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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/335/2024

JTAPI/101/2024 du 07.02.2024 ( MC ) , ADMIS

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;PROLONGATION
Normes : LEI.79.al1; Cst..5.al2; Cst..36; LEI.80; LEI.96; LEI.76.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/335/2024 MC

JTAPI/101/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Magali BUSER, avocate

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1984, originaire du Maroc, est arrivé en Suisse en 2002.

Il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études jusqu'au 30 juin 2005. En raison de son mariage avec une Suissesse le ______ 2007, il a obtenu une autorisation de séjour du 18 octobre 2007 au 12 juillet 2009, étant précisé que le divorce du couple a été prononcé le ______ 2009. De ce mariage est né, le ______ 2007, B______.

2.             Par courrier du 15 octobre 2018, le service de protection des mineurs a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) que M. A______ n'avait ni l'autorité parentale ni aucun droit de visite sur son fils depuis plusieurs années. Son enfant était placé dans une famille d'accueil depuis de nombreuses années. La garde avait été retirée à la mère qui avait quitté la Suisse.

3.             M. A______ a été condamné à douze reprises entre 2011 et 2019 principalement pour brigandages, vols, dommages à la propriété, rixe et lésions corporelles simples, contraintes, injures, voies de fait, contraventions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

4.             Par arrêt du 10 mars 2020, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a confirmé le jugement du Tribunal correctionnel du 27 août 2019 qui le déclarait coupable notamment de brigandage et le condamnait à une peine privative de liberté de 36 mois, ordonnait qu'il soit soumis à un traitement institutionnel des addictions et suspendait l'exécution de la peine privative de liberté au profit de la mesure, notamment. Il a simultanément ordonné l'expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), notamment en raison du brigandage.

Le 15 juin 2021, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la levée, pour cause d'échec, du traitement institutionnel des addictions ordonné le 10 mars 2020.

5.             Par jugement du 13 février 2023, le Tribunal correctionnel a acquitté M. A______ de tentative de meurtre, subsidiairement de tentative de lésions corporelles graves ou de lésions corporelles simples aggravées. Il l'a en revanche déclaré coupable notamment de vol, de dommages à la propriété, d'empêchement d'accomplir un acte officiel et de consommation de stupéfiants. Sa libération immédiate a été ordonnée.

Le même jour, M. A______ a été remis aux services de police.

6.             Le 13 février 2023, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI). Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc.

7.             Entendu le 16 février 2023 par le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal), M. A______ a déclaré être toujours opposé à son expulsion au Maroc. Il suivait un traitement psychiatrique à C______, comprenant la prise de médicaments et un suivi psychothérapeutique. Avant son incarcération, il vivait chez sa tante, D______, qu'il considérait comme sa mère, à ______(GE). Il y avait pratiquement toujours vécu, soit pendant vingt-trois ans, sauf lorsqu’il avait habité avec son ex-femme. Il avait obtenu un droit de visite sur son fils depuis avril 2021, à raison d'une journée tous les quinze jours. Son fils était désormais placé dans un foyer et souffrait d'une leucémie. Durant sa dernière incarcération, son fils était venu le voir à quatre reprises. D'autres visites avaient dû être annulées en raison de son traitement chimio-thérapeutique. Sa tante exerçait aussi un droit de visite sur son fils et le voyait régulièrement. Il entendait suivre sérieusement son traitement médical dans la perspective d'obtenir un élargissement de son droit de visite. Il pourrait aller vivre chez sa tante. Il allait également pouvoir travailler comme jardinier à E______ ou pour l'entreprise F______. Durant sa détention, il avait fait trois tentatives de suicide. Il avait eu beaucoup de peine à supporter cette incarcération, notamment en raison de la maladie de son fils et du décès d’un ami.

La représentante du commissaire de police a indiqué que la réponse des autorités marocaines en vue de la délivrance d’un laissez-passer pouvait prendre entre quatre et six mois. Le processus d'identification pourrait aller relativement vite si M. A______ chargeait sa famille résidant au Maroc de s'adresser à la direction des affaires consulaires et sociales du Maroc, à Rabat.

8.             Par jugement du 17 février 2023, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du 13 février 2023, pour une durée de quatre mois, sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI). Sans minimiser la détresse de l'intéressé, il fallait constater qu’il ne se trouvait pas dans une situation psychologique permettant de retenir que l'expulsion serait impossible. Ses difficultés ne pouvaient pas plus conduire à sa remise en liberté, étant rappelé qu'il avait la possibilité de recevoir des soins au centre de détention. Il ne ressortait pas des rapports médicaux versés à la procédure de contre-indication à sa détention. Un examen médical aurait lieu avant le départ pour s'assurer de son aptitude à voyager et un accompagnement médical lors du vol pourrait être envisagé.

9.             Par arrêt du 7 mars 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a rejeté le recours de M. A______ formé contre ce jugement.

Il avait fait l’objet d’une décision d’expulsion pénale de la CPAR le 10 mars 2020. Il avait été condamné pour brigandages et recel, soit des crimes. Les conditions légales justifiant sa détention administrative étaient donc remplies. L’assurance de son départ effectif de Suisse répondait à un intérêt public certain, notamment au vu de ses multiples condamnations et de leur gravité. Son souhait de poursuivre son suivi médico-thérapeutique auprès du C______, louable, était tardif au vu de son refus de se soumettre au traitement médical ordonné par la CPAR. Il s’était par ailleurs évadé de G______ le 29 novembre 2021. Son souhait de poursuivre désormais son traitement ne pouvait dès lors pas primer, étant de surcroît relevé qu’un traitement ambulatoire et d’urgence était disponible dans l’établissement. Il n’avait pas, lorsqu’il était libre, entretenu des relations suivies avec son enfant. Il n’avait qu’un droit de visite limité, qui n’avait pu s’exercer que trois fois en 2022. Le fait d’être père ne l’avait par ailleurs pas empêché de commettre des crimes, quand bien même la dernière grave accusation portée à son encontre n’était pas fondée. L’hospitalisation de son enfant compliquait les visites. Au vu de ces circonstances, et du fait que des contacts pouvaient être maintenus par les moyens informatiques modernes, cet élément n’était pas de nature à modifier à lui seul le résultat de la pesée des intérêts. Il indiquait qu’il pourrait résider chez sa tante et travailler. Depuis 21 ans qu’il se trouvait en Suisse, il n’avait jamais réussi à stabiliser sa situation, en travaillant et sans commettre de délit. Une assignation à résidence ne permettrait en conséquence ni de garantir sa présence lors de son renvoi, le recourant ayant régulièrement affirmé ne pas vouloir retourner au Maroc, et son opposition aux décisions de l’autorité allant jusqu’à une évasion de G______, ni de sauvegarder la sécurité et l’ordre publics au vu des multiples récidives. La pesée des intérêts aboutissait à faire primer l’intérêt public, impliquant la mise en détention de M. A______, sur son intérêt privé à être immédiatement libéré, voire assigné à résidence chez sa tante.

10.         Le 18 avril 2023, M. A______ a requis du tribunal sa mise en liberté, subsidiairement la réduction de la durée de sa détention et, préalablement, divers actes d’instruction.

Arrivé en 2001 à Genève, il y avait des attaches. Son frère, sa cousine, son neveu, son fils et son compagnon H______, également détenu au sein de l’établissement concordataire de détention administrative I______ (ci-après : I______), y résidaient. Son homosexualité, réprimée par le code pénal marocain, faisait obstacle à son renvoi dans son pays. Les autorités étant par ailleurs hostiles à cette orientation, il serait tenu de la dissimuler en permanence, si bien qu'un renvoi vers ce pays constituerait une violation des art. 2, 3 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et s'avérerait manifestement illicite et inexigible au sens de l'art. 83 al. 3 et 4 LEI.

Le 8 avril 2023, un détenu au sein de l'établissement de détention administrative de J______ (ci-après : J______) avait mis fin à ses jours en raison de ses conditions de détention et du fait qu'il devait être renvoyé en Autriche plutôt que dans son pays. Le 12 avril 2023, on lui avait annoncé qu'il pourrait être fait usage de la force en vue de son renvoi. Il s'était ainsi senti contraint de signer un document et automutilé le même jour avec un rasoir. Sur quoi, il avait été hospitalisé près d'une semaine auprès de K______. Il faisait l'objet d'un suivi psychologique et en addictologie de longue date, dont il ne bénéficiait manifestement pas suffisamment en détention. Cet état de fait démontrait que les détenus, lui compris, étaient en danger à J______, dont bon nombre d'associations de même que la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), exigeaient depuis longtemps la fermeture. Dans la mesure où sa santé était clairement en danger et que J______ n'était pas à même de le protéger en respectant les standards minimaux en matière de détention, il y avait lieu de constater l'illégalité des conditions de sa détention et de le libérer avec effet immédiat. La décision de renvoi apparaissait manifestement inadmissible, de sorte que son exécution, illicite et inexigible, ne devait pas être assurée par des mesures de contrainte.

11.         Le 21 avril 2023, M. A______, a sollicité la tenue d'un transport sur place. Les conditions et modalités de détention avaient été récemment épinglées par la presse suite à une audience devant le tribunal, en date du 18 avril 2023. Notamment, l'accès aux soins était notoirement indigent et se résumait généralement à une médication lourde. L'absence d'unité médicale sur place faisait que des situations d'urgence n'étaient pas diagnostiquées. Il voyait un psychiatre de manière aléatoire et irrégulière, lequel se bornait à lui prescrire des médicaments. Son fils allait entamer une radiothérapie vers la fin du mois de mai 2022 (recte : 2023) et suivait un traitement d'immunothérapie. Cet état de fait cumulé à son état de santé, à ses tentatives de suicide, aux événements récents à J______ et à des conditions de détention illicites depuis plus de deux mois, impliquait la fin immédiate de la détention. Le 20 avril 2023, un parloir sollicité pour le lendemain, avait été refusé à son conseil au motif qu'il n'était pas nommé d'office. Seule une visite, selon les conditions octroyées aux tiers non avocats, pouvait lui être proposée le dimanche 23 avril 2023.

12.         Il ressort du dossier de l’OCPM transmis au Tribunal le 21 avril 2023 que :

-          le 14 mars 2023, les autorités suisses ont obtenu de l'ambassade du Maroc un laissez-passer et réservé une place sur un vol à destination de Casablanca en faveur de M. A______, pour un départ prévu le 2 avril 2023, lequel a toutefois été annulé suite à son refus de partir ; il avait invoqué avoir vécu pendant vingt-cinq ans en Suisse, vouloir revoir son fils qui habitait Genève et obtenir un dédommagement de la part de la justice suite à une erreur ;

-          selon le courriel du 5 avril 2023 d'un gestionnaire de l'OCPM, après une longue discussion avec M. A______, le 4 avril 2023, celui-ci avait décidé de signer une déclaration de départ « volontaire » moyennant une indemnité de CHF 500.-, pouvoir rencontrer (jeudi) son fils ainsi que sa tante (samedi) avant son départ ;

-          selon un rapport de J______ du 5 avril 2023, à 10h10, M. A______ avait été aperçu allongé au sol ; à 10h12, l'agent de détention avait fait appel à l'équipe médicale de L______, laquelle avait répondu qu'elle ne pouvait pas venir par manque d'effectif ; à 10h15, il avait été fait appel au 144 ; le « contraint » avait été conduit au local parloir pour les premiers soins ; à 10h36, une ambulance était arrivée, puis à 10h39 la police était arrivée ; à 10h50, l'ambulance avait transporté le détenu aux urgences ; suite à cet incident, M. A______ avait été hospitalisé à K______ ;

-          le 14 avril 2023, les autorités marocaines ont délivré un nouveau laissez-passer en faveur de l'intéressé et une place à bord d'un avion a été réservée pour le 1er mai 2023.

13.         Devant le tribunal le 25 avril 2023, M. A______ a indiqué qu’il avait été transféré la veille à I______. Depuis la découverte de son ami décédé, qui lui avait servi d’interprète, il avait l'impression que la mort le poursuivait. Il avait très mal vécu son incarcération à Champ-Dollon, et il rappelait qu'il avait été acquitté du chef d'accusation de meurtre et de tentative de meurtre. Il avait également très mal vécu son enfermement à J______ et s’était automutilé car il avait trop de pression. Il devrait pouvoir voir son fils le 27 avril 2023, à I______. À J______, il avait vu un médecin généraliste trois ou quatre fois ainsi qu'un psychiatre également à trois ou quatre reprises, les vendredis. Les rendez-vous avec le psychiatre de J______, de dix minutes à peine, n'avaient rien à voir avec ceux dont il avait bénéficié à Champ‑Dollon. Désormais, il faisait tout ce qui était en son possible pour se soigner et être présent pour son fils. On devait lui enlever des kystes. Il était retourné dans son pays pour la dernière fois en 2014, pour un enterrement. Son père était décédé et il n'avait plus de contact avec sa mère biologique qui vivait au Maroc. Il ne pourrait pas vivre son orientation sexuelle librement dans son pays et risquerait pour sa vie.

Son conseil a notamment versé à la procédure, outre des pièces portant sur son état de santé, une copie d'une demande de report de l'expulsion pénale déposée le 24 avril 2023 auprès de l'OCPM, ainsi que d’un courrier recommandé adressé au SEM le 24 avril 2023 lui demandant auprès de quel centre il pouvait se présenter pour déposer une demande d'asile en Suisse. La représentante de l'OCPM a précisé qu’une place sur un vol sous escorte et avec assistance médicale était réservée le 1er mai 2023.

14.         Le 26 avril 2023, l'OCPM a indiqué que le vol DEPA prévu le 1er mai 2023 était annulé en raison de la demande d'asile déposée par M. A______.

15.         Le conseil de M. A______ a réagi en relevant que cette annulation rendait l'éventuel vol de retour de son client hypothétique et imprévisible, de sorte que la détention ne se justifiait plus. En outre, selon un entretien téléphonique avec un chirurgien proctologique, une opération était prévue dans six semaines.

16.         Par jugement du 26 avril 2023 (JTAPI/1______/2023), le Tribunal a rejeté la demande de mise en liberté et confirmé, en tant que de besoin, la détention jusqu'au 12 juin 2023 inclus.

17.         Par arrêt du 16 mai 2023 (ATA/2______/2023), la chambre administrative a rejeté le recours formé par M. A______ contre ce jugement.

M. A______ avait révélé son homosexualité après qu’un vol eut été réservé. Celle-ci n’apparaissait pas évidente et ne constituait pas un cas de nullité ou d’impossibilité du renvoi. Dans une procédure d’asile, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), rappelant qu'il n'y avait pas lieu d'admettre une persécution systématique des personnes homosexuelles au Maroc, avait estimé que le préjudice ayant résulté des atteintes contre un citoyen marocain (gifles, coups et insultes dans la rue ainsi que menaces de mort du frère de son compagnon) n’était pas suffisant pour constituer une persécution ou une pression psychique insupportable et a confirmé le refus de l’asile ainsi que l’exigibilité du renvoi (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ATAF] E-3824/2019 du 30 août 2021 consid. 4 et 8). Les chances de la demande d’asile de M. A______ n’apparaissaient pas évidentes. Le dépôt de la demande d’asile apparaissait de toute évidence destiné à retarder l’exécution du renvoi - ce qu’elle avait d’ailleurs provoqué, puisque le vol prévu le 1er mai 2023 avait été annulé sur instructions du SEM. Ainsi sa détention administrative était-elle également fondée sous l’angle de l’art. 75 al. 1 let. f LEI.

18.         Le 30 mai 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative M. A______ pour une durée de trois mois.

19.         Le 31 mai 2023, par l'intermédiaire de son avocat, M. A______ a déposé au Tribunal notamment les documents suivants :

-          une plainte déposée en son nom auprès de la Fondation romande de détention LMC afin d'attirer son attention sur les tentatives de suicide et les automutilations qu’il avait commises, sur le fait que sa détention apparaissait contraire au droit et posait différentes questions sur l'aptitude médicale à la détention, ainsi que sur le suivi envisagé ;

-          la réponse de la Fondation romande de détention LMC du 19 mai 2023 transmettant sa requête à l'OCPM comme objet de sa compétence et donnant des informations sur le suivi dont il bénéficiait auprès du Dr M______ et de deux infirmières assurant une présence du lundi au vendredi ;

-          une attestation du 23 mai 2023 intitulée « à qui de droit » et signée par le Dr M______, indiquant, en substance quelle prise en charge il avait pu mettre en place pour M. A______ et le fait que celui-ci présentait un tableau clinique inquiétant sur le plan psychiatrique, ce qui, dans le contexte de son incarcération mais aussi lors de son renvoi, le mettait à risque d'un nouveau passage à l'acte auto-agressif dans le court terme.

20.         Lors de l'audience le 6 juin 2023 devant le Tribunal, M. A______, très ému, a expliqué qu'il avait eu le matin même des nouvelles de son fils de la part d'une connaissance. Le simple fait d'avoir des nouvelles était émouvant, mais aussi le fait que son fils avait des fréquentations qu'il ferait mieux d'éviter. Sa situation personnelle avait évolué depuis la dernière audience. Sa situation à I______ était très pénible. Il était mis à l'écart et intimidé par d'autres détenus qui étaient de nationalité algérienne et formaient un clan. Il n'avait pas de contacts faciles avec d'autres détenus et de manière générale il y avait énormément de bruit, les gens parlaient fort et cela lui était très difficile à supporter. Il préférait rester seul dans sa cellule, entouré des photos de son fils. Il avait vu le Dr M______ trois ou quatre fois. Il respectait son traitement médical mais il ne le supportait pas très bien. Il avait par exemple très mal dormi la nuit précédente et avait cru voir son fils dans sa cellule. Cela allait moins bien depuis qu'il avait dû mettre fin au suivi au C______, lequel impliquait des entretiens réguliers avec un psychologue et des infirmiers spécialisés. Il a par ailleurs produit une attestation signée le 5 juin 2023 par sa tante, D______, laquelle indiquait pouvoir l’héberger, s'occuper de lui et subvenir à ses besoins en veillant à ce qu'il suive son traitement médical.

L'OCPM a produit la réponse apportée à l'attestation du Dr M______ du 23 mai 2023, rappelant à celui-ci les possibilités de transfert de M. A______ dans un établissement tel que l'N______ ou K______ en cas de nécessité. À la suite du courriel que la Fondation romande de détention LMC lui avait adressé le 19 mai 2023, l'OCPM lui avait renvoyé la plainte que lui avait adressée M. A______ le 17 mai 2023 comme objet de sa compétence. Dans la mesure où l’OCPM avait déjà répondu au courrier du Dr M______ du 23 mai 2023 et où M. A______ faisait l'objet d'une prise en charge médicale, l'OCPM n'entendait pas y donner d'autre suite. L'OCPM ne remettait pas en question le point de vue médical exprimé par le Dr M______. À ce stade, l'OCPM n'avait pas de nouvelles de la procédure d'asile ouverte sur demande de M. A______. Il n'avait pour l'instant pas apporté de réponse au courrier du conseil de M. A______ du 24 avril 2023 relatif au report de son expulsion judiciaire et entendait a priori se déterminer seulement après qu'il aurait reçu une réponse du SEM sur sa demande d'asile.

Le Dr M______, médecin-psychiatre consultant à I______, a indiqué être amené à rencontrer les détenus lorsqu'ils arrivaient à I______ et qu'ils bénéficiaient d'un traitement psychiatrique. Il consultait tous les lundis après-midi et était tout d'abord amené à déterminer le trouble dont souffrait éventuellement le patient et ses demandes. S'il y avait besoin d'un suivi, il pouvait être mis en place lors de ses passages dans cet établissement le lundi après-midi, bien que souvent, vu le renvoi régulier des détenus, ce suivi était rapidement interrompu. Il pouvait être amené également à se rendre auprès d'un détenu en dehors de cet horaire en cas d'urgence et, le cas échéant, il était habilité à ordonner une hospitalisation, que ce soit avec ou sans l'accord du patient. Même si les infirmières présentes à I______ étaient des infirmières somatiques, il leur arrivait tout de même d'intervenir auprès des patients qui avaient des besoins de nature psychologique et leur offraient un espace de parole et d'échanges. Cela pouvait d'ailleurs être le cas des gardiens. Il avait assez rapidement identifié chez M. A______ un trouble de la personnalité de type émotionnellement labile : cela signifiait qu'il existait chez lui une impulsivité extrêmement importante et une difficulté à contenir ce qui se passait à l'intérieur de lui. Il débordait soit par la parole soit par des menaces de se faire du mal. Ce qui se passait pour lui était trop difficile à contrôler. Il avait un passé de consommation importante d'alcool avec des passages à l'acte assez importants. La prise en charge de ce genre de trouble était assez compliquée dans un contexte d'incarcération et de vie avec d'autres détenus. Ce qui compliquait encore la chose était la perspective de son renvoi de Suisse alors qu'il avait installé sa vie ici, notamment avec la présence de son fils. La difficulté de la prise en charge de M. A______ consistait à évaluer la meilleure réponse possible aux menaces qu'il proférait contre sa propre vie. Il savait d'expérience que s'il ordonnait son hospitalisation, il serait de retour à I______ dans les douze heures. Il pouvait également envisager un traitement médicamenteux plus intensif, étant souligné que la médication en cours était déjà très forte, ou demander aux infirmières d'être plus présentes auprès de lui. Quoi qu'il en soit, ce qui était compliqué en tant que soignant, c'était d'évaluer le risque que M. A______ parvienne réellement dans un moment de débordement à commettre ou à tenter un suicide. Son courrier spontané du 23 mai 2023 constituait pour lui une démarche plutôt exceptionnelle, par laquelle il entendait attirer l'attention des autorités sur la situation extrêmement délicate dans laquelle il se trouvait en tant que médecin‑psychiatre auprès de I______, à devoir gérer seul le risque suicidaire de détenus, quand bien même il n'avait pas de solution particulière à proposer. Il souhaitait néanmoins rappeler que ce risque existait bel et bien, comme l'avaient montré les suicides récents de personnes migrantes. Bien qu'il n'y eût pas eu de suicide à I______ pendant les douze années où il y avait exercé, il y avait néanmoins eu quelques tentatives. Il pouvait estimer à environ une fois par année, sur ses douze ans d'exercice à I______, le nombre de ses interventions du même genre. Ses interventions étaient peut-être un peu plus fréquentes durant les six premières années, et les quelques fois où il avait reçu une réponse positive, celle-ci ne concernait en tous les cas qu'un détenu spécifique et n'était pas de nature institutionnelle. En ce qui concernait le courrier du 23 mai 2023, il avait reçu de l’OCPM une réponse « incendiaire » qu'il n'avait pas du tout appréciée et qui consistait en substance à le renvoyer à sa pratique. M. A______ provenait d'un centre de suivi ambulatoire et c'était le suivi qu'il préconisait. L'incarcération était un facteur de risque et de stress supplémentaire.

21.         Par jugement du 8 juin 2023 (JTAPI/3______/2023), le Tribunal a prolongé la détention administrative de l'intéressé jusqu'au 12 septembre 2023 inclus.

22.         Par arrêt du 27 juin 2023 (ATA/4______/2023), confirmé par le Tribunal fédéral le 27 septembre 2023 (arrêt 2C_5______/2023), la chambre administrative a rejeté le recours formé par M. A______ contre ce jugement.

M. A______ faisait l’objet à I______ d’une attention particulière. Il avait été vu plusieurs fois par le Dr M______ et suivait le traitement médical que ce dernier lui avait prescrit. Le Dr M______ était disponible, connaissait de manière approfondie sa situation et avait décrit les difficultés de sa prise en charge et les différentes mesures envisageables (hospitalisation, traitement plus puissant, présence accrue des infirmières). Le directeur de I______ avait indiqué qu’il était vu régulièrement par les deux infirmières et à sa demande par le médecin généraliste et le psychiatre. Conscients qu’il présentait des fragilités importantes, tous les gardiens de I______ restaient très attentifs à son état de santé physique et mental et passaient beaucoup de temps avec lui quand il montrait des signes d’anxiété.

23.         Le 20 juillet 2023, le SEM a rejeté la demande d'asile formée par M. A______. Celui-ci a recouru contre cette décision le 17 août 2023, devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF).

24.         Le 17 août 2023, à la suite d'une décision rendue dans le cadre d'un autre dossier, il a été décidé de suspendre l'organisation du renvoi de M. A______ jusqu'à l'entrée en force de la décision du SEM. Ainsi, un vol DEPA prévu le 23 août 2023 à destination du Maroc a été annulé.

25.         Le 28 août 2023, le TAF a rejeté le recours interjeté le 16 août 2023 par l'intéressé contre la décision du SEM du 20 juillet 2023.

26.         Par requête motivée du 28 août 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

27.         Le 4 septembre 2023, l’OCPM a transmis au Tribunal un extrait de la base de données SYMIC concernant l’intéressé ainsi que la demande de réservation de vol avec escorte policière (DEPA) accompagnée du certificat OSEARA, précisant qu’il ressortait de l’extrait précité que le TAF avait, par arrêt du 28 août 2023, rejeté le recours de M. A______ contre la décision du SEM du 20 juillet 2023. Il ressort du certificat OSEARA que le patient concerné était un dénommé O______.

28.         Le même jour, le conseil de M. A______ a adressé au Tribunal un chargé de pièces complémentaires comprenant un rapport médical du Dr M______ du 2 août 2023, une feuille de transmission du 8 août 2023 (hospitalisation de l’intéressé) et un rapport médical du docteur P______, spécialiste FMH en médecine interne générale, également médecin auprès de I______, du 16 août 2023, en lien avec un kyste sacro-coccygien.

29.         Devant le Tribunal le 6 septembre 2023, M. A______ a déclaré être toujours opposé à son renvoi au Maroc. Il avait subi une opération pour un kyste sacro‑coccygien et était toujours suivi en raison de cette intervention. La situation avait évolué négativement concernant son fils, lequel avait des problèmes de comportement depuis qu’il était lui-même en détention administrative. Son placement en foyer était envisagé. Son fils avait notamment indiqué à la juge du tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE) que si son père était renvoyé au Maroc, il faudrait le renvoyer avec lui, ce qui démontrait leur fort attachement. Son fils avait 16 ans et il avait encore besoin de son père. Il ne lui était pas possible d’avoir un suivi post-opératoire adéquat à I______. Cet établissement ne disposait en effet pas de douches avec jet d’eau. Il confirmait pour le surplus l’ensemble des explications fournies au Tribunal jusque-là.

Le représentant de l’OCPM a expliqué s’être rendu compte que les informations médicales transmises au Tribunal le 4 septembre 2023 ne concernaient pas M. A______. Une nouvelle demande avait dès lors été adressée au service compétent. Les dernières pièces médicales versées par le conseil de M. A______ seraient prises en compte dans ce cadre. En principe, il fallait compter environ une semaine pour l’établissement de ce type de rapport. À réception dudit rapport et si M. A______ était déclaré apte au voyage, ils pourraient procéder à la réservation d’un vol à destination du Maroc après l’obtention d’un nouveau laissez‑passer.

30.         Par jugement du 6 septembre 2023 (JTAPI/6______/2023), le Tribunal a prolongé la détention administrative pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 12 décembre 2023.

Hormis le fait que sa demande d’asile avait été refusée par le SEM le 20 juillet 2023, aucun changement quelconque des circonstances pertinentes dans sa situation n’était intervenu depuis la précédente procédure. Le courrier du Dr M______ du 2 août 2023 n’apportait pas un éclairage nouveau à sa situation médicale, se limitant en substance à rappeler sa fragilité psychique, dûment prise en compte. Il ressortait des autres documents médicaux que l’opération du kyste sacro-coccygien du 4 août 2023 s’était déroulée sans complications et que les médecins hospitaliers avaient jugé possible la poursuite des soins ambulatoires à I______. La proportionnalité de la détention avait été examinée et confirmée par le Tribunal et la chambre administrative, sans qu'aucune circonstance nouvelle intervenue depuis lors ne justifie une autre appréciation. La situation médicale de M. A______, la présence de son fils mineur à Genève, le dépôt d’une demande d’asile et la possibilité d’être logé chez sa tante avaient été pris en compte par les juridictions précitées, sans qu’elles ne considèrent que l’un ou l’autre de ces éléments justifierait sa mise en liberté, respectivement son assignation à résidence. Aucune violation des art. 2 et 3 CEDH ne saurait être retenue.

31.         Le 25 septembre 2023, n'ayant pas obtenu de laissez-passer, un vol DEPA prévu le lendemain à destination du Maroc avait été annulé.

32.         Le 26 septembre 2023, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté par l'intéressé contre ce jugement (ATA/7______/2023).

33.         Par requête motivée du 30 novembre 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, faisant valoir qqu'une rencontre entre le SEM et les autorités marocaines était prévue le 6 décembre 2023. Lors de celle-ci, une discussion aurait lieu autour de la situation de M. A______.

34.         Lors de l'audience du 5 décembre 2023 devant le tribunal, le représentant de l'OCPM a confirmé que le jour suivant auraient lieu des discussions entre le SEM et les autorités du Maroc concernant notamment le cas de M. A______. Cette discussion avait été fixée suite à la décision des autorités marocaines de refuser il y avait environ deux mois de délivrer un laissez-passer pour l'intéressé malgré la réservation d'un vol DEPA. Selon un téléphone qu'ils avaient eu avec les collaborateurs du SEM, il en était ressorti que ce refus faisait suite vraisemblablement à un appel de M. A______ au consulat du Maroc lors duquel il avait fait état de sa situation précaire en Suisse, de ses problèmes de santé et de l'existence de son enfant. Ils n'avaient pas de détails depuis, mais la délivrance de ce laissez-passer demeurait à ce jour sujet à négociations. Ils interpelleraient dans la semaine le SEM afin de connaître le contenu de cette discussion. M. A______ a répondu qu'il avait effectivement écrit il y avait quelques temps à l'ambassade du Maroc, mais uniquement pour leur faire part des problèmes que rencontrait son fils. Ce dernier était actuellement à Q______ et M. A______ était le seul à pouvoir s'en occuper. Il pourrait loger chez sa tante avec son fils. Il s'opposait toujours à son retour au Maroc, ce afin de pouvoir s'occuper de son fils ici. Il avait des justificatifs attestant qu'il avait versé de l'argent à son fils. Il a également montré au tribunal un arrangement de paiement auprès de l'AFC du 10 novembre 2023 d'un montant de CHF 67.65.

Le représentant de l'OCPM a demandé la confirmation de la demande de prolongation pour une durée de trois mois. Le conseil de l'intéressé s'est opposée à la demande de prolongation et a conclu à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à une assignation à résidence chez sa tante et à une obligation de se présenter régulièrement à un poste de police le temps que son départ puisse être organisé.

35.         Par jugement du 7 décembre 2023 (JTAPI/8______/2023), le tribunal a prolongé la détention administrative de l'intéressé pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 12 février 2024 inclus.

36.         Par arrêt du 22 décembre 2023 (ATA/9______/2023), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 19 décembre 2023 par l'intéressé contre le jugement précité.

37.         Le 29 janvier 2024, le SEM a informé l'OCPM qu'après avoir rencontré le personnel de l'Ambassade du Maroc le 6 décembre 2023 pour discuter de l'obtention du laissez-passer de M. A______, les discussions avec les autorités marocaines restaient en cours. La question serait relancée lors d'une nouvelle réunion avec l'Ambassade prévue le 8 février 2024. De plus, ledit document pourrait être délivré rapidement si l'intéressé exprimait le souhait de rentrer au Maroc de manière volontaire.

38.         Par requête motivée du 31 janvier 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 12 avril 2024.

39.         Lors de l'audience du 6 février 2024, M. A______ a indiqué qu’il n’était pas d'accord de rentrer au Maroc actuellement car son fils, âgé de seize ans, se trouvait à Q______. Il allait en sortir le 14 février 2024. Son fils allait mieux depuis qu'il avait appris qu'on lui avait refusé un laissez-passer. S’il était renvoyé au Maroc, son fils viendrait avec lui. Il n’était pas d'accord d'entamer personnellement des démarches auprès du consulat marocain afin d'obtenir des documents d'identité en vue de son renvoi au Maroc. Il avait bloqué les démarches pour obtenir un laissez-passer lorsqu’il avait vu son fils. Il avait écrit directement à l'Ambassade pour expliquer qu’il ne voulait pas rentrer au Maroc. Son état de santé se dégradait car il ne bénéficiait plus son suivi qu’il avait auparavant au C______ et à Champ-Dollon. Il souffrait de problèmes psychiatriques de type impulsif. Il n'avait pas de rendez-vous médicaux prévus. Il avait écrit à la commission nationale de la torture car il n'avait pas vu de médecins et qu’il aurait dû bénéficier d'un suivi psychiatrique en détention, ce qui n'était pas le cas. Il a déposé un chargé de pièces dont un courrier du 9 janvier 2024 du service de médecine pénitentiaire (ci-après : SMP) en vue d'un entretien de famille le 16 janvier 2024 concernant la prise en charge de son fils et afin qu'il aide les intervenants à accompagner ce dernier jusqu'à sa sortie de prison.

La représentante de l'OCPM a indiqué que le SEM allait rencontrer le consulat du Maroc le 8 février 2024 afin d'obtenir un laissez-passer. Elle a conclu à la confirmation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

Le conseil de l'intéressé a conclu à au rejet de la demande de prolongation de la détention de son client, à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à ce qu'il soit assigné à résidence chez sa tante à Genève.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'occurrence, le 31 janvier 2024, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

4.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

5.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. ATA/848/2014 du 31 octobre 2014 ; ATA/3/2013 du 3 janvier 2013 ; ATA/40/2012 du 19 janvier 2012 ; ATA/518/2011 du 23 août 2011).

6.             Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées).

7.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

8.             Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

Celle-ci doit en particulier être levée lorsque son motif n'existe plus ou si, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, l'exécution du renvoi s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu'elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI.

Selon ces dispositions, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l'un de ces États (al. 2), n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3) et ne peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

9.             L'impossibilité peut être juridique (refus de l'État d'origine de reprendre la personne; ATF 125 II 217 consid. 2 = RDAF 2000 I 811) ou matérielle (état de santé grave et durable ne permettant pas de transporter la personne). La jurisprudence fédérale exige qu'un pronostic soit établi dans chaque cas. Si l'exécution dans un délai prévisible paraît impossible ou très improbable, la détention doit être levée (ATF 127 II 168 consid. 2c = RDAF 2002 I 390 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.312/2003 du 17 juillet 2003 ; ATA/92/2017du 3 février 2017 consid. 5b).

L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/43/2020 du 17 janvier 2020 consid. 8b ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018).

10.         S'agissant de la légalité de la détention de M. A______, confirmée à plusieurs reprises par la chambre administrative, ainsi que par le Tribunal fédéral le 27 septembre 2023, elle ne saurait être remise en cause sur le principe, aucun changement pertinent n’étant intervenu depuis lors dans sa situation.

Concernant la proportionnalité de la détention de M. A______, elle a également été examinée et confirmée par le Tribunal fédéral, qui a relevé que l'intéressé pouvait mettre fin à la mesure privative en acceptant de monter dans un vol à destination du Maroc (arrêt 2C_5______/2023 précité consid. 6.3), sans qu'aucune circonstance nouvelle intervenue depuis lors ne justifie une autre appréciation. La situation médicale de l’intéressé, la présence de son fils mineur à Genève et la possibilité d’être logé chez sa tante ont en particulier été pris en compte par les juridictions précitées, sans qu’elles ne considèrent que l’un et/ou l’autre de ces éléments justifieraient sa mise en liberté, respectivement son assignation à résidence. En particulier, le fait que son fils, ave qui ses relations sont ténues, aurait besoin de lui et qu'il nécessite d'un suivi psychiatrique ne s'opposent pas à son renvoi.

La situation médicale et personnelle de l'intéressé étant inchangée depuis l'arrêt de la chambre administrative du 22 décembre 2023 (ATA/9______/2023), le tribunal retiendra qu'il n’existe aucune impossibilité à l’exécution du renvoi au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEI.

 

Enfin, le renvoi de M. A______ ne peut être considéré comme impossible, un entretien ayant été prévu entre le SEM et les autorités marocaines le 8 février 2024 en vue de la délivrance d'un laissez-passer en sa faveur. Il sera par ailleurs rappelé que si l'intéressé entreprenait lui-même les démarches auprès des autorités marocaines, le laissez-passer serait rapidement établi et son renvoi pourrait être exécuté, de sorte que sa détention prendrait fin.

11.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______, sera admise pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 11 avril 2024 inclus.

12.         Au vu de l'issue de la procédure, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure.

13.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocate et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 31 janvier 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 11 avril 2024 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocate, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier