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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1051/2024

JTAPI/282/2024 du 28.03.2024 ( MC ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1051/2024 MC

JTAPI/282/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 mars 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Marc-Philippe SIEGRIST, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1989, est originaire de Guinée.

Il est en possession d'un passeport national et d'une autorisation de séjour belge pour membre de la famille d'un citoyen de l'Union, en cours de validité.

2.             Le 24 janvier 2024, les services de police ont observé une transaction de stupéfiants entre l'intéressé et un automobiliste à la rue Pédro-Meylan, 1208 Genève. Ce dernier, interpellé peu de temps après, a expliqué avoir acheté le jour en question un gramme de cocaïne à M. A______ en échange de CHF 80.-, et se fournir auprès de l'intéressé en cocaïne depuis environ deux ans.

Suite à cela, M. A______ a également été interpellé et la perquisition de son logement sis B______ 1______, a permis de retrouver deux sachets de cocaïne (42 grammes et 25.8 grammes) ainsi que du matériel de conditionnement.

3.             Entendu dans les locaux de la police, M. A______ a reconnu se livrer au trafic de cocaïne sur le territoire cantonal depuis environ six mois, avoir une dizaine de clients réguliers, vendre environ 5 grammes de cocaïne par semaine, avoir écoulé 120 grammes de drogue pour CHF 8'400.- et CHF 9'600.- et ne pas vouloir divulguer ses fournisseurs, par peur de représailles. S'agissant de sa situation personnelle, il sous-louait une chambre à l'adresse perquisitionnée, était arrivé à Genève en 2021 afin d’y trouver un emploi, avait déposé une demande d'autorisation de séjour à l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), était à la charge de l'Hospice général et n'avait aucun lien particulier avec la Suisse dans la mesure où ses trois enfants étaient en Guinée.

4.             Prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121, trafic de cocaïne), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public, sur ordre du commissaire de police, puis maintenu en détention provisoire dans l'attente de son jugement.

5.             Par jugement du 20 mars 2024, le Tribunal de police a reconnu M. A______ coupable notamment d'infraction grave à la LStup (art. 19 al. 1 let. c et d et al. 2 let. a LStup), l'a condamné à une peine privative de liberté de quinze mois, sous déduction de 57 jours de détention avant jugement, avec sursis, délai d'épreuve trois ans et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 let. o du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)), ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté jusqu'au 27 mars 2024.

6.             Le même jour, les services de police ont soumis au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) une demande de réadmission de M. A______ en Belgique conformément aux dispositions de l'Accord du 12 décembre 2003 entre la Confédération suisse et les États du Benelux (le Royaume de Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas) relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (RS 0.142.111.729; entrée en vigueur : 1er mars 2007).

7.             Le 27 mars 2024, l'intéressé a été libéré de la prison de Champ-Dollon et remis aux services de police.

8.             Le 27 mars 2024, à 14h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée d’un mois. Le refoulement de l’intéressé en Belgique, par voie aérienne, serait organisé dès réception du consentement des autorités belges à la demande de réadmission de l'intéressé. A défaut, son refoulement serait organisé à destination de la Guinée.

Lors de son audition, M. A______ a déclaré qu’il était d’accord de retourner en Belgique. Il était en outre d’accord « à ce que le Tribunal administratif de première instance renonce à la procédure orale », après que le commissaire de police avait attiré son attention sur la teneur de l’art. 80 al. 3 LEI.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers avait débuté à 13h45.

9.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour, par courriel, à 14h24. Ayant reçu à l’instant le consentement des autorités belges, il joignait également la demande de réservation de vol.

10.         Par courriel de 15h01, le commissaire de police a transmis au tribunal le billet d’avion réservé en faveur de M. A______ pour le jeudi 4 avril 2024.

11.         A réception de l’ordre de mise en détention, le tribunal a invité le conseil de M. A______, désigné d’office pour la défense de ses intérêts (cf. art. 12 al. 2 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10), à lui communiquer ses éventuelles observations écrites d’ici au 28 mars 2024 à 12h00.

12.         Dans le délai imparti, le conseil de M. A______ a présenté des observations et conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention soit, subsidiairement, à la réduction de sa durée à une semaine. Son mandant souhaitait retourner en Belgique le plus rapidement possible et il était notoire qu’il existait des vols quotidiens vers ce pays. Partant, la détention pour une durée d’un mois n’était pas adéquate ni proportionnée.

 

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d’office la légalité et l’adéquation de la détention administrative (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d LaLEtr).

2.             Selon l’art. 8 al. 3 LaLEtr, les ordres de mise en détention du commissaire de police sont transmis sans délai au tribunal pour contrôle de la légalité et de l’adéquation de la détention.

3.             Le tribunal statue ce jour dans le délai de nonante-six heures prévu par les art. 80 al. 2 LEI et 9 al. 3 LaLEtr, la détention administrative de M. A______ ayant concrètement débuté le 27 mars 2024 à 13h45, comme l’indique le procès-verbal d’audition (cf. à cet égard arrêts du Tribunal fédéral 2C_618/2011 du 1er septembre 2011 consid. 2 ; 2C_206/2009 du 29 avril 2009 consid. 5.1.1 et les références citées).

4.             Toutefois, selon l’art. 80 al. 3 LEI, l’autorité judiciaire peut renoncer à la procédure orale lorsque le renvoi pourra vraisemblablement avoir lieu dans les huit jours suivant l’ordre de détention et si la personne concernée a donné son consentement écrit, étant précisé que si le renvoi ne peut être exécuté dans ce délai, la procédure orale a lieu au plus tard douze jours après l’ordre de détention.

Le message du Conseil fédéral relatif à cette disposition précise : « Dans la pratique, il s’avère de manière générale que la procédure en vue du prononcé d’une détention du droit en matière d’étrangers prend beaucoup de temps pour les autorités. C’est pour cette raison que l’alinéa 3 prévoit nouvellement que l’autorité peut renoncer à une procédure orale devant le juge de la détention lorsque le renvoi a lieu à bref délai et que la personne concernée a donné son accord écrit. Cependant, il faut lui accorder le droit d’être entendue. Dans ce cas, l’examen de la détention a lieu par écrit sur la base du dossier. S’il s’avère par la suite que le renvoi planifié ne peut pas être exécuté dans le délai prévu, la procédure orale doit avoir lieu après coup. Ainsi, un examen judiciaire complet est garanti » (FF 2002 3469, p. 3573).

Ainsi, s’il est possible de renoncer initialement à la procédure orale dans les conditions prévues par l’art. 80 al. 3 LEI, le tribunal reste néanmoins tenu d’examiner la légalité et l’adéquation de la détention au terme d’une procédure écrite.

5.             En l’espèce, tout porte à croire que le renvoi pourra avoir lieu dans le délai de huit jours précité, puisqu'un vol à destination de la Belgique a été confirmé pour le 4  avril 2024 à 08h35 au départ de Genève.

Par ailleurs, M. A______ a donné par écrit son consentement à ce que le tribunal statue sur son sort sans l’entendre oralement.

Le tribunal se prononce donc sur la base du dossier du commissaire de police et après avoir donné la possibilité à M. A______, sous la plume de son conseil, de déposer des observations écrites.

6.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

7.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l’art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_237/2013 du 27 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_413/2012 du 22 mai 2012 consid. 3.1) et de l’art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu’elle repose sur une base légale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2012 du 29 juin 2012 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1). Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne peut être prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_237/2013 du 27  mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

8.             Selon l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h de cette même loi une mesure de détention administrative peut être ordonnée si une décision de renvoi ou d’expulsion a été notifiée à l’intéressé et que celui-ci a été condamné pour crime.

9.             Une mise en détention est aussi possible si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

10.         La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

11.         En l'espèce, M. A______ a fait l'objet d'une mesure d'expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans prononcée le 20 mars 2024 par le Tribunal de police. Il a par ailleurs été condamné par ce dernier pour infraction grave à la LStup (art 19 al. 2 LStup), laquelle est constitutive d'un crime, au sens de l'art. 10 al. 2 CP. Sa détention administrative est ainsi justifiée sur la base des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 75 al. 1 let. h LEI, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si elle pourrait l’être également en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

L’assurance de son départ de Suisse répond en outre à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra monter à bord de l’avion devant le refouler, étant relevé qu'il ne dispose d'aucune famille ni attache particulière avec la Suisse et qu'il est à la charge de l'Hospice général. Dans son principe, sa mise en détention respecte donc aussi le principe de la proportionnalité.

12.         Les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI). Il s’agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d’une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

13.         En l'espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a immédiatement procédé aux démarches nécessaires en vue de la réadmission de M. A______, laquelle pourra avoir lieu par vol du 4 avril 2024 déjà.

14.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

15.         En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

16.         En l'espèce, eu égard à l'ensemble des circonstances, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée d'un mois, qui respecte en soi l'art. 79 al. 1 LEI et n'apparaît pas disproportionnée.

Cela étant, il sera souligné que si le renvoi n'a pas eu lieu dans le délai de huit jours suivant l'ordre de détention, M. A______ sera entendu par le tribunal au plus tard douze jours après l'ordre de détention (art. 80 al. 3 LEI). Dans cette perspective, il appartiendra au commissaire de police de faire savoir au tribunal, le 4 avril 2024 au plus tard, si l'exécution du renvoi s'est concrétisée ou non.

17.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative émis par le commissaire de police le 27 mars 2024 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu'au 26 avril 2024, inclus ;

2.             invite le commissaire de police à faire savoir au tribunal le 4 avril 2024 au plus tard si l’exécution du renvoi a eu lieu ou non ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière