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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2289/2023

JTAPI/59/2024 du 25.01.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : ANTENNE;INSTALLATION DE TÉLÉCOMMUNICATION;TÉLÉPHONE MOBILE;LIMITATION DES ÉMISSIONS;OBLIGATION D'AMÉNAGER LE TERRITOIRE
Normes : RPRNI.11; LPE.1; LPE.3; LPE.11; LPE.12; LPE.13; LPE.14; ORNI.12; ORNI.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2289/2023 LCI

JTAPI/59/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 janvier 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Jean-Louis COLLART, avocat, avec élection de domicile

 

contre

B______ SA

C______ SA

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC


EN FAIT

1.             La parcelle n° 1______ de la commune de D______ (ci-après : la commune ou la ville), située ______[GE] en zone de développement 3 (zone préexistante 5), appartient à C______.

2.             Par requête enregistrée le 10 mars 2022 par le département du territoire (ci-après : DT) sous le n° DD 2______, B______ SA (ci-après : B______) a sollicité la délivrance d’une autorisation portant sur la « construction d’une nouvelle installation de communication mobile / GBSR », qui consistait en trois antennes adaptatives regroupées sur un seul support sur le toit de l’immeuble de logements sis sur la parcelle précitée.

Cette demande a fait l’objet d’une publication dans la Feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) le 1er avril 2022 et d’une mise à l’enquête publique le 12 avril 2022.

3.             À teneur de la fiche de données spécifique au site, établie le 27 septembre 2021 (révision 1.4) jointe à cette requête :

-          l’intensité du champ électrique due à l’installation au lieu de séjour momentané (ci-après : LSM) le plus chargé (______[GE], toiture) était de 47,0 V/m atteignant 92,1 % de la valeur limite d’immission (ci-après : VLI), étant précisé qu’il n’était pas prévu de clôturer l’installation (fiche complémentaire n° 3a) ;

-          s’agissant du rayonnement dans les lieux à utilisation sensible (ci-après : LUS) les plus chargés autour de l’installation (numérotés de 2 à 7), le LUS n° 2 (______[GE], dernier étage, habitation) présentait une intensité de champ électrique de 4,65 V/m sur une valeur limite de l’installation (ci-après : VLInst) de 5,0 V/m, le LUS n° 3 (______[GE], 4ème étage, habitation, « étage le plus exposé ») présentait une intensité de champ électrique de 4,94 V/m sur une VLInst de 5,0 V/m, le LUS n° 4 (______[GE], dernier étage, habitation) présentait une intensité de champ électrique de 4,97 V/m sur une VLInst de 5,0 V/m, le LUS n° 5 ______[GE], mansarde, habitation, « emplacement le plus exposé ») présentait une intensité de champ électrique de 4,86 V/m sur une VLInst de 5,0 V/m, le LUS n° 6 (______[GE], 4ème étage, habitation, « étage le plus exposé ») présentait une intensité de champ électrique de 4,98 V/m sur une VLInst de 5,0 V/m et le LUS n° 7 (______[GE], 5ème étage, habitation, « étage le plus exposé ») présentait une intensité de champ électrique de 4,68 V/m sur une VLInst de 5,0 V/m. La VLInst était respectée pour l’ensemble des LUS précités (fiche complémentaire n° 4a) ;

-          neuf antennes étaient concernées (numérotées de 1 à 9), parmi lesquelles les antennes nos 7 à 9 seraient utilisées en mode adaptatif (fiche complémentaire n° 2) et

-          l’installation remplissait les exigences de l’assurance-qualité selon la circulaire de l'Office fédéral de l'environnement (ci-après : OFEV) du 16 janvier 2006. Les autres LUS évalués dans le périmètre avaient une valeur inférieure à celle des LUS indiqués dans la présente fiche de données. Ainsi, l’étage le plus exposé au ______[GE] présentait une valeur de 3,90 V/m, le bâtiment sis ______[GE] présentait une valeur de 4,21 V/m et l’étage le plus exposé au ______[GE] présentait une valeur de 3,47 V/m (rubrique « Commentaires », p. 5).

4.             Dans le cadre de l’instruction de cette requête :

-          par préavis des 24 mars et 4 avril 2022, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), respectivement l’office de l’urbanisme (ci-après : OU), ont tous deux émis un préavis favorable sans observations, le dernier précité ayant en outre notamment précisé, dans la rubrique « remarques » que la conformité avec le règlement relatif aux plans d'utilisation du sol (PUS) de A______ adopté par le Conseil municipal le 20 février 2007 et approuvé par le Conseil d'État le 27 février 2008 (RPUS - LC 21 211) était analysée par la ville ;

-          le 2 mai 2022, la ville s’est prononcée défavorablement, tout en exposant qu’elle appliquait pour le moment un moratoire à toute demande de modification d’installation existante ou de pose de nouvelle installation de téléphonie mobile ;

-          par préavis du 7 avril 2022, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), après examen de la fiche de données spécifique au site du 27 septembre 2021, a requis la production de cette fiche corrigée avec de nouveaux LUS, la rubrique « remarque » précisant « Ajouter un ou plusieurs LUS sur les terrasses du bâtiment des antennes ».

Le 26 avril 2023, ce service s’est prononcé favorablement sous conditions, soit le mesurage de contrôle à certains LUS, l’intégration des antennes de cette installation dans le système d’assurance-qualité (ci-après : système AQ) de B______ afin de permettre la surveillance des données d’exploitation. Les parties accessibles pour l’entretien où la VLI était épuisée devaient être dûment protégées.

Cette instance a à nouveau émis, le 27 avril 2023, basé sur l’examen de la fiche de données spécifique au site du 27 septembre 2021, un préavis favorable sous les mêmes conditions que celles posées dans son préavis du 26 avril 2023. Un mesurage de contrôle devait être effectué pour les LUS nos 3, 4, 5, 6 et 7. L’installation de téléphonie mobile se composait d’un groupe de neuf antennes fixées sur la superstructure de l’immeuble concerné et était susceptible de produire des immissions dépassant la VLInst dans une surface d’un rayon de 94 m. Selon le cadastre des installations de téléphonie mobile continuellement mis à jour et répertoriant l’ensemble des installations existantes ou autorisées, les antennes concernées n’étaient pas associées à un autre groupe d’antennes préalablement autorisées. Le mode adaptatif était activé pour les antennes nos 7 (azimut : 80, puissance apparente rayonnée (ci-après : ERPn) : 600 et # sub Array : 16), 8 (azimut : 180, ERPn : 590 et # sub Array : 16) et 9 (azimut : 320, ERPn : 700 et # sub Array : 16). Il n’y avait pas de lieux normalement accessibles où la VLI était épuisée et les parties de la superstructure accessibles pour l’entretien où la VLI était épuisée devaient être dûment protégées. L’opérateur avait évalué les immissions sur le bâtiment concerné et sur les bâtiments voisins. La VLInst y était respectée. Toutefois, pour les points d’évaluation nos 3, 4, 5, 6 et 7, les immissions étaient supérieures à 80 % de la VLInst dans des directions proches du rayon principal. Dans ce cas, conformément à la recommandation d’exécution de l’ORNI chapitre 2.1.8 (OFEFP 2002), l’exploitant devait effectuer, lors de la réception, des mesurages à ses frais conformément aux recommandations en vigueur. L’installation sise sur le site B______ / GBSR était conforme à l’ORNI et au règlement sur la protection contre le rayonnement non ionisant des installations stationnaires du 1er mars 2023 (RPRNI – K 1 70.07). L’opérateur s’engageait à intégrer les antennes de cette installation dans son système AQ qui permettait de surveiller les données d’exploitation conformément au document publié par l’OFEV « Antennes adaptatives : le complément du 23 février 2021 à la recommandation d’exécution de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL), OFEFP, 2002 ».

5.             Se sont opposés au projet, par courrier commun du 30 avril 2022, quatorze habitants du quartier.

6.             Faisant suite aux préavis émis, B______ a indiqué au DT, par pli du 14 juin 2022, qu’il ne pouvait donner une suite favorable à la demande de modification de la fiche de données spécifique au site formulée par le SABRA le 7 avril 2022, dès lors que les balcons et les terrasses n’étaient pas considérés comme des LUS. Quant au moratoire évoqué par la ville le 2 mai 2022, une telle mesure était illégale, comme l’avait rappelé la chambre constitutionnelle de la Cour de justice.

7.             Par décision du 6 juin 2023 publiée dans la FAO du même jour, le DT a délivré l’autorisation DD 2______. Les conditions figurant dans le préavis du SABRA du 27 avril 2023, qui faisait partie intégrante de la décision, devaient être strictement respectées.

8.             Par courriers des 6 juin et 27 juillet 2023, le DT a informé la ville et les opposants de la délivrance de l’autorisation DD 2______, tout en relevant que le SABRA, se basant sur la fiche de données spécifiques au site du 27 septembre 2021 et sur l’analyse du cadastre des installations de téléphonie mobile, avait émis un préavis favorable - comme l’ensemble des autres instances spécialisées consultées - sous conditions le 27 avril 2023, considérant que le projet était conforme à l’ORNI, au RPRNI et au principe de précaution.

9.             Par acte du 6 juillet 2022 [recte : 2023], la ville a interjeté recours contre la décision du DT du 6 juin 2023 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

La couverture du réseau étant suffisante, la nouvelle antenne ne se justifiait pas. L’absence de tout intérêt public à ériger une nouvelle installation de téléphonie mobile à l’emplacement choisi aurait dû conduire au refus de l’autorisation litigieuse. En outre, la couverture en 5G n’était améliorée que dans les espaces extérieurs, de manière limitée et dans un périmètre très restreint. Faute d’utilité, la pesée des intérêts à effectuer devait conduire à la constatation de la prépondérance de la protection du site.

Une violation de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et du principe de précaution était également à déplorer. Rien n’indiquait que les pics d’émission de puissance autorisés dans le cas des antennes adaptatives, qui pouvaient entraîner un dépassement temporaire très conséquent de la VLInst, ne mettaient pas la santé en danger et un rayonnement constant d’une puissance donnée ne pouvait être considéré comme équivalent à un rayonnement moyen de la même puissance, comportant certes des périodes avec un rayonnement plus faible mais également des pics bien plus importants. L’ORNI distinguait d’ailleurs ces deux cas de figure dès lors qu’elle fixait des valeurs limites différentes pour les lieux de séjour momentanés où seule la VLI devait être respectée et les LUS où la VLInst - plus basse - devait être respectée. Or, la VLI devait être respectée en tout temps partout où des personnes pouvaient séjourner, même momentanément, car une atteinte à la santé, en particulier un effet thermique, était considérée comme prouvée à ce niveau d’immissions. Dans le cas des antennes adaptatives, dès lors que des pics pouvant dépasser considérablement la VLInst étaient admis, aucune garantie n’était donnée que les personnes, même soumises momentanément seulement à ce rayonnement, ne subiraient pas des atteintes à la santé. Il ressortait des indications données aux cantons par l’OFEV le 17 avril 2019 et du rapport du groupe de travail publié le 19 novembre 2019 que la téléphonie mobile avait de nombreux effets sur la santé, notamment sur les ondes cérébrales (développement de tumeurs suite à une utilisation intensive du téléphone portable, cocancérogenèse dans l’expérimentation animale, circulation sanguine et métabolisme cérébral, dommages indirects sur l’ADN, apoptose, stress oxydatif, expression des gènes et des protéines). S’agissant de la fertilité, la dévaluation d’éléments de preuve limités à éléments insuffisants n’était pas suffisamment expliquée et ne se justifiait pas. D’autres effets étaient jugés comme insuffisamment prouvés, alors que les études publiées devaient inciter à la plus grande prudence.

Une pleine application du principe de précaution était d’autant plus nécessaire que l’installation litigieuse était destinée à prendre place sur un immeuble sis dans une zone résidentielle accueillant de nombreux logements et à proximité immédiate de E______ (ci-après : E______), soit un lieu où une population jeune et sensible serait directement et durablement exposée. Or, nonobstant cette proximité, aucun relevé n’avait été effectué au nord de l’installation. Ainsi, au vu des valeurs importantes annoncées dans la fiche de données spécifique et de l’absence d’estimation de telles valeurs pour le bâtiment scolaire précité, le DT avait établi les faits de manière incomplète et abusé de son pouvoir d’appréciation en délivrant l’autorisation querellée.

10.         Par observations du 27 juillet 2023 accompagnées de pièces, B______ a conclu au rejet du recours, sous suite de frais. Ses arguments seront repris dans la partie « En droit » ci-après, en tant que de besoin.

11.         Dans ses observations du 11 septembre 2023 accompagnées de son dossier, le DT a conclu au rejet du recours, sous suite de frais. Ses arguments seront repris dans la partie « En droit » ci-après, en tant que de besoin.

12.         Par réplique du 4 octobre 2023 accompagnée de pièces, la ville, sous la plume du conseil désormais constitué pour sa défense, a persisté dans ses conclusions.

La décision attaquée violait le principe de précaution ainsi que la LPE. Des études et analyses postérieures au rapport « téléphonie mobile et rayonnement » du 18 novembre 2019 avaient permis de mettre en évidence les effets sur la santé des rayonnements non ionisants (ci-après : RNI). Ainsi, selon la conclusion du rapport spécial (Newsletter) BERENIS de janvier 2021, même à faible dose, l’exposition aux champs électromagnétiques pouvait entraîner une rupture de l’équilibre oxydatif ; il était ainsi « fort possible que la santé des individus souffrant de telles atteintes soit touchée plus sévèrement » ; les études montraient que « les individus très jeunes ou même âgés réagissaient moins efficacement au stress oxydatif, ce que s’appliqu[ait] bien sûr aussi aux autres facteurs de stress provoquant le stress oxydatif. Toutefois, les investigations supplémentaires effectuées dans des conditions normalisées [étaient] nécessaires pour mieux comprendre et confirmer ces phénomènes et observations ». Selon la traduction libre de l’allemand du rapport complet établi par les universités de Bâle et de Berne (rapport de mai 2021, « Gibt es Hinweise auf vermehrten oxidativen Stress durch elektromagnestische Felder ? »), « des indications d’une modification de l’équilibre oxydatif [avaient] été trouvées pour un grand nombre de types de cellules, de durée d’exposition et de dosage […], cela même dans la plage des valeurs limites ». De même, à teneur du rapport sur les effets des RNI sur les arthropodes établi par l’Université de Neuchâtel le 18 août 2022 puis complété le 25 avril 2023, les effets du RNI identifiés avec un niveau de confiance approprié (moyen ou haut) avaient parfois également été observés à des niveaux d’exposition inférieurs aux seuils réglementaires, bien que les expositions utilisées dans les différentes études ne reflétaient pas nécessairement les conditions d’exposition environnementales réelles. Il ressortait enfin d’une étude menée par la revue K-TIPP publiée le 20 octobre 2021 qu’environ 20 % des antennes émettaient au-delà des valeurs admises, avec des dépassements pouvant concerner jusqu’à 27% des antennes (pour le canton du Valais) avec des dépassements de puissance pouvant aller jusqu’à cinq fois la valeur maximale tolérée, étant précisé que le canton de Genève n’avait pas donné accès à ses données, ce qui ne plaidait pas en faveur du respect des normes dans ce canton.

Le mécanisme de correction prévu par l’ORNI permettait aux antennes adaptatives d’émettre à une puissance dix fois supérieure à la VLI prévue pour une antenne conventionnelle de manière sporadique. Ces antennes devaient être équipées d’une limitation de puissance automatique visant à garantir que, durant l’exploitation, l’ERP moyenne sur une durée de six minutes ne dépassait pas l’ERP corrigée. Rien n’indiquait toutefois la puissance maximale à laquelle ces antennes pouvaient émettre, de sorte qu’il était très probable que durant de courtes périodes, elles émettent bien au-delà, et sans limitation, de la puissance ERP sans qu’il soit possible de savoir jusqu’à quelle puissance, le calcul étant exclusivement effectué sur une moyenne, de même que la puissance était automatiquement limitée afin d’obtenir cette moyenne, mais non de manière permanente. Enfin, le facteur de correction des antennes adaptatives devait être enregistré dans le système AQ des opérateurs, les limitations de puissance devaient être contrôlées par les opérateurs eux-mêmes et la seule sanction d’un dépassement était une suppression dans un délai de vingt-quatre heures.

L’infrastructure litigieuse était destinée à prendre place à proximité immédiate de LUS tels qu’une école et des habitations denses. Il était d’autant plus probable que les émissions seraient supérieures aux VLI de l’ORNI que les antennes adaptatives ciblaient leur rayonnement sur les utilisateurs. Ainsi, lors des récréations notamment, les enfants de l’école voisine activeraient en même temps leurs téléphones portables, de sorte que les RNI se concentreraient sur la cour de récréation avec une intensité importante. Partant, la garantie des limites d’émission n’était pas donnée et, compte tenu des incertitudes quant aux conséquences des RNI sur la santé des êtres humains, le principe de précaution prévu par la LPE n’était pas respecté. Au regard de ce principe, une probabilité réelle, plausible et fondée sur l’expérience que les atteintes pourraient être nuisibles ou incommodantes dans un proche avenir suffisait. Même si le Tribunal fédéral avait rendu plusieurs arrêts considérant que les VLI fixées par l’ORNI étaient suffisamment basses pour respecter le principe de précaution, il avait toutefois laissé transparaître certains doutes et rappelait qu’il se fondait sur l’état actuel des connaissances. Cette instance fédérale n’avait en outre notamment pas pris en compte les dernières modifications apportées à l’ORNI, ni le rapport de l’Université de Neuchâtel précité et n’avait pas non plus examiné si la définition du mode d’exploitation déterminant selon le ch. 64 de l’annexe 1 ORNI était conforme au principe de précaution. Or, ce principe était violé, compte tenu de tous les risques précités et du fait que la puissance d’émissions maximum des antennes adaptatives n’était pas connue à ce jour. En effet, in casu, seule la puissance apparente rayonnée ERPn figurait sur la fiche de données spécifique mais non la puissance maximum pendant les phases au cours desquelles l’antenne émettait, comme autorisé par l’ORNI, au-delà de l’ERPn. L’autorisation litigieuse portant ainsi sur une installation dont la puissance maximale réelle était ignorée, un élément essentiel faisait défaut et le préavis du SABRA, qui ne pouvait connaître cette information, ne saurait par conséquent être déterminant. Partant, faute de connaître la puissance maximale émise par l’installation litigieuse, le DT ne pouvait octroyer l’autorisation querellée. En tout état, quand bien même les valeurs d’émission seraient inférieures aux valeurs fixées par l’ORNI, il appartenait à l’autorité intimée d’examiner si cette ordonnance respectait elle-même le principe de précaution, ce qui n’était pas le cas.

13.         Par duplique du 25 octobre 2023, le DT a persisté dans ses conclusions.

Le Tribunal fédéral avait eu l’occasion de préciser que l’ORNI réglementait de manière exhaustive la limitation préventive des émissions et que le concept et les valeurs limites fixées dans cette ordonnance étaient conformes aux principes de la LPE, compte tenu des connaissances scientifiques lacunaires disponibles pour ce qui concernait les RNI sur la santé humaine. La fixation des VLI autorisées reposaient sur des connaissances scientifiques établies ne laissant aucune place à la prise en compte d’études, tel que le rapport de l’Université de Neuchâtel sur l’effet des RNI, qui ne satisfaisaient pas aux critères scientifiques ou dont la fiabilité n’avait pas encore été vérifiée. Le contrôle effectué et l’examen du SABRA démontrait que les valeurs maximales autorisées (ERPn) étaient respectées in casu.

14.         Par duplique du 18 octobre 2023, B______ a persisté dans ses conclusions.

Le principe de précaution était respecté. La Newsletter BERENIS précisait que des études expérimentales chez l’être humain et épidémiologiques étaient nécessaires pour évaluer le risque potentiel pour l’être humain et la Commission internationale de protection contre les RNI avait conclu, en 2020, qu’il n’existait aucune preuve d’effets sur la santé associés au stress oxydatif.

15.         C______, bien qu’interpellée par le tribunal, n’a pas produit d’écritures dans le cadre de la présente procédure.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par la commune sur le territoire de laquelle l’installation litigieuse est destinée à prendre place, le recours est recevable au sens des art. 145 al. 2 LCI et 60, 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

5.             Dans un premier grief, la recourante se prévaut de l’absence d’intérêt public à ériger l’installation litigieuse à l’emplacement choisi, ce qui aurait dû, selon elle, conduire au refus de l’autorisation délivrée, dans le cadre de la pesée des intérêts en présence.

6.             Conformément à l’art. 92 al. 2 1ère phr. de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), la Confédération veille à ce qu’un service universel suffisant en matière de services postaux et de télécommunications soit assuré à des prix raisonnables dans toutes les régions du pays.

Les réglementations en matière de construction et de planification applicables aux installations pour la téléphonie mobile ne peuvent en aucune manière rendre vaine ou compliquer à l’excès la réalisation des tâches d’approvisionnement de l’opérateur de téléphonie mobile en vertu de la loi fédérale sur les télécommunications du 30 avril 1997 (LTC – RS 784.10). Celle-ci tend en effet à garantir à tous les cercles de la population, dans toutes les parties du pays, un service universel de télécommunication fiable et à prix accessible, ainsi qu’à rendre possible une concurrence efficace dans la fourniture des services de télécommunication (art. 1 al. 2 let. a et c LTC ; ATF 141 II 245 c. 7.1, JdT 2016 I p. 300 ; ATF 133 II 64 consid. 5.3 p. 321 et 4.3.4 p. 328, JdT 2008 I p. 662). L’obligation de garantir le service public de téléphonie à l’ensemble de la population et dans tout le pays est par ailleurs confirmée dans les concessions délivrées aux opérateurs (art. 92 Cst., art. 14 al. 1 et 16 al. 1 let. a LTC ; ATF 138 II 570 consid. 4.2).

Dans la zone à bâtir, l'opérateur n'a aucune obligation fondée sur le droit fédéral d'établir un besoin et une pesée des intérêts n'entre pas en considération ; c'est à lui seul qu'il incombe de choisir l'emplacement adéquat de l'installation de téléphonie mobile (arrêt du Tribunal fédéral 1A.140/2003 du 18 mars 2004 consid. 3.1, 3.2).

Il appartient ainsi à chaque opérateur de décider du déploiement de son réseau et de choisir les sites appropriés en zone à bâtir. Le devoir de la Confédération et des cantons se limite donc à garantir la coordination et l'optimisation nécessaire des sites de téléphonie mobile et à veiller à ce que les intérêts de l'aménagement du territoire, de l'environnement, de la nature et du paysage soient dûment pris en compte dans les procédures de concession et d'autorisation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_231/2016 du 21 novembre 2016 consid. 4.4 ; 1A.162/2004 du 3 mai 2005 consid. 4 ; ATA/24/2014 du 14 janvier 2014 consid. 8b).

7.             En l’espèce, il ressort des éléments au dossier que la parcelle destinée à accueillir l’installation litigieuse est sise en zone de développement 3 (zone préexistante 5). Partant, les antennes concernées seront érigées en zone à bâtir, ce qui n’est pas contesté par les parties. Ainsi, conformément à la jurisprudence précitée, il n’incombait pas à B______, sur la base du droit fédéral, de démontrer l’existence d’un besoin réel quant à l’implantation desdites antennes à l’emplacement choisi, qu’il lui appartenait en outre de déterminer. Il ne se justifiait ainsi pas de procéder in casu à une pesée des intérêts sous l’angle de l’intérêt public à ériger l’installation à l’emplacement choisi.

Partant, l’allégation d’absence d’intérêt public à la réalisation litigieuse, non démontrée au demeurant, mal fondée, sera écartée.

8.             La recourante se plaint également d’une violation de la LPE et du principe de précaution, s'appuyant sur différentes sources, notamment la Newsletter BERENIS de janvier 2021, le rapport de l’Université de Neuchâtel du 18 août 2022 complété le 25 avril 2023 et l’étude menée par la revue K-TIPP publiée le 20 octobre 2021, évoquant les risques pour la santé liés au déploiement de la 5G. Elle relève en outre la non-conformité au droit du système des facteurs de correction et le fait que la décision querellée, tous comme les documents sur lesquels elle se fonde, notamment la fiche de données spécifique au site et le préavis du SABRA du 27 avril 2023, serait lacunaire, notamment s’agissant de la manière de garantir le respect de la puissance émettrice. Ce faisant, ses arguments reviennent à critiquer le système global d'implantation d'une telle installation, ce qui justifie de les examiner en même temps.

9.             La Confédération veille à prévenir les atteintes nuisibles ou incommodantes pour l'être humain et son environnement naturel (art. 74 al. 2 Cst.). Les atteintes qui pourraient devenir nuisibles ou incommodantes seront réduites à titre préventif et assez tôt (art. 1 al. 2 LPE). Les VL sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228). Les VL spécifiées dans l’ORNI pour la protection contre les rayonnements non ionisants sont fondées sur des résultats scientifiquement étayés concernant les risques pour la santé liés aux antennes de radiotéléphonie mobile. Le Conseil fédéral et son autorité spécialisée, l'OFEV, suivent en permanence l'évolution de la science avec un groupe consultatif d'experts (ci-après : BERENIS) et doivent, si nécessaire, adapter les VL à l'état de la science ou de l'expérience (arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2018 du 14 avril 2020 consid. 5.1.1 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4 ; 1C_118/2010 du 20 octobre 2010 consid. 4.2.3).

10.         De jurisprudence constante, le principe de prévention est réputé respecté en cas de conformité de la VLInst dans les LUS où cette valeur s'applique (ATF 126 II 399 consid. 3c ; ATF 133 II 64 consid. 5.2 ; arrêt 1A.68/2005 du 26 janvier 2006 consid. 3.2 in SJ 2006 I 314). Cela étant, vu la marge de manœuvre dont dispose le Conseil fédéral quant à l'établissement des VL, seuls de solides éléments démontrant de nouvelles connaissances fondées scientifiquement justifient de remettre en cause ces valeurs (arrêt du Tribunal fédéral 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5). À cet égard, le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu'en l'état des connaissances, il n'existait pas d'indices en vertu desquels ces VL devraient être modifiées (arrêts du Tribunal fédéral 1C_375/2020 du 5 mai 2021 consid. 3.2.5 ; 1C_518/2018 du 14 avril 2020 ; 1C_348/2017 du 21 février 2018 consid. 4.3 ; 1C_323/2017 du 15 janvier 2018 consid. 2.5).

11.         Selon le rapport de novembre 2019 du groupe de travail « Téléphonie et rayonnement » mandaté par le DETEC, qui prend en considération les rapports d'évaluation publiés depuis 2014, aucun effet sanitaire n'a été prouvé de manière cohérente en dessous des VL fixées dans l'ORNI pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement. Le groupe de travail a constaté que les éléments de preuves demeuraient insuffisants (DETEC, Rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » du 18 novembre 2019, p. 8-9).

Il en découle qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'est pas possible d'invoquer le principe de prévention pour s'opposer à la technologie 5G, dès lors que les VL prévues par l'ORNI sont concrètement respectées (ATA/415/2022 du 26 avril 2022 consid. 6).

12.         Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme a en particulier confirmé, sous l'angle de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), que tant que la nocivité des antennes pour la population n'était pas prouvée scientifiquement, elle restait dans une large mesure spéculative, de sorte qu'on ne pouvait imposer à la Confédération l'obligation d'adopter des mesures plus amples (ACEDH, Luginbühl c. Suisse du 17 janvier 2006 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_518/2018 précité consid. 5.1.1).

13.         Dans le domaine du rayonnement non ionisant, la limitation dite préventive - qui doit être ordonnée en premier lieu, indépendamment des nuisances existantes - est reprise à l'art. 4 al. 1 ORNI. Cette limitation fait l'objet d'une réglementation détaillée à l'annexe 1 de l'ORNI (par renvoi de l'art. 4 al. 1 ORNI), laquelle fixe notamment, pour les stations émettrices pour téléphonie mobile et raccordements téléphoniques sans fils (ch. 6 annexe 1 ORNI), les VLInst mentionnées plus haut (ch. 64 annexe 1 ORNI).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'étendue de la limitation préventive des émissions selon l'art. 4 al. 1 ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, raison pour laquelle les autorités appliquant la loi ne peuvent pas exiger une limitation supplémentaire dans des cas individuels sur la base de l'art. 12 al. 2 LPE (ATF 133 II 64 consid. 5.2; Arrêts du Tribunal fédéral 1A_251/2002 du 24 octobre 2003, consid. 4 ; 1A.10/2001 du 8 avril 2002, consid. 2.2).

14.         Au sens de l'art. 12 al. 2 ORNI, pour vérifier si la VLInst, au sens de l’annexe 1, n’est pas dépassée, l'autorité procède ou fait procéder à des mesures ou à des calculs, ou se base sur des données provenant de tiers. L'OFEV recommande des méthodes de mesure et de calcul appropriées.

15.         Sur cette base, l'OFEV a publié le 23 février 2021 un document intitulé « Explications concernant les antennes adaptatives et leur évaluation selon l’ORNI » (ci-après: explications OFEV - https://www.newsd.admin.ch/newsd/ message/attachments/65389.pdf;). Il y est expressément indiqué que l'ORNI s’applique aussi bien à la technologie de téléphonie mobile de type 2G (GSM), 3G (UMTS), 4G (LTE) ou 5G (New Radio) (Explications OFEV, p. 3).

Aussi en date du 23 février 2021, l'OFEV a publié un complément à la recommandation d'exécution de l'ORNI concernant les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) de l'OFEFP (actuellement : OFEV) de 2002 (ci-après: le complément – https://www.newsd.admin.ch/ newsd/message/attachments/65394.pdf).

Le complément définit désormais comment les paramètres techniques des antennes adaptatives doivent être déclarés dans la fiche de données spécifique au site et comment leur contribution à l'intensité du champ électrique de l'installation de téléphonie mobile doit être calculée. Il indique en outre comment les antennes adaptatives doivent être contrôlées dans les systèmes AQ utilisés par les opérateurs (p. 6).

16.         De surcroît, le 24 mai 2022, l'OFEV a publié un rapport fédéral relatif aux mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants occasionnés par les antennes 5G (Mesures d'exposition aux rayonnements non ionisants, Rapport annuel 2021, Consortium de projet SwissNIS, https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/71991.pdf ; ci-après : le rapport annuel 2021 sur la 5G). Le rapport annuel 2021 décrit d'une part le concept de base et le mode de collecte des données, et présente d'autre part les premiers résultats des mesures effectuées. Il ressort de ce rapport que les valeurs mesurées sont nettement inférieures aux VL, déterminantes en ce qui concerne les effets sur la santé (rapport 2021 sur la 5G, p. 58).

Une nouvelle installation de radiocommunications mobiles et son exploitation ne peuvent être approuvées que si, sur la base d'une prévision mathématique, il est assuré que les VL fixées par l'ORNI peuvent probablement être respectées (art. 4 ss ORNI). La base de ce calcul est la fiche de données spécifique au site que doit remettre le propriétaire de l'installation projetée (art. 11 al. 1 ORNI). Celle-ci doit contenir les données techniques et opérationnelles actuelles et prévues de l'installation, dans la mesure où celles-ci sont déterminantes pour l'émission de rayonnements (art. 11 al. 2 let. a ORNI). Cela inclut notamment la puissance ERP (art. 3 al. 9 ORNI), y compris la direction du faisceau principal des antennes, et si l'antenne fonctionne en mode adaptatif ou non. Les données correspondantes servent de bases pour le permis de construire et sont contraignantes pour l'opérateur ; toute augmentation de l'ERP au-delà de la valeur maximale autorisée et toute direction de transmission au-delà du domaine angulaire autorisé est considérée comme un changement de l'installation, ayant pour conséquence qu'une nouvelle fiche de données spécifique au site doit être présentée (annexe 1 ch. 62 al. 5 let. d et e ORNI ; ATF 128 II 378 [arrêt du Tribunal fédéral 1A.264/2000 du 24 septembre 2002] consid. 8.1, non publié). La fiche de données du site doit également contenir des informations sur le lieu accessible où ce rayonnement est le plus fort, sur les trois LUS où ce rayonnement est le plus fort, et sur tous les LUS où la valeur limite de l’installation au sens de l’annexe 1 est dépassée (art. 11 al. 2 let. c ORNI).

17.         Il est vrai que la prévision calculée qui doit être faite sur la base de ces informations est sujette à certaines incertitudes, car elle prend en compte les principaux facteurs d'influence mais ne tient pas compte de toutes les subtilités de la propagation du rayonnement. Cependant, le Tribunal fédéral a précisé que dans ce calcul, l'incertitude de mesure ne doit être ni ajoutée ni déduite. Seuls les valeurs mesurées doivent être prises en compte (arrêts du Tribunal fédéral 1C_653/2013 du 12 août 2014 consid. 3.4; 1C_132/2007 du 30 janvier 2008 consid. 4.4-4.6 in RDAF 2009 I 536). En effet, c'est pour prendre en compte cette incertitude que des mesures de réception doivent être effectuées après la mise en service de l'installation si, selon la prévision calculée, 80 % de la valeur limite de l'installation est atteinte à un LUS (complément recommandation OFEV, ch. 2.1.8 ; Benjamin WITTWER, Bewilligung von Mobilfunkanlagen, 2e éd., Zurich 2008, p. 61 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.148/2002 du 12 août 2003 consid. 4.3.1 s.). Si, sur la base de ces mesures, il s'avère que la VLInst est dépassée lors du fonctionnement, la puissance d'émission maximale admissible doit être redéfinie et le respect des valeurs prescrites doit être démontré par des mesures supplémentaires (cf. arrêt du tribunal fédéral 1C_681/2017 du 1 décembre 2019 consid. 4.5). De surcroît, le risque d'un pronostic erroné est supporté par le maître d'ouvrage dans la mesure où il peut encore être amené à prendre des mesures pour assurer le respect des VL ultérieurement, c'est-à-dire après la mise en service de l'installation (cf. ATF 130 II 32 consid. 2.4).

18.         De surcroît, il sied d'ajouter qu'au printemps 2005, le Tribunal fédéral avait estimé qu'il fallait mieux contrôler l'exploitation des antennes de téléphonie mobile, afin de garantir en particulier que les puissances émettrices et les directions d'émission autorisées soient respectées. Sur cette base, l'OFEV a mis en place un système d'assurance qualité prévoyant que pour chaque antenne, les valeurs correspondant à la direction et à la puissance émettrice maximale sont enregistrées dans une banque de données et comparées quotidiennement aux valeurs autorisées. Ce système est examiné périodiquement et certifié par un organe indépendant. B______ a mis en place un tel système de sécurité.

Le Tribunal fédéral a reconnu le système AQ comme un instrument de contrôle performant et n'a pas considéré nécessaire de recourir à un contrôle par des mesures de construction (arrêt du Tribunal fédéral 1C_282/2008 du 7 avril 2009 consid. 3.5).

Les VL sont fixées par le Conseil fédéral conformément aux critères de l'art. 11 al. 2 LPE que sont l'état de la technique, les conditions d'exploitation ainsi que le caractère économiquement supportable, sans référence directe aux dangers pour la santé prouvés ou supposés, avec toutefois la prise en compte d'une marge de sécurité (arrêt 1A.134/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.2, in DEP 2004 p. 228).

19.         Dans la mesure où la LPE et l'ORNI sont respectés, un projet ne peut être source d'inconvénients graves pour le voisinage au sens de l'art. 14 LCI (ATA/404/2016 du 10 mai 2016 consid. 10 ; ATA/609/2004 du 5 août 2004 consid. 4c).

20.         Enfin, selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/332/2022 du 29 mars 2022 consid. 4b ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e).

21.         En l'espèce, d'après la fiche de données spécifique au site du 27 septembre 2021 produite par B______ et sur laquelle se fonde l’autorisation querellée, la VLInst à respecter est celle prévue à l'art. 3 al. 3 let. c ORNI, soit 5.0 V/m. S'agissant du rayonnement dans les LUS les plus chargés, toutes les mesures présentent une intensité de champ électrique inférieure à la VLInst fixée à 5.0 V/m, quand bien même ce serait de justesse. Ces mesures ont été vérifiées par le SABRA, autorité spécialisée compétente, sans que celle-ci n'ait mis en doute leur véracité. Partant, en l'absence d'éléments indiquant le contraire, il n'y a pas lieu pour le tribunal de remettre en cause les mesures figurant dans cette fiche, validée par le SABRA, étant rappelé que, conformément à la jurisprudence mentionnée supra, il appartient au tribunal d’observer une certaine retenue afin d’éviter de substituer sa propre appréciation à celle des instances spécialisées lorsque l’autorité inférieure a suivi l’avis de celles-ci, ce qui est le cas en l’espèce, étant en outre rappelé que l’ensemble des autres instances spécialisées consultées se sont également prononcées favorablement.

Globalement, la procédure suivie par le département n'est pas critiquable. Le permis de construire délivré garantit le respect des VL pertinentes, par le biais des conditions associées comprises dans le préavis du SABRA du 27 avril 2023, notamment l’obligation d’effectuer des mesures de contrôle lors de la réception, aux LUS nos 3, 4, 5, 6 et 7, où les immissions sont supérieures à 80 % de la VLInst dans des directions proches du rayon principal, conformément à la recommandation de l’ORNI (OFEFP 2002, chap. 2.1.8). A en outre également été requise par ce service l’intégration de cette installation dans le système AQ de B______. Or, c'est précisément ce mécanisme de contrôle rétrospectif qui garantit que les calculs effectués à l'avance pourront être corrigés si nécessaire, au cas où la réalité ultérieure ne correspondrait pas aux hypothèses prévues. Cette façon de procéder respecte les dispositions légales et réglementaires citées plus haut et n’apparaît, contrairement aux allégations de la recourante, pas problématique, sauf à partir du postulat, non démontré au demeurant, que l’opérateur concerné ne se conformera pas aux conditions qui lui sont imposées. Il sied à cet égard de préciser que la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire : la limitation préventive des émissions prévues par l'ORNI est déterminée de manière exhaustive avec l'édiction des VLInst, sans que le département ne puisse exiger une limitation supplémentaire dans un cas individuel, comme le souhaite la recourante.

L’allégation de la recourante selon laquelle la fiche de données spécifique au site serait lacunaire, notamment eu égard au fait qu’elle ne mentionne pas la puissance maximale à laquelle les antennes adaptatives concernées pourraient émettre, ne saurait conduire à une autre conclusion. Il ressort en effet du développement qui précède que les valeurs fixées par les dispositions légales et réglementaires applicables, dont le bien-fondé a été confirmé par la jurisprudence fédérale, sont in casu remplies. Partant, aucune disposition légale ni réglementaire n’imposait la présence d’informations complémentaires dans la fiche de données spécifique, ce que la recourante ne prétend d’ailleurs pas. Il sera en outre rappelé que l'examen de la légalité d'une autorisation de construire se fonde sur l'objet tel qu'autorisé, en partant du principe qu'il sera construit et exploité conformément à l'autorisation délivrée, faute d’éléments probants susceptibles de démontrer le contraire, non fournis en l’espèce. Le même raisonnement s’applique s’agissant des divers rapports et études cités par la recourante qui auraient, selon elle, dû être pris en compte pour en déduire l’existence d’un danger pour la santé en lien avec les RNI des antennes adaptatives, dès lors que, conformément à la jurisprudence exposée supra, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’existait, en l’état, pas d’indices suffisants permettant de retenir que l’utilisation d’antennes adaptatives conformément au cadre légal et réglementaire en vigueur présenterait un risque pour la santé.

Quant à la présence à proximité de l’installation litigieuse de nombreux logements, situation constitutive, selon la recourante d’un risque accru, il sera rappelé qu’un certain nombre de LUS ont été dûment identifiés. En outre, il ressort des calculs effectués conformément aux recommandations de l'OFEV, reportés sur la fiche de données spécifique, que les valeurs limite prévues par l'ORNI n’y sont, comme vu supra, pas atteintes. La fiche de données spécifique au site précise en outre, dans sa rubrique « Commentaires », que d’autres LUS situés dans le périmètre concerné, en sus des LUS nos 2 à 7, ont été évalués et que ceux-ci présentaient tous une valeur inférieure à celle des LUS nos 2 à 7. Ainsi, l’étage le plus exposé au ______[GE] présentait une valeur de 3,90 V/m, le bâtiment sis ______[GE] présentait une valeur de 4,21 V/m et l’étage le plus exposé au ______[GE] présentait une valeur de 3,47 V/m Partant, contrairement aux allégations de la recourante, rien ne laisse à penser que certains LUS situés à proximité de l’installation litigieuse auraient été écartés à tort. Au contraire, force est de constater que le SABRA s’est expressément penché sur la question des LUS figurant dans la fiche de données spécifique au site. En effet, cette instance spécialisée a initialement sollicité, dans son préavis du 7 avril 2022, la modification de la fiche de données spécifique au site afin d’y intégrer de nouveaux LUS, avant d’y renoncer implicitement en émettant le préavis favorable sous conditions du 27 avril 2023. En outre, il sera encore relevé que les modifications requises à ce titre par le SABRA portaient sur l’ajout d’un ou de plusieurs LUS sur les terrasses du bâtiment destiné à accueillir les antennes et non sur l’ajout de LUS en lien avec d’éventuels autres emplacements, soi-disant particulièrement sensibles selon la recourante, notamment la cour de récréation de E______. Ainsi, en qualifiant ce dernier emplacement de problématique au motif que l’intensité des RNI y serait particulièrement importante lors des pauses en raison de l’activation simultanée par les élèves de leurs téléphones portables, il apparaît que la recourante se contente de substituer sa propre appréciation à celle de l’instance spécialisée qui, comme vu supra, n’a pas jugé utile de solliciter des mesurages supplémentaires pour E______ et ses installations, étant en outre rappelé que, conformément à la jurisprudence citée supra, dans la mesure où la LPE et l'ORNI sont respectés, le projet autorisé ne peut être considéré comme une source d'inconvénients graves pour le voisinage. Partant, dès lors que les VLInst sont respectées dans le présent cas, il convient d'admettre que le principe de précaution, en lien avec la LPE, n'a pas été violé.

Par conséquent, eu égard aux développements qui précèdent, le tribunal constate qu’en octroyant l'autorisation de construire querellée sur la base de la prévision que l'installation respecterait les VLInst, moyennant les réserves émises dans le préavis - favorable sous conditions - du SABRA du 27 avril 2023, la décision du département est conforme au droit fédéral.

22.         En conclusion, intégralement mal fondé, le recours sera rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais du même montant versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

24.         B______ n'ayant pas fait appel à un mandataire externe, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

Il en ira de même s’agissant de C______, qui, bien que dûment informée de l’existence de la présente procédure, n’y a pas participé.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 juillet 2023 par A______ contre la décision du département du territoire du 6 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière