traitement se justifie d’autant plus qu’il ne s’agit que de se départir d’une pratique de l’administration. Une violation du principe d’égalité de traitement est ainsi à déplorer dans le présent cas dans la mesure où la similitude des situations comparées est établie.

22.         Le recours sera dès lors admis.

23.         Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). L’avance de frais versée par la recourante lui sera restituée. En outre, une indemnité de procédure, fixée à CHF 1’200.-, lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui le département (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 novembre 2023 par A______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             l’admet ;

3.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à la recourante de l’avance de frais de CHF 900.- ;

4.             condamne l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser à A______ SA une indemnité de procédure de CHF 1’200.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, Manuel BARTHASSAT, François HILTBRAND, Diane SCHASCA, Romaine ZÜRCHER

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties

.

 

Genève, le

 

Le greffier