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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3091/2022

ATA/452/2024 du 09.04.2024 sur JTAPI/1097/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3091/2022-PE ATA/452/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 avril 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 octobre 2023 (JTAPI/1097/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1971 au Kosovo, est ressortissant de ce pays.

b. Il est arrivé en Suisse le 11 novembre 1993 où il a été mis au bénéfice d'un livret N pour requérants d'asile jusqu'au 30 avril 1999. Il a été attribué au canton de Berne.

c. À compter du mois de mai 1994, il a séjourné et travaillé à Genève en qualité d'ouvrier agricole, puis de maçon.

d. Selon ses déclarations, il est rentré au Kosovo en décembre 2000 et est revenu à Genève en octobre 2001 où il a retrouvé du travail comme maçon.

e. Le 29 février 2003, il a été interpellé par la police genevoise alors qu'il était démuni de titre de séjour et de pièce de légitimation.

f. Par décision du 24 avril 2003, l'office de la population du canton de Genève, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), a prononcé son renvoi.

g. Par décision du 28 juillet 2003, cet office a refusé de lui délivrer une autorisation de séjour et lui a fixé un délai au 25 octobre 2003 pour quitter la Suisse.

h. Après que la Commission cantonale de recours de police des étrangers eut admis le 10 mars 2004 son recours contre cette décision, l'OCPM a soumis son dossier à l'office fédéral des migrations avec un préavis favorable en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour.

i. Le 8 juin 2005, l'office fédéral des migrations a prononcé une décision de refus d'exception aux mesures de limitation, contre laquelle A______ a recouru.

j. Le ______ 2006, B______, également ressortissante kosovare, a donné naissance au Kosovo à C______, fruit de son union avec A______.

k. Par arrêt du 10 août 2007, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours d’A______ contre la décision de l'office fédéral des migrations du 8 juin 2005.

l. Le 5 novembre 2007, A______ a épousé D______, citoyenne suisse.

m. Dans sa demande de regroupement familial basée sur son mariage avec D______, A______ a complété toutes les rubriques du formulaire hormis la rubrique « enfants », qu’il a biffée. Sous la rubrique « adresse », il a indiqué la place des E______ ______, ______ Genève.

n. Le 21 décembre 2007, suite à une demande de renseignements de l'OCPM, D______ a exposé les circonstances de sa rencontre avec A______, de quelle manière ils avaient maintenu leurs contacts depuis et a précisé que son mari n'avait pas d'enfant, ni en Suisse ni au Kosovo, et qu'ils souhaitaient fonder une famille.

o. Le 29 avril 2008, A______ a obtenu une autorisation de séjour pour regroupement familial avec effet au 5 novembre 2007, laquelle a été régulièrement renouvelée jusqu'au 4 novembre 2012.

p. Le 10 février 2010, la police judiciaire a porté à la connaissance de l'OCPM qu’D______, entendue dans le cadre d'une procédure indépendante de son mariage, avait indiqué avoir contracté un mariage en blanc en novembre 2007 avec A______. Elle n’avait jamais consommé ce mariage, ni vécu sous le même toit que lui. Il était le cousin de son ex-mari. Il figurait sur le bail de l'appartement sis à l'avenue F______, alors qu'il résidait dans un appartement qu'il sous‑louait à la rue de la G______. Elle recevait de l'office cantonal des personnes âgées sur son compte environ CHF 400.- pour le compte d’A______ et avait accepté de se marier avec lui uniquement dans le but de l'aider afin qu'il reste en Suisse.

q. Le 7 avril 2010, l'OCPM a entendu A______. Celui-ci a notamment affirmé que son mariage avec D______ avait bien été consommé et qu'ils vivaient toujours ensemble. Interrogé sur la question de savoir s'il avait des enfants, il a répondu avoir un fils né d'une liaison extra conjugale, nommé C______, qu'il avait reconnu et qui vivait au Kosovo avec sa mère, B______.

r. Le 9 avril 2010, D______ a écrit à l'OCPM pour indiquer qu'elle revenait sur sa déclaration, ayant été manipulée et intimidée par l'inspectrice qui l'avait auditionnée.

s. Le 9 mars 2011, le service des examens et séjour a répondu au département de la sécurité et de l’économie, devenu depuis lors le département des institutions et du numérique (ci-après : le département) qu'il ressortait des éléments figurant au dossier d’A______ et notamment de son audition en ses locaux du 7 avril 2010, qu'il disposait de deux logements sur le territoire genevois, l'un avenue F______ ______ où il vivait avec son épouse, et l'autre à son nom rue de la G______ qu'il utilisait avec deux de ses oncles, et que son épouse avait confirmé par courrier qu'ils faisaient bien ménage commun. Eu égard aux déclarations concordantes des conjoints et en dépit de leurs doutes, il ne leur était pas possible de refuser le renouvellement de l'autorisation de séjour d’A______ en vertu de la loi. La validité de l'autorisation était toutefois limitée à une année pour procéder à un nouvel examen de la situation à son échéance.

t. Le ______ 2011, B______ a donné naissance au Kosovo à un second enfant, H______, fruit de son union avec A______.

u. Dans les formulaires de demande de renouvellement de son titre de séjour des 22 décembre 2011 et 13 octobre 2012, A______ a complété toutes les rubriques à l'exception de la rubrique « enfants ». Il a indiqué résider avenue F______ ______.

v. Le 3 décembre 2012, l'OCPM lui a demandé, dans le cadre de la procédure d'examen de ses conditions de séjour, de transmettre les justificatifs de ses moyens financiers (décompte AI).

w. Le 16 décembre 2012, sur demande de l'OCPM, D______ a confirmé que la communauté familiale était bien maintenue et que son mari résidait toujours avec elle.

x. Le 26 juin 2013, suite à une demande de l'OCPM du 12 mars 2013, A______, qui faisait l'objet de nombreuses poursuites pour un montant important, a indiqué qu'il avait pris des arrangements avec quatre de ses créanciers et qu'il allait payer les autres dettes directement à l'office des poursuites d'ici fin juin 2013.

y. Le 18 septembre 2013, A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement avec effet au 4 novembre 2012.

z. Le 1er juillet 2014, D______ a quitté le domicile conjugal et le canton de Genève pour s'établir dans le canton du Jura.

aa. Le 4 décembre 2017, dans le formulaire K de demande de renouvellement du titre de séjour, A______ a laissé libre la rubrique « enfants ».

bb. Le 2 octobre 2018, le Tribunal civil de première instance du canton du Jura a prononcé le divorce d’A______ et D______.

cc. Le 6 septembre 2019, A______ a épousé civilement B______, devenue depuis lors B______, au Kosovo.

dd. Le 23 janvier 2020, B______ a déposé, pour elle-même ainsi que pour ses enfants C______ et H______, une demande d'entrée et de séjour auprès de la représentation suisse compétente au Kosovo afin de rejoindre son mari en vue d'un regroupement familial.

B. a. Le 23 janvier 2020, l'Ambassade suisse au Kosovo a fait part au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) de ses soupçons quant au fait que le premier mariage d’A______ n'aurait eu pour but que l'obtention du permis de séjour en Suisse. Des soupçons existaient que les époux A______ B______ étaient liés par un mariage traditionnel depuis la naissance d'C______ en 2006. Le fait qu'un deuxième enfant de ce couple était né en 2011 alors qu’A______ était officiellement marié avec D______ tendait à prouver ce fait. Au cours de la discussion au guichet avec B______ pour constituer son dossier, celle-ci avait indiqué comme adresse de domicile la maison appartenant à son époux où elle vivait depuis 2010 avec ses enfants.

b. Le 4 juin 2020, A______ a indiqué à l’OCPM être sans nouvelles de la demande de regroupement familial de sa femme et de leurs enfants.

c. Le 9 juin 2020, l’OCPM a adressé à A______ des questions sur sa relation avec B______.

d. Le 29 juillet 2020, A______ a exposé à l’OCPM que sa nouvelle épouse et lui-même s'étaient rencontrés à la fin de l'année 2005 au Kosovo et avaient rapidement noué une relation intime. B______ était immédiatement tombée enceinte et l'enfant C______ était né le ______ 2006. Bien qu’il ne fût pas en couple avec B______, il avait entretenu des contacts réguliers avec son fils. Lors d'un séjour au Kosovo en début d'année 2011, les époux A______ B______ avaient eu un rapport intime, duquel était issu leur second enfant. Il avait toujours contribué à l'entretien de ses enfants et avait eu des contacts réguliers avec eux. À partir de sa séparation d'avec D______ en 2014, les contacts avec son épouse s'étaient intensifiés et leur relation avait évolué en une véritable relation amoureuse.

e. Le 8 mars 2021, l'OCPM a informé A______ de son intention de proposer au département la révocation de son autorisation d'établissement et de prononcer son renvoi de Suisse au motif qu'il avait entretenu une relation parallèle durable au Kosovo avec B______ qui avait déclaré vivre avec lui et leurs enfants dans sa maison au Kosovo en 2010.

L'OCPM a par ailleurs suspendu l’examen de la demande de regroupement familial en faveur de B______ et de ses enfants jusqu'à droit connu concernant la situation administrative d’A______.

f. Le 20 avril 2021, A______ a contesté les motifs invoqués par l'OCPM.

g. Par décision du 22 août 2022, le département a révoqué l’autorisation d’établissement d’A______ avec effet rétroactif au 4 novembre 2012, révoqué son autorisation de séjour avec effet rétroactif au 5 novembre 2007, et prononcé son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

En 2007, il était arrivé seul en Suisse. Alors qu'il était marié avec D______, il avait continué à maintenir une relation parallèle durable avec B______, ce qu’il n’avait pas annoncé à l'OCPM lors de la procédure d'octroi de l’autorisation de séjour. Il avait pareillement caché l'existence de son enfant C______. Dès l'année 2010, B______ et l'enfant C______ avaient logé dans sa maison au Kosovo, information recueillie par le consulat de Suisse au Kosovo le 23 janvier 2020, sur la base des déclarations de B______. L'OCPM n'avait pas non plus été informé de la naissance de son second enfant H______. Lors des procédures de renouvellement de son autorisation de séjour, A______ avait continué à taire l'existence de sa relation parallèle avec B______ ainsi que l’existence de ses deux enfants.

Il apparaîssait évident qu’il avait sciemment caché sa relation parallèle durable avec B______ depuis l'année 2007 de même que la naissance de leurs deux enfants. Cette manœuvre clandestine prolongée dans le temps lui avait de surcroît permis d'obtenir le renouvellement de son autorisation de séjour pour regroupement familial, ce jusqu'à l'obtention de son autorisation d’établissement, après cinq ans seulement sur la base de son regroupement familial avec D______. Le caractère intentionnel et calculé de l'omission de transmettre ces informations déterminantes dès l'année 2007 était d'autant plus clair que c'était aussitôt après l'obtention de son autorisation d’établissement qu’il s'était séparé puis avait divorcé d’D______ pour, dans la foulée, se marier avec B______ et demander sa venue ainsi que celle de leurs enfants sur le territoire suisse aux fins du regroupement familial. Dès lors, le motif de révocation prévu aux art. 63 al. 1 LEI cum 62 al. 1 let. a LEI était réalisé.

Il résidait légalement en Suisse depuis quinze ans. Si cette durée pouvait être qualifiée de longue, elle devait être fortement relativisée car elle était exclusivement due à la dissimulation frauduleuse prolongée de sa relation avec B______ et leurs deux enfants. S'il n'avait pas agi de la sorte, ni l’autorisation de séjour ni l’autorisation d’établissement ne lui auraient été délivrées. Les deux emplois qu’il occupait depuis le 1er septembre 2014, respectivement le 1er janvier 2018, lui procuraient un revenu mensuel de CHF 5'800.-. Il était par ailleurs bénévole auprès de l'association de football olympique de Genève en qualité d’entraîneur depuis janvier 2020. Il ne dépendait pas de l'aide sociale ni ne figurait au casier judiciaire suisse. Son intégration en Suisse pouvait être qualifiée de bonne. Il était en bonne santé. Il n'alléguait pas et a fortiori ne démontrait pas qu'un retour le placerait dans une situation tellement difficile qu'elle s'opposerait à son renvoi. Il disposait d'une maison au Kosovo dans laquelle il vivait avec B______ et leurs deux enfants.

L'exécution de son renvoi apparaissait possible, licite et exigible.

C. a. Par acte du 19 septembre 2022, A______ a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation.

Il avait rencontré D______ en 1997. Auditionnée par la police en début d'année 2010, dans le cadre d'une procédure indépendante de son mariage et alors qu'elle était sous le choc et paniquée, celle-ci s'était sentie obligée de déclarer que son mariage était blanc suite à l'intimidation et aux menaces d'emprisonnement de l'inspectrice, mais elle était immédiatement revenue sur cette déclaration et en avait affirmé la fausseté. Entendu par l'OCPM le 7 avril 2010, il avait confirmé que son mariage avec D______ avait bien été consommé et qu'ils vivaient toujours ensemble. À cette occasion, il avait informé l'OCPM avoir un fils né d'une liaison extra-conjugale, qu'il avait reconnu et qui résidait avec sa mère B______ au Kosovo. Il avait fourni le nom de son enfant et de la mère de celui-ci. Parfaitement informé de l'ensemble de la situation, l'OCPM avait continué à renouveler régulièrement son autorisation de séjour puis l'avait mis au bénéfice d'une autorisation d’établissement. Même après la séparation du couple en 2014, il avait continué à contribuer à l'entretien d’D______ qui faisait face à des difficultés financières.

Il avait noué avec B______ une brève relation intime à la fin de l'année 2005 au Kosovo. Cette dernière était immédiatement tombée enceinte, et C______ était né le ______ 2006. Bien qu’il ne fût pas en couple avec elle, il avait tout de même reconnu son fils afin de faire face à ses responsabilités. Assumant son rôle de père, il avait entretenu des contacts réguliers avec son fils et, de fait, également avec la mère de ce dernier puisqu'elle en avait la garde et que l'enfant était en bas âge. Le 22 janvier 2009, il avait obtenu une rente complémentaire de l'office cantonal AI pour son fils C______. Lors d'un séjour au Kosovo en début d'année 2011, il avait eu avec B______ un rapport intime, dans un moment d'égarement, à la suite duquel elle était tombée enceinte. Il s'agissait du seul et unique rapport intime entre eux depuis début 2006, date de la conception de C______. Il avait également reconnu H______, ne désirant pas fuir ses responsabilités. L'état de santé à la naissance de H______ avait été extrêmement préoccupant et il n'avait dès lors pas pensé à communiquer cette naissance aux autorités suisses. En toute bonne foi, il n'imaginait pas non plus que la naissance de H______ pût avoir un quelconque impact sur la délivrance d'un éventuel permis en sa faveur. Il n'avait plus entretenu la moindre relation intime avec B______ depuis l'unique épisode du début de l'année 2011, à l'origine de la naissance de H______.

Il avait continué à vivre sa vie maritale avec D______ jusqu'à leur séparation en 2014. Ce n'était qu'après cette séparation que ses contacts avec B______ s'étaient intensifiés et avaient évolué vers une relation amoureuse alors que leurs contacts se limitaient jusque-là exclusivement à lui permettre de maintenir un lien avec leurs enfants communs. Au cours de l'année 2018, B______ avait emménagé avec ses enfants dans la maison lui appartenant au Kosovo. À cet égard, la représentation consulaire avait incorrectement rapporté les propos de B______ le 23 janvier 2020, puisque c'était en 2018 et non en 2010 qu'elle avait déménagé dans sa maison.

Il avait vécu plus de 28 ans en Suisse. Hormis une période d'invalidité entre novembre 2006 et le 1er avril 2014, il avait toujours travaillé à Genève depuis 1993. Il était parfaitement intégré et sa sœur, I______, ainsi que des oncles, J______, K______ et L______, vivaient également en Suisse.

L'état de fait de la décision querellée était erroné à plusieurs égards et devait être complété et rectifié. L'autorité n’avait pas tenu pas compte de plusieurs éléments propres à modifier la décision entreprise. Il ignorait de quelles déclarations de B______ il s'agissait concernant le fait qu'il aurait vécu dans sa maison depuis 2010 et celles-ci étaient au demeurant entièrement erronées. L'autorité ne motivait pas les raisons pour lesquelles elle avait décidé de s'écarter des explications qu’il avait apportées dans sa détermination du 30 avril 2021. Il était faux de retenir qu’il avait entretenu une relation parallèle durable avec B______, de sorte qu'il ne pouvait a fortiori en avoir caché l'existence à l'OCPM. Il n'avait pas non plus sciemment cherché à dissimuler l'existence de ses deux enfants, de sorte que les conditions de la révocation n'étaient pas réunies. Son intérêt privé à rester en Suisse devait prévaloir. Il n’avait jamais cherché à dissimuler la moindre information à l'autorité.

Le comportement de l'autorité intimée – qui avait décidé de lui octroyer un permis de séjour puis qui l'avait régulièrement renouvelé avant de le mettre au bénéfice d'un permis d'établissement, étant d'avis que le mariage avec D______ était une véritable union maritale – pour prétendre ensuite qu’il lui aurait caché des faits essentiels alors qu'elle était déjà en possession de toutes les informations pertinentes, était constitutif de violation du principe de la bonne foi.

b. Le 17 novembre 2022, le département a conclu au rejet du recours.

c. Le 12 décembre 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

La décision violait son droit d'être entendu, car il n'avait jamais pu se déterminer quant à l'information recueillie, dans des circonstances douteuses et non documentées, par le consulat de Suisse au Kosovo le 23 janvier 2020. Il était particulièrement choquant de constater que la durée de son séjour, au demeurant mal évaluée, et sa parfaite intégration n'étaient examinées qu’au regard d'un comportement qui, dans les faits, n'avait pas eu lieu. Ce procédé violait le principe de la bonne foi qui commandait à l'administration de s'abstenir de tirer avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part. Le droit au respect de la vie familiale était aussi violé, la mesure attaquée n'étant pas nécessaire dans une société démocratique, des infidélités et les aléas d'une vie du couple ne justifiant à aucun moment des sanctions relevant du droit des étrangers, a fortiori lorsque la partie en cause était au bénéfice d'une intégration remarquable.

d. Le 22 juin 2023, le TAPI a entendu les parties et D______.

da. A______ a exposé avoir rencontré D______ en 1997 au cinéma à Genève sans se souvenir du nom du cinéma. Jusqu'à leur séparation en 2014, ils avaient vécu ensemble, d'abord à la place des E______, puis à l'avenue F______. Ils n'avaient pas eu d'autre domicile. S'agissant des activités qu'ils aimaient partager, il a répondu « un peu de tout comme un couple normal ». Ils n'étaient pas partis en vacances mais avaient voyagé en Suisse, notamment dans le Jura où D______ avait vécu enfant et qu'elle appréciait beaucoup, ainsi que dans le Jura bernois. Ils passaient également du temps ensemble avec leurs amis : pas beaucoup avec les siens, mais ils passaient du temps avec M______, une amie de son ex-femme dont il ne se souvenait pas du nom, qui habitait à Genève. S'agissant de leurs revenus, ils avaient bénéficié tous les deux de l'AI et c'était l'OCPA qui avait financé le logement.

La raison de leur séparation en 2014 était notamment le fait qu’D______ n'avait pas trop apprécié qu'il ait eu un second enfant né hors mariage et parce qu'il avait recommencé à travailler en 2014 alors qu'elle souhaitait partir dans le Jura. Il n'avait donc pas pu la suivre. Ils avaient attendu quatre ans avant de divorcer, car ils avaient quand même essayé de réparer leur relation, mais cela n'avait pas fonctionné.

Ses enfants portaient effectivement son nom sur le certificat de naissance car c'était le souhait de leur mère. Au Kosovo, il n'y avait pas besoin que les parents soient mariés pour porter le nom du père. Il n'y avait pas eu de mariage traditionnel au Kosovo avec B______ avant le mariage civil. Avant la guerre, les mariages pouvaient ne pas être formalisés dans des registres publics, mais après la guerre, l'État avait pris des mesures pour que le mariage traditionnel soit officiel, en étant suivi par un mariage civil. Dans son cas, il n'avait pas pu le faire car il passait trop peu de temps au Kosovo. Jusqu'en 2017, il s’y rendait environ une fois par année pour voir ses enfants, de temps en temps après Nouvel An ou en week-end, car il n'avait pas beaucoup d'argent pour payer le voyage.

db. Le département a indiqué qu’il examinait si les conditions du renouvellement du permis B étaient réalisées (pas d'infraction pénale ni d'aide sociale) et si tel était le cas, il n'instruisait pas plus avant. S'agissant du permis C, la délivrance se faisait automatiquement.

dc. D______ a déclaré que sauf erreur, elle avait rencontré A______ en 1996 ou 1997 au bord du lac à Genève. Elle avait habité à la place des E______ jusqu'en février 2010 puis elle avait emménagé dans un grand 5 pièces à l'avenue F______ pour pouvoir accueillir une « fille de cœur » de 18 ans qui était en foyer. Elle n'habitait pas avec A______ avant le mariage, mais ils se fréquentaient comme tout couple. A______ habitait à N______ avant le mariage et avait quitté le logement en juillet 2010 en raison des problèmes générés par la jeune fille précitée, puis était revenu en septembre 2010 au départ de cette dernière. À fin 2011, il lui avait annoncé qu'il avait eu un second enfant, ce qui avait généré encore des problèmes entre eux. Ainsi, ils vivaient officiellement ensemble mais en réalité, A______ vivait souvent ailleurs à sa demande. Par la suite, il avait pris un studio ou un appartement, sauf erreur en 2012 ou 2013. L'appartement à l'avenue F______ était d'abord financé par l'office du logement puis, au départ de cette jeune fille, vu qu'ils s'étaient retrouvés en « sous‑effectif » (il fallait être trois pour un appartement de cinq pièces), A______ et elle avaient dû eux-mêmes payer une partie du loyer. Ils avaient finalement dû quitter l'appartement en raison de ce problème de « sous-effectif » au 1er juillet 2014, et c'était ce qui l'avait motivée aussi à partir pour retourner dans le Jura où elle avait vécu enfant. Ce devait être temporaire mais elle avait pris finalement la décision de se séparer d’A______ car toute cette situation était trop dure à supporter pour elle. Ils avaient obtenu un jugement de séparation de corps à Porrentruy en octobre 2014. Ensuite, ils avaient continué à se voir trois ou quatre fois, mais sa décision était prise et ils avaient divorcé. Pendant leur mariage, A______ se rendait environ deux fois par année au Kosovo, soit le temps d'un week-end, soit pour une période de trois semaines à un mois pour voir son fils.

Le TAPI lui a soumis le procès-verbal de son audition à la police le 10 février 2010. Elle a indiqué à ce sujet avoir été entendue en qualité d'auteur présumée d'avoir perçu l'aide au loyer indûment. C'était la jeune fille précitée qui l'avait dénoncée en informant l'office du logement qu’A______ ne vivait pas avec elles. Elle avait effectivement déclaré à la police n'avoir jamais consommé ce mariage ni n'avoir jamais vécu sous le même toit qu’A______ parce qu'elle était « dans un très sale état » à cause de la manière dont s'était comportée la jeune fille et elle avait eu très peur de l'inspectrice. La procédure s'était terminée par une condamnation. Elle avait également confirmé que O______ était bien le cousin d’A______. C'était par lui qu'elle avait connu A______. O______ et A______ avaient vécu à la rue de la G______, c'était un endroit transitoire où d'autres personnes vivaient. C'était avant leur mariage.

A______ l'avait informée qu'il avait eu un premier enfant même avant le mariage. Il lui avait également parlé d'une maison qu'il avait au Kosovo et lui avait indiqué que sa femme actuelle y vivait avec les enfants. Elle ne se souvenait pas de l'année mais c'était en tout cas avant la naissance du deuxième enfant. Quand elle était en couple avec A______, ils n'avaient pas beaucoup voyagé car elle n'appréciait pas de prendre l'avion. Il lui avait proposé d'aller au Kosovo mais cela ne lui disait rien. Ils avaient par contre « pas mal » voyagé en Suisse, notamment à Lucerne. Ils avaient fréquenté deux ou trois amis d’A______, mais elle ne se souvenait pas de leurs noms.

dd. A______ a confirmé les déclarations qu'il avait faites en début d'audience. Il n'était pas d'accord avec la déclaration d’D______ selon laquelle sa femme vivait dans sa maison avant la naissance de son second enfant. En réalité ce n'était qu'en 2018. Il pourrait produire un certificat ou des justificatifs montrant l'adresse de la propriété de ses parents au Kosovo et celle où vivait B______ avant 2018, étant précisé qu'elle vivait chez ses frères. Il était exact qu'il avait vécu également à d'autres endroits pendant le mariage en raison des problèmes engendrés par la jeune fille, mais il avait toujours séjourné officiellement à l'avenue F______. Avant de bénéficier de l'AI, de 2007 à 2013, il avait toujours travaillé, et ce de manière déclarée la plupart du temps. Il travaillait auprès d'P______. Au Kosovo, séjournaient une sœur, un frère, sa mère ainsi que sa femme et ses enfants. Son père était décédé.

de. Le département a confirmé avoir dénoncé les faits au Ministère public. Il ignorait où en était la procédure.

A______ et son avocate ont indiqué n'avoir aucune information à ce sujet et n'avoir reçu aucune convocation.

Le département a indiqué qu'à sa connaissance, il n'y avait pas de trace écrite des déclarations de B______ à l'ambassade de Suisse au Kosovo en 2020. Il partait du principe que les communications avec l'ambassade étaient véridiques. Il se trouvait dans un rapport de confiance et n'avait pas fait d'autres vérifications.

e. Le 13 juillet 2023, le département a persisté dans ses conclusions. Les déclarations d’D______ avaient conforté sa position. Celle-ci avait en particulier confirmé qu’A______ et elle-même n'avaient pas mené de réelle vie de couple et vécu dans des lieux séparés durant des longues périodes, ou encore qu’A______ disposait bien, pendant leur mariage déjà d'une maison au Kosovo dans laquelle logeaient B______ et leurs enfants. Il était encore relevé qu’D______ et lui n'avaient pas été capables de donner une version semblable du lieu et des circonstances de leur première rencontre.

f. Le 28 juillet 2023, A______ a produit une attestation sur laquelle figurait l'adresse de la propriété de ses parents au Kosovo, une attestation selon laquelle il n'était propriétaire d'aucun autre bien immobilier et un extrait du registre central de l'état civil du Kosovo du 6 mai 2016 indiquant que B______ était encore domiciliée à Q______, R______, à cette date.

B______ n'avait emménagé dans sa maison à S______ – plus précisément celle de ses parents – qu'en 2018 et non pas en 2010. Les déclarations d’D______ ayant été confuses sur ce point, il maintenait l’avoir rencontrée pour la première fois dans un cinéma en 1997 et précisait qu'il ne l'avait pas connue par l'intermédiaire de O______, lequel n'était par ailleurs pas son cousin. Il avait bel et bien vécu avec D______ mais il lui était effectivement arrivé de se rendre de temps en temps chez des amis lorsque le couple rencontrait des difficultés, notamment en raison des deux jeunes filles qu’D______ avait décidé d'héberger.

g. Par jugement du 10 octobre 2023, le TAPI a refusé d’entendre B______ et rejeté le recours.

La décision attaquée ne faisait pas état des éléments apportés par A______ au sujet des déclarations de son épouse au consulat suisse au Kosovo, mais celui-ci avait pu comprendre le sens et la portée de la décision et une éventuelle violation de son droit d’être entendu aurait été réparée devant le TAPI.

Il ressortait clairement de la chronologie que des faits importants n’avaient pas été rapportés à l’OCPM. Il avait laissé vide la rubrique enfants dans sa demande de regroupement familial et n’avait déclaré son premier enfant à l’OCPM qu’après avoir été convoqué par celui-ci, qui avait appris l’existence d’C______ par D______, laquelle indiquait par ailleurs que le mariage était blanc. Il n’avait par la suite pas déclaré son second enfant à l’OCPM, ni son mariage avec sa mère. Il n’avait pas déclaré qu’il ne faisait pas ménage commun avec D______. Il ne pouvait ignorer qu’informé de ces faits, l’OCPM ne lui aurait pas délivré d’autorisation de séjour ni d’établissement. Il avait dissimulé des faits essentiels justifiant la révocation de son autorisation.

Son âge (52 ans), la longue durée de son séjour et sa bonne intégration ne l’empêcheraient pas de se réintégrer au Kosovo, où il pourrait mettre à profit ses compétences et où il avait des attaches familiales suffisamment fortes.

D. a. Par acte remis à la poste le 10 novembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu’il soit dit que ses autorisations de séjour puis d’établissement étaient valables. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision.

Il avait séjourné et travaillé à Genève depuis mai 1994. Il avait vécu sous le même toit qu’D______ de leur mariage à leur séparation en juillet 2014. B______ avait attendu six mois avant de lui annoncer la grossesse de C______. Elle l’avait désigné comme père et lui avait attribué son nom à la naissance le ______ 2006. De début 2006 à fin 2008, il n’était jamais retourné au Kosovo. Il n’avait reconnu C______ que bien après sa naissance, après s’être convaincu qu’il était bien son fils. Il avait entretenu des rapports avec B______ parce qu’elle était sa mère et n’était lié à elle que par l’existence d’un enfant commun, sans entretenir la moindre relation intime ou sentimentale. Lors d’un séjour au Kosovo au début de l’année 2011, il avait eu un rapport intime avec elle dans un moment d’égarement à la suite duquel elle était à nouveau tombée enceinte. Il s’agissait du seul et unique rapport intime depuis la conception de C______ en 2006. La grossesse n’était désirée par aucun des parents, mais ils avaient décidé de garder l’enfant en raisons de leurs convictions personnelles. Il n’avait plus entretenu la moindre relation intime avec B______ depuis lors. Après sa séparation d’avec D______, ses contacts avec B______ s’étaient intensifiés et avaient évolué en une relation amoureuse. Au cours de l’année 2018, B______ et les enfants avaient emménagé dans sa maison familiale après qu’ils eurent décidé de se marier. Jusqu’alors, B______ était restée domiciliée à Q______. Il produisait le rapport de sortie de l’hôpital de S______ indiquant Q______ comme l’adresse de B______ ainsi qu’un certificat de l’état civil kosovar du 6 mai 2016 indiquant cette même adresse.

Il avait construit sa vie à Genève depuis près de 30 ans et n’envisageait pas un retour au Kosovo, où ses chances d’intégration étaient nulles, son âge et son état de santé ne lui permettant pas de trouver du travail dans le secteur du bâtiment au Kosovo.

Les faits pertinents avaient été établis de manière inexacte. Les rubriques des formulaires qu’on lui reprochait de ne pas avoir complété « mentionn[ai]ent les enfants "présents à Genève", ce qui ne concernait ainsi pas [sa] situation ». Or cet élément était déterminant pour prouver sa bonne foi. Il avait par ailleurs prouvé que B______ n’avait pas emménagé dans sa maison au Kosovo avec les enfants en 2010, dès lors qu’elle était « à tout le moins encore domiciliée à Q______ en 2011 et 2016 », un élément dont le premier juge n’avait pas tenu compte. Enfin, il avait produit les pièces montrant qu’il n’avait pas reconnu son premier enfant immédiatement après la naissance, ce qui expliquait pourquoi celui-ci n’avait pas été mentionné dans la première demande de regroupement familial formée après son mariage avec D______.

L’OCPM avait connaissance de son premier enfant après son audition de 2010, et ce alors qu’il aurait pu se taire. Le caractère volontaire de la dissimulation était plus que contestable. On percevait mal en quoi la naissance d’un enfant un an avant la demande de regroupement familial aurait modifié la décision de l’autorité. Le lieu de sa rencontre avec D______ faisait débat, mais la rencontre s’était produite 25 ans auparavant et le lieu n’était pas déterminant pour établir la réalité de la vie de couple. Ce n’était que durant quelques jours qu’il avait parfois quitté le domicile conjugal. Il avait épousé B______ plus de cinq ans après la séparation d’avec D______, et avait demandé le regroupement familial plus de six mois après son remariage. On ne pouvait lui reprocher un enchaînement d’actes dans le but de tromper l’autorité en faisant paraître une fausse monogamie.

La décision violait la loi. Les faits avaient été constatés de manière inexacte et appréciés de manière arbitraire. Son comportement n’était pas discutable dès lors qu’il n’avait entretenu aucune relation parallèle et n’avait dissimulé aucun fait sciemment à l’autorité. Alors qu’il connaissait l’existence de son premier enfant, l’OCPM avait continué de renouveler son autorisation de séjour et lui avait délivré une autorisation d’établissement.

La révocation était disproportionnée, compte tenu de la durée de son séjour, de son intégration parfaite en Suisse, de son indépendance financière, de son absence d’antécédents pénaux, de poursuites et de dettes et de son engagement dans des activités bénévoles, ainsi que de la difficulté qu’il éprouverait à se réintégrer au Kosovo. Ses emplois de chef logistique et de concierge le devaient à la bienveillance de son employeur. Il n’avait aucune assurance de trouver un emploi similaire au Kosovo.

Le principe de la bonne foi avait été violé. L’OCPM avait renouvelé ses autorisations alors qu’il savait qu’il avait un enfant. Il avait enquêté et conclu qu’il vivait une véritable union conjugale. Il ne pouvait ensuite lui reprocher d’avoir dissimulé des faits essentiels sans violer le principe de la bonne foi.

b. Le 12 décembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 15 janvier 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions et produit une attestation de son médecin traitant du 11 novembre 2023 retraçant ses problèmes de santé.

d. Le 18 janvier 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoins dans la partie en droit sur les allégations et les pièces qu’elles ont produit.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Bien qu’il n’y conclue pas formellement, le recourant offre son audition et celles d’D______ et de B______.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

2.2 En l’espèce, le recourant s’est vu offrir l’occasion de s’exprimer par écrit et de produire toute pièce utile devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans. Il n’indique pas quels éléments qu’il n’aurait pu faire valoir ou établir par écrit son audition pourrait apporter pour la solution du litige. D______ a déjà été entendue par le TAPI sur leur relation et la question de la date de l’emménagement de B______ dans la maison des parents du recourant a déjà fait l’objet de déclarations concordantes de cette dernière au consulat de Suisse au Kosovo et d’D______ devant le TAPI – étant observé que les déclarations éventuellement contraires de B______ devant la chambre de céans devraient être prises avec circonspection vu ses liens avec le recourant et qu’elle a demandé le regroupement familial en Suisse avec lui.

L’audition du recourant et de ses épouses successives ne sera pas ordonnée.

3.             Le litige porte sur la révocation de l’autorisation d’établissement du recourant avec effet rétroactif au 4 novembre 2012, la révocation de son autorisation de séjour avec effet rétroactif au 5 novembre 2007 et son renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur la révision de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr - RO 2007 5437), intitulée depuis lors loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI - RS 142.20). La procédure de révocation des de l'autorisation d'établissement et de séjour du recourant ayant été ouverte après le 1er janvier 2019, soit par courrier du 8 mars 2021, la cause est régie par le nouveau droit (art. 126 al. 1 LEI - arrêts du Tribunal fédéral 2C_1053/2021 du 7 avril 2022 consid. 4 ; 2C_711/2021 du 15 décembre 2021 consid. 3).

La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

3.2 Le droit à l'obtention d'une autorisation d'établissement fondé sur l'art. 42 al. 3 LEI suppose que le conjoint étranger fasse ménage commun avec le ressortissant suisse durant cinq ans (ATF 140 II 289 consid. 3.6.2 ; sous réserve de l'art. 49 LEI, arrêts du Tribunal fédéral 2C_656/2016 du 9 février 2017 consid. 4 ; 2C_1125/2014 du 9 septembre 2015 consid. 2.1). Les droits prévus à l’art. 42 LEI s’éteignent, en vertu de l’art. 51 al. 1 let. b LEI, s’il existe des motifs de révocation au sens de l’art. 63 LEI, étant précisé que ces motifs constituent chacun une cause de révocation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 du 18 mars 2021 consid. 5.1 ; 2C_44/2017 du 28 juillet 2017 consid. 4.3 et les arrêts cités).

L'union conjugale suppose le mariage en tant que condition formelle ainsi que la vie commune des époux, sous réserve des exceptions de l'art. 49 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2010 du 24 novembre 2010 consid. 3.1 ; 2C_416/2009 du 8 septembre 2009 consid. 2.1.2 ; ATA/215/2020 du 25 février 2020 consid. 5b). La notion d'union conjugale au sens des dispositions susmentionnées suppose toutefois l'existence d'une communauté conjugale effectivement vécue et reposant sur une volonté matrimoniale réciproque (ATF 138 II 229 consid. 2 ; 137 II 345 consid. 3.1.2 ; SEM, Domaine des étrangers, Directives et commentaires, version au 1er mars 2023 [ci-après : Directive LEI], ch. 6.15).

Il y a mariage fictif ou de complaisance lorsque celui-ci est contracté dans le seul but d'éluder les dispositions légales, en ce sens que les époux ou l'un d'eux n'ont jamais eu la volonté de former une véritable communauté conjugale ; l'intention réelle des époux est un élément intime qui, par la nature des choses, ne peut guère être établie par une preuve directe, mais seulement grâce à un faisceau d'indices (ATF 127 II 49 consid. 4a et 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 8.2). L'autorité se fonde en principe sur un faisceau d'indices autonomes, aucun des critères n'étant souvent à lui seul déterminant pour juger du caractère fictif du mariage (arrêts du Tribunal fédéral 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2 ; 2C_1055/2015 du 16 juin 2016 consid. 2.2).

De tels indices peuvent résulter d'événements extérieurs tels un renvoi de Suisse imminent de l'étranger parce que son autorisation de séjour n’est pas prolongée ou que sa demande d’asile a été rejetée, la courte durée de la relation avant le mariage, l'absence de vie commune, une différence d'âge importante, des difficultés de communication, des connaissances lacunaires au sujet de l'époux et de sa famille ou le versement d'une indemnité (ATF 122 II 289 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_22/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.1 ; 2C_112/2019 du 26 février 2020 consid. 4.1). Une relation extra-conjugale et un enfant né hors mariage sont également des indices qui plaident de manière forte pour un mariage de complaisance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_900/2017 précité consid. 8.4).

3.3 À teneur de l'art. 63 al. 1 let. a LEI, l'autorisation d'établissement peut notamment être révoquée aux conditions de l'art. 62 al. 1 let. a LEI, c'est-à-dire si l'étranger a fait de fausses déclarations ou a dissimulé des faits essentiels durant la procédure d'autorisation. Sont essentiels au sens de l'art. 62 al. 1 let. a LEI, non seulement les faits au sujet desquels l'autorité administrative pose expressément des questions à l'étranger durant la procédure, mais encore ceux dont l'intéressé doit savoir qu'ils sont déterminants pour l'octroi de l'autorisation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_148/2015 du 21 août 2015 consid. 5.1 ; 2C_15/2011 du 31 mai 2011 consid. 4.2.1).

Une révocation est possible même lorsque les fausses déclarations ou la dissimulation de faits essentiels n'ont pas été déterminantes pour l'octroi de l'autorisation. Font partie des faits dont la personne étrangère doit savoir qu'ils sont importants pour la décision d'autorisation les « faits internes » comme, par exemple, l'intention de mettre un terme à un mariage existant ou d'en conclure un nouveau ainsi que l'existence d'enfants issus d'une relation extraconjugale. Pour révoquer une autorisation, il n'est pas nécessaire que l'autorisation eût forcément été refusée si les indications fournies avaient été exactes et complètes. A contrario, l'existence d'un motif de révocation ne conduit pas forcément à la révocation de l'autorisation. Lors de la prise de décision, il faut tenir compte des circonstances du cas particulier (SEM, Directive LEI, ch. 8.3.1.1 ; ATA/746/2021 du 13 juillet 2021 consid. 7c).

Il faut que l'étranger ait la volonté de tromper l'autorité. Cela est notamment le cas lorsqu'il cherche à provoquer ou maintenir une fausse apparence sur un fait essentiel (ATF 142 II 265 consid. 3.1 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 précité consid. 5.1 ; 2C_553/2020 du 20 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_176/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3.1 ; 2C_656/2017 du 23 janvier 2018 consid. 4.1. En outre, il importe peu que l'autorité eût pu, en faisant preuve de la diligence nécessaire, découvrir par elle-même les faits dissimulés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_420/2018 du 17 mai 2018 consid. 6.1 et l'arrêt cité).

3.4 L'étranger est tenu de collaborer à la constatation des faits et en particulier de fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (art. 90 al. 1 let. a LEI). Il doit en particulier spontanément indiquer si la communauté conjugale sur laquelle son droit de séjour repose n'est plus effectivement vécue (arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 précité consid. 5.1 ; 2C_22/2019 précité consid. 4.1 ; 2C_176/2018 du 11 septembre 2018 consid. 3.1 ; 2C_148/2015 précité consid. 5.1 ; 2C_299/2012 du 6 août 2012 consid. 4.1 ; 2C_15/2011 précité consid. 4.2.1). Un comportement trompeur est aussi donné si l'étranger a, durant la procédure d'octroi de l'autorisation de droit des étrangers, sciemment tu ou activement caché que l'union matrimoniale était vouée à l'échec, ou s'il invoque un mariage dénué de substance dès ses débuts, en ce sens que les époux (voire seulement l'un d'eux) n'ont jamais eu la volonté de former une véritable communauté conjugale (ATF 127 II 49 consid. 4a et 5a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_814/2020 précité consid. 5.1 ; 2C_900/2017 précité consid. 8.2 ; 2C_1055/2015 précité consid. 2.2).

En particulier, en ne mentionnant pas qu'il entretient une relation durable avec une autre personne, l'étranger cherche à tromper l'autorité sur le caractère stable de sa relation vécue en Suisse avec la personne lui donnant le droit d'obtenir une autorisation de séjour ou d'établissement, conformément aux art. 42 et 43 LEI. Il provoque ou maintient ainsi une fausse apparence de monogamie (arrêts du Tribunal fédéral 2C_61/2020 du 21 avril 2020 consid. 5.4 ; 2C_706/2015 du 24 mai 2016 consid. 3.2). La dissimulation d'une relation parallèle conduit donc à la révocation de l'autorisation, en application de l'art. 62 let. a LEI (par renvoi de l'art. 63 al. 1 let. a LEI, s'il est question d'autorisation d'établissement ; ATF 142 II 265 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_553/2020 précité consid. 3.2 ; 2C_61/2020 précité consid. 5.4).

La chambre de céans a déjà retenu que le fait de ne pas déclarer de façon répétée l’existence d’un enfant dans les formulaires de demande d’autorisation revient à fournir de fausses informations à l’OCPM (ATA/1151/2022 du 15 novembre 2022 consid. 12d).

4.             En l’espèce, le recourant reproche à l’OCPM d’avoir retenu à tort qu’il aurait commis une tromperie intentionnelle, soit caché sa vie familiale avec B______ et leurs enfants.

Il soutient qu’il n’aurait pas intentionnellement caché l’existence de ses enfants, les rubriques qu’il avait laissées vides ne concernant que les enfants « présents à Genève », selon ses termes. Il ne peut être suivi. Son fils C______ est né le ______ 2006. Il a biffé ou laissé vide la rubrique « enfants » sur tous les formulaires qu’il a adressés à l’OCPM depuis lors, soit notamment les 14 février 2008, 20 février 2009, 29 octobre 2011, 22 décembre 2011, 13 octobre 2012 et 4 décembre 2017. Or, cette rubrique « enfants » demandait d’indiquer le nom, le prénom, la date de naissance, le sexe et demandait « Vient-il(elle) / est-il(elle) à Genève ? », puis, dès le formulaire du 29 octobre 2011, « Vient-il/elle habiter à Genève ? », voire ne demandait rien à ce sujet (formulaire du 4 décembre 2017). La simple possibilité de répondre par la négative à cette question, et a fortiori l’absence de cette question, ne pouvait être comprise que comme signifiant que tous les enfants devaient être annoncés, qu’ils vivent en Suisse ou à l’étranger.

Le recourant reproche à l’OCPM d’avoir retenu que son épouse B______ aurait emménagé dans sa maison familiale au Kosovo avec leurs enfants en 2010. Il fait valoir que les propos de son épouse au consulat suisse au Kosovo auraient été mal transcrits. Il ressort de la communication du 23 janvier 2020 de la mission suisse que « Au cours de la discussion au guichet avec Mme B______ pour constituer son dossier, elle a indiqué comme adresse de domicile la maison qui appartient à son époux A______. Elle vit là depuis 2010 avec ses enfants ». Le recourant n’explique pas comment l’employé de la mission, qui a par ailleurs recueilli d’autres informations de B______ – elle n’était jamais allée en Suisse, elle ne parlait aucune autre langue que l’albanais, comme les enfants, elle n’avait aucune formation professionnelle et ne travaillait pas –, aurait pu commettre une erreur sur l’année d’emménagement. Cela dit D______ a déclaré devant le TAPI le 22 juin 2023 : « M. A______ m’avait informée qu’il avait eu un premier enfant même avant le mariage. Il m’avait également parlé d’une maison qu’il avait au Kosovo et m’avait indiqué que sa femme actuelle y vivait avec les enfants. Je ne me souviens pas de l’année, c’était en toute cas avant la naissance du deuxième enfant. » Or, H______ est né le ______ 2011, si bien que les déclarations d’D______ corroborent celles de B______ telles que recueillies par la mission suisse. Certes, le recourant a produit un avis de sortie de l’hôpital du 20 octobre 2011 ainsi qu’un extrait d’état civil du 6 mai 2016, indiquant tous deux Q______ comme domicile de B______. Il est toutefois notoire qu’un changement de domicile n’est pas toujours enregistré ou immédiatement enregistré dans les registres de la population ni dans les dossiers hospitaliers ni forcément reporté sur les documents d’identité lorsqu’ils le mentionnent, de sorte que la force probante de ces pièces est insuffisante pour affaiblir les preuves que B______ et les enfants habitaient bien la maison familiale du recourant dès 2010. C’est ainsi à bon droit que l’OCPM a tenu ce fait pour établi.

Le recourant soutient encore qu’il n’a pas reconnu C______ immédiatement à sa naissance, voulant être sûr d’être le père, raison pour laquelle il ne l’avait pas mentionné dans la première demande de regroupement familial. Or, B______ l’avait déclaré comme étant le père et C______ portait son nom dès sa naissance. Surtout, ainsi qu’il a été vu plus haut, D______ a déclaré devant le TAPI qu’il l’avait informée qu’il avait eu un premier enfant « même avant le mariage », de sorte qu’il le savait avant de compléter la demande de permis en vue du regroupement familial. Enfin, il a été vu que le recourant a continué à ne pas mentionner C______ dans les formulaires suivants.

Le recourant prétend avoir, quoi qu’il en soit, exposé sa situation de manière parfaitement transparente s’agissant d’C______. En réalité, lorsqu’il a déclaré le 7 avril 2010 à l'OCPM qu’il avait un fils né d'une liaison extraconjugale qui vivait au Kosovo avec sa mère, c’était en réponse aux questions de l’OCPM, qui savait de la police qu’D______ avait déclaré avoir contracté avec lui un mariage blanc pour lui venir en aide alors que son renvoi de Suisse était définitif et enquêtait sur la réalité de son mariage. Le recourant s’est en outre borné à admettre avoir eu un fils d’une relation extra-conjugale, mais a réaffirmé la réalité de sa relation conjugale avec D______ et a tu sa relation avec B______. Enfin, après avoir été entendu par l’OCPM, il a continué à ne pas déclarer ses enfants à l’OCPM, mais a déclaré son fils C______ à l’assurance-invalidité pour percevoir une rente complémentaire. Il ne saurait, dans ces circonstances, prétendre avoir fait preuve de transparence.

Le recourant explique avoir eu uniquement deux relations intimes pour ainsi dire accidentelles avec B______, lesquelles ont à chaque fois engendré un enfant, sans qu’il n’y ait par ailleurs jamais eu d’autre relation que parentale entre eux aussi longtemps qu’il était marié à D______. Ces allégations n’apparaissent pas crédibles au regard des éléments rappelés ci-avant, et du fait que, outre qu’il a logé femme et enfants chez lui dès 2010, le recourant a admis avoir envoyé de l’argent au Kosovo – même s’il affirme que c’était alors pour le seul entretien de ses enfants – et s’être rendu au Kosovo une à deux fois par an pour les voir. Cette situation correspond en tous points à la création et à l’agrandissement d’une famille au pays alors que le père travaille à l’étranger pour en assurer l’entretien.

Le recourant soutient que la procédure confirme la réalité de sa vie maritale avec D______. Il y a lieu d’observer que la décision querellée ne se prononce pas sur la réalité de la vie conjugale du recourant avec D______, mais se borne à lui reprocher d’avoir activement dissimulé sa relation familiale avec B______. Cela étant, D______ avait déclaré à la police le 29 janvier 2010 qu’elle avait conclu un mariage blanc et n’avait jamais habité avec le recourant, alors qu’elle était interrogée sur les aides sociales qu’elle percevait. Le 7 avril 2010, le recourant s’était expliqué à l’OCPM et avait réaffirmé la réalité de son union conjugale avec D______. Le 9 avril 2010, cette dernière avait fermement démenti ses propos à la police concernant son mariage, expliquant avoir été intimidée par l’inspectrice. Le 16 décembre 2012, elle avait confirmé à l’OCPM que le recourant vivait toujours avec elle et que la communauté familiale avait été maintenue. Cela étant, dans un courrier du 21 décembre 2007, elle avait déclaré à l’OCPM que le recourant n’avait pas d’enfants, ni en Suisse ni au Kosovo et qu’ils souhaitaient fonder une famille – alors qu’elle savait avant le mariage que le recourant avait un premier enfant (ce qu’elle admettrait devant le TAPI le 22 juin 2023), ce qui fait apparaître son courrier comme mensonger. Devant le TAPI toujours, D______ a indiqué que le recourant avait quitté le logement entre juillet et septembre 2010 et qu’il vivait ailleurs à sa demande dès fin 2011, après qu’il lui avait annoncé avoir eu un deuxième enfant, et enfin qu’il avait pris un studio en 2012 ou 2013, soit autant d’affirmations qui contredisent son courrier du 16 décembre 2012 et relativisent fortement la valeur probante de celui-ci. Ces circonstances imposent de considérer avec circonspection tous les courriers d’D______. Par ailleurs, les déclarations du recourant et d’D______ sont discordantes sur leur rencontre (lieu, lien du recourant avec le précédent mari d’D______) et très pauvres en informations sur leur vie commune, le recourant ne parvenant devant le TAPI à ne citer que le prénom d’une amie d’D______ et indiquant avoir voyagé avec elle dans le Jura, alors que celle-ci affirme avoir voyagé avec lui notamment à Lucerne. Ainsi, et quand bien même cette question serait sans portée sur l’issue du litige, le recourant ne parvient pas à convaincre au sujet de sa vie conjugale avec D______.

Le recourant reproche enfin à l’autorité d’avoir retenu en sa défaveur une continuité entre sa séparation d’D______ et son remariage avec B______. Force est pourtant de constater qu’il a divorcé d’D______ le 2 octobre 2018, qu’il a épousé civilement B______ le 6 septembre 2019 et que cette dernière a formé une demande de regroupement familial à la mission suisse au Kosovo le 23 janvier 2020.

Il ressort de tous ces éléments que l’OCPM a établi et interprété les faits sur lesquels il a fondé sa décision conformément à la loi et sans abus ni excès de son pouvoir d’appréciation et a fortiori sans arbitraire. C’est à bon droit qu’il a retenu que le recourant vivait en parallèle de son mariage avec D______ une relation conjugale et familiale avec B______, que ces faits étaient essentiels et qu’il les avait intentionnellement cachés à l’OCPM. La chambre de céans observe que le recourant ne pouvait ignorer que la découverte de ces faits pouvait compromettre la délivrance ou le maintien de ses autorisations de séjour respectivement d’établissement pour regroupement familial.

5.             Le recourant fait valoir que la révocation de ses autorisations serait disproportionnée.

5.1 Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance (rapport raisonnable) les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 126 I 219 consid. 2c ; 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/1395/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5b ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

En droit des étrangers, l’examen de la proportionnalité de la mesure est imposé par l’art. 96 LEI, lequel dispose que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (al. 1) et que lorsqu’une mesure serait justifiée, mais qu’elle n’est pas adéquate, l’autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire (al. 2).

5.2 En l’espèce, l’OCPM a retenu que la durée du séjour du recourant en Suisse, quoique longue, devait être relativisée car elle était exclusivement due à la dissimulation frauduleuse de sa relation avec B______ et de l’existence de leurs deux enfants communs. Le recourant avait vécu au Kosovo jusqu’à l’âge de 36 ans, il était en bonne santé, professionnellement actif et cumulait deux emplois, il s’était engagé comme entraîneur bénévole, n’avait ni dettes, ni poursuites, ni casier judiciaire en Suisse et ne dépendait pas de l’aide sociale. Il avait au Kosovo sa femme et ses enfants, la maison familiale où ils logeaient, ainsi que d’autres membres de sa famille et des amis. Il pourrait y mettre à profit les compétences linguistiques et professionnelles acquises en Suisse. Même si son retour au Kosovo serait certainement compliqué, la décision était proportionnée compte tenu de l’intérêt public à révoquer un titre de séjour au vu de la gravité et de la longueur de la tromperie, lequel supplantait son intérêt privé à demeurer en Suisse.

Le recourant objecte qu’il réside à Genève depuis l’âge de 22 ans, que la durée de son mariage avec une ressortissante suisse n’a pas assez été prise en compte. La recherche d’un emploi au Kosovo serait plus difficile pour lui que pour des compatriotes placés dans la même situation.

Le raisonnement de l’intimé doit être approuvé. Le recourant, bien qu’il soit autonome financièrement et intégré socialement, n’établit pas que son intégration socio-professionnelle serait exceptionnelle, et cela qu’il soit en Suisse depuis l’âge de 22 (ce qui paraît exact) ou de 36 ans. Surtout, il est établi qu’il a construit au Kosovo une vie conjugale et familiale depuis à tout le moins 2006 et qu’il y a depuis lors femme et enfants, soit son centre de vie affective. Il est retourné chaque année à une ou deux reprises au Kosovo et n’a donc pas perdu le contact avec son pays d’origine et sa culture. Le recourant n’établit pas que la recherche d’un emploi au Kosovo serait plus difficile pour lui que pour des compatriotes placés dans la même situation.

La décision attaquée apparaît ainsi proportionnée et le grief sera écarté.

6.             Le recourant se plaint enfin de la violation du principe de la bonne foi. L’OCPM lui aurait accordé puis renouvelé des autorisations en sachant qu’il avait un enfant.

6.1 Le principe de la bonne foi consacré aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale et leur commande de s'abstenir, dans leurs relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1).

6.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que l’intimé avait eu des soupçons et avait investigué en 2010 l’existence d’un enfant du recourant au Kosovo.

Le recourant avait indiqué le 7 avril 2010 à l’OCPM : « J’ai un garçon d’une liaison extraconjugale, je n’en ai pris connaissance que plus tard lors d’un test ADN au Kosovo », ajoutant qu’C______ portait son nom après qu’il l’eut reconnu (ce qui était mensonger) et qu’il contribuait à son entretien, sa mère étant entretenue par sa propre famille. Il était possible de conclure de ces déclarations que le recourant n’entretenait pas de liaison conjugale ou familiale au Kosovo. Le recourant et D______ avaient par ailleurs affirmé à l’OCPM de manière concordante et répétée que leur relation conjugale était réelle et stable et que le recourant n’avait pas de relation conjugale au Kosovo. L’OCPM pouvait, sur la base de ces éléments et compte tenu de son large pouvoir d’appréciation, renoncer à poursuivre ses investigations et conclure que les conditions au renouvellement de l’autorisation de séjour puis à la délivrance de l’autorisation d’établissement étaient remplies.

Autre serait la situation dix ans plus tard, lorsque l’OCPM a été alerté par la mission suisse au Kosovo de la possibilité d’une fraude. Le recourant avait dans l’intervalle divorcé, il s’était remarié avec B______ et il était apparu qu’il avait eu un deuxième enfant qu’il n’avait pas déclaré et que son épouse et ses enfants étaient logés dans sa maison au Kosovo. Ainsi qu’il a été vu plus haut, l’OCPM était fondé à tenir ces faits pour établis, et il n’est pas douteux que ceux-ci jetaient rétrospectivement une lumière nouvelle sur la situation du recourant, appelant une instruction et des mesures nouvelles.

Ainsi, contrairement à ce que prétend le recourant, l’autorité n’était pas en possession de toutes les informations pertinentes lorsqu’elle a renouvelé l’autorisation de séjour dès 2010 puis délivré l’autorisation d’établissement. Il ne peut lui être reproché d’être restée inactive jusqu’en 2020 et d’avoir violé le principe de la bonne foi.

Le grief sera écarté.

7.             La décision querellée prononce le renvoi du recourant.

7.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation.

7.2 Le recourant ne fait pas valoir que son renvoi serait impossible, illicite ou ne pourrait être exigé. Il ne ressort par ailleurs pas de la procédure que tel serait le cas, de sorte que le prononcé du renvoi apparaît conforme au droit.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA)

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 novembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge d’A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant, au département des institutions et du numérique, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.