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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4080/2022

JTAPI/317/2024 du 10.04.2024 ( OCPM ) , ADMIS

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;MARIAGE;CAS DE RIGUEUR;INTÉRÊT DE L'ENFANT
Normes : LEI.50.al1.letb; CDE.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4080/2022

JTAPI/317/2024

 

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 avril 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs B______ et C______, représentés par Me Samir DJAZIRI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1983, et ses enfants mineurs B______, né le ______ 2012, et C______, née le ______ 2014, sont ressortissants de Chine.

2.             Par décision du 27 octobre 2022, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de renouveler leurs autorisations de séjour et a prononcé leur renvoi de Suisse.

S'agissant des faits, Mme A______ était arrivée en Suisse le 6 juillet 2006 dans le cadre d'un séjour temporaire pour études. En date du 30 juillet 2016, elle avait épousé Monsieur D______, de nationalité suisse, à Genève, et avait obtenu une autorisation de séjour au titre de regroupement familial, valable jusqu'au 29 juillet 2021. Ses enfants B______ et C______ étaient nés respectivement les ______ 2012 et ______2014 à Genève. Leur père, Monsieur E______, né le ______ 1975, ressortissant chinois, avait fait l'objet d'une décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour et de renvoi prononcée le 19 avril 2021. L'OCPM avait adressé un projet de décision à Mme A______ le 9 juin 2022, car les éléments en sa possession donnaient à penser qu'elle et M. D______ ne faisaient pas ménage commun et certaines déclarations et constatations, notamment au sujet du père des enfants, laissaient penser qu'il n'y avait peut-être pas eu de volonté de former une union conjugale. Suite à ce projet, Mme A______ et M. D______ ont annoncé leur séparation à l'OCPM en indiquant que celle-ci remontait au 1er août 2020, après quatre ans de vie commune. Mme A______ avait bénéficié de prestations financières de l'Hospice général du 1er novembre 2018 au 30 novembre 2018. Elle travaillait pour la société F______ SA pour un salaire net de CHF 5'442.-. Elle faisait l'objet de poursuites et de dix-neuf actes de défaut de biens pour un montant de CHF 50'505.75.-, la dernière poursuite contractée remontant au 26 avril 2022. Mme A______ possédait un niveau de français B1 à l'oral et A1 à l'écrit. Elle avait été condamnée par ordonnance pénale du Ministère public du 23 mai 2014 pour emploi d'étrangers sans autorisation et, en date du 9 février 2018, pour emploi répété d'étrangers sans autorisation, activité lucrative sans autorisation, incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégal et conduite d'un véhicule automobile sans permis de conduire. En date du 1er septembre 2022, l'OCPM avait fait part à Mme A______ de son intention de refuser de prolonger son autorisation de séjour suite à sa séparation et de prononcer son renvoi de suisse, ainsi que de ses enfants. Dans ses observations du 19 octobre 2022, Mme A______ invoquait en substance que les critères d'intégration étaient remplis, puisqu'elle disposait des compétences linguistiques requises, qu'elle exerçait une activité lucrative et qu'elle avait l'intention de racheter les actes de défaut de biens établis à son encontre. Par ailleurs, elle indiquait qu'un retour en Chine serait actuellement contre-indiqué en raison d'une affection médicale qui impactait le développement psycho-affectif et intellectuel de son fils B______, lequel suivait un enseignement spécialisé qui ne serait pas accessible en Chine. Enfin, elle relevait qu'elle se trouvait en Suisse depuis seize ans et que ses enfants étaient nés à Genève.

Sur le plan juridique, l'union entre Mme A______ et M. D______ avait duré plus de trois ans. Cela étant, elle ne remplissait pas les critères d'intégration, puisqu'elle faisait l'objet d'un montant important d'actes de défaut de biens auprès de l'office des poursuites, continuait de contracter de nouvelles dettes et avait été condamnée à deux reprises par le Ministère public. Le fait qu'elle avait manifesté son intention de racheter ses actes de défaut de biens n'était pas suffisant pour considérer qu'elle avait respecté et respectait ses obligations de droit public ou privé, puisqu'elle n'avait fourni qu'un engagement de sa part à verser une somme de CHF 2'600.- à un créancier. En outre, aucun élément du dossier ne permettait de constater qu'un renvoi en Chine la placerait dans une situation de rigueur, étant rappelé qu'elle était arrivée en Suisse à l'âge de 23 ans et qu'elle avait passé toute son enfance et son adolescence dans son pays d'origine. Certes, Mme A______ vivait en Suisse depuis seize ans, mais son séjour, depuis son arrivée et jusqu'au 31 janvier 2013, était un séjour temporaire pour études et, jusqu'à son mariage le 30 juillet 2016, son séjour n'était toléré qu'en raison des recours pendants suite à la décision de l'OCPM du 12 janvier 2015 refusant de renouveler son autorisation de séjour pour études et prononçant son renvoi de Suisse, ainsi que celui de ses enfants. Elle ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'elle ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confrontée à des obstacles insurmontables. En effet, elle n'avait pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu'elle ne puisse plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d'origine. Sa situation personnelle ne se distinguait pas de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités en Chine. S'agissant de l'intérêt supérieur des enfants, ceux-ci étaient nés en Suisse, étaient âgés respectivement de 8 et 10 ans et, que bien que scolarisés, ils n'étaient pas encore adolescents, de sorte que leur intégration en Suisse n'était pas déterminante, ce d'autant qu'ils étaient en bonne santé. Ainsi, leur réintégration dans leur pays d'origine ne devrait pas leur poser des problèmes insurmontables. Concernant en particulier B______, il n'avait pas été démontré qu'un système d'éducation spécialisé était inexistant en Chine et qu'il ne pourrait pas, tout comme l'ensemble des enfants dans son pays d'origine souffrant des mêmes difficultés d'apprentissage et de comportement, bénéficier de structures adéquates. Sa réintégration en Chine n'apparaissait pas fortement compromise.

3.             Par acte du 28 novembre 2022, sous la plume de son conseil, Mme A______, agissant également au nom et pour le compte de ses enfants, (ci-après: la recourante) a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) concluant, à titre préalable, à l'audition de la docteure G______. À titre principal, elle a conclu à l'annulation de la décision et, cela fait, au renouvellement de leurs autorisations de séjour et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'OCPM pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens.

L'audition de la Dre G______ était nécessaire pour renseigner sur la situation médicale de B______ ainsi que sur les conséquences qu'auraient pour lui un renvoi en Chine.

Son union conjugale avec M. D______ avait duré plus de trois ans. Elle remplissait les critères d'intégration. Les deux condamnations pénales et ses dettes ne démontraient pas un déficit d'intégration. Il s'agissait de condamnations anciennes et la quotité des peines ne dépassait pas largement le cadre fixé par l'art. 4 al. 2 de l'ordonnance sur la nationalité du 17 juin 2016 (OLN – RS 141.01). Par ailleurs, elle n'avait fait l'objet que d'une seule poursuite en 2022, d'un montant de CHF 264.80.-, et n'en avait plus fait l'objet d'aucune depuis avril 2022. Elle avait également entrepris des démarches afin de les racheter et avait écrit à huit créanciers afin de procéder à divers paiements, ainsi qu'à l'office des poursuites. De plus, elle surpassait largement le niveau requis en terme de connaissance du français, dans la mesure où elle possédait un niveau B1 à l'oral et A1 à l'écrit. Elle exerçait aussi une activité lucrative et percevait un revenu mensuel net de CHF 5'442.-, lequel lui permettait de couvrir ses charges. Au surplus, aucun élément ne permettait de retenir qu'elle ne respectait pas les valeurs de la Constitution.

Son fils, B______, âgé de 10 ans, bénéficiait d'un enseignement spécialisé et souffrait d'une affection médicale qui impactait son développement psycho-affectif et intellectuel. Il ressortait de l'attestation médicale de la Dre G______ qu'un traitement psychothérapeutique intensif avait pu être récemment mis en place, à raison de deux séances par semaine, étant précisé que ce traitement était essentiel pour le bon développement de B______ et devait être poursuivi avec une stabilité de son cadre sur plusieurs années. De plus, à la connaissance de la Dre G______, ce type de traitement, tout comme la prestation d'enseignement spécialisé, n'étaient pas accessibles en Chine, de sorte qu'un retour était contre-indiqué. En outre, B______ ne pourrait bénéficier d'aucune psychothérapie utile en Chine dans la mesure où il ne parlait que très partiellement le mandarin, de sorte que même s'il trouvait un thérapeute, il ne pourrait pas communiquer avec lui. Enfin, la recourante séjournait en Suisse depuis seize ans et ses enfants étaient nés à Genève, de sorte qu'un renvoi constituerait, pour tous les trois, un déracinement.

4.             Par requête du 4 janvier 2023, Mme A______ a sollicité la délivrance d'un visa pour se rendre en Chine, demande qui a été rejetée.

5.             Le 25 janvier 2023, l'OCPM a transmis ses observations, accompagnées de son dossier. Il concluait au rejet du recours.

Si l'union conjugale entre la recourante et son époux avait duré plus de trois ans, son intégration faisait défaut. Elle n'avait en tous les cas pas réussi à la démontrer. Elle faisait non seulement l'objet de nombreux actes de défaut de biens et de poursuites, mais elle avait aussi été condamnée à deux reprises par le Ministère public pour des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Aucune pièce du dossier ne permettait de retenir l'existence de raisons personnelles majeures ou que sa réintégration dans son pays d'origine serait compromise.

S'agissant de ses enfants, âgés respectivement de 10 et 8 ans, leur processus d'intégration en Suisse, vu leur jeune âge, n'était pas à ce point avancé qu'il serait irréversible. En outre, il n'avait pas été établi que B______ ne pourrait pas recevoir en Chine les soins adaptés et un suivi médical de manière adéquate.

6.             Le 3 avril 2023, la recourante a répliqué.

Son intégration était réussie, dès lors qu'elle résidait en Suisse depuis plus de seize ans, qu'elle exerçait une activité lucrative et qu'elle parlait couramment le français. S'agissant de ses dettes, elle n'avait fait l'objet que d'une seule poursuite d'un faible montant en 2022, mais n'avait plus fait l'objet d'aucune poursuite depuis avril 2022. Ses actes de défaut de bien étaient relativement anciens et elle avait entrepris des démarches concrètes pour les racheter.

Concernant ses enfants, ils avaient toujours vécu en Suisse et y étaient parfaitement intégrés, de sorte qu'un renvoi en Chine, pays qu'ils ne connaissaient pas, constituerait pour eux un véritable déracinement.

Enfin, la position de l'OCPM s'agissant de l'absence des possibilités de prise en charge adéquate pour B______ ne reposait sur aucun élément et semblait uniquement dictée par les besoins de la cause, étant précisé que le certificat de la Dre G______ démontrait que B______ ne pourrait pas bénéficier d'un suivi adéquat en Chine.

7.             Le 5 mai 2023, l'OCPM a informé le tribunal qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

8.             Le 26 janvier 2024, le tribunal a procédé à l'audition des parties et de la Dre G______.

a.              La recourante a produit à l’audience les pièces requises par le tribunal concernant sa situation financière actuelle, soit ses fiches de salaire de juin à décembre 2023, un extrait du Registre des poursuites daté du 25 janvier 2024 et une attestation de l’Hospice général du 25 janvier 2024. S’agissant de l’extrait des poursuites, comparé à celui du 9 juin 2022, sept actes de défaut de biens avaient été payés et la dette en lien avec les actes de défaut de biens était passée d’un peu plus de CHF 50'000.- à un peu plus de CHF 47’000.-.

Elle a déclaré qu'elle était passée d’un salaire mensuel net de plus de CHF 5'400.- à un salaire mensuel net d’un peu plus de CHF 4'200.- aujourd’hui, réduisant son activité de 100% à 80% pour pouvoir mieux s’occuper de ses enfants, en particulier son fils B______ qui avait entrepris des séances chez un logopédiste et chez un psychologue. Il allait chez le logopédiste depuis plusieurs années mais consultait le psychologue depuis environ deux ans. Elle était obligée d’assumer elle-même cette charge, étant donné qu'elle vivait seule. Sur question du tribunal, elle a expliqué qu'elle n’avait sollicité aucune aide sociale à laquelle elle pouvait éventuellement avoir droit, parce qu'elle en ignorait l’existence. Elle payait elle-même entièrement ses primes d’assurance-maladie, ainsi que son loyer qui était de CHF 2'690.-.

Si son permis de séjour était renouvelé, cela stabiliserait la situation, son fils serait ainsi moins stressé, ce qui lui permettrait de travailler à nouveau à 100%. Dans les périodes difficiles et incertaines, son fils manifestait beaucoup d’anxiété. Elle recevait de la part du père des enfants, qui résidait actuellement en Italie, la somme de CHF 1'500.- par mois, qui lui étaient versés sous la forme d’un montant trimestriel unique de CHF 4'500.-. Il venait de temps à autre leur rendre visite durant quelques jours. Elle était originaire de la province H______ (Chine) où vivait toujours sa mère. Son père était décédé en 2018 et un litige était survenu avec ses frères et sœurs avec lesquels elle n’avait aujourd’hui plus de contacts. Ils vivaient actuellement toujours en Chine, mais dans une autre province. Elle communiquait avec ses enfants en mandarin, mais il s’agissait d’un langage assez simple qui se rapportait à la vie quotidienne domestique. Par contre, ils ne savaient ni lire ni écrire cette langue. Dans sa province, les gens parlaient environ deux cent dialectes différents, que ses enfants ne parlaient pas. Elle ne leur avait pas enseigné son dialecte d’origine, le wenzhou, car c’était un langage très compliqué qu'elle-même ne maîtrisait qu'imparfaitement. En revanche, le problème serait qu’en revenant dans sa province avec ses enfants, ceux-ci se retrouveraient face à une population qui communiquait toujours dans les différents dialectes de leur province.

Les seuls rendez-vous réguliers de son fils étaient ses deux rendez-vous hebdomadaires avec un logopédiste et deux rendez-vous hebdomadaires avec un psychologue. Jusqu’à récemment, c’était elle qui l’accompagnait pour se rendre chez ces spécialistes, mais elle avait pu lui apprendre à faire les trajets tout seul et, s’agissant du logopédiste, c'était un appui qu’il recevait directement dans sa nouvelle école spécialisée, qu’il avait intégrée à la rentrée 2023.

Il n’existait pas de possibilité de prise en charge appropriée pour son fils en Chine. Pour trouver une solution qui pût lui être utile, ce serait à elle de payer.

b.             Entendue en qualité de témoin assermenté, la Dre G______ a précisé le contenu de son attestation du 14 octobre 2022. B______ souffrait d’un trouble envahissant du développement ou retard de développement. Il n’était pas exclu que ceci fût lié à un syndrome, mais l'on n'avait pas fait toutes les investigations possibles, car cela ne changerait sans doute pas grand-chose à la prise en charge.

Le trouble du développement se manifestait à différents niveaux. Il y avait d’abord de très grands retards dans les apprentissages et, par exemple, il commençait tout juste un peu à lire et à écrire. Il avait également beaucoup de difficultés relationnelles, se sentant très vite menacé. Son estime de lui était extrêmement basse. Il lui était difficile de se sentir en confiance, ce qui impactait directement sa capacité d’apprendre. Il en avait parlé récemment avec les personnes qui l’entouraient et comme il venait de changer de classe, cela se passait mieux grâce à la fréquentation de camarades plus calmes. Il en avait besoin pour améliorer ses apprentissages. C’était un enfant extrêmement vulnérable et fragile et il n’avait pas la capacité de se défendre contre l’autre. Les mouvements de violence que cela suscitait en lui-même se transformaient en mouvements auto-agressifs. Son suivi psychothérapeutique visait notamment à essayer de lui montrer qu’il pouvait se protéger, afin que les relations avec les autres suscitait moins ces mouvements explosifs. Il avait également de la difficulté à se représenter les choses. Par exemple, il lui était difficile de percevoir ce qui se trouvait à l’intérieur de son corps et ce qui se trouvait à l’extérieur, la différence entre lui-même et l’autre, etc. C’était aussi l’un des buts de son suivi psychothérapeutique. Il était difficile d'indiquer la rapidité et la régularité des progrès accomplis par B______, mais on pouvait en tout cas relever qu’ils étaient impactés par les difficultés que vivait actuellement sa maman, qui était la personne la plus importante au monde pour lui. Elle lui avait expliqué qu'elle venait au tribunal ce jour et que sa mère y serait aussi pour essayer de régler des problèmes qu’elle avait avec ses papiers. Elle pensait qu’il avait une certaine compréhension de la situation.

Elle rejoignait les propos qu’avait tenus la recourante (relatés par le tribunal) au sujet du fait que le retour à une certaine tranquillité lui serait certainement bénéfique, notamment par rapport à ses apprentissages.

Sur les perspectives à moyen terme, il faudrait déjà que sa situation sociale se stabilise. Sur cette base, il y avait un espoir qu’il puisse diffuser sa capacité à organiser sa pensée et progresser. À titre d’exemple, il jouait actuellement plus habilement qu'elle au Uno, mais cela prendrait du temps et il continuerait d’avoir besoin d’aide. Même si elle restait toujours positive, il était cependant possible qu’il dû demeurer dans une structure protégée. Des démarches auprès de l’assurance-invalidité devraient être entamées si sa situation était régularisée.

Par rapport à l'hypothèse d'un renvoi de B______ en Chine (le tribunal ayant expliqué à la Dre G______ que la province d’origine de sa mère connaissait des dialectes, et en particulier celui de sa mère, qui étaient très complexes), la Dre G______ a précisé de son côté que l'apprentissage actuel de B______ de la lecture était en français et qu’il en était au tout début, comme pour l’écriture. Ainsi, il se retrouverait dans un milieu très défavorable, n’arrivant pas à communiquer et étant à risque de reprendre ses défenses archaïques, ce qui se traduirait par un retour du risque auto-agressif et d’enfermement sur lui-même. C'était le genre d’enfant qui pouvait régresser jusqu’au niveau de la maîtrise des sphincters. Son retour serait délétère et son évolution défavorable, la Dre G______ précisant encore que B______ était actuellement son patient le plus fragile.

Les constats qu'elle avait fait dans son attestation du 14 octobre 2022 étaient toujours d’actualité. Le suivi psychothérapeutique devait encore se poursuivre idéalement durant de nombreuses années et être maintenu au moins au rythme actuel. La stabilité du lien psychothérapeutique était extrêmement importante pour B______, et c’était même l’idée d’une telle thérapie. À la rentrée 2023-2024, il avait pu intégrer une école qui avait pu s’adapter encore plus à ses difficultés, mais cela avait requis de sa part également de s’adapter à ce changement qui avait à nouveau produit beaucoup d’agitation. Il tenait à être rassuré sur le fait qu'ils conserveraient leur lien thérapeutique.

B______ souffrait aussi d’une hypotonie qui se manifestait notamment par une difficulté à articuler et donc à se faire comprendre. Cela impliquait actuellement un suivi logopédique dont il bénéficiait dans son école. Même si elle ne l’avait pas beaucoup testé, elle pensait qu'il avait aussi de la difficulté avec la motricité fine, ce qu'elle avait observé dans l’utilisation de ses mains.

Il était très important que B______ puisse rester en Suisse.

9.             Le 14 février 2024, l'OCPM a transmis ses observations suite à l'audience du 24 janvier 2024.

Il maintenait sa décision, laquelle refusait la prolongation des autorisations de séjour de la famille et prononçait son renvoi de Suisse. Tout en relevant les efforts de la recourante en vue d'assainir sa situation financière, l'absence d'aide sociale et l'exercice d'une activité lucrative qui perdurait, son intégration n'était pas suffisamment bonne, en raison de ses nombreux actes de défauts de biens pour un montant de plus de CHF 47'000.- et de ses condamnations (à deux reprises) pour emploi d'étrangers sans autorisation, incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour.

Cela étant, l'audience avait apporté des éclaircissements sur la situation de son fils B______. Compte tenu des explications de la Dre G______, le renvoi de l'enfant B______ en Chine n'était pas raisonnablement exigible. Il était disposé, si cela convenait à la recourante, de transmettre le dossier de la famille au Secrétariat d'État aux migrations afin qu'il prononçât une admission provisoire.

10.         Le 16 février 2024, la recourante a transmis ses observations en suite de l'audience du 24 janvier 2024.

L'audition de la Dre G______ avait mis en évidence que le renvoi de son fils B______ en Chine semblait inconcevable, dans la mesure où il ne serait pas en mesure d'échanger, pourrait s'automutiler et fortement régresser. Cette situation était inévitablement dramatique et contraire à la dignité humaine. Il s'agissait donc d'une raison personnelle majeure justifiant le renouvellement des autorisations de séjour de la famille.

Subsidiairement, un retour en Chine ne serait pas raisonnablement exigible, de sorte qu'elle concluait à son admission provisoire ainsi qu'à celle de ses enfants.

11.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de renouveler le permis de séjour de la recourante. Elle estime que sa situation aurait dû conduire l’OCPM à lui délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

6.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas en l'espèce.

7.             Le conjoint d'un ressortissant suisse ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui (art. 42 al. 1 LEI).

8.             Cette disposition requiert non seulement le mariage des époux, mais également leur ménage commun (ATF 136 II 113 consid. 3.2 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5a).

9.             Selon l'art. 50 al. 1 let. a LEI, après la dissolution de la famille, le droit du conjoint à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l'art. 42 ou 43 LEI subsiste, si l'union conjugale a duré au moins trois ans et que les critères d'intégration définis à l'art. 58a LEI sont remplis.

10.         De jurisprudence constante, le calcul de la période minimale de trois ans commence à courir dès le début de la cohabitation effective des époux en Suisse et s'achève au moment où ceux-ci cessent de faire ménage commun (ATF 140 II 345 consid. 4.1 ; 138 II 229 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 3.2 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c) ; peu importe combien de temps le mariage perdure encore formellement par la suite (ATF 136 II 113 consid. 3.2 et 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_980/2014 du 2 juin 2015 consid. 3.1). La limite des trois ans est absolue et s'applique même s'il ne reste que quelques jours pour atteindre la durée des trente-six mois exigés par l'art. 50 al. 1 let. a LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.1.3 ; 136 II 113 consid. 3.2 et 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_50/2015 du 26 juin 2015 consid. 3.1 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c).

11.         Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).

12.         Selon la jurisprudence, en présence d'un étranger disposant d'un emploi stable, qui n'a jamais recouru aux prestations de l'aide sociale, qui n'a pas contrevenu à l'ordre public et qui maîtrise la langue parlée de son lieu de domicile, il faut des éléments sérieux permettant de nier son intégration, au sens de l'art. 50 al. 1 let. a LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_160/2018 du 29 octobre 2018 consid. 2.4, 2C_286/2013 du 21 mai 2013 consid. 2.4 et 2C_800/2012 du 6 mars 2013 consid. 3.2). En revanche, il n'y a pas d'intégration réussie lorsque l'étranger n'exerce pas d'activité lucrative qui lui permette de couvrir ses besoins et qu'il dépend des prestations sociales pendant une période relativement longue (arrêts du Tribunal fédéral 2C_218/2016 du 9 août 2016 consid. 3.2.2 et 2C_638/2016 du 1er février 2017 consid. 3.2). Lorsqu'il s'agit d'examiner l'étendue de l'intégration professionnelle d'un étranger, il y a lieu de se fonder sur la situation effective, à savoir sur la présence ou non de l'intéressé sur le marché du travail (arrêts du TF 2C_385/2016 du 4 octobre 2016 consid. 4.1 et 2C_656/2016 du 9 février 2017 consid. 5.2).

13.         À l'inverse, le fait, pour une personne, de ne pas avoir commis d'infractions pénales et de pourvoir à son revenu sans recourir à l'aide sociale ne permet pas à lui seul de retenir une intégration réussie. Des périodes d'inactivité de durée raisonnable n'impliquent pas forcément une absence d'intégration professionnelle. Il n'est pas indispensable que l'étranger fasse montre d'une carrière professionnelle requérant des qualifications spécifiques ; l'intégration réussie au sens de l'art. 50 al. 1 let. a LEI n'implique en effet pas nécessairement la réalisation d'une trajectoire professionnelle particulièrement brillante au travers d'une activité exercée sans discontinuité. L'essentiel en la matière est que l'étranger subvienne à ses besoins, n'émarge pas à l'aide sociale et ne s'endette pas de manière disproportionnée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_1053/2021 du 7 avril 2022 consid. 5.1 ; 2C_935/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1.2 ; 2C_527/2020 du 15 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_686/2019 du 3 octobre 2019 consid. 5.2 et les arrêts cités). L'intégration réussie d'un étranger qui est actif professionnellement en Suisse, dispose d'un emploi fixe, a toujours été financièrement indépendant, se comporte correctement et maîtrise la langue locale ne peut être niée qu'en la présence de circonstances particulièrement sérieuses (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_527/2020 du 15 octobre 2020 consid. 3.1 et les arrêts cités).

14.         Au titre du respect de l'ordre juridique suisse, le Tribunal fédéral prend notamment en compte l'observation par l'étranger des décisions des autorités et des obligations de droit public ou des engagements privés, en particulier l'absence de poursuites ou de dette fiscale et le paiement ponctuel des pensions alimentaires (cf. arrêts du TF 2C_300/2013 du 21 juin 2013 consid. 4.2 et 2C_286/2013 précité consid. 2.3, 2C_810/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.2, et la jurisprudence citée). L'impact de l'endettement dans l'appréciation de l'intégration d'une personne dépend du montant des dettes, de leurs causes et du point de savoir si la personne les a remboursées ou s'y emploie de manière constante et efficace (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1053/2021 du 7 avril 2022 consid. 5.1 ; 2C_935/2021 du 28 février 2022 consid. 5.1.2 ; 2C_686/2019 du 3 octobre 2019 consid. 5.2 et les arrêts cités ; ATA/980/2019 du 4 juin 2019 consid. 4d). L'évolution de la situation financière doit ainsi être prise en considération à cet égard (ATA/980/2019 du 4 juin 2019 consid. 4d et les arrêts cités). Les remboursements intervenus sur la base d'une saisie de salaire ne jouent pas un rôle déterminant, puisqu'il s'agit de saisies opérées par l'autorité des poursuites, et non pas sur une base volontaire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_935/2021 du 28 février 2022 consid. 5.2).

15.         En l'espèce, l'union conjugale entre Mme A______ et de M. D______ a débuté le 30 juillet 2016 et a pris fin le 1er août 2020. Leur union conjugale a ainsi duré plus de trois ans, ce que l'autorité ne conteste pas, de sorte que la première condition de l'art. 50 al. 1 let. a LEI est remplie.

S'agissant de la condition de l'intégration, si la recourante exerce un emploi depuis son arrivée en Suisse, gagne aujourd'hui un revenu mensuel net d'un montant de CHF 4'200.- et parle le français, elle faisait cependant l’objet d'actes de défaut de biens pour un montant de plus de CHF 47'000.-, selon l’extrait du registre des poursuites du 25 janvier 2024. Si elle a certes réussi depuis lors à en solder quelques-unes et s'est engagée à rembourser ses autres dettes, il n’en demeure pas moins qu’elle reste endettée et que sa situation financière est très précaire, ce d'autant qu'elle assume seule l'entier du loyer et des charges de la famille.

À cela s’ajoute qu’elle a fait l’objet de deux ordonnances pénales des 23 mai 2014 et 9 février 2018 pour infractions à la LEI, notamment pour avoir employé de manière répétée des personnes en situation irrégulière, ainsi que pour avoir conduit un véhicule automobile sans permis de conduire, de sorte qu’elle ne peut pas se prévaloir d'un bon respect de l’ordre juridique, sans toutefois que l'on puisse lui reprocher des comportement troublant gravement la sécurité publique.

Partant, force est de reconnaitre que la recourante n’a pas fait preuve d’une intégration réussie en Suisse. L’une des conditions cumulatives n’est ainsi pas remplie, si bien qu’elle ne saurait déduire de droit à la prolongation de son séjour en application de l'art. 50 al. 1 let. a LEI.

16.         Reste à examiner si la poursuite du séjour de la recourante en Suisse s'imposerait pour des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI.

17.         Cette disposition vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l’art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que le séjour en Suisse durant le mariage n’a pas duré trois ans ou parce que l’intégration n’est pas suffisamment accomplie ou encore parce que ces deux aspects font défaut, mais que - eu égard à l’ensemble des circonstances - l’étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille. À cet égard, c’est la situation personnelle de l’intéressé qui est décisive et non l’intérêt public que revêt une politique migratoire restrictive. Il s’agit par conséquent uniquement de décider du contenu de la notion juridique indéterminée « raisons personnelles majeures » et de l’appliquer au cas d’espèce, en gardant à l’esprit que l’art. 50 al. 1 let. b LEI confère un droit à la poursuite du séjour en Suisse (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 4.1 et les références ; ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 6c).

18.         Une raison personnelle majeure susceptible de justifier l'octroi ou le renouvellement d'une autorisation de séjour peut résulter de plusieurs circonstances. Ainsi, les critères énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA jouent à cet égard un rôle important, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder un cas individuel d'une extrême gravité. Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour juger de l'existence d'un cas individuel d'une extrême gravité, soit l'intégration, le respect de l'ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, la durée de présence en Suisse et l'état de santé. Il convient en outre de tenir compte des circonstances qui ont conduit à la dissolution du mariage (ATF 137 II 1 consid. 4.1 ; voir également ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 au sujet des différences avec les conditions d'application de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et consid. 3.2.2 et 3.2.3 sur la notion de « raisons personnelles majeures »).

19.         Parmi les éléments déterminants, il convient de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

20.         Par durée assez longue du séjour, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e et les références citées). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur (ATA/847/2021 précité consid. 7e ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

21.         S'agissant de la réintégration sociale dans le pays de provenance, la question n'est pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'étranger, seraient gravement compromises. Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 5.1 et les arrêts cités). Par ailleurs, la personne qui fait valoir que sa réintégration sociale risque d'être fortement compromise en cas de retour dans son pays est tenue de collaborer à l'établissement des faits. De simples déclarations d'ordre général ne suffisent pas ; les craintes doivent se fonder sur des circonstances concrètes (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3). Enfin, la question de l'intégration de la personne concernée en Suisse n'est pas déterminante au regard des conditions de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, qui ne s'attache qu'à l'intégration - qui doit être fortement compromise - qui aura lieu dans le pays d'origine (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_145/2019 du 24 juin 2019 consid. 3.7 et les arrêts cités ; 2C_1003/2015 du 7 janvier 2016 consid. 4.4). À ce propos, le fait qu'un ressortissant étranger se soit toujours comporté en Suisse de manière correcte, qu'il ait créé des liens non négligeables avec son milieu et qu'il dispose de bonnes connaissances de la langue nationale parlée au lieu de son domicile ne suffit pas pour retenir une intégration socio-culturelle remarquable et à ce titre, garantir une autorisation de séjour (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-7467/2014 di 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

22.         Dans le cas d'un enfant, il convient de tenir compte de son âge lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7 ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 5f). L’adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d).

23.         L’intérêt de l’enfant, tel que prévu par l'art. 3 CDE, est un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.2).

24.         La CourEDH indique quant à elle que lorsque des enfants sont impliqués, leur intérêt supérieur doit être pris en compte, et que même s'il ne peut être décisif à lui seul, cet intérêt doit se voir accorder un poids significatif. En conséquence, les organes décisionnels nationaux devraient, en principe, examiner et évaluer les éléments de preuve relatifs à l'aspect pratique, à la faisabilité et à la proportionnalité de tout déplacement d'un parent non national afin d'accorder une protection efficace et un poids suffisant à l'intérêt supérieur des enfants directement concernés par ce déplacement (ACEDH T.C.E. c. Allemagne du 1er mars 2018, req. n° 58681/12, § 57).

25.         Des motifs médicaux peuvent, suivant les circonstances, conduire à la reconnaissance d'une raison personnelle majeure, lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à sa santé, qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas pour pouvoir y demeurer (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2019 du 4 novembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 6a). En outre, l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour y poursuivre son séjour (ATF 128 II 200 consid. 5.3 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 et les références citées ; ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 6a).

26.         En l'espèce, si la recourante séjourne en Suisse depuis plus de seize ans, elle était initialement arrivée en Suisse afin d'effectuer des études de gestion. Par la suite, avant son mariage avec un ressortissant suisse le 30 juillet 2016, sa présence en Suisse n'a été que tolérée en raison des procédures de recours liées à la contestation de la décision de renvoi dont elle faisait l'objet. Son séjour déterminant ne saurait ainsi être comptabilisé qu'à partir de la date de son mariage en Suisse, de sorte qu'il convient d'admettre une durée de séjour de sept ans. Il s'agit certes d'une durée relativement significative à l'échelle d'une vie, mais qui ne correspond encore pas à une très longue durée au sens des critères légaux et jurisprudentiels rappelés plus haut, au terme de laquelle il faudrait nécessairement retenir que le renvoi de Suisse constituerait pour la personne concernée un véritable déracinement et donc une mesure disproportionnée.

De plus, comme vu précédemment, elle ne peut se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle telle qu’un renvoi dans son pays d’origine ne pourrait être exigé. En tout état, elle ne parvient pas à démontrer que sa relation avec la Suisse serait si étroite et profonde que l’on ne pourrait exiger d'elle d’aller vivre dans un autre pays.

S’agissant de la réintégration de la recourante dans son pays d'origine, cette dernière est arrivée en Suisse alors qu’elle était âgée de 23 ans. Elle est née en Chine où elle a passé son enfance et son adolescence - soit les années jugées cruciales et déterminantes pour la formation de sa personnalité (ATA/65/2023 du 24 janvier 2023 consid. 5.7) – ainsi que le début de sa vie d’adulte. On ne saurait ainsi retenir que son pays d’origine lui soit inconnu (ATA/183/2023 du 28 février 2023 consid. 9). Par ailleurs, en date du 4 janvier 2023, la recourante a tenté d'obtenir un visa de retour afin de rendre visite à sa famille en Chine, ce qui démontre qu'elle a manifestement conservé des attaches dans son pays d'origine, ce qu'elle a confirmé lors de l'audience du 24 janvier 2024 en déclarant que sa mère vivait encore dans sa province d'origine en Chine.

Concernant la situation de ses enfants, ces derniers sont aujourd'hui âgés de respectivement 11 et 9 ans et restent théoriquement encore attachés dans une large mesure à leur pays d'origine, par le biais de leur mère, bien qu'ils soient nés en Suisse. Cela étant, lors de l'audience du 24 janvier 2024, la recourante a précisé que ses enfants ne parlaient le mandarin que dans le cadre d'un usage domestique, mais pas le dialecte de sa région, le wenzhou, soit un dialecte dont l'apprentissage et l'utilisation serait très complexe. Cette affirmation est corroborées par différentes sources internet relatant l'extrême complexité de ce langage ultra-local, réputée pour être une langue fondamentalement incompréhensible pour quelqu'un qui n'est pas de la région (à titre d'exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/Wenzhou_(langue) ; consulté le 10 avril 2024 ; https://www.omniglot.com/chinese/wenzhounese.htm; consulté le 10 avril 2024). Ce dialecte se distingue en effet clairement du chinois standard (mandarin) en raison de sa plus grande complexité et ne s'acquiert pas par voie scolaire, contrairement au chinois standard (Délégation générale à la langue française et aux langues de France, Pratiques des langues chez les jeunes 2001 issus de l'immigration chinoise à Paris en 2001, 2001 p. 15 et 20 : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/ Agir-pour-les-langues/Observer-les-pratiques-linguistiques/Etudes-et-recherches/ Langues-et-recherche-pratiques-des-langues-chez-les-jeunes-issus-de-l-immigration-chinoise-a-Paris-en-20012 ; consulté le 10 avril 2024). Il est donc manifeste que les enfants de la recourante, ne parlant qu'approximativement le mandarin, se verront confrontés à une barrière linguistique importante, ce qui complexifiera à l'évidence leur réintégration, surtout s'agissant de l'enfant B______.

En effet, selon les déclarations de la Dre G______ lors de l'audience du 24 janvier 2024 au sujet de l'enfant B______, ce dernier a de nombreuses et importantes difficultés d'apprentissage et relationnelles et est suivi depuis plusieurs années par cette thérapeute. Si la thérapie qu'il suit aujourd'hui en Suisse avec la Dre G______ a eu pour effet que B______ a fait des progrès, il demeure très vulnérable au changement. En outre, il ressort des déclarations de la Dre G______ qu'en cas de retour, vu l'instabilité importante de B______, il existe un grand risque que ce dernier régresse fortement et adopte à nouveau un comportement auto-agressif et d'enfermement sur lui-même, régression pouvant même aller jusqu'à la maîtrise des sphincters. En outre, bien que né en Suisse, comme l'a indiqué la Dre G______, B______ ne débute qu'aujourd'hui l'apprentissage des rudiments du français (à l'oral comme à l'écrit) et, selon les déclarations de sa mère, comprend le mandarin uniquement dans une forme simple se rapportant à la vie quotidienne, mais ne sait ni le lire, ni l'écrire. À cela s'ajoute que B______ souffre d'hypotonie se caractérisant par des difficultés d'élocution, ce qui complexifiera encore davantage sa capacité à communiquer en cas de retour dans son pays d'origine. Il est ainsi manifeste qu'outre le fait que les enfants de la recourante ont accumulé un retard important dans l'apprentissage du mandarin, ce retard serait manifestement impossible à rattraper pour B______ au vu de ses grandes difficultés. Si sa grand-mère maternelle réside toujours en Chine, celle-ci ne parlerait que son dialecte local, et les frères et sœurs de sa mère ne sont pas présents dans la vie de la famille, de sorte qu'en cas de retour, il est peu probable que B______ et les autres membres de sa famille puissent profiter d'un appui familial pour les aider à se réintégrer en Chine.

En outre, il est manifeste que B______ n'a pu réaliser des progrès que par le suivi qu'il reçoit en Suisse et le lien particulier qu'il a créé avec sa thérapeute et l'ensemble des autres intervenants, notamment dans le cadre de sa scolarisation en école spécialisée qu'il a récemment intégrée. Le maintien d'une telle stabilité est ainsi à l'évidence nécessaire afin que B______ ne régresse pas fortement au point de mettre sa santé physique et psychique en danger. Par ailleurs, même s'il existait des possibilités de prises en charge appropriées en Chine, B______ ne pourrait pas communiquer en mandarin avec un éventuel thérapeute, à moins que sa mère ne soit constamment présente, ce qui aurait un impact manifeste sur la situation de la famille dans son ensemble.

S'il est certes clair que le processus d'intégration en Suisse de la famille de la recourante n'est pas parvenu à un stade à ce point profond et irréversible qu'un départ de Suisse ne puisse plus être envisagé, force est cependant de constater qu'exiger un retour en Chine pour l'enfant B______ constituerait un obstacle véritablement insurmontable pour lui, de sorte que sa réintégration en Chine parait totalement compromise.

Par ailleurs, l'intérêt supérieur de l'enfant au sens de l'art. 3 CDE est en tout état de pouvoir vivre durablement auprès de sa mère, qui en a la garde, quel que soit l'endroit où ils séjourneront. Dans ces circonstances, le maintien de la décision contestée aurait pour effet de séparer B______ du reste des membres de sa famille, de sorte à affecter son intérêt à vivre avec sa mère notamment.

Il apparaît ainsi que la poursuite du séjour de B______ en Suisse, et partant du reste des membres de sa famille, s’impose pour des raisons personnelles majeures au sens des art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.

Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner sa situation sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, puisque les raisons personnelles majeures ont été admises sur la base de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, de sorte qu'elles le seraient pareillement sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1062/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.2.1 ; ATAF 2017 VII/7 consid. 5.5.1).

Au vu de ce qui précède, c’est à tort que l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de la recourante et du reste des membres de sa famille.

27.         La recourante obtenant gain de cause, il n'est pas nécessaire d'examiner la question d'une éventuelle admission provisoire.

28.         En conséquence, le recours sera admis, la décision annulée et le dossier renvoyé à l'OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient gain de cause, est exonérée de tout émolument. Son avance de frais de CHF 500.- lui sera restituée.

30.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, à la charge de l'OCPM, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 novembre 2022 par Madame A______, agissant au nom et pour le compte de ses enfants B______ et C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 27 octobre 2022 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 27 octobre 2022 et renvoie le dossier à cette autorité pour la suite à y donner au sens des considérants ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

5.             ordonne la restitution à la recourante de son avance de frais de CHF 500.- ;

6.             condamne l’État de Genève, soit pour lui l’office cantonal de la population et des migrations, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1’500.-;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière