Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/1024/2024 du 18.10.2024 ( MC ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 18 octobre 2024
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Sara BENZAOUI, avocate
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Le 26 septembre 2022, Monsieur A______, ressortissant italien né le ______ 1992, déjà précédemment condamné deux fois par les autorités judiciaires genevoises, a, par jugement du Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève, été reconnu coupable, notamment, de vol et condamné pour infraction à l'art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) puis s'est vu notifier, par décision du commissaire de police fondée sur l'art. 74 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 18 mois, prohibition que l'intéressé a violée à réitérées reprises, entrainant pas moins de six condamnations du contraint entre les 4 décembre 2022 et 10 juin 2023 pour, entre autres, violation de l'art. 119 al. 1 LEI.
2. Incarcéré dès le 10 juin 2023 aux fins de purger de nombreuses condamnations entrées en force, M. A______ s'est vu notifier, le 26 octobre 2023, en son lieu de détention pénale, une décision de renvoi de Suisse prononcée à son encontre le 25 octobre 2023 par l'office cantonal de la population et des migrations en application de l'art. 64 LEI.
3. Par ordonnance du vendredi 4 octobre 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ pour le 17 octobre 2024.
4. Les démarches en vue de la réadmission en Italie de M. A______ ont été entamées dans les jours suivants par la police genevoise et la remise de l'intéressé aux autorités de son pays d'origine est organisée pour avoir lieu le 24 octobre 2024.
5. Le 17 octobre 2024, à 10h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b et h LEI.
Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son retour en Italie. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.
Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 08h55.
6. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour, par courriel, à 11h12.
7. À réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______ désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 18 octobre 2024 à 11h00.
8. Par courriel adressé au tribunal dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a présenté des observations. Il a conclu à sa mise en liberté immédiate dès lors qu'un renvoi en Italie ne présentait aucune difficulté, subsidiairement à la limitation de la durée de la détention à trois jours ouvrables, plus subsidiairement encore à ce qu'elle soit limitée au 5 novembre 2024.
1. Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).
2. Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.
3. Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 17 octobre 2024 à 08h55, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).
4. Selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.
Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.
5. En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisque la réadmission de l'intéressé à la douane de Ponte-Chiasso est fixée le 24 octobre 2024. Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement. Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.
6. Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).
7. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).
8. L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art 75 al. 1 let. b et h de cette même loi, dispose qu'une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée à l'intéressé et que celui-ci quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 74 LEI (let. b) ou qu'il a été condamné pour crime (let. h), par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4).
9. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).
10. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a ; ATA/1367/2020 du 24 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).
11. Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).
12. En l'occurrence, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi prononcée le 25 octobre 2023, laquelle est en force.
Par ailleurs, il a été condamné le 22 septembre 2022 pour vol, infraction constitutive de crime.
Sa détention se justifie donc déjà en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. h LEI sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les conditions de l'art. 75 al. 1 let. b LEI sont également remplies. Le principe de la légalité est donc respecté.
L'assurance de l'exécution de son refoulement répond à un intérêt public certain et s'inscrit dans le cadre des obligations internationales de la Suisse (cf. not. art. 3 ch. 3 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen - Directive sur le retour - RO 2010 5925) et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra être refoulé, étant rappelé que les autorités doivent s'assurer du fait qu'il quittera effectivement le territoire à destination de son pays (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281).
Par ailleurs, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a d'ores et déjà obtenu l'accord de réadmission des autorités italiennes et que celle-ci pourra avoir lieu le 24 octobre 2024.
Concernant la durée de la détention, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois semaines, qui respecte l'art. 79 LEI et n'apparaît pas disproportionnée. Sa portée s'avère au demeurant très relative dès lors que le renvoi de M. A______ pourra être finalisé le 24 octobre 2024, et que sa détention prendra immédiatement fin une fois qu'il aura passé la frontière avec l'Italie. En revanche, si, pour une raison ou une autre, son renvoi ne pouvait avoir lieu à cette occasion, la police devrait pouvoir disposer du temps nécessaire pour l'organiser à nouveau.
Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 25 octobre 2024 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.
13. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 17 octobre 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de 3 semaines, soit jusqu'au 6 novembre 2024 inclus ;
2. invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 25 octobre 2024 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;
3. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |