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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3091/2022

JTAPI/1097/2023 du 10.10.2023 ( DSES ) , REJETE

REJETE par ATA/452/2024

Descripteurs : MARIAGE DE NATIONALITÉ;RESPECT DE LA VIE PRIVÉE;AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT;RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION;PROPORTIONNALITÉ;APPRÉCIATION DES PREUVES
Normes : Cst.29.al2; LEI.34.al2.letb; LEI.42.al3; LEI.62.al1.leta; LEI.63.al1.leta; LEI.50.al1.leta; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3091/2022

JTAPI/1097/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 octobre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Romain JORDAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1971 au Kosovo, est ressortissant de ce pays.

2.             Il est arrivé en Suisse le 11 novembre 1993 où il a été mis au bénéfice d'un livret N pour requérants d'asile jusqu'au 30 avril 1999. Il a été attribué au canton de Berne.

3.             A compter du mois de mai 1994, il a séjourné et travaillé à Genève en qualité d'ouvrier agricole, puis de maçon.

4.             Selon ses déclarations, M. A______ est rentré au Kosovo en décembre 2000 et est revenu à Genève en octobre 2001 où il a retrouvé du travail comme maçon.

5.             Le 29 février 2003, M. A______ a été interpellé par la police genevoise alors qu'il était démuni de titre de séjour et de pièce de légitimation.

6.             Par décision du 24 avril 2003, l'office de la population du canton de Genève (devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations ; ci-après : OCPM), a prononcé son renvoi.

7.             Par décision du 28 juillet 2003, cet office a refusé de délivrer une autorisation de séjour à M. A______ et lui a fixé un délai au 25 octobre 2003 pour quitter la Suisse.

8.             Suite à la décision du la Commission cantonale de recours de police des étrangers du 10 mars 2004 acceptant le recours déposé par M. A______ à l'encontre de cette décision, l'OCPM a soumis le dossier à l'Office fédéral avec un préavis favorable en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour.

9.             Le 8 juin 2005, l'office fédéral des migrations a prononcé une décision de refus d'exception aux mesures de limitation, contre laquelle M. A______ a recouru.

10.         En date du 12 novembre 2006, M. A______ et Madame B______, également ressortissante kosovare, ont donné naissance au Kosovo à l'enfant C______.

11.         Par arrêt du 10 août 2007 (C-______/2006), le Tribunal administratif fédéral (ci-après: TAF) a rejeté le recours de M. A______ à l'encontre de la décision de l'office fédéral des migrations du 8 juin 2005.

12.         Le 5 novembre 2007, M. A______ a épousé Madame D______, citoyenne suisse.

13.         Dans sa demande de regroupement familial basée sur le mariage avec Mme D______, M. A______ a rempli toutes les rubriques du formulaire hormis la rubrique « enfants », en la barrant. Sous la rubrique « adresse », il a indiqué la place N______, Genève.

14.         Par courrier du 21 décembre 2007, suite à une demande de renseignements de l'OCPM, Mme D______ a exposé les circonstances de sa rencontre avec M. A______, de quelle manière ils avaient maintenu leurs contacts depuis et a précisé que son mari n'avait pas d'enfant, ni en Suisse ni au Kosovo et qu'ils souhaitaient fonder une famille.

15.         M. A______ a obtenu un permis B pour regroupement familial le 29 avril 2008, avec effet au 5 novembre 2007, étant précisé que son permis B a été régulièrement renouvelé jusqu'au 4 novembre 2012.

16.         Le 10 février 2010, la police judiciaire du canton de Genève a porté à la connaissance de l'OCPM que Mme D______, auditionnée par la police dans le cadre d'une procédure indépendante de son mariage, avait contracté un mariage en blanc en novembre 2007 avec M. A______. En résumé, elle leur avait expliqué n'avoir jamais consommé ce mariage, n'avoir jamais vécu sous le même toit que M. A______, qu'il était le cousin de son ex-mari, qu'il figurait sur le bail de l'appartement sis à l'avenue O______, alors qu'il résidait dans un appartement qu'il sous-louait à la rue P______, qu'elle recevait de l' « OCPA » sur son compte environ CHF 400.- pour le compte de M. A______, et qu'elle avait accepté de se marier avec lui uniquement dans le but de l'aider afin qu'il reste en Suisse, en tant qu'il faisait l'objet d'une décision de renvoi.

17.         Suite à cette information, l'OCPM a convoqué M. A______ en date du 7 avril 2010. Celui-ci a notamment confirmé que son mariage avec Mme D______ avait bien été consommé et qu'ils vivaient toujours ensemble. Interrogé sur la question de savoir s'il avait des enfants, il a répondu avoir un fils né d'une liaison extra conjugale, dénommé C______, qu'il avait reconnu et qui vivait au Kosovo avec sa mère, Mme B______.

18.         Le 9 avril 2010, Mme D______ a écrit à l'OCPM pour indiquer qu'elle revenait sur sa déclaration, ayant été manipulée et intimidée par l'inspectrice qui l'avait auditionnée.

19.         Par courriel du 9 mars 2011, le service des examens et séjour à répondu au DCTI qu'il ressortait des éléments figurant au dossier de M. A______ et notamment de son audition en leurs locaux du 7 avril 2010, qu'il disposait de deux logements sur le territoire genevois, l'un à l'adresse O______ où il vivait avec son épouse, et l'autre à son nom à la rue P______ - et qu'il utilisait, avec lui et deux de ses oncles, - et que son épouse avait confirmé par courrier qu'ils faisaient bien ménage commun. Eu égard aux déclarations concordantes des deux conjoints et en dépit de leurs doutes, il ne leur était pas possible de refuser le renouvellement de l'autorisation de séjour de M. A______ en vertu de la loi. Ils avaient toutefois limité la validité de l'autorisation à une année pour procéder à un nouvel examen à son échéance.

20.         En date du 7 octobre 2011, M. A______ et Mme B______ ont donné naissance au Kosovo à un second enfant, nommé E______.

21.         Dans les formulaires de demande de renouvellement du titre de séjour des 22 décembre 2011 et 13 octobre 2012, M. A______ a rempli toutes les rubriques à l'exception de la rubrique « enfants ». Il a ainsi indiqué la provenance de ces revenus et, comme adresse, résider à l'avenue O______.

22.         Le 3 décembre 2012, l'OCPM a demandé à M. A______, dans le cadre de la procédure d'examen de ses conditions de séjour, de transmettre les justificatifs de ses moyens financiers (décompte AI).

23.         Sur demande de l'OCPM, Mme D______ a confirmé le 16 décembre 2012 que la communauté familiale était bien maintenue et que son mari résidait toujours avec elle.

24.         Suite à la demande de l'OCPM du 12 mars 2013, qui avait constaté que M. A______ faisait l'objet de nombreuses procédures de poursuite pour un montant important, ce dernier a notamment répondu, le 26 juin 2013, qu'il avait pris des arrangements avec quatre de ses créanciers et qu'il allait payer les autres dettes directement à l'office des poursuites d'ici fin juin 2013.

25.         Le 18 septembre 2013, M. A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement (permis C), avec effet au 4 novembre 2012.

26.         En date du 1er juillet 2014, Mme D______ a quitté le domicile conjugal et le canton de Genève pour s'établir dans le canton du Jura.

27.         Dans le formulaire K de renouvellement du titre de séjour du 4 décembre 2017, M. A______ a de nouveau laissé libre la rubrique « enfants ».

28.         Par jugement du 2 octobre 2018, le Tribunal de première instance du canton du Jura a prononcé le divorce de M. A______ et de Mme D______.

29.         En date du 6 septembre 2019, M. A______ a épousé civilement Mme B______, devenue depuis lors Mme J______, au Kosovo.

30.         Le 23 janvier 2020, Mme J______ a déposé, pour elle-même ainsi que pour ses enfants C______ et E______, une demande d'entrée et de séjour auprès de la représentation suisse compétente au Kosovo afin de rejoindre son mari en vue d'un regroupement familial.

31.         Le même jour, l'Ambassade suisse au Kosovo a fait part au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) de ses soupçons quant au fait que le mariage de Mme J______ n'aurait eu pour but que l'obtention du permis de séjour en Suisse. Des soupçons existaient que les époux A______ étaient liés par un mariage traditionnel depuis la naissance de C______ en 2006. Le fait qu'un deuxième enfant de ce couple soit né en 2011 alors que M. A______ était officiellement marié avec Mme D______ tentait à prouver ce fait. Au cours de la discussion au guichet avec Mme J______ pour constituer son dossier, elle avait indiqué comme adresse de domicile la maison qui appartenait à son époux où elle y vivait depuis 2010, avec ses enfants.

32.         Par courrier de son conseil du 29 juillet 2020, suite à une demande de renseignements de l'OCPM, M. A______ a exposé que sa nouvelle épouse et lui-même s'étaient rencontrés à la fin de l'année 2005 au Kosovo et avaient rapidement noué une relation intime. Mme J______ était immédiatement tombée enceinte, de sorte que l'enfant C______ était né le ______ 2006. Bien que M. A______ n'était pas en couple avec Mme J______, il avait entretenu des contacts réguliers avec son fils. Lors d'un séjour au Kosovo en début d'année 2011, les époux A______ avaient eu un rapport intime, duquel était issu leur second enfant. Il avait toujours contribué à l'entretien de ses enfants et avait eu des contacts réguliers avec eux. A partir de la séparation d'avec Mme D______ en 2014, les contacts entre les époux A______ s'étaient intensifiés et leur relation avait évolué en une véritable relation amoureuse.

33.         Le 8 mars 2021, l'OCPM a informé M. A______ de son intention de proposer au Département de la sécurité et de l'économie (devenu aujourd'hui le département des institutions et du numérique ; ci-après : le département) la révocation de son autorisation d'établissement et de prononcer son renvoi de Suisse au motif qu'il avait entretenu une relation parallèle durable au Kosovo avec Mme J______ qui avait déclaré vivre avec lui et leurs enfants dans sa maison au Kosovo en 2010.

L'OCPM a par ailleurs suspendu la demande de regroupement familial en faveur de Mme J______ et de ses enfants jusqu'à droit connu concernant la situation administrative de M. A______.

34.         Le 20 avril 2021, M. A______ a exercé son droit d'être entendu par le biais de son conseil et a contesté les motifs invoqués par l'OCPM.

35.         Par décision du 22 août 2022, le département a révoqué l’autorisation d’établissement de M. A______ avec effet rétroactif au 4 novembre 2012, révoqué son autorisation de séjour avec effet rétroactif au 5 novembre 2007, et prononcé son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

En 2007, M. A______ était arrivé seul en Suisse. Alors qu'il était marié avec Mme D______, il avait continué à maintenir une relation parallèle durable avec Mme J______, maintien qui n'avait pas été annoncé par M. A______ à l'OCPM lors de la procédure d'octroi du permis B. Il en allait de même de l'existence de son enfant C______. Dès l'année 2010, Mme J______ et l'enfant C______ avaient logé dans la maison de M. A______ au Kosovo, information recueillie par le consulat de Suisse au Kosovo le 23 janvier 2020, sur déclarations de Mme J______. L'OCPM n'avait pas non plus été informé de la naissance de son second enfant E______. Lors des procédures de renouvellement de son permis B, M. A______ avait continué à taire l'existence de sa relation parallèle avec Mme J______ ainsi que de ses deux enfants.

Il apparaissait notoire que M. A______ avait sciemment caché à l'OCPM l'existence de sa relation parallèle durable avec Mme J______ depuis l'année 2007, de même que la naissance de leurs deux enfants, ces éléments étant considérés comme importants et déterminants au sens de la jurisprudence. Cette manoeuvre clandestine prolongée dans le temps avait de surcroit permis à M. A______ d'obtenir le renouvellement de son permis B pour regroupement familial, ce jusqu'à l'obtention de son permis C, obtenu après cinq ans de séjour seulement sur la base de son regroupement familial avec Mme D______. Le caractère intentionnel et calculé de l'omission de transmettre ces informations déterminantes dès l'année 2007 était d'autant plus clair que c'était directement ensuite de l'obtention de son permis C que l'intéressé s'était séparé puis avait divorcé de Mme D______ pour, dans la foulée, se marier avec Mme J______ et demander sa venue ainsi que celle de leurs enfants sur le territoire suisse aux fins du regroupement familial. Dès lors, le motif de révocation prévu aux art. 63 al. 1 LEI cum 62 al. 1 let. a LEI était réalisé.

Sur le plan de la proportionnalité, M. A______ résidait légalement en Suisse depuis quinze ans. Si cette durée pouvait être qualifiée de longue, elle devait être fortement relativisée car elle était exclusivement due à la dissimulation frauduleuse prolongée de la relation de l'intéressé avec Mme J______ et de leurs deux enfants. S'il n'avait pas agi de la sorte, ni le permis B ni conséquemment le permis C, ne lui auraient été délivrés. Les deux emplois occupés par M. A______ depuis le 1er septembre 2014, respectivement le 1er janvier 2018, lui procuraient un revenu mensuel de CHF 5'800.-. Il était par ailleurs actif comme bénévole auprès de l'association de football olympique de Genève en agissant comme entraîneur dans de équipes de club depuis janvier 2020. Il ne dépendait par ailleurs pas de l'aide sociale ni ne figurait au casier judiciaire suisse. Son intégration en Suisse pouvait être qualifiée de bonne. L'intéressé était en bonne santé. Quant aux conditions de retour, M. A______ n'alléguait pas et, à fortiori ne démontrait pas qu'un tel retour le placerait dans une situation tellement difficile qu'elle s'opposerait à son renvoi. Il disposait d'une maison au Kosovo dans laquelle il vivait actuellement avec Mme J______ et leurs deux enfants. La décision de révocation apparaissait ainsi proportionnée.

Au demeurant, l'exécution de son renvoi apparaissait possible, licite et exigible au sens de l'art. 83 LEI.

36.         Par acte du 19 septembre 2022, M. A______, sous la plume de son nouveau conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, principalement, à l’annulation de la décision précitée, sous suite de frais et dépens.

Il a repris, en les développant, les arguments exposés dans ses précédents courriers. Il a rajouté avoir rencontré Mme D______ en 1997. Auditionnée par le police en début d'année 2010, dans le cadre d'une procédure indépendante de son mariage, et alors qu'elle était sous le choc et paniquée, Mme D______ s'était sentie obligée de déclarer que son mariage était « blanc », suite à l'intimidation et aux menaces d'emprisonnement de l'inspectrice, mais elle était immédiatement revenue sur cette déclaration et en avait déclaré la fausseté. Entendu par l'OCPM le 7 avril 2010, le recourant avait confirmé que son mariage avec Mme D______ avait bien été consommé et qu'ils vivaient toujours ensemble. A cette occasion, il avait informé l'OCPM avoir un fils né d'une liaison extra-conjugale, résidant avec sa mère, Mme B______, au Kosovo, qu'il avait reconnu. Il avait fourni le nom de son enfant et de la mère de celui-ci. Parfaitement informé de l'ensemble de la situation, l'OCPM avait continuer à renouveler régulièrement le permis B du recourant puis l'avait ensuite mis au bénéfice d'un permis C. Même après la séparation du couple en 2014, il avait continué à contribuer à l'entretien de Mme D______ qui faisait face à des difficultés financières.

Le recourant et Mme B______ avaient noué une brève relation intime à la fin de l'année 2005 au Kosovo. Cette dernière était immédiatement tombée enceinte, de sorte que l'enfant C______ était né le ______ 2006. Bien que le recourant n'était pas en couple avec Mme J______, il avait tout de même reconnu son fils afin de faire face à ses responsabilités. Assumant son rôle de père, il avait entretenu des contacts réguliers avec son fils et, de fait, également avec la mère de ce dernier puisqu'elle en avait la garde et que l'enfant était en bas âge. Par décision du 22 janvier 2009, il avait obtenu une rente complémentaire de l'office cantonal AI pour son fils C______. Lors d'un séjour au Kosovo en début d'année 2011, le recourant et Mme B______ avaient eu un rapport intime, dans un moment d'égarement, à la suite duquel Mme B______ était tombée enceinte. Il s'agissait du seul et unique rapport intime entre les intéressés depuis début 2006, date de la conception de l'enfant C______. Le recourant avait également reconnu E______, ne désirant pas fuir ses responsabilités. L'état de santé à la naissance de E______ avait été extrêmement préoccupant et le recourant n'avait dès lors pas pensé à communiquer cette naissance aux autorités suisses. En toute bonne foi, il n'imaginait pas non plus que la naissance de son fils E______ puisse avoir un quelconque impact sur la délivrance d'un éventuel permis en sa faveur. Le recourant et Mme B______ n'avaient plus entretenu la moindre relation intime depuis l'unique épisode du début de l'année 2011, à l'origine de la naissance de E______.

Le recourant avait continué à vivre sa vie maritale avec Mme D______ jusqu'à leur séparation en 2014. Ce n'était qu'après la séparation des époux que les contacts entre le recourant et Mme B______ s'étaient intensifiés et avaient évolué en une relation amoureuse alors que leurs contacts se limitaient jusque-là exclusivement à permettre au recourant de maintenir un lien avec leurs enfants communs. Au cours de l'année 2018, Mme B______ avait emménagé avec ses enfants dans la maison appartenant au recourant au Kosovo. A cet égard, la représentation consulaire avait incorrectement rapporté les propos de Mme J______ le 23 janvier 2020, puisque c'était en 2018 et non en 2010 qu'elle avait déménagé dans la maison de son mari.

Le recourant avait vécu plus de 28 ans en Suisse. Hormis une période d'invalidité entre novembre 2006 et le 1er avril 2014, il avait toujours travaillé à Genève depuis 1993, à ce jour. Il était parfaitement intégré et sa sœur, Madame F______, et des oncles, Messieurs G______, H______ et I______, vivaient également en Suisse.

L'état de fait de la décision querellée était erroné à plusieurs égards et devait être complété et rectifié. L'autorité avait ainsi abusé de soin pouvoir d'appréciation et procédé à une appréciation erronée des preuves, en ne tenant pas compte de plusieurs éléments propres à modifier la décision entreprise. Le droit du recourant avait par ailleurs été violé, le recourant ignorant de quelles déclarations de Mme J______ il s'agissait concernant le fait qu'il aurait vécu dans sa maison depuis 2010 et étaient au demeurant entièrement erronées. L'autorité ne motivait par ailleurs pas les raisons pour lesquelles elle avait décidé de s'écarter des explications apportées par le recourant à l'occasion de ses déterminations du 30 avril 2021. Il était erroné de retenir que le recourant aurait entretenu une « relation parallèle durable » avec Mme J______, de sorte qu'il ne pouvait a fortiori en avoir caché l'existence à l'OCPM. Il n'avait pas non plus sciemment caché cherché à dissimuler l'existence de ses deux enfants, de sorte que les conditions de la révocation n'étaient pas réunies. L'intérêt privé du recourant à rester en Suisse devait prévaloir, le recourant n'ayant jamais chercher à dissimuler la moindre information à l'autorité.

Le comportement de l'autorité intimée - qui avait décidé d'octroyer un permis de séjour au recourant, puis qui l'avait régulièrement renouvelé avant de le mettre au bénéfice d'un permis d'établissement, étant dès lors d'avis que le mariage avec Mme D______ était une véritable union maritale - pour prétendre à présent que le recourant lui aurait caché des faits essentiels alors qu'elle était déjà en possession de toutes les informations pertinentes, était constitutif de violation du principe de la bonne foi.

37.         Dans sa réponse du 17 novembre 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Les arguments avancés par le recourant n'étaient pas de nature à modifier sa position, le recourant remplissant les conditions d'une révocation rétroactive de son permis C (et de son permis B) au sens des art. 63 al. 1 let. a cum 62 al. 1 let. a LEI. Un important faisceau d'indices démontrait que le recourant avait mené ab initio une relation parallèle avec Mme J______, jouissant dans le même temps des titres de séjour qui lui avaient été octroyés sur la base de son mariage avec Mme D______, ces éléments de fait revêtant à tout le moins le caractère de vraisemblance prépondérante. Aussi, les indications du recourant selon lesquelles il considérait (subjectivement) sa relation avec Mme J______ comme n'étant pas substantielle ne sauraient modifier cette conclusion.

38.         Par réplique du 12 décembre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions et précisé que l'état de fait retenu dans la décision querellée était erroné, tant en ce qui concernait son séjour en Suisse, qu'en ce qui avait trait à ses relations sentimentales avec Mme D______ et avec Mme J______. La décision querellée violait par ailleurs le droit d'être entendu du recourant, lequel n'avait jamais pu se déterminer quant à l'information recueillie, dans des circonstances douteuses et non documentées, par le consulat de Suisse au Kosovo le 23 janvier 2020. S'agissant de la pesée des intérêts, il était particulièrement choquant de constater que la durée du séjour du recourant, au demeurant mal évaluée, et sa parfaite intégration n'étaient examinées au regard d'un comportement qui, dans les faits, n'avait pas eu lieu. Ce procédé violait également le principe de la bonne foi qui commandait à l'administration de s'abstenir de tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part. Le droit au respect de la vie familiale était lui aussi violé, la mesure attaquée n'était pas nécessaire dans une société démocratique, des infidélités et les aléas d'une vie du couple ne justifiant à aucun moment des sanctions relevant du droit des étrangers, à fortiori lorsque la partie en cause était au bénéfice d'une intégration remarquable.

39.         Dans sa duplique du 22 décembre 2022, le département a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler et persister dans ses conclusions.

40.         En date du 22 juin 2023 le tribunal a tenu une audience de comparution personnelle des parties, lors de laquelle a également été entendue Mme D______.

M. A______ a exposé avoir rencontré Mme D______ en 1997 au cinéma à Genève bien qu'il ne se souvenait pas du nom du cinéma. Jusqu'à leur séparation en 2014, ils avaient vécu ensemble, d'abord à la place N______, puis à l'avenue O______. Ils n'avaient pas eu d'autre domicile. S'agissant des activités qu'ils aimaient partager, il a répondu « un peu de tout comme un couple normal ». Ils n'étaient pas partis en vacances mais avaient voyagé en Suisse, notamment dans le Jura où Mme D______ y avait vécu enfant et qu'elle appréciait beaucoup, ainsi que dans le Jura bernois. Ils passaient également du temps ensemble avec leurs amis : pas beaucoup avec les siens, mais ils passaient du temps avec « K______ », une amie de son ex-femme dont il ne se souvenait pas du nom, qui habitait à Genève. S'agissant de leurs revenus, ils avaient bénéficié tous les deux de l'AI et c'était l'OCPA qui avait financé le logement.

La raison de leur séparation en 2014 était notamment le fait que Mme D______ n'avait pas trop apprécié qu'il ait eu un second enfant né hors mariage et parce qu'il avait recommencé à travailler en 2014 alors qu'elle souhaitait partir dans le Jura. Il n'allait donc pas pu la suivre. Ils avaient attendu quatre ans avant de divorcer car ils avaient quand même essayé de réparer leur relation mais cela n'avait pas fonctionné.

Sur question du tribunal, M. A______ a répondu que ses enfants portaient effectivement son nom sur le certificat de naissance car c'était le souhait de leur mère. Au Kosovo il n'y avait pas besoin d'être mariés pour porter le nom du père. Ils n'avaient pas eu de mariage traditionnel au Kosovo avec Mme B______ avant le mariage civil. Avant la guerre, les mariages pouvaient ne pas être formalisés dans des registres publics, mais après la guerre, l'état avait mis des mesures en place pour que le mariage traditionnel soit officiel, en étant suivi par un mariage civil. Dans son cas, il n'avait pas pu le faire car il passait trop peu de temps au Kosovo. Jusqu'en 2017, il se rendait environ une fois par année au Kosovo pour voir ses enfants, de temps en temps après Nouvel an ou en week-end, car il n'avait pas beaucoup d'argent pour payer le voyage.

Le représentant du département a pour sa part relevé que s'agissant de la procédure pour le renouvellement du permis B, ils examinaient si les conditions du renouvellement étaient réalisées (pas d'infraction pénal ou d'aide sociale) et si tel était le cas, ils n'instruisaient pas plus avant. S'agissant du permis C, cette délivrance se faisait automatiquement.

Mme D______ a quant à elle déclaré que sauf erreur, il avait rencontré M. A______ en 1996 ou 1997 au bord du lac à Genève, cela remontait à longtemps. Elle avait habité à la place N______ jusqu'en février 2010 et ensuite elle avait emménagé dans un grand 5 pièces à l'avenue O______ pour pouvoir accueillir une « fille de cœur » de 18 ans qui était en foyer. Elle n'habitait pas avec M. A______ avant le mariage mais ils se fréquentaient « comme tout couple ». M. A______ habitait à Q______ avant le mariage et avait quitté le logement en juillet 2010 en raison des problèmes générés par la jeune fille précitée, puis était revenu en septembre 2010 au départ de cette jeune fille. Ensuite fin 2011, il lui avait annoncé qu'il avait eu un second enfant, ce qui avait généré encore des problèmes entre eux. Du coup, ils vivaient officiellement ensemble mais en réalité, M. A______ vivait souvent ailleurs à sa demande. Ensuite il avait pris un studio ou un appartement, sauf erreur en 2012 ou 2013. L'appartement à l'avenue O______ était d'abord financé par l'office du logement puis, au départ de cette jeune fille, vu qu'ils s'étaient retrouvés en « sous-effectif » (il fallait être trois pour un appartement de cinq pièces), M. A______ et elle avaient dû eux-mêmes payer une partie. Ils avaient finalement dû quitter l'appartement en raison de ce problème de « sous-effectif » au 1er juillet 2014, et c'était ce qui l'avait motivé aussi à partir pour retourner dans le Jura où elle avait vécu enfant. A la base, ça devait être temporaire mais elle avait pris finalement la décision de se séparer de M. A______ car toute cette situation était trop dure à supporter pour elle. Ils avaient eu un jugement de séparation de corps à Porrentruy en octobre 2014. Ensuite ils avaient continué à se voir trois ou quatre fois, mais sa décision était prise et ils avaient divorcé. M. A______, pendant leur mariage, se rendait environ deux fois par année au Kosovo, soit le temps d'un week-end, soit pour une période de trois semaines un mois pour voir son fils.

Le tribunal a remis à Mme D______ le procès-verbal de son audition auprès de la police du 10 février 2010. Elle a indiqué à ce sujet avoir été entendue en qualité d'auteur présumée d'avoir perçu l'aide au loyer indûment. C'était la jeune fille précitée, Mlle L______, qui l'avait dénoncée en informant l'office du logement que M. A______ ne vivait pas avec elles. Elle a effectivement déclaré à la police n'avoir jamais consommé ce mariage ni n'avoir jamais vécu sous le même toit que M. A______ parce qu'elle était « dans un très sale état » à cause de la manière dont s'était comportée Mlle L______ et elle avait eu très peur de l'inspectrice. La procédure s'est terminée par une condamnation. Elle a également confirmé que M. M______ était bien le cousin de M. A______. C'était par lui qu'elle avait connu M. A______. M. M______et M. A______ avaient vécu à la rue P______, c'était un endroit transitaire où d'autres personnes vivaient. C'était avant leur mariage.

M. A______ l'avait informée qu'il avait eu un premier enfant même avant le mariage. Il lui avait également parlé d'une maison qu'il avait au Kosovo et lui avait indiqué que sa femme actuelle y vivait avec les enfants. Elle ne se souvenait pas de l'année mais c'était en tout cas avant la naissance du deuxième enfant. Quand elle était en couple avec M. A______, ils n'avaient pas beaucoup voyagé car elle n'appréciait pas de prendre l'avion. Il lui avait proposé d'aller au Kosovo mais cela ne lui disait rien. Ils avaient par contre « pas mal » voyagé en Suisse, notamment à Lucerne. Ils avaient fréquenté deux ou trois amis de M. A______, mais elle ne se souvenait pas de leurs noms.

Suite aux déclarations de Mme D______, M. A______ a confirmé les déclarations qu'il avait faites en début d'audience et il n'était pas d'accord avec la déclaration de Mme D______ selon laquelle sa femme vivait dans sa maison avant la naissance de son second enfant. En réalité ce n'était qu'en 2018. Il pourrait produire un certificat ou des justificatifs montrant l'adresse de la propriété de ses parents au Kosovo et celle où vivait Mme J______ avant 2018, étant précisé qu'elle vivait chez ses frères. Il était exact qu'il avait vécu également à d'autres endroits pendant le mariage en raison des problèmes engendrés par Mlle L______, mais il avait toujours séjourné officiellement à l'avenue O______. Enfin, il a confirmé qu'avant de bénéficier de l'AI (soit de 2007 à 2013), il avait toujours travaillé, et ce de manière déclarée la plupart du temps. Il travaillait actuellement auprès d'OMINIADIS. Actuellement au Kosovo, séjournaient une sœur, un frère, sa mère ainsi que sa femme et ses enfants. Son père était décédé.

S'agissant de la procédure pénale, le représentant du département a confirmé avoir dénoncé les faits au Ministère public mais ignorait où en était la procédure. M. A______ et son avocate ont indiqué n'avoir aucune information à ce sujet et n'avoir reçu aucune convocation.

Enfin, le représentant du département a indiqué qu'à leur connaissance, il n'y avait pas de trace écrite des déclarations de Mme J______ faites à l'ambassade en 2020. Ils partaient du principe que les communications avec l'ambassade étaient véridiques. Ils se trouvaient dans un rapport de confiance et n'avaient pas fait d'autres vérifications.

41.         Par écritures du 13 juillet 2023, le département a indiqué maintenir ses conclusions suite à l'audience. Outre le fait que de manière générale, les déclarations de Mme D______ avaient conforté leur position, celle-ci avait en particulier confirmé que le recourant et elle-même n'avaient pas mené de réelle vie de couple, tout en vivant en des lieux séparés sur des longues périodes, ou encore que le recourant disposait bien, pendant leur mariage déjà d'une maison au Kosovo dans laquelle logeaient Mme J______ et ses enfants. Il était encore relevé que Mme D______ et le recourant n'avaient pas été capables de donner une version semblable du lieu et des circonstances de leur première rencontre.

42.         Le 28 juillet 2023, le recourant, sous la plume de son conseil, a transmis une attestation sur laquelle figurait l'adresse de la propriété de ses parents au Kosovo, une attestation selon laquelle ce dernier n'était propriétaire d'aucun autre bien immobilier et un extrait du registre central de l'état civil du Kosovo du 6 mai 2016, démontrant que Mme B______ était encore domiciliée à Korentin, Kamenice, à cette date.

Il maintenait ses déclarations constantes, selon lesquelles Mme B______ n'avait emménagé dans sa maison à Gjilan - plus précisément celle des parents du recourant - qu'en 2018, et non pas en 2010. Les déclarations de Mme D______ ayant été confuses sur ce point, le recourant maintenait également avoir rencontré cette dernière pour la première fois dans un cinéma en 1997 et a précisé qu'il ne l'avait pas connue par l'intermédiaire de M. M______, lequel n'était par ailleurs pas son cousin. Il réaffirmait en fin qu'il avait bel et bien vécu avec Mme D______ mais qu'il lui était effectivement arrivé de se rendre de temps en temps chez des amis lorsque le couple rencontrait des difficultés, notamment en raison des deux jeunes filles que Mme D______ avait décidé d'héberger.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions du département (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant a sollicité préalablement son audition, ainsi que celles de Mme D______, de Mme J______, de sa sœur et de ses oncles.

4.             Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

5.             En l'espèce, le tribunal a déjà procédé à l'audition du recourant et de Mme D______ et estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer sur le litige, de sorte qu'il n'apparaît pas utile de procéder aux dernières auditions requises, étant encore relevé que déclarations de l'épouse du recourant seraient de toute manière sujette à caution puisqu'elle-même souhaite obtenir, pour son compte et celle de ses deux enfants, une autorisation de séjour en Suisse fondé sur un regroupement familial avec le recourant.

6.             Le recourant soulève un grief de nature formelle, soit une violation de son droit d'être entendu, au motif que l'autorité intimée n'avait fait nullement état dans sa décision des explications qu'il avait apportées à l'occasion de ses déterminations du 30 avril 2021 et n'avait pas motivé les raisons pour lesquelles elle avait décidé de s'en écarter. Par ailleurs l'autorité motivait sa décision sur la base d'une « information recueillie par le consulat de Suisse au Kosovo le 23 janvier 2020 » selon laquelle Mme J______ aurait indiqué vivre dans la maison du recourant à Gjilan avec ses enfants depuis 2010 mais le recourant ignorait de quelles déclarations il s'agissait.

7.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 135 I 187 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_529/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.2.1 ; 5A_681/2014 du 14 avril 2015 consid. 31). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Le droit d'être entendu implique notamment l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient et que l'autorité de recours puisse effectuer son contrôle (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 133 III 439 consid. 3.3 et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, cette obligation n'impose pas à l'autorité d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; celle-ci peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents pour fonder sa décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision. La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1 ; 6B_1193/ 2013 du 11 février 2014 consid. 1.2). L'autorité peut donc passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l'évidence non établi ou sans pertinence et il n'y a violation du droit d'être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner les problèmes pertinents (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; ATF 135 III 670 consid. 3.3.1; 133 III 235 consid. 5.2).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020).

8.             En l’espèce, s'il est vrai que la motivation de la décision querellée ne fait pas expressément état des éléments apportés par le recourant dans le cadre de ses déterminations du 30 avril 2021, ce dernier, assisté d'un avocat, a très bien saisi le sens et la portée de cette décision, ce qui lui a permis d'exercer son droit de recours en temps utile et en faisant valoir ses arguments. En tout état, même à considérer l’existence d’une violation du droit d’être entendu, elle serait réparée dans le cadre de la présente procédure. Il en va de même s'agissant des déclarations de Mme J______ au consulat de Suisse au Kosovo, élément qui a encore été instruit lors de l'audience tenue par le tribunal du 23 juin 2023.

Partant, le grief d'ordre formel dont se prévaut le recourant sera écarté.

9.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

10.         Le recourant se plaint d'une constatation inexacte des faits pertinents de la décision querellée qui devait être complétée et rectifiée. L'autorité avait ainsi abusé de son pouvoir d'appréciation et procédé à une appréciation erronée des preuves, en ne tenant pas compte de plusieurs éléments propres à modifier la décision entreprise. Ces éléments seront développés ci-après dans la mesure utile.

Le recourant reproche par ailleurs à l'autorité intimée d'avoir violé les art. 62 et 63 LEI ainsi que le principe de la proportionnalité. Le comportement de l'autorité intimée - qui avait décidé d'octroyer un permis de séjour au recourant, puis qui l'avait régulièrement renouvelé avant de le mettre au bénéfice d'un permis d'établissement, étant dès lors d'avis que le mariage avec Mme D______ était une véritable union maritale - pour prétendre à présent que le recourant lui aurait caché des faits essentiels alors qu'elle était déjà en possession de toutes les informations pertinentes, était en outre constitutif de violation du principe de la bonne foi.

Enfin, il a fait valoir le droit au respect de la vie familiale, la mesure attaquée n'étant « pas nécessaire dans une société démocratique, des infidélités et les aléas d'une vie du couple ne justifiant à aucun moment des sanctions relevant du droit des étrangers, à fortiori lorsque la partie en cause était au bénéfice d'une intégration remarquable ».

11.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

12.         Selon l'art. 42 al. 3 LEI, après un séjour légal ininterrompu de cinq ans, le conjoint d'un ressortissant suisse a droit à l’octroi d’une autorisation d’établissement si les critères d’intégration définis à l’art. 58a sont remplis.

Aux termes de l'art. 34 al. 2 let. b LEI, l'autorité compétente peut octroyer une autorisation d'établissement s'il n'existe aucun motif de révocation au sens des art. 62 ou 63 al. 2 LEI.

13.         Le droit à l'obtention d'une autorisation d'établissement fondé sur l'art. 42 al. 3 LEI suppose que le conjoint étranger fasse ménage commun avec le ressortissant suisse durant cinq ans (ATF 140 II 289 consid. 3.6.2 ; sous réserve de l'art. 49 LEI, arrêts du Tribunal fédéral 2C_656/2016 du 9 février 2017 consid. 4 ; 2C_1125/2014 du 9 septembre 2015 consid. 2.1). Les droits prévus à l’art. 42 LEI s’éteignent, en vertu de l’art. 51 al. 1 let. b LEI, s’il existe des motifs de révocation au sens de l’art. 63 LEI, étant précisé que ces motifs constituent chacun une cause de révocation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1 ; 2C_44/2017 du 28 juillet 2017 consid. 4.3 et les arrêts cités).

À teneur de l'art. 63 al. 1 let. a LEI, l'autorisation d'établissement peut notamment être révoquée aux conditions de l'art. 62 al. 1 let. a LEI, c'est-à-dire si l'étranger a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d'autorisation.

14.         Sont essentiels au sens de l'art. 62 al. 1 let. a LEI, non seulement les faits au sujet desquels l'autorité administrative pose expressément des questions à l'étranger durant la procédure, mais encore ceux dont l'intéressé doit savoir qu'ils sont déterminants pour l'octroi de l'autorisation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2015 du 21 août 2015 consid. 5.1 ; 2C_15/2011 du 31 mai 2011 consid. 4.2.1).

Il faut que l'étranger ait la volonté de tromper l'autorité. Cela est notamment le cas lorsqu'il cherche à provoquer, respectivement à maintenir, une fausse apparence sur un fait essentiel (ATF 142 II 265 consid. 3.1 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1 ; 2C_553/2020 du 20 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_176/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3.1 ; 2C_656/2017 du 23 janvier 2018 consid. 4.1). En outre, il importe peu que l'autorité eût pu, en faisant preuve de la diligence nécessaire, découvrir par elle-même les faits dissimulés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2018 du 17 mai 2018 consid. 6.1 et l'arrêt cité).

15.         L'étranger est donc tenu de collaborer à la constatation des faits et en particulier de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (art. 90 al. 1 let. a LEI). Il doit en particulier spontanément indiquer si la communauté conjugale sur laquelle son droit de séjour repose n'est plus effectivement vécue (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1 ; 2C_22/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.1 ; 2C_176/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3.1 ; 2C_148/2015 du 21 août 2015 consid. 5.1 ; 2C_299/2012 du 6 août 2012 consid. 4.1). Un comportement trompeur est aussi donné si l'étranger a, durant la procédure d'octroi de l'autorisation de droit des étrangers, sciemment tu ou activement caché que l'union matrimoniale était vouée à l'échec, ou s'il invoque un mariage dénué de substance dès ses débuts, en ce sens que les époux (voire seulement l'un d'eux) n'ont jamais eu la volonté de former une véritable communauté conjugale (ATF 127 II 49 consid. 4a et 5a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1 ; 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2 ; 2C_1055/2015 du 16 juin 2016 consid. 2.2). L'intention réelle des époux est un élément intime (interne) qui, par la nature des choses, ne peut guère être établie par une preuve directe, mais seulement grâce à un faisceau d'indices (cf. ATF 130 II 113 consid. 10.2; 127 II 49 consid. 4a et 5a; arrêts 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1; 2C_22/2019 précité consid. 4.1 et les arrêts cités).

En particulier, en ne mentionnant pas qu'il entretient une relation durable avec une autre personne, l'étranger cherche à tromper l'autorité sur le caractère stable de sa relation vécue en Suisse avec la personne lui donnant le droit d'obtenir une autorisation de séjour ou d'établissement, conformément aux art. 42 et 43 LEI. Il provoque ou maintient ainsi une fausse apparence de monogamie (arrêts du Tribunal fédéral 2C_61/2020 du 21 avril 2020 consid. 5.4 ; 2C_706/2015 du 24 mai 2016 consid. 3.2). La dissimulation d'une relation parallèle conduit donc à la révocation de l'autorisation, en application de l'art. 62 let. a LEI (par renvoi de l'art. 63 al. 1 let. a LEI, s'il est question d'autorisation d'établissement ; ATF 142 II 265 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2020 du 20 octobre 2020 consid. 3.2 ; 2C_61/2020 du 21 avril 2020 consid. 5.4).

16.         La volonté de fonder une communauté conjugale est un élément intime qui, par la nature des choses, ne peut guère être prouvé directement. Le plus souvent, l'abus ne pourra être établi qu'au moyen d'un faisceau d'indices, tels qu'une grande différence d'âge entre les fiancés, une impossibilité ou de grandes difficultés à communiquer entre eux, une méconnaissance réciproque de leur cadre de vie et de leurs conditions d'existence (famille, amis, profession, hobbies, habitudes, etc.), un arrangement financier en vue du mariage, un projet de mariage élaboré peu de temps après la rencontre des fiancés, une procédure de renvoi en cours contre le fiancé dont le droit de résider en Suisse dépend de la conclusion du mariage ou l'impossibilité d'obtenir une autorisation de séjour autrement que par un mariage, une absence de vie commune des fiancés avant le mariage, l'appartenance de la personne admise à résider en Suisse à un groupe social marginal, etc. (cf. ATF 122 II 289 consid. 2b; 121 II 101 consid. 3b ; arrêt 5A_201/2011 du 26 juillet 2011 consid. 3.1.1).

Lorsque la vie commune a présenté une certaine durée et qu'il n'apparaît pas de manière manifeste qu'elle soit de pure façade, la jurisprudence pose des exigences relativement élevées pour admettre l'existence d'un mariage fictif sur la seule base d'indices. Ceux-ci doivent alors être clairs et concrets. En outre, la preuve d'un mariage fictif doit être apportée par l'autorité, sous réserve de l'obligation des parties de collaborer à l'établissement des faits. Cette obligation des parties est d'autant plus grande que les circonstances objectives du cas permettent de douter de la réelle et commune volonté des époux de former une communauté de vie. En présence d'indices sérieux d'un mariage fictif, il appartient aux parties de démontrer, par une argumentation circonstanciée, l'existence d'une relation conjugale réellement vécue et voulue (arrêt 2C_177/2013 du 6 juin 2013 consid. 3.4 et les nombreuses références citées).

Une révocation est possible, même lorsque les fausses déclarations ou la dissimulation de faits essentiels n'ont pas été déterminantes pour l'octroi de l'autorisation. Font partie des faits dont la personne étrangère doit savoir qu'ils sont importants pour la décision d'autorisation les « faits internes » comme, par exemple, l'intention de mettre un terme à un mariage existant ou d'en conclure un nouveau ainsi que l'existence d'enfants issus d'une relation extraconjugale. Pour révoquer une autorisation, il n'est pas nécessaire que l'autorisation eût forcément été refusée si les indications fournies avaient été exactes et complètes. A contrario, l'existence d'un motif de révocation ne conduit pas forcément à la révocation de l'autorisation. Lors de la prise de décision, il faut tenir compte des circonstances du cas particulier (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers [ci-après : Directive LEI], état au 1er mars 2022, ch. 8.3.1.1 ; ATA/1151/2022 du 15 novembre 2022 consid. 9b ; ATA/746/2021 du 13 juillet 2021 consid. 7c).

17.         Selon la jurisprudence, une rétrogradation au sens de l'art. 63 al. 2 LEI n'entre pas en considération lorsque les conditions d'une révocation de l'autorisation d'établissement sont réunies, c'est-à-dire lorsqu'il existe un motif de révocation au sens de l'art. 63 al. 1 LEI et que la mesure mettant fin au séjour est proportionnée. D'après le texte clair de la disposition, la rétrogradation n'est en effet admissible que lorsque les critères d'intégration de l'art. 58a LEI ne sont pas réunis et non pas lorsque la personne concernée a réalisé un motif de révocation et que le renvoi se révèle proportionné (arrêts du Tribunal fédéral 2C_264/2021 du 19 août 2021 consid. 5.2 ; 2C_268/2021 du 27 avril 2021 consid. 6 ; 2C_1040/2019 du 9 mars 2020 consid. 6.1 ; 2C_782/2019 du 10 février 2020 consid. 3.3.4 ; 2C_58/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.2).

18.         En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

19.         Selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l’art. 8 par. 1 CEDH pour s’opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu’il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1 ; 2C_786/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.1 et les références citées). Les relations ici visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c’est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2017 du 29 juin 2017 consid. 3 ; 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1).

Par ailleurs, sous l’angle étroit de la protection de la vie privée, l’art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l’étranger devant établir l’existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d’une intégration ordinaire (cf. not. ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2 ; 2C_498/2018 du 29 juin 2018 consid. 6.1 ; 2C_739/2016 du 31 janvier 2017 consid. 1.1).

Lorsque l’étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l’idée que les liens sociaux qu’il y a développés sont suffisamment étroits pour qu’il bénéficie d’un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l’étranger fait preuve d’une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l’autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2D_30/2019 du 14 août 2019 consid. 3.2).

Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance - par exemple en raison de l’effet suspensif attaché à des procédures de recours - ne sont en revanche pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

L’examen de la proportionnalité sous l’angle de l’art. 8 par. 2 CEDH se confond avec celui imposé par l’art. 96 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_419/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.3 ; ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017). Il faut que la pesée des intérêts publics et privés effectuée dans le cas d’espèce fasse apparaître la mesure d’éloignement comme proportionnée aux circonstances (ATF 135 II 377 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2010 du 4 mai 2011 consid. 3.3.1).

20.         Pour le recourant, la décision querellée retient par erreur qu'il aurait entretenu une relation parallèle durable avec Mme J______, de sorte qu'il ne pouvait à fortiori en avoir caché l'existence à l'OCPM. Il n'aurait pas non plus sciemment cherché à dissimuler l'existence de ses deux enfants, de sorte que les conditions de la révocation n'étaient pas réunies. Or il ressort clairement de la chronologie des faits ressortant du dossier que des faits importants n'ont pas été portés à la connaissance de l’autorité intimée. Dans sa demande de regroupement familial suite à son mariage avec Mme D______, le recourant a en effet rempli toutes les rubriques du formulaire hormis la rubrique « enfants », qu'il a laissée vide. Il en a été de même par la suite à chacune de ses demandes. Si le recourant, comme il le fait valoir, a effectivement informé l'OCPM de la naissance en 2006 de son premier enfant - contrairement à ce qu'a retenu la décision querellée -, il ne l'a fait qu'en avril 2010, et ce suite à sa convocation par l'OCPM qui venait d'être informé par la police des déclarations de Mme D______ quant à son mariage blanc. Il sera d'ailleurs relevé à ce sujet que malgré la demande expresse de l'OCPM du 21 décembre 2007 faite à Mme D______ avant de délivrer une autorisation de séjour au recourant, cette dernière a menti à cet office en répondant que son mari n'avait pas d'enfant, alors qu'elle a reconnu lors de son audition devant le tribunal de céans qu'elle était au courant de l'existence de son fils C______ même avant son mariage avec le recourant. Par la suite, le recourant a de nouveau choisi de ne pas compléter la rubrique « enfants » des formulaires de renouvellement, et ce malgré la naissance de son second enfant le 7 octobre 2011, né de la même mère que son premier enfant, et avec qui il s'est finalement marié.

Dans la mesure où il n’avait été autorisé à séjourner en Suisse que dans l’unique but de vivre auprès de son épouse helvétique, le recourant ne peut raisonnablement soutenir qu’il ignorait que si l’OCPM avait eu connaissance de ces informations, il n’aurait pas obtenu la délivrance son autorisation de séjour, ni ses renouvellements, et ni a fortiori une autorisation d’établissement. C'est d'ailleurs notamment cette chronologie des faits qui a amené l'ambassade à avoir en premier des soupçons. Or, ignorant ces faits, et malgré ses investigations, l’OCPM a régulièrement renouvelé l’autorisation de séjour du recourant et l’a finalement mis au bénéfice d’une autorisation d’établissement au mois de septembre 2013. Par ailleurs, contrairement à ce que le recourant soutient, l'audition de Mme D______ a confirmé, comme elle l'avait reconnu à la police en 2010, l'absence d'une véritable union. Comme l'autorité intimée l'a relevé, ils ont en effet vécu en des lieux séparés sur des longues périodes et Mme D______ et le recourant n'ont pas été capables de donner une version semblable du lieu et des circonstances de leur première rencontre, ni des amis qu'ils auraient côtoyés ensemble.

Contrairement à ce qu'il allègue, le recourant a ainsi sciemment passé sous silence la naissance de ses deux enfants nés de la même mère au Kosovo, ainsi que l'adresse de son domicile effectif qui ne correspondait pas à celui de Mme D______ et, partant, le fait qu'il n'avait en réalité pas fait ménage commun pendant cinq ans avec elle, contrairement à ce qu'exige l'art. 42 al. 3LEI précité. S'il n'avait pas agi de la sorte, ni le permis B ni conséquemment le permis C, ne lui auraient été délivrés. La question de savoir quand Mme J______ a réellement emménagé dans la maison du recourant peut ainsi restée ouverte dans la mesure où il est déjà établi que le recourant a dissimulé des faits essentiels aux autorités compétentes.

Le recourant a eu maintes fois l’occasion d’en informer l’OCPM, notamment lors de ses demandes de renouvellement d’autorisation de séjour. Il a toutefois choisi de ne pas compléter la rubrique « enfants » des formulaires. Il lui était également loisible de le faire spontanément. A l'instar de l'autorité intimée, le tribunal de céans retient que le caractère intentionnel et calculé de l'omission de transmettre ces informations déterminantes est d'autant plus clair que c'est ensuite de l'obtention de son permis C que le recourant s'est séparé puis a divorcé de Mme D______ pour, dans la foulée, se marier avec Mme J______ et demander sa venue ainsi que celle de leurs enfants sur le territoire suisse aux fins du regroupement familial. Le tribunal relèvera également de la chronologie des faits que c'est seulement deux mois après avoir reçu l'arrêt du TAF (du 10 août 2007) confirmant le renvoi du recourant de Suisse qu'a eu lieu son mariage avec Mme D______.

Ainsi, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, force est de constater que le recourant a bel et bien dissimulé des faits essentiels justifiant la révocation de son autorisation d’établissement, si bien que c'est à bon droit, sur le plan de la légalité, que le département a rendu la décision litigieuse sur la base de l'art. 63 al. 1 let. a LEI en lien avec l'art. 62 let. a LEI.

21.         Pour ces raisons également, les griefs du recourant tirés de la violation du principe de la bonne foi seront écartés.

22.         Toutefois, l'existence d'un motif de révocation d'une autorisation ne justifie le retrait de celle-ci que si la pesée globale des intérêts à effectuer fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances (cf. art. 5 Cst. et 96 LEI; ATF 139 II 121 consid. 6.5.1 ; 135 II 377 consid. 4.3 ; 135 I 153 consid. 2.1 et 2.2). Dans le cadre de cette pesée d'intérêts, il faut notamment prendre en considération la durée du séjour en Suisse, l'âge de l'arrivée dans ce pays, les relations sociales, familiales et professionnelles, le niveau d'intégration et les conséquences d'un renvoi de l'intéressé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2015 du 21 août 2015 consid. 5.3 ; 2C_1189/2014 du 26 juin 2015 consid. 3.4.1).

La durée de présence en Suisse de l'étranger constitue un critère important. Plus cette durée est longue, plus les conditions pour prononcer l'expulsion administrative doivent être appréciées restrictivement (cf. ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2011 précité consid. 6.1.1). On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (ATF 125 II 521 consid. 2b ; 122 II 433 consid. 2c).

23.         En l’espèce, le recourant est âgé de 52 ans. Il est né au Kosovo et n’est arrivé en Suisse qu'en 1993, soit à l’âge adulte. Si effectivement, comme l'a fait valoir le recourant, c'est à tort que l'autorité a indiqué dans la décision querellée qu'il était arrivé en 2007, elle a tout de même retenu à juste titre que la durée de séjour en Suisse pouvait être qualifiée de longue. Elle a également retenu de manière bien fondée que cette longue durée devait toutefois être fortement relativisée dans la mesure où elle résulte en partie d’un séjour illégal, puis, suite à son mariage avec une ressortissante suisse, de la dissimulation de faits importants (comme vu supra) qui lui a permis d’obtenir une autorisation de séjour puis d’établissement. Il ne peut par ailleurs pas se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée. Le fait qu'il parle le français, n'a jamais dépendu de l'aide sociale, qu'il est entraîneur bénévole au sein du club de l'Olympique de Genève et que sa réintégration peut être ainsi qualifiée de bonne - comme il le fait valoir et comme la décision querellée l'a d'ailleurs retenu -, n'y change rien. Pour le surplus, il n'allègue pas qu'il ne serait pas en mesure de se réintégrer professionnellement au Kosovo. A tout le moins, on ne voit pas ce qui rendrait la recherche d'un emploi dans son pays plus difficile pour lui que pour n'importe lequel de ses compatriotes, étant relevé qu'il pourra mettre à profit ses compétences professionnelles et linguistiques acquises en Suisse afin de retrouver un emploi. S'il a certains membres de sa famille en Suisse, le recourant dispose d’attaches familiales suffisamment fortes au Kosovo pour y faciliter sa réintégration, notamment son épouse et ses enfants, de même qu'en tous les cas, sa mère, une sœur, et un frère. De même, le fait qu'il est à plusieurs reprises retourné au Kosovo dans le cadre de sa relation avec Mme J______ puis pour rendre visiter ses enfants, qu'il dispose par ailleurs une maison au Kosovo, permet de conclure qu'il peut être raisonnablement exigé de lui qu'il retourne dans ce pays où il a gardé des liens très importants.

L’intérêt public à l’application correcte de l’art. 62 let. a LEI, partant à la sécurité du droit, doit prévaloir sur l'intérêt privé du recourant à conserver une autorisation d’établissement obtenue en commettant un abus de droit. Il résulte de ce qui précède que la révocation par l'intimé de l'autorisation d'établissement du recourant respecte le principe de la proportionnalité.

24.         Pour les mêmes raisons, les griefs du recourant tirés du droit au respect de la vie familiale seront écartés.

Compte tenu de ce qui précède, le tribunal considère que l'autorité intimée n'a pas abusé ni mésusé de son pouvoir d'appréciation, ni violé le principe de proportionnalité, et que c'est à bon droit qu'elle a révoqué l'autorisation d’établissement octroyée au recourant.

25.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Il en va de même, par analogie, en cas de révocation d'une autorisation.

Les autorités ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-7543/2015 du 27 novembre 2017 consid. 9.2 ; C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/1011/2017 du 27 juin 2017 consid. 12b).

26.         En l’espèce, au vu de la révocation de l’autorisation d'établissement du recourant, la mesure de renvoi prononcée par le département en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI ne peut qu’être confirmée.

27.         En conséquence, mal fondé, le recours sera rejeté.

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'200.- comprenant l'indemnité de CHF 280.- allouée à Mme D______ pour son audition ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

29.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 19 septembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département des institutions et du numérique du 22 août 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière