Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/814/2024 du 23.08.2024 ( OCPM ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 23 août 2024
|
dans la cause
Madame A______
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Madame A______, née le ______ 2000, est ressortissante du Paraguay.
2. La précitée a été interpellée par la police cantonale vaudoise le 7 juin 2019 alors qu'elle était en compagnie de sa sœur aînée. A teneur de son procès-verbal d'audition, toutes deux étaient domiciliées dans un studio, qu'elles partageaient avec leur mère, dans le canton de Genève, à B______, chez un particulier. Elle était née au Paraguay. Leur frère aîné y séjournait. Elle y avait obtenu son brevet de fin d’études en décembre 2017. Elle était arrivée en Suisse le 23 mars 2018 afin d’y rejoindre sa mère et de poursuivre ses études. Elle étudiait le français auprès de l’école C______ depuis septembre 2018. Elle n’exerçait pas d’activité lucrative. Elle n’avait jamais quitté le sol helvétique depuis son arrivée. Elle souhaitait rester en Suisse pour étudier et vivre avec sa mère.
3. Par pli du 2 septembre 2019, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) l'a informée de son intention de prononcer son renvoi, lui impartissant un délai de cinq jours – dont elle n’a pas fait usage – pour faire valoir son droit d’être entendue.
4. Par courrier A+ du 17 septembre 2019, selon suivi postal, l'OCPM a notifié à Mme A______, à son adresse de B______ – soit celle qu'elle avait donnée à la police vaudoise lors de son audition − la décision de renvoi prononcée à son encontre le 16 septembre 2019.
Cette décision déclarée exécutoire nonobstant recours − motivée par le fait qu’elle séjournait en Suisse sans autorisation depuis le 23 mars 2018 − lui impartissait un délai au 16 octobre 2019 pour quitter la Suisse.
En l’absence de recours, cette décision est entrée en force.
5. Par ordonnance pénale du 19 septembre 2019, le Ministère public vaudois a condamné Mme A______ à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de 2 ans, pour entrée et séjour illégaux.
6. Par décision du 30 avril 2020, notifiée le lendemain par courrier A+ à l’adresse de Mme A______ à B______ selon suivi postal, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une décision d’interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES) à l’encontre de la précitée, valable de suite et jusqu’au 29 avril 2023.
7. Par requête enregistrée le 22 septembre 2023, D______ Sàrl a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme A______. La société souhaitait l'engager en qualité de fleuriste moyennant un salaire mensuel brut de CHF 4'500.-.
Divers documents étaient joints, notamment :
- le formulaire d’entrée de sous-locataire de Mme A______ dans un logement à Meyrin à compter du 11 novembre 2021 ;
- le contrat de travail conclu le 21 juin 2023 avec Mme A______ ;
- le certificat de stage de Mme A______ auprès de E______ SA daté du mois de juillet 2022 ; et
- le curriculum vitae de Mme A______ à teneur duquel celle-ci avait notamment effectué divers stages dans le canton depuis 2019.
8. Par décision du 25 octobre 2023, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), auquel la requête précitée avait été transmise par l’OCPM pour raisons de compétence, a refusé de délivrer l’autorisation requise. L’admission de Mme A______ ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse et l’ordre de priorité n’avait pas été respecté. Le dossier de cette dernière était retourné à l’OCPM.
Aucun recours n’a été interjeté contre cette décision.
9. Par décision du 6 décembre 2023, l’OCPM a prononcé le renvoi de Mme A______, un délai au 6 mars 2024 lui étant imparti pour quitter la Suisse.
L’octroi de l’autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité lucrative était refusée. En outre, il ne ressortait pas du dossier que l’exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait être raisonnablement exigé.
10. Par acte du 22 janvier 2024, Mme A______ (ci-après : la recourante) a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il lui soit permis « de rester en Suisse pour travailler et contribuer à l’économie de ce pays ». Elle a également sollicité du tribunal « de bien vouloir renvoyer [s]on dossier à [l’OCPM] afin que tous les aspects de [s]a situation soient de la sorte totalement examinés ». A cette fin, elle a sollicité son audition par le tribunal ou l’OCPM.
Elle était arrivée à Genève en 2018 sans visa « puisque [s]a nationalité [l’]autoris[ait] à [s]e déplacer sans devoir [s]e plier à une telle exigence administrative au préalable ». Elle peinait à comprendre pourquoi elle avait pu suivre sa formation, avec l’approbation de l’école fréquentée, et effectuer deux stages de formation − alors qu’elle était accompagnée par une association ayant pour but de défendre les travailleurs − si aucune possibilité d’activité ne lui était offerte en Suisse en raison de sa nationalité extra-européenne. Elle n’avait jamais caché sa présence en Suisse depuis 2018, notamment à la direction de son école. De surcroît, personne ne lui avait demandé de présenter la moindre autorisation de séjour, aussi bien durant sa formation que pendant les stages réalisés. Ainsi, elle ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas été stoppée dès sa demande d’admission auprès de cette école à Genève et se sentait discriminée, victime d’arbitraire et désespérée par la situation, alors qu’elle pensait de bonne foi pouvoir suivre une formation en Suisse.
Ayant pu réaliser la formation dont elle rêvait et se sentant totalement intégrée en Suisse, elle souhaitait rendre à ce pays ce qu’il lui avait offert, en y travaillant. Malheureusement, personne ne lui avait expliqué que la décision de refus pouvait être attaquée.
Depuis son arrivée en Suisse, elle avait travaillé dur pour être financièrement indépendante, se former, être utile et apprendre le français, qu’elle maîtrisait aisément. Elle avait malheureusement perdu son emploi en raison de son incompréhension des procédures à suivre, mais elle ne doutait pas qu’elle serait capable d’en trouver un nouveau rapidement. Son travail auprès de D______ Sàrl servait les intérêts économiques de la Suisse, pays dans lequel elle s’acquittait d’impôts et de charges sociales en lien avec son activité lucrative. Les conditions de travail qui lui étaient offertes lui permettaient d’être financièrement indépendante et de continuer à s’intégrer sur le sol helvétique.
Son renvoi prononcé dans la décision attaquée aurait de graves conséquences. Arrivée en Suisse au tout début de sa vie d’adulte, elle s’était construite personnellement et professionnellement durant cinq ans dans ce pays, qu’elle considérait comme le sien. Son cercle amical était à Genève, où elle pourrait bénéficier d’un avenir stable et digne, alors qu’elle se retrouverait sans emploi ni soutien financier ou psychologique au Paraguay.
Son renvoi de Suisse serait catastrophique et elle ne pourrait pas s’en remettre. Elle perdrait en outre définitivement sa formation, effectuée en Suisse en toute bonne foi, en se fiant aux conseils qu’elle avait reçus. Personne ne pourrait lui rendre « ces plus belles années de son existence » ni tout ce qu’elle avait investi sur le sol helvétique. En cas de retour au Paraguay, désormais âgée de « près de » 25 ans, elle ne serait plus en mesure d’y reprendre une formation. Elle ignorait ce qu’allait devenir sa vie et ne comprenait pas cette injustice dont elle était victime.
Elle pensait avoir compris que l’OCIRT s’était « simplement penché sur l’intérêt économique de [s]a demande ». Or, elle avait accompli avec succès sa formation en Suisse et les conditions d’une requête sous l’angle de l’opération « Papyrus » étaient remplies. L’examen de son cas devait convaincre le tribunal qu’au-delà de « la simple constatation de l’intérêt économique ou non de [s]on dossier », les autres éléments de sa situation devaient être pris en compte. Ainsi, il convenait de lui octroyer exceptionnellement un titre de séjour qui démontrerait son investissement personnel et professionnel sur le sol helvétique. Enfin, le délai de départ figurant dans la décision attaquée était trop court.
Étaient notamment joints :
- copie de son certificat fédéral de capacité de fleuriste obtenu le 26 septembre 2023 (ci-après : CFC) auprès du centre de formation professionnelle nature et environnement (ci-après : CFP) ; et
- copie de son contrat d’apprentissage en école de métiers signé le 25 juillet 2020 avec le CFP.
11. Le 5 février 2024, la recourante s’est acquittée du paiement de l’avance de frais d’un montant de CHF 500.-.
12. Dans ses observations du 27 février 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours.
Aucune demande de titre de séjour pour études n’avait été déposée par la recourante. Suite à son interpellation par la police vaudoise le 7 juin 2019, une ordonnance pénale avait été rendue à son encontre par le Ministère public vaudois. Elle faisait en outre l’objet d’une décision de renvoi de l’OCPM du 16 septembre 2019 et d’une IES prononcée par le SEM le 30 avril 2020, auxquelles elle n’avait pas donné suite. Dès lors qu’il était lié par le préavis défavorable de l’OCIRT sans marge de manœuvre, la décision querellée était bien fondée. Les arguments de la recourante étaient irrelevants dans le cadre de la présente procédure, qui ne portait que sur la question du renvoi.
13. Par réplique du 21 mars 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions, tout en réitérant sa demande d’audition.
Elle n’avait pas eu connaissance des décisions rendues à son encontre mentionnées par l’OCPM. Elles ne lui étaient pas parvenues, « simplement du fait d’un changement de domicile à cette date ». Sa logeuse de l’époque, avec laquelle elle s’était disputée et qui ignorait où elle était partie vivre, n’avait pas cherché à la joindre pour la prévenir qu’elle avait reçu du courrier. Elle n’avait ainsi pas pu réagir suite aux prononcés de ces décisions. Elle avait toutefois interpellé par écrit le Ministère public vaudois et le SEM afin de savoir ce qu’il s’était passé et de prouver sa bonne foi.
Elle n’avait jamais voulu se cacher ni violer des règles dont elle ignorait l’existence et aurait pu, après l’obtention de son CFC, poursuivre son séjour et son activité en Suisse sans s’annoncer. Elle était consciente de ne pas avoir sollicité d’autorisation de séjour pour études et, même si elle avait « effectivement été légère aux yeux de la loi », son attitude n’était pas due à sa volonté de travailler en Suisse sans autorisation mais au « bonheur de trouver une formation qui [lui] plai[sait] énormément ».
14. Par duplique du 8 avril 2024, l’OCPM a persisté dans ses conclusions.
15. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties qui s’est déroulée le 20 août 2024 :
- la recourante - dont l’attention avait été attirée par le tribunal sur le fait que l'objet du recours se limitait à la décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour en vue d'exercer une activité lucrative du 6 décembre 2023- a confirmé être arrivée en Suisse en mars 2018. Elle n’avait effectué aucune démarche en vue d'obtenir un permis de séjour. Confrontée au fait que, dès le mois de juin 2019 au plus tard, vu sa condamnation par ordonnance pénale pour entrée et séjour illégaux le 7 juin 2019, elle ne pouvait plus ignorer qu’elle n'avait pas le droit d'être en Suisse, elle a expliqué ne pas avoir réagi car elle était jeune et avait peur de retourner chez elle au Paraguay sans avoir eu l'opportunité de faire des études. En 2019, elle voulait suivre des cours de français. Une assistante sociale l'avait informée qu’elle ne pourrait pas obtenir de permis d'études et lui avait suggéré de terminer ses cours de français et d'entreprendre une autre formation avant de demander ce permis. Dès lors, elle s’était inscrite à F______. On ne lui avait pas demandé de permis de séjour, de sorte qu’elle avait pensé être autorisée à suivre des études en Suisse ;
En 2019, elle vivait à B______ chez une amie de sa mère. Sa mère, H______, vivait en Suisse depuis 2014 sans permis de séjour. Aucun autre membre de sa famille ne séjournait en Suisse. Elle n’avait pas reçu la décision de renvoi du 19 septembre 2019 ni l'interdiction d'entrée en Suisse du 30 avril 2020 car elle avait déménagé à G______, où elle pensait avoir résidé jusqu'en 2022 avant de déménager à son adresse actuelle à Meyrin. Elle avait payé des cotisations sociales, possédait une carte AVS. Elle avait de bonne foi pensé avoir agi dans les règles et avait entendu dire qu'après cinq ans d'études en Suisse, il était possible de faire une demande de permis d'études. Le tribunal a attiré son attention sur le fait que les autres aspects de sa situation personnelle ne pouvaient être examinés, dès lors qu’il devait statuer dans les limites fixées par l'objet du recours ;
- Madame Sophie HORNER, pour le compte de l’OCPM, a indiqué qu’au vu des circonstances du cas d'espèce, la seule possibilité serait le dépôt d'une demande de permis humanitaire. Cependant, au vu de son expérience et de la jurisprudence, il y avait peu de chances que cette demande aboutisse, la recourante résidant en Suisse depuis moins de dix ans, étant célibataire et arrivée en Suisse alors qu'elle était majeure. Il pourrait lui être suggéré de se rendre auprès d'un des centres de consultation juridique d'un service social, tel que CARITAS. Le permis d'études devait être demandé depuis l'étranger. S'agissant des cinq ans mentionnés par la recourante, il devait y avoir confusion. La durée d'études en Suisse pouvait être invoquée par les parents dont les enfants étaient scolarisés en Suisse dans le cadre du dépôt d'une demande de permis humanitaire ;
- la recourante - qui s’est montrée émue et a pleuré - a indiqué qu’elle entendait déposer une demande de permis humanitaire. C'est dans ce cadre qu’elle solliciterait de l'OCPM l'examen de tous les aspects de sa situation personnelle. Aussi, elle retirait sa conclusion visant à ce que son dossier soit renvoyé à l'OCPM pour nouvel examen. En cas de renvoi au Paraguay, elle ne saurait pas où aller. Son père et ses cousins y vivaient, mais elle n'avait aucun contact avec eux. Elle avait également un frère et une sœur qui vivaient au Paraguay, avec lesquels elle avait peu de contacts. La situation au Paraguay était mauvaise et c’était compliqué d'y trouver du travail. Elle n’était pas en possession d’un permis de séjour dans un autre État Schengen. Elle était en bonne santé. Après relecture du procès-verbal, elle a ajouté, qu'après son interpellation en 2019, c'était la période COVID et qu'il était encore plus compliqué de retourner au Paraguay, où la situation était encore plus difficile qu'auparavant.
À l’issue de cette audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).
4. Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).
5. L'objet du litige est défini par trois éléments : principalement par l'objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant, et accessoirement par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/504/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités).
6. À titre préalable, le tribunal constate que, comme il l’a rappelé à la recourante durant l’audience de comparution personnelle, le recours de cette dernière porte sur la décision du 6 décembre 2023. Par le biais de cette décision, l’OCPM a prononcé son renvoi de Suisse, aux motifs que l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative lui avait été refusée par décision de l’OCIRT du 25 octobre 2023 entrée en force et que l’exécution de son renvoi apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.
Partant, le tribunal étant lié par l’objet du litige, circonscrit notamment par la décision attaquée, seule la question de l’exécution du renvoi de la recourante pourra être examinée dans le cadre du présent jugement, à l’exclusion de tout argument en lien avec la décision négative de l’OCIRT – contre laquelle la recourante n’a pas interjeté recours – ou avec l’éventuelle délivrance en sa faveur d’un titre de séjour pour un autre motif, étant rappelé que cette question n’a, à ce stade, pas été examinée par l’autorité intimée.
Il sera pour le surplus constaté que la recourante a indiqué retirer, durant l’audience de comparution personnelle, sa requête adressée au tribunal, dans son recours, « de bien vouloir renvoyer [s]on dossier à [l’OCPM] afin que tous les aspects de [s]a situation soient de la sorte totalement examinés ». Il lui en est donné acte dans le cadre du présent jugement.
7. La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Paraguay.
8. Tout étranger qui désire séjourner en Suisse en vue d’y exercer une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour (art. 11 al. 1 LEI).
En cas d’activité salariée, la demande doit être déposée par l’employeur auprès de l’autorité compétente du lieu de travail envisagé (art. 11 al. 1 et 3 LEI).
9. Lorsqu’un étranger ne possède pas de droit à l’exercice d’une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l’admettre en vue de l’exercice d’une activité lucrative (art. 40 al. 2 LEI).
Dans le canton de Genève, la compétence pour rendre une telle décision est attribuée à l’OCIRT (art. 2 al. 2 LaLEtr et 6 al. 4 du règlement d’application de la loi fédérale sur les étrangers, du 17 mars 2009 - RaLEtr - F 2 10.01), dont la décision préalable lie l’OCPM (art. 6 al. 6 RaLEtr ; cf. aussi directives et commentaires du SEM, domaine des étrangers, état au 1er juin 2024, ch. 1.2.3.2).
10. Aux termes de l’art. 64 al. 1 LEI, l’autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu (let. a), d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse (let. b) et d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).
Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).
11. En l’espèce, la recourante est dépourvue à ce jour de titre de séjour valable en Suisse suite à la décision de l’OCIRT du 25 octobre 2023, devenue définitive en l’absence de recours, constatant qu’elle ne remplissait pas les conditions de séjour avec activité lucrative en Suisse.
Partant, l’OCPM, liée par cette décision négative de l’OCIRT, n’avait d’autre choix que de prononcer le renvoi de la recourante, en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI.
12. Reste à déterminer si l’exécution de cette mesure est possible, licite et raisonnablement exigible.
13. Selon l'art. 83 LEI, le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1).
L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2).
L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3).
L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).
14. L’impossibilité du renvoi au sens de l’art. 83 al. 2 LEI suppose que l’étranger ne puisse pas quitter la Suisse et rejoindre son Etat d’origine, de provenance ou un Etat tiers sur une base volontaire et que, simultanément, les autorités suisses se trouvent elles-mêmes dans l’impossibilité matérielle de renvoyer l’intéressé, malgré l’usage éventuel de mesures de contrainte (cf. Pratique en droit des migrations, code annoté de droit des migrations, vol. II Loi sur les étrangers, 2017, p. 942).
De tels obstacles objectifs peuvent résulter notamment d’un refus des autorités d’un pays de destination de délivrer des documents nationaux d’identité à des ressortissants de leur pays ou encore du refus de ces mêmes autorités de réadmettre sur leur sol l’un de leurs nationaux pourtant titulaire d’un document de voyage valable. Toutefois, le moindre obstacle s’opposant à l’exécution de renvoi ne suffit pas encore au prononcé d’une admission provisoire individuelle : il faut que l’empêchement objectif perdure un certain temps et que l’exécution du renvoi apparaisse impossible pour une durée indéterminée à l’avenir (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-6163/2019 du 11 juin 2020 consid. 2.6 et les réf. citées).
15. L’art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a et les arrêts cités).
Pour apprécier l'existence d'un risque réel de mauvais traitements, il convient d'appliquer des critères rigoureux. Il s'agit de rechercher si, eu égard à l'ensemble des circonstances de la cause, il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé, si on le renvoie dans son pays, y courra un risque réel d'être soumis à un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_908/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.1.2 et les références citées ; 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).
16. L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet et, ainsi, exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral D-5367/2015 du 24 mars 2020 consid. 8; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a ; ATA/997/2020 du 6 octobre 2020 consid 6a ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 11d ; ATAF 2010/54 consid. 5.1).
17. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2009/52 consid. 10.1, ATAF 2008/34 consid. 11.2.2 et ATAF 2007/10 consid. 5.1).
18. À teneur de l'art. 90 LEI - qui est également applicable en matière d'examen de l'exécutabilité du renvoi (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-546/2016 du 13 juin 2017 consid. 4.4) - l'étranger doit collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Il doit en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 5.1).
19. En l’espèce, il n’a pas été démontré que la recourante serait dépourvue de documents d’identité ou encore que les autorités du Paraguay refuseraient de la réadmettre sur leur sol, ce qu’elle ne prétend d’ailleurs pas. Partant, il ne peut être retenu que son renvoi serait impossible au sens de l’art. 83 al. 2 LEI.
De même, il n’apparaît pas que son renvoi serait illicite. La recourante explique qu’en cas de retour dans son pays, elle perdrait sa formation effectuée en Suisse et tout ce qu’elle avait investi sur le sol helvétique. Ensuite, elle ne serait, selon elle, plus en mesure de reprendre une formation au Paraguay en raison de son âge. Enfin, elle ignorait ce qu’elle deviendrait dans ce pays. Même si les craintes précitées sont compréhensibles, elles ne sauraient toutefois équivaloir au risque réel de mauvais traitements exigé par la jurisprudence citée ci-dessus en vue de la reconnaissance de l’illicéité du renvoi au sens de l’art. 83 al. 3 LEI.
Enfin, les allégations de la recourante exposées ci-dessus, dont elle se prévaut pour s’opposer à son renvoi, ne démontrent nullement que son renvoi au Paraguay ne pourrait être exigé, conformément aux conditions strictes posées par la jurisprudence précitée. En effet, cette dernière, âgée de 24 ans, est encore jeune. En outre, elle est en bonne santé selon ses déclarations durant l’audience. Elle est de plus désormais au bénéfice d’une formation de fleuriste, ce qui constituera vraisemblablement un atout pour la suite de sa carrière professionnelle. Partant, rien ne laisse à penser qu’elle serait destinée à vivre durablement dans le dénuement le plus complet en cas de retour au Paraguay, pays où elle a passé toute son enfance et son adolescence, obtenu un brevet de fin d’études selon ses déclarations à la police vaudoise en juin 2019 et dans lequel vivent, comme exposé durant son audition, plusieurs membres de sa famille, notamment son père, son frère, sa sœur et ses cousins, même si elle n’est pas particulièrement proche de ces derniers.
À ce titre, il sera rappelé que, conformément à la jurisprudence mentionnée plus haut, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de logement, d'emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une mise en danger telle que celle exigée par l’art. 83 al. 4 LEI.
Partant et sans minimiser les craintes de la recourante de se retrouver dans une situation manifestement plus compliquée qu’en Suisse une fois de retour dans son pays d’origine, le tribunal constate qu’il résulte de ce qui précède que l'exécution du renvoi de la précitée apparaît licite, possible et raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 LEI.
20. En conclusion, mal fondé, le recours est rejeté.
21. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
22. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 22 janvier 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 6 décembre 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |