Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2787/2024

JTAPI/1048/2024 du 28.10.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : RETARD INJUSTIFIÉ;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ;AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR
Normes : LPA.4.al4; LPA.62.al6; Cst.29.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2787/2024

JTAPI/1048/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 octobre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Mansour CHEEMA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1968, est ressortissant du Canada.

2.             Le 15 novembre 2023, il a déposé une demande de permis de séjour pour cas de rigueur auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), dans le but de s'occuper de son frère et de sa mère, citoyens suisses, tous deux atteints dans leur santé.

3.             Par acte du 29 août 2024, sous la plume de son conseil, A______ a déposé un recours pour déni de justice auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal), concluant à ce qu'il soit constaté que l'OCPM s'est rendu coupable de déni de justice et cela fait, lui renvoyer la cause en lui ordonnant de rendre une décision dans un délai d'une semaine, sous suite de frais et dépens. Préalablement, il a sollicité l'apport de son dossier.

Sa mère et son frère étaient gravement malades, ce qui l'obligeait à effectuer des voyages réguliers vers la Suisse. Il avait un lien particulier avec sa famille et était aide-soignant de formation. Sa demande revêtait donc un caractère urgent. Or, l'OCPM n'avait pas daigné lui répondre. Il l'avait relancé par courriers des 17 janvier et 26 février 2024. À cette occasion, il avait produit un certificat médical attestant de l'aggravation de l'état de santé de sa mère. En l'absence de décision, il avait dû relancer l'OCPM le 12 avril 2024 en lui impartissant un délai au 19 avril 2024 pour s'exécuter. Le 16 avril 2024, l'OCPM lui avait adressé son projet de décision. Il avait exercé son droit d'être entendu le 13 mai 2024. Depuis lors, il n'avait reçu aucune décision, ce qui l'avait contraint d'écrire à l'OCPM les 9 juillet 2024 et 22 août 2024 en lui impartissant un délai, respectivement au 15 juillet 2024 et 28 août 2024 pour s'exécuter. L'OCPM n'avait toujours pas rendu la décision attendue.

4.             Dans ses observations du 16 septembre 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Il a relevé que A______ avait déposé une demande de permis pour cas de rigueur, respectivement fondée sur l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) le 15 novembre 2023 sur un membre majeur de la famille, soit un regroupement familial inversé. Il était notoire que le traitement de ce genre de requête était complexe et requéraient généralement plus d'une année pour être traitée. Cela était d'autant plus vrai dans le cas d'espèce puisque la demande de l'intéressé reposait sur la situation personnelle de trois personnes majeures.

Depuis le 15 novembre 2023, il avait, par courriels des 20 et 22 novembre 2023, interpellé le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : TPAE) afin de s'enquérir de la situation de la mère et du frère de A______, répondu au conseil de l'intéressé le 23 janvier 2024 et adressé une lettre d'intention le 16 avril 2024. Les vacances d'été avaient suivi de manière quasiment immédiate le courrier du 13 mai 2024 de A______ par lequel il exerçait son droit d'être entendu. Son dossier avait continué à être examiné par le secteur compétent au regard des éléments avancé dans son envoi du 13 mai 2024. Le recours pour déni de justice avait été déposé le 29 août 2024, soit juste après la fin des vacances d'été. L'intéressés n'était donc pas de bonne foi lorsqu'il arguait l'avoir relancé à de nombreuses reprises sans succès puisqu'il avait activement instruit le dossier depuis le dépôt de la demande et même rendu un projet de décision le 16 avril 2024. En tout état, il ne pouvait invoquer le temps mort qu'a duré les vacances d'été afin de justifier l'existence d'un déni de justice, inévitable dans une procédure administrative.

Il a produit son dossier dont un courriel du 6 septembre 2024 qu'il a adressé au conseil de A______ lui demandant comment seraient assurés les frais de séjour en Suisse de son mandant, preuves à l'appui.

5.             Dans sa réplique du 26 septembre 2024, A______ a soulevé que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'appréciait en fonction des circonstances particulières. Il était donc faux de dégager une règle générale consistant à dire qu'il était notoire que ce genre de procédure durait plus d'un an. La santé de ses proches se dégradait. Sa requête revêtait donc un caractère urgent qui aurait dû être pris en compte. S'agissant de l'instruction, certes l'OCPM avait interpellé le TPAE les 20 et 22 novembre 2023. Toutefois, aucun autre acte d'instruction n'avait été fait à l'égard d'un tiers. Le 23 février 2024 et non pas le 23 janvier 2024 comme indiqué par l'OCPM dans ses observations, on lui avait répondu qu'une décision serait prochainement prise. L'argument des féries judiciaires ne sauraient être entendu. Au surplus, il a campé sur ses positions et son argumentaire.

6.             Par envoi du 2 octobre 2024, l'OCPM n'a pas fait valoir d'observations complémentaires.

7.             Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie
« En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés contre les décisions de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10). Dans un tel cas, une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié, si l'autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l'art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

3.             Le recourant bénéficie en soi de la qualité pour recourir (art. 60 al. 1 let. a LPA).

4.             Interjeté dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l'angle des art. 57, 60 et 63 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

5.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

6.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9 ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 515 p. 171).

7.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés ci-après dans la mesure nécessaire (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

8.             Le recourant a sollicité l'apport de son dossier à la procédure. L'OCPM ayant produit celui-ci à l'appui de ses observations du 16 septembre 2024, le tribunal constate qu'il a été donné suite à sa requête.

9.             Aux termes de l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), qui consacre notamment le principe de la célérité, toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

10.         Viole cette garantie l'autorité qui ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable. En dehors des cas où la loi fixe à l’autorité un délai impératif, l’administré n’a pas un droit à ce que l’autorité compétente statue dans un délai déterminé abstraitement (cf. ATA/495/2018 du 22 mai 2018 consid. 5b). Selon la jurisprudence, le caractère raisonnable de la durée d'une procédure ne peut pas être fixé de manière absolue, mais s'apprécie en fonction des circonstances particulières de la cause. Doivent notamment être pris en considération le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4 ; 130 I 312 consid. 5.2 ; décision du Tribunal fédéral 12T_1/2018 du 26 juin 2018 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_636/2016 du 31 janvier 2017 consid. 2.1 ;1C_630/2015 du 15 septembre 2016consid. 3.1 ; 8C_312/2015 du 3 juillet 2015 consid. 2.2 ;2C_537/2013 du 22 août 2013 consid. 3.4.1 ; 2C_455/2011 du 5 avril 2012 consid. 4.6). À cet égard, il y a lieu de se fonder sur des éléments objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_636/2016 du 31 janvier 2017 consid. 2.1 ; 5A_208/2014 du 30 juillet 2014 consid. 4.1 ; décision du Tribunal fédéral 12T_3/2011 du 21 décembre 2011 consid. 1.1). On ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 p. 56; 130 I 312 consid. 5.2 p. 332 ; arrêts du Tribunal fédéral 1D_3/2016 du 27 avril 2017 consid. 8.1 ; 1C_630/2015 du 15 septembre 2016consid. 3.1). Des périodes d'activité intense peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires (ATF 124 I 139 consid. 2c ; décision du Tribunal fédéral 12T_1/2018 du 26 juin 2018 consid. 3). Enfin, l'autorité ne peut invoquer une organisation déficiente ou une surcharge structurelle pour justifier la lenteur de la procédure ; il appartient en effet à l'État d'organiser ses services de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1D_3/2016 du 27 avril 2017consid. 8.1 ; 8C_312/2015 du 3 juillet 2015 consid. 2.5 ; décision du Tribunal fédéral 12T_1/2018 du 26 juin 2018 consid. 3).

11.         Comme le prévoient les art. 4 al. 4 et 62 al. 6 LPA, pour pouvoir se plaindre avec succès d'un retard injustifié, l'intéressé doit être vainement intervenu auprès de l'autorité pour que celle-ci statue à bref délai (cf. ATF 126 V 244 consid. 2d ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_91/2018 du 20 mars 2018 consid. 2 ; 1B_183/2017 du 4 mai 2017 consid. 2 ; 1B_24/2013 du 12 février 2013 consid. 4). Il doit entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1D_3/2016 du 27 avril 2017consid. 8.1 ; 5A_721/2015 du 20 novembre 2015 consid. 3.2 ; 2C_1014/2013 du 22 août 2014 consid. 7.1 non publié aux ATF 140 I 271). Cette règle découle du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), qui doit présider aux relations entre organes de l'État et particuliers. Il serait en effet contraire à ce principe qu'un justiciable puisse valablement soulever ce grief devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité précédente afin de remédier à cette situation (ATF 125 V 373 consid. 2b/aa ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_721/2015 du 20 novembre 2015 consid. 3.2 ; 2C_1014/2013 du 22 août 2014 consid. 7.1).

12.         En l’espèce, le recourant a déposé une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur le 15 novembre 2023 et a produit à cette occasion l’essentiel des pièces nécessaires à l’OCPM pour statuer sur sa demande. Les 20 et 22 novembre suivants, l'OCPM a sollicité, dans le cadre de l’examen de cette requête, des renseignements et des documents complémentaires auprès du TPAE. Sa lettre d'intention a été notifiée à A______ le 16 avril 2024, lequel a exercé son droit d'être entendu le 13 mai 2024. Donnant suite aux différentes relances du conseil de A______ et suite au dépôt du recours pour déni de justice, l'OCPM a sollicité de ce dernier des informations et documents, par courriel du 6 septembre 2024. Il n'a donc accompli aucun acte d'instruction durant trois mois et demi pas plus qu’il n’a répondu aux missives du recourant, laissant le dossier de côté durant cette période. Ce temps mort n'emporte toutefois pas, en lui-même, une violation du principe de célérité, faute d'être choquant. Par ailleurs, l’avancement de la procédure, dans son ensemble, ne permet pas de reprocher à l’autorité intimée un retard excessif quand bien-même la demande du recourant s'inscrit dans une volonté de s'occuper de proches en mauvaise santé. Ainsi, l’examen de la requête, initiée il y a moins d'un an, a repris depuis septembre 2024. En tout état, il apparaît que l'instruction du dossier touche à sa fin. En effet, après avoir pris connaissance des arguments de A______, l'OCPM n'avait plus qu'à lui demander comment seraient assurés ses frais de séjour en Suisse. Dès lors, et pour autant que le recourant ait donné suite au courriel du 6 septembre 2024, une décision pourrait être rendue très prochainement. La durée globale de l'examen de la demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur demeure donc raisonnable, en l’état.

13.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

14.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

15.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours pour déni de justice interjeté le 29 août 2024 par Monsieur A______ ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier