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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2827/2023

JTAPI/1017/2023 du 19.09.2023 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER
Normes : LEI.79
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2827/2023 MC

JTAPI/1017/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 septembre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Léonard MICHELI-JEANNET, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le 3 février 2008, Monsieur A______, né le ______1982, a déposé une demande d’asile en Suisse, après avoir prétendu être originaire du Tchad, demande qui a été rejetée par l’autorité fédérale migratoire compétente, désormais dénommée le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), par décision du 16 mars 2010. Le renvoi de l’intéressé dans son pays d’origine a également été ordonné.

2.             Le SEM a confié la prise en charge de M. A______ et l’exécution de sa décision au canton de Genève.

3.             M. A______ a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse prononcée par le SEM le 13 septembre 2011, valable jusqu’au 12 septembre 2021, notifiée le 26 avril 2016.

4.             Le 5 août 2010, les autorités administratives genevoises ont requis le soutien du SEM en vue de l’identification de M. A______.

5.             Le 25 janvier 2021, l’intéressé a été appréhendé par les services de police genevois, dans le cadre du démantèlement d’un trafic de cocaïne.

6.             Prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (trafic de cocaïne) et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), il a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police, puis maintenu en détention provisoire dans l'attente de son jugement.

7.             Par jugement du 31 mai 2022, le Tribunal correctionnel a déclaré M. A______ coupable de crime contre la LStup, d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI, de faux dans les certificats étrangers (art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0 - cum 255 CP) et de blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et ch. 2 let. c CP) et l’a condamné à une peine privative de liberté de trente-six mois, sous déduction de quatre cent nonante et un jours de détention avant jugement (dont cent douze jours en exécution anticipée de peine) (art. 40 CP), la peine privative de liberté ayant été prononcée sans sursis à raison de seize mois. Le Tribunal correctionnel a également ordonné l’expulsion de Suisse de l’intéressé pour une durée de cinq ans, en application de l’art. 66a al. 1 CP et le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS ; RS 362.0).

8.             Le même jour, M. A______ a été libéré par les autorités pénales et remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

9.             Selon une communication du SEM du 31 mai 2022 aux autorités genevoises, à ce stade, « selon l’analyse de provenance effectuée par LINGUA le 27 janvier 2022, l'intéressé parle un anglais francophone d'Afrique de l'Ouest respectivement un anglais gambien avec des expressions françaises.

Afin de poursuivre le processus d’identification de M. A______, il était donc prévu pour les auditions centralisées suivantes :

- l'audition Mali, qui aurait lieu du 5 au 7 juillet 2022,

- l'audition Gambie, prévue en août 2022,

- l'audition Sénégal, qui devrait avoir lieu à l'automne 2022 (septembre ou octobre) ».

10.         Le 31 mai 2022, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 (en lien avec l'art. 75 al. 1 let. g et h LEI) et ch. 3 et 4 LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi dans son pays d'origine car il souhaitait rester en Europe.

11.         Entendu le 2 juin 2022 par le tribunal, M. A______ a confirmé ne pas être d'accord de retourner dans son pays d'origine qui était le Tchad. Il était en effet né au Tchad, puis il avait grandi en Lybie. Par la suite, il avait rejoint l'Europe. Il avait déposé une demande d'asile au Luxembourg. Ses papiers se trouvaient dans le foyer dans lequel il avait logé, qui s'appelait B______ à Luxembourg-Ville. Vu qu'il avait donné ses empreintes digitales, les autorités suisses devraient être en mesure de contrôler qu'il avait bien déposé une demande d'asile au Luxembourg. Il a ajouté qu'il avait déjà été entendu par une délégation tchadienne en janvier 2022. Il avait également été conduit à Berne en février 2022 où il avait été entendu par une autre délégation dont il n'avait pas pu déterminer l'origine. Il n'était malheureusement pas en mesure de produire un document qui prouvait sa nationalité tchadienne.

La représentante du commissaire de police a expliqué que les démarches en vue de l'identification de M. A______ avaient été initiées plusieurs mois auparavant, comme le révélait le dossier. Ainsi, une procédure LINGUA avait été mise en œuvre fin 2021 et le test y relatif avait été réalisé le 27 janvier 2022. À ce stade, M. A______ devait être auditionné par diverses délégations africaines, dont les dates de venue dépendaient des pays en question.

Elle a encore rappelé qu'une délégation du Sénégal n'était plus venue en Suisse depuis trois ans et que la date initialement annoncée en juin 2022 avait été reportée au mois d'octobre de cette année. Les délégations du Mali et de Gambie ne venaient pas forcément chaque année en Suisse.

Il résultait de la consultation des bases de données que M. A______ ne figurait pas dans celle d'EuroDac. Ainsi, il n'apparaissait pas qu'une procédure Dublin était en cours dans un pays européen. Elle a rappelé à ce sujet que les recherches se faisaient sur la base des empreintes digitales. Elle n'était pas en mesure d'indiquer exactement pourquoi les autorités du Tchad n'avaient pas été interpellées par le SEM, qui en sa qualité d'instance compétente en la matière, avait décidé de le présenter aux autorités maliennes, gambiennes et sénégalaises sur la base des éléments en sa possession.

Elle a également signalé que des démarches en vue d'une réadmission en Italie avait également été entreprises le 31 mai 2022, dès lors que M. A______ détenait une « carta d'identita » apparemment délivrée par ce pays.

12.         Par jugement du 3 juin 2022, le tribunal de céans a confirmé l’ordre de mise en détention pris à l’encontre de M. A______ – les conditions légales étant remplies – mais pour une durée réduite à quatre mois, soit jusqu’au 30 septembre 2022 inclus (JTAPI/1______).

Il a notamment retenu que le dossier ne contenait aucun justificatif des démarches entreprises depuis la mise en œuvre de l'analyse linguistique. L'autorité cantonale se référait à un courriel d’un collaborateur du SEM pour soutenir que M. A______ figurait sur la liste des prochaines auditions maliennes, gambiennes et sénégalaises, dont les dates n’étaient pas fixées à l'exception de celles devant la délégation du Mali du 5 au 7 juillet 2022. Aucune pièce n’était toutefois produite permettant de retenir que ces démarches allaient être entreprises afin d'établir la nationalité et l'identité de l’intéressé. Compte tenu du temps prévu avant l'audition par une délégation du Sénégal, soit entre quatre à six mois, et nonobstant le comportement de l'intéressé, une détention administrative de six mois ne pouvait être avalisée, sauf à vider les dispositions sur le contrôle de celle-ci de toute substance en admettant que les autorités en charge de l’exécution du renvoi pussent se montrer minimalistes dans la démonstration qu’elles ne demeuraient pas passives vis-à-vis des autorités étrangères compétentes (cf. ATA/440/2016 du 26 mai 2016). Une prolongation de la détention administrative demeurait possible si la démonstration des démarches en cours ou entreprises depuis la mise en détention était apportée à satisfaction de droit.

13.         Par requête motivée du 20 septembre 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, afin de poursuivre le processus d’identification de l’intéressé, celui-ci devant être présenté aux prochaines auditions centralisées avec le Sénégal ainsi qu’avec la Gambie, auditions qui devraient avoir lieu pour le Sénégal mi-octobre et pour la Gambie avant la fin de l’année 2022.

14.         Lors de l’audience du 28 septembre 2022, M. A______ a indiqué en substance qu’il n’avait pas été présenté devant une délégation des autorités maliennes. Il n’avait aucune famille au Tchad. Toutes les démarches qu’il avait entreprises étaient en lien avec sa demande d’asile déposée au Luxembourg. Il avait habité dans différentes villes au Luxembourg et il y avait des amis. Il n'avait reçu en retour son téléphone portable que dix jours auparavant, car il avait été confisqué : il allait dès lors contacter les foyers dans lesquels il avait résidé au Luxembourg afin qu’ils lui transmettent les informations en leur possession concernant sa demande d’asile. Il ne savait pas pourquoi les autorités tchadiennes ne l'avaient pas reconnu comme étant un de leur ressortissant.

La représentante de l’OCPM a déposé des pièces complémentaires et indiqué qu'elle ne savait pas si M. A______ avait été présenté à une délégation du Mali en juillet 2022 ou pas. Concernant une audition par les autorités gambiennes, elle n’avait pas été organisée en août 2022 et aurait lieu d’ici la fin de l’année 2022. L’audition par une délégation des autorités sénégalaises aurait lieu le 12 octobre 2022 comme cela ressortait des pièces produites. Elle a confirmé que M. A______ ne ressortait pas des données EuroDac. Elle a conclu à l’admission de la demande de prolongation de la détention administrative déposée le 20 septembre 2022 par l’OCPM pour une durée de quatre mois.

Le conseil de l’intéressé a conclu à la réduction de la durée de la prolongation à un mois.

15.         Par jugement du 28 septembre 2022 (JTAPI/2______), le tribunal a prolongé la détention administrative de l'intéressé pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 22 décembre 2022 inclus.

16.         Le 18 octobre 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a rejeté le recours interjeté le 10 octobre 2022 par l'intéressé contre le jugement du tribunal du 28 septembre 2022 (ATA/3______). Les autorités suisses avaient entrepris et mené sans relâche les démarches en vue d'établir l'origine de M. A______ afin d'exécuter son expulsion pénale. Il n'y avait pas lieu de revenir sur les démarches qu'elles avaient effectuées en 2021, dès lors qu'il était sous le régime de la détention provisoire dans l'attente de son jugement. Cela étant, après l'exclusion d'une possible origine tchadienne, les autorités suisses avaient voulu étendre la recherche de nationalité aux origines malienne, gambienne et sénégalaise, au vu de ce qui était ressorti du test LINGUA effectué par l'intéressé en fin d'année 2021. Les recherches perduraient également en raison des renseignements insuffisants qu'il avait donnés, étant relevé qu'il n'avait entrepris jusqu'à présent aucune démarche en vue d'obtenir des documents d'identité du ou des pays dont il se prétendait originaire. Il n'amenait en outre aucun élément démontrant qu'il aurait pris contact avec les foyers au Luxembourg où il aurait logé et laissé des documents susceptibles d'illustrer son statut administratif dans ce pays, même après qu'il avait récupéré son téléphone portable. Dans ces conditions, c'était de manière légitime que les autorités de migration continuaient à explorer d'autres pistes en cherchant à le présenter aux autorités maliennes et gambiennes. C'était de manière abusive qu'il invoquait le principe de célérité, puisque sa collaboration était insuffisante et occasionnait la perte de temps liée à la recherche de sa véritable origine, une origine tchadienne ayant été exclue. C'est ainsi en se prévalant de sa propre faute qu'il demandait sa mise en liberté. Enfin, aucune autre mesure que la détention administrative n'était à même de garantir sa présence en cas de renvoi, au vu de sa volonté affichée mais toute théorique de regagner le Luxembourg, de ses violations de la décision de renvoi et d'interdiction d'entrée en Suisse prononcées précédemment à son encontre, ainsi que de son absence d'attache et de sources licites de revenus en Suisse.

17.         Le 26 octobre 2022, M. A______ n'a pas été reconnu par la délégation malienne lors des auditions centralisées, selon communication faite au SEM le 3 novembre 2022 par le matricule 1IR3-Scp.

18.         Par requête motivée du 12 décembre 2022, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 22 avril 2023, afin de poursuivre le processus relatif à son identification. Suite à l'annulation des auditions centralisées sénégalaises le 12 octobre 2022 auxquelles devait participer M. A______, il serait présenté aux prochaines auditions centralisées avec le Sénégal et la Gambie. Les dates de ces auditions étaient pour l'heure indéterminées.

Devant le tribunal lors de l'audience du 21 décembre 2022, M. A______ a informé le tribunal avoir eu des contacts avec des co-détenus d'origine gambienne, qui lui avaient dit qu'ils allaient voir une délégation de ce pays le 29 novembre 2022, mais pour sa part, il n'avait pas été présenté à cette délégation alors qu'il lui avait été annoncé précédemment que ce serait le cas. Par ailleurs, depuis la dernière procédure, il avait contacté les trois foyers dans lesquels il avait séjourné au Luxembourg, mais on lui avait répondu qu'il n'y avait aucune trace de son passage. Il avait pu contacter une amie et un ami qui étaient actuellement tous les deux à l'étranger, et ne pouvaient donc rien faire pour lui dans l'immédiat, mais qui pourraient se charger d'aller enquêter dans ces foyers à leur retour, mais il ne savait pas quand ils pourraient faire ces démarches. Lors du test LINGUA, on ne lui avait pas précisé sur le moment de quoi il s'agissait, sinon, de manière assez vague, que cela concernait l'examen de sa situation. Il avait donc eu un téléphone en anglais de cinquante-cinq minutes avec une personne qui l'avait préalablement averti que deux ou trois autres personnes écoutaient leur conversation. On lui avait aussi dit qu'il pourrait voir le résultat du test et faire appel, mais ce n'était que plus tard qu'il avait pu faire le lien avec le test LINGUA et on ne lui avait jamais donné la possibilité de s'opposer à ce résultat. Peut-être que ce dernier tenait au fait qu'il avait tout de même passé à présent vingt ans dans des pays francophones. Il n'avait jamais reçu de copie de l'enregistrement de cette conversation téléphonique.

La représentante de l'OCPM a indiqué, sur question de l'avocat de M. A______, qu'il était vrai qu'une délégation gambienne s'était présentée à Genève le 29 novembre 2022 et M. A______ y était bel et bien inscrit. Cependant, la personne qui devait escorter M. A______ à cette audition avait subi un accident qui l'avait empêché de remplir cette mission et malheureusement, cela s'était accompagné d'une rupture dans la chaîne de communication, ce qui faisait que cet agent n'avait pas été remplacé et que cette audition n'avait ainsi pas eu lieu. Sur question du tribunal, une prochaine audition avec une délégation gambienne était prévue en 2023, mais à une date qui n'était pas encore spécifiée. Quant aux auditions centralisées avec une délégation guinéenne et une autre sénégalaise, elles devaient avoir lieu au printemps 2023 selon le courriel que lui avait adressé le SEM le 20 décembre dernier et qu'elle a remis au tribunal.

Sur la base de ce qui venait d'être dit, M. A______ a déclaré avoir déjà été entendu par une délégation guinéenne en janvier 2022. Lors de cette audition, on lui avait parlé une langue qu'il ne connaissait pas et l'un des membres de la délégation avait ensuite indiqué à un représentant des autorités suisses qu'il n'était pas guinéen.

Sur question de l'avocat de M. A______ au sujet de cette précédente audition par une délégation guinéenne, la représentante de l'OCPM a rappelé que toutes ces questions d'identification étaient centralisées par le SEM et qu'il n'était pas rare qu'une audition ait lieu plusieurs fois auprès de la même délégation. Sur question du tribunal, à qui elle a remis également un autre courriel que lui avait adressé le SEM le 20 décembre 2022, les rapports LINGUA étaient classés comme confidentiels, ce que la jurisprudence admettait. Sur question de l'avocat de M. A______ de savoir quand l'expulsion de ce dernier pourrait être exécutée, elle a répondu que c'était lorsque son origine aurait pu être identifiée ou lorsqu'il remettrait son passeport. Elle a conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ déposée le 12 décembre 2022 pour une durée de quatre mois.

19.         Par jugement JTAPI/4______ du 21 décembre 2022, le tribunal a prolongé la détention administrative de l'intéressé pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 22 avril 2023.

Le tribunal ne pouvait que donner raison à M. A______ sur le fait que le report de son audition par une délégation gambienne était imputable à une erreur fautive de l'autorité compétente. Il importait peu de savoir quelles étaient les raisons qui avaient à la dernière minute empêché un agent de cette brigade d'accompagner M. A______ à cette audition, car la gravité de la mesure de privation de liberté dont ce dernier faisait actuellement l'objet devait conduire l'autorité à prioriser dans tous les cas la procédure en vue de l'exécution de l'expulsion. Ainsi, si un agent était brusquement dans l'incapacité de s'acquitter de la mission consistant à accompagner M. A______, un autre agent devait impérativement prendre sa place, quelle que soit l'urgence des tâches qu'il devait abandonner pour cela.

20.         Cette violation du principe de célérité n'avait cependant, pour le moment, aucune conséquence sur la détention de l'intéressé. En effet, après que l'audition prévue avec une délégation sénégalaise eût été déjà retardée à deux reprises, il semblait qu'elle soit désormais prévue pour le mois d'avril 2023. Il en allait de même d'une prochaine audition avec une délégation guinéenne. Par conséquent, il serait actuellement prématuré de lever la détention de M. A______ au motif de l'incertitude pesant sur la date d'une audition par une délégation gambienne en 2023, puisque de toute façon, d'autres échéances étaient prévues en avril de cette année. Il serait toujours temps, si la date de l'audition gambienne demeurait toujours incertaine lors de la prochaine demande de prolongation qui serait éventuellement soumise au tribunal, d'examiner si la violation du principe de célérité devait cette fois emporter la libération de M. A______.

21.         L'absence d'information transmise au tribunal, de même que, semblait-il, à l'OCPM, au sujet des raisons pour lesquelles une nouvelle audition par une délégation guinéenne en avril 2023 devrait avoir lieu, après qu'une précédente audition avait eu lieu au début de l'année 2022, était également problématique, mais se trouvait là aussi couverte du fait de l'audition qui devait de toute façon avoir lieu avec une délégation sénégalaise à la même période.

22.         À ce stade, il convient néanmoins de relever que les reports successifs des dates prévues pour une audition par une délégation sénégalaise deviennent problématiques et ne peuvent qu'entamer la crédibilité des informations fournies jusqu'ici par le SEM, dont le tribunal ne pouvait que relever la parcimonie. Ainsi, il fallait bien admettre que l'on ignorait totalement les circonstances de ces reports et que plus la détention perdurait, plus il devenait pressant pour les autorités judiciaires, en regard du contrôle de la proportionnalité, de disposer d'éléments clairs permettant de retenir que les autorités suisses n'avaient aucune part à la longueur de la procédure et aux ajournements d'échéances. De simples échanges de courriels entre collaborateurs du SEM et de l'OCPM pourraient ne plus suffire en tant que moyens de preuve.

23.         Le 13 janvier 2023, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 2 janvier 2023 par l'intéressé contre le jugement du tribunal de céans du 21 décembre 2022.

Les autorités avaient poursuivi les démarches d’identification sans désemparer et la durée de la détention était loin d’avoisiner le maximum légal. Par ailleurs, le recourant ne démontrait nullement les démarches qu’il aurait accomplies en vue d'obtenir des documents d'identité du ou des pays dont il se prétendait originaire. Il aurait pu notamment prendre contact avec les autorités tchadiennes ou d’un autre Etat pertinent et leur demander un laissez-passer ou donner aux autorités helvétiques des renseignements et détails supplémentaires sur son parcours de vie pour permettre de déterminer sa nationalité. Dans ces conditions, c’était de manière légitime que les autorités de migration continuaient d’explorer d’autres pistes en cherchant à le présenter à des délégations d’autres pays, sans avoir de prise sur les dates d’auditions que celles-ci fixeraient. Les échanges de mails entre les autorités compétentes étaient suffisants pour justifier les démarches effectuées et à venir, rien ne permettant de remettre en question la bonne foi de l’administration, qui n’avait de toute évidence aucun intérêt à faire perdurer inutilement la détention en Suisse du recourant. C'était ainsi de manière abusive que le recourant invoquait une violation du principe de célérité, puisque c'était son refus de collaborer qui occasionnait la perte de temps liée à la recherche de sa véritable origine, si bien qu'il se prévalait de sa propre faute pour demander sa mise en liberté. En sus de la durée de sa détention - qui tenait à son absence de coopération -, la détention administrative de l’intéressé respectait le principe de la proportionnalité. L'intérêt public à l'exécution de son renvoi était en effet prépondérant vu ses condamnations et la longue durée de son expulsion du territoire, ce qui excluait toute libération fondée sur des motifs d'opportunité. Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que le maintien en détention administrative, notamment une assignation à résidence, aucune adresse ne lui étant au demeurant connue, ou l’obligation de se présenter régulièrement à l’autorité, n’était à même de garantir la présence du recourant lors de l'exécution du renvoi. La détention était ainsi apte à atteindre le but voulu par le législateur, s’avérait nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus du recourant d’être renvoyé dans son pays d’origine, une fois qu’il serait déterminé.

24.         Le 16 mars 2023, M. A______ a été présenté aux autorités sénégalaises lors d'une audition centralisée. Il n'a pas été reconnu comme étant ressortissant de ce pays.

25.         Afin de poursuivre le processus d'identification de l'intéressé, l'OCPM a indiqué que M. A______ serait présenté aux prochaines auditions centralisées avec la Guinée, lesquelles se tiendraient à la fin du mois de mai 2023. Il était également inscrit pour les prochaines auditions centralisées gambiennes qui interviendraient durant le deuxième semestre 2023. Les dates précises n’étaient pas encore fixées.

26.         Par requête motivée du 12 avril 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de l'intéressé pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 22 juillet 2023. Cette procédure a été ouverte sous le n° de cause A/5_____.

27.         Par courriel du même jour, l’OCPM a transmis au tribunal, pour raison de compétence, une pétition signée notamment par M. A______, aux termes de laquelle, ses cosignataires demandaient : « Tous les prisonniers d'être libéré sans condition sinon y aura des dégâts, des suicides ».

28.         Le même jour, il lui a transmis le dossier de l’intéressé.

29.         Interpelé par le tribunal, le conseil de M. A______ a indiqué, par courriel et courrier du 13 avril 2023, que par la pétition précitée, ce dernier entendait demander sa mise en liberté. Cette demande a été enregistrée sous le n° de cause A/6______.

30.         Le 18 avril 2023, le tribunal a procédé à une audience lors de laquelle il a entendu des témoins.

Le conseil de M. A______ a versé à la procédure un courrier du 17 avril 2023 adressé à la direction de Favra au sujet des fouilles intégrales subies par son client lors de chacun de ses déplacements en audiences et l’invitant à ne pas y procéder en vue de l’audience de ce jour ou, dans le cas contraire, à lui expliciter les motifs d’une telle mesure, ainsi que la réponse de la direction du 18 avril 2023, renvoyant à une jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 141 I 141) et aux art. 44 et 45 RFavra.

Le représentant de l’OCPM a indiqué que le problème concernant M. A______ était qu'il était démuni de documents d'identité. Il n'avait pas été reconnu comme ressortissant tchadien suite à l'expertise LINGUA. Il pourrait toutefois s'adresser directement aux autorités tchadiennes afin d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer. Ils avaient décidé de représenter M. A______ à une délégation guinéenne car cela arrivait que la personne soit reconnue après une deuxième présentation.

Entendu sur les conditions de sa détention, M. A______ a indiqué faire siennes les explications fournies par son co-détenu. Il était d'accord de retourner en Afrique et participerait à d'autres auditions si besoin. Il avait déjà été entendu à sept reprises. Il n’était pas prêt à entreprendre des démarches en vue d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer auprès des autorités tchadiennes. Il avait déjà entrepris oralement de telles démarches. Il s’était même rendu sur place, à l'aéroport, avec l'OCPM, auprès d'une délégation tchadienne. On ne lui avait pas laissé signer la demande de laissez-passer. Cela s'était passé en 2021, lorsqu’il était à Champ-Dollon. S'agissant de démarches proactives, il n’avait plus le temps. On lui avait proposé ce matin de changer de chambre. Il allait y réfléchir. Il n’avait pas fait une telle demande. Il ne souhaitait pas changer d'étage à cause de sa santé car, à son étage, c'était lui qui était en charge de l'entretien du quartier. A Favra, il avait développé plusieurs pathologies.

31.         Par jugement du 20 avril 2023 (JTAPI/7______), le tribunal a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 22 juin 2023 inclus, à condition que ses conditions de détention soient adaptées conformément aux considérants et ce, au plus tard le mardi 25 avril 2023 à 14h ; si cette condition n’était pas respectée, M. A______ devait être libéré au plus tard à cette date et heure.

S'agissant de la prolongation de détention demandée par l'OCPM, le principe de diligence était respecté, les autorités ayant poursuivi leurs démarches en vue de l’identification de l’intéressé, lequel serait présenté aux auditions centralisées avec la Guinée à la fin du mois de mai 2023. Il était par ailleurs d’ores et déjà inscrit aux prochaines auditions centralisées gambiennes qui interviendraient durant le deuxième semestre 2023.

L'assurance du départ effectif de M. A______ répondait toujours à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait monter dans l'avion devant le reconduire dans son pays d'origine. M. A______, lors de l’audience du 18 avril 2023, avait confirmé qu’il n’entendait pas entreprendre la moindre démarche de son côté auprès des autorités du Tchad, dont il se disait pourtant originaire, en vue d’obtenir des documents d’identité ou un laissez-passer.

Cela étant, au vu de l’audition prévue fin mai 2023 déjà, une demande de prolongation de trois mois était disproportionnée et devait être réduite à deux mois, soit jusqu’au 22 juin 2023, durée permettant la concrétisation de ladite audition et un contrôle par le tribunal de la diligence avec laquelle les éventuelles prochaines démarches seraient menées dans le cadre d’une éventuelle nouvelle demande de prolongation.

32.         Par arrêt ATA/8______ du 28 avril 2023, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre le jugement susmentionné.

Les autorités avaient poursuivi leurs démarches en vue de l’identification de M. A______ et celui-ci était inscrit à une audition centralisée en mai 2023. Il s'agissait certes d'une seconde audition par les autorités guinéennes – et il en allait de même pour l'audition par les autorités sénégalaises prévue en juin 2023 –, mais les autorités de migration avaient fait valoir qu'il arrivait aux délégations de reconnaître un de leurs ressortissants en de telles occasions, ce qui apparaissait vraisemblable. M. A______ mettait aussi en avant le caractère lointain de l'audition par les autorités gambiennes, et l'erreur commise par les autorités suisses pour justifier son absence de présentation en novembre 2022, que le tribunal avait reconnue dans son jugement du 22 décembre 2022. Cela étant, comme le tribunal l'avait aussi relevé quelques lignes plus loin dans le même jugement, il aurait alors été prématuré de lever la détention de M. A______ au motif de l'incertitude pesant sur la date d'une audition par une délégation gambienne en 2023.

Au surplus, la durée de la détention de M. A______ tenait largement à son absence de coopération et l'intérêt public à l'exécution de son renvoi était prépondérant vu ses condamnations et la longue durée de son expulsion du territoire, ce qui excluait toute libération fondée sur des motifs d'opportunité. Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que le maintien en détention administrative, notamment une assignation à résidence, aucune adresse ne lui étant au demeurant connue, ou l’obligation de se présenter régulièrement à l’autorité, n’était à même de garantir sa présence lors de l'exécution du renvoi. La détention était ainsi apte à atteindre le but voulu par le législateur, et s’avérait nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus du recourant d’être renvoyé dans son pays d’origine, une fois qu’il sera déterminé.

Concernant la demande de mise en liberté, la détention conforme à la loi de M. A______ pouvant être assurée à Frambois, c'était légitimement que le tribunal avait fixé un délai à cinq jours (incluant un week-end) pour son transfert. Ledit délai avait par ailleurs été respecté, le transfert ayant eu lieu deux jours après le prononcé du jugement

33.         Le 23 mai 2023, M. A______ a été présenté aux autorités guinéennes lors d'une audition centralisée. Il n'a pas été reconnu comme étant ressortissant de ce pays.

34.         Par requête motivée du 12 juin 2023, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

Dans sa demande, l'OCPM a indiqué qu'afin de poursuivre le processus d'identification de l'intéressé, M. A______ serait présenté à la prochaine audition centralisée avec les autorités gambiennes qui se déroulerait au cours du 2ème semestre 2023, selon information transmise par le SEM le 12 juin 2023.

35.         A la demande du tribunal, l’OCPM a transmis la liste des délégations devant lesquelles M. A______ avait été présenté, ainsi que leur date, à savoir :

« 16.12.2021 : délégation du Tchad / pas reconnu

26.01.2022 : délégation de Guinée / pas reconnu

26.10.2022 : délégation du Mali / pas reconnu

29.11.2022 : délégation de Gambie / no show

16.03.2023 : délégation du Sénégal / pas reconnu, mais vérification des autorités sénégalaises en cours

23.05.2023 : délégation de Guinée / pas reconnu

Gambie : Prochaine audition prévue dans le courant du 2 semestre 2023. »

36.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 20 juin 2023, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à la demande de prolongation de sa détention. Il n'avait entrepris aucune démarche avec les autorités tchadiennes ni auprès de ses amis au Luxembourg. Il était actuellement malade (il avait des problèmes de cœur et prenait des médicaments ; il avait également reçu deux infiltrations dans les épaules - pour un problème veineux, mais une n'avait pas fonctionné) et avait été très stressé par le décès de son ami. Lorsque qu'il s'était présenté auprès de la délégation du Tchad en 2021, il avait indiqué être ressortissant de ce pays, mais il n'avait pas été reconnu. Il souhaitait être placé dans un foyer plutôt que d'être maintenu en détention afin de pouvoir se rendre aux rendez-vous médicaux qui lui avaient été donnés. Il se présenterait devant les délégations des différents pays africains pour lesquels une rencontre serait organisée.

La représentante de l'OCPM a indiqué que M. A______ n'avait jamais été présenté auprès d'une délégation de Gambie, raison pour laquelle son audition était prévue dans le courant du deuxième semestre 2023. M. A______ avait été présenté auprès de la délégation guinéenne à deux reprises, car il pouvait arriver qu'il ne soit pas reconnu lors de la première audition, mais pouvait l'être lors de la seconde. Elle a précisé que les délégations ne fonctionnaient pas toutes de la même manière. Sur questions du conseil de l'intéressé, elle a indiqué que le choix des délégations devant lesquelles M. A______ s'était présenté dépendait du SEM et non de l'OCPM. Ce choix était fondé sur l'expertise LINGUA qui avait été effectuée le 27 janvier 2022 et également sur la venue ou non des délégations en Suisse, étant précisé que la délégation du Sénégal n'était pas venue depuis 2019. La raison pour laquelle le SEM n'avait pas représenté M. A______ devant une délégation tchadienne devait provenir du fait qu'il était peu probable qu'il soit ressortissant de ce pays : lors de son audition le 16 décembre 2021, M. A______ n'avait pu donner aucun détail sur le Tchad et son accent n'avait pas été reconnu. Il venait plutôt du Sénégal, du Mali ou de la Guinée, selon ladite délégation tchadienne. Elle n'avait pas de pièces complémentaires à produire au dossier. Toujours sur question du conseil de M. A______, elle a indiqué qu'aucune information n'avait été reçue des autorités sénégalaises suite à l'audition du 16 mars 2023 ; les vérifications annoncées pouvaient prendre du temps et étaient en cours. Ni l'OCPM ni le SEM ne pouvaient s'immiscer dans la manière dont les pays étrangers procédaient à leurs vérifications. Elle a précisé que le SEM ne transmettait pas systématiquement toutes les informations en sa possession. Il n'était pas possible d'indiquer quelles démarches pouvaient être entreprises par la délégation gambienne dans la mesure où aucune reconnaissance par ce pays n'était encore intervenue. Il a été rappelé qu'il aurait suffi à M. A______ de contacter les autorités de son pays d'origine afin d'obtenir un laissez-passer afin que son renvoi puisse être réalisé. Elle a conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention de M. A______ pour une durée de trois mois.

37.         Par jugement du 22 juin 2023 (JTAPI/9______), le tribunal a déclaré recevable la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ formée le 12 juin 2023 par l’office cantonal de la population et des migrations et prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 22 septembre 2023 inclus.

38.         Le 13 juillet 2023, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 3 juillet 2023 par M. A______ contre le jugement du tribunal du 22 juin 2023 (ATA/10______).

39.         Le 14 août 2023, M. A______ a déposé un recours auprès du Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt de la chambre administrative du 13 juillet 2023, ladite procédure étant actuellement pendante.

40.         Par courrier du 22 août 2023, le Ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur a informé l'Ambassade de Suisse à Dakar que, « faisant suite à sa note verbale n°11______ du 20 juillet 2023, relative à la demande d'identification du nommé C______, né le 19 septembre 1971 à Mbacké, à l'honneur de l'informer qu'il ressort des vérifications que cette personne est bien de nationalité sénégalaise, titulaire de la carte nationale d'identité n° 122519101624, dont la fiche d'archive est ci-jointe ».

41.         Par note du SEM du 6 septembre 2023 adressée à RGEK-SGi, RGEK, KGE-BVI, KGE-CS, 1IRO-Ruy, 1IRO, 1IR3-Urc, une personne portant le matricule 1IR3 a indiqué avoir constaté avec étonnement qu'une réservation de vol DEPA avait été effectuée. L'attention des destinataires était attirée sur le fait que l'identité de la personne n'avait pas encore été définitivement établie. Les autorités sénégalaises avaient confirmé l'identité d'une personne nommée C______ sur la base d'un numéro de passeport. Il n'était toutefois pas encore clair s'il s'agissait effectivement de M. A______. Des clarifications supplémentaires étaient en cours avec le soutien de l'Ambassade suisse à Dakar.

42.         Par requête motivée du 11 septembre 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 30 novembre 2023. À l'appui de cette requête, l'OCPM a indiqué que, le 22 août 2023, le Ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur avait informé l'Ambassade de Suisse à Dakar que le processus d'identification de M. A______ avait abouti à la conclusion que celui-ci était bien sénégalais et se dénommait C______, né le 19 septembre 1971.

43.         Par courrier du 15 septembre 2023, le conseil de M. A______ a adressé au tribunal diverses pièces, à savoir :

-        un procès-verbal d'audition de M. A______ auprès du service protection, asile et retour de l'OCPM en date du 29 août 2023 dans lequel, en substance, il était informé que les autorités sénégalaises avaient confirmé qu'il était bien l'un de leurs ressortissants, en l'identifiant sous le nom de C______, né le 19 septembre 1971 à Mbaké, et que son identité allait à présent être modifiée dans le système, suite à quoi une réservation de vol pourrait être effectuée après délivrance d'un laissez-passer. Durant cette audition, M. A______ a contesté qu'il s'agissait de sa véritable identité, expliquant que lors de son arrestation en 2009, la police lui avait présenté un document portant ce nom, lui demandant ce que cette pièce faisait à son domicile et s'il s'agissait de lui, ce qu'il avait contesté ;

-        deux courriers adressés au service protection, asile et retour par le conseil de M. A______ les 1er et 7 septembre 2023, soulignant que la fiche d'archive qui accompagnait le courrier du ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur du 22 août 2023 indiquaient que la carte d'identité nationale avait été remplacée le 16 juin 2022 et que la personne visée disposait d'une adresse aux États-Unis [plus précisément au 270 New Jersey Av Brooklyn NY 11207]. Il ne pouvait donc pas s'agir de M. A______, qui était détenu en Suisse depuis janvier 2022 et n'avait donc pas pu d'opérer la moindre démarche en juin 2022 pour remplacer son document d'identité. Le second des deux courriers précités était en outre accompagné d'une photo du permis de résidence aux États-Unis d'Amérique de M. C______, né le ______ 1971, ainsi que de son permis d'élève conducteur ;

-        Une photographie en couleur du passeport sénégalais de M. C______, né le ______ 1971, né à Mbaké, émis le 8 février 2022 ;

-        une photographie du même passeport photographié à côté de plusieurs éditions du journal New York Post du 14 septembre 2023.

44.         Devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), lors de l'audience de ce jour, M. A______ a déclaré qu'il n'avait pas de lien particulier avec M. C______, qu'il n'avait connu qu'au moment où il logeait dans l'appartement où il avait été interpellé en 2010, mais dont il avait pu retrouver la trace grâce à une connaissance guinéenne qui était elle-même plus proche de M. C______.

La représentante de l'OCPM a produit diverses pièces, à savoir :

-        une note du SEM du 4 septembre 2023, indiquant qu'il n'avait pas été possible d'organiser des auditions centralisées avec les autorités sénégalaises compétentes de fin septembre 2019 à mars 2023, en raison, d'une part, des restrictions dues au Covid-19 et, d'autre part, de plusieurs annulations de dernière minute de la part des autorités sénégalaises en 2022 ;

-        un rapport établi par la police genevoise le 3 juin 2010 lors de l'arrestation de M. A______ à son domicile. À teneur de ce rapport, une personne dont le nom est caviardé mais qui était vraisemblablement la logeuse de M. A______ avait remis à la police une copie d'un passeport sénégalais au nom de C______, né le ______ 1971, « avec la photo d'un africain ressemblant fortement à A______. Cette copie, jointe au présent rapport, lui a été remise par A______ lors de la signature du contrat de sous-location » ;

-        un courriel du service de protection, asile et retour adressé le 15 septembre 2023 au SEM au sujet d'une demande d'asile déposée par M. A______ le 14 septembre 2023 et requérant davantage d'informations à ce sujet.

Sur question du tribunal relative à l'évolution de la procédure relative à l'audition de M. A______ par une délégation gambienne, la représentante de l'OCPM a expliqué que les informations dont elle disposait semblaient indiquer que cette audition pourrait être organisée en novembre 2023, mais il semblait qu'il s'agissait-là d'une indication donnée de façon non définitive. Sur question du conseil de M. A______, elle n'avait pas de pièce (échange de courriels) concernant ce dernier point, étant précisé que le SEM restait pour l'heure dépendant des réponses de la délégation gambienne. Sur question du conseil de M. A______ au sujet du fait que le passeport de M. C______ n'avait jamais été évoqué dans la procédure de détention administrative jusqu'à récemment, elle expliquait que les autorités suisses ne fournissaient un dossier aux délégations étrangères qu'après que l'audition centralisée avait eu lieu, étant rappelé qu'il n'y avait pas de demande d'identification par écrit. A sa connaissance, l'alias de M. C______ n'existait pas en tant qu'alias dans le dossier de M. A______, sans doute parce qu'il ne s'était jamais légitimé sous cette autre identité.

Le conseil de l'intéressé a remis au tribunal copie d'un courriel caviardé du 30 mai 2023 ainsi que d'un courriel partiellement caviardé du 31 mai 2023 relatifs à la communication de la copie du passeport au nom de M. C______ aux autorités sénégalaises. Concernant la dernière phrase du mail du 31 mai 2023, on pouvait supposer que la "personne sénégalaise" dont il était question pourrait être la logeuse qui avait remis copie du passeport à la police lors de l'interpellation du 3 juin 2010.

La représentante de l'OCPM a relevé que ce mail n'était vraisemblablement pas adressé à l'OCPM. Sur question du conseil de M. A______, elle ne pouvait pas se prononcer concernant le fait qu'une activité ait eu lieu le 16 juin 2023 sur le fichier de M. C______, sans doute du fait des autorités sénégalaises elles-mêmes. Par ailleurs, c'était bien parce qu'il existait des indications d'une adresse aux Etats Unis que des vérifications supplémentaires avaient été demandées aux autorités sénégalaises. Elle ne pouvait pas indiquer le temps que ces vérifications pourraient prendre. Elle a précisé également que les pièces que le conseil de M. A______ venait de lui transmettre au sujet du passeport de M. C______ avaient également été transmises au SEM. L'OCPM n'avait pas eu de retour pour l'instant. Sur question du tribunal, elle a confirmé qu'en l'état, les deux processus consistant dans des clarifications demandées aux autorités sénégalaises et dans l'organisation d'une audition par une délégation gambienne étaient poursuivies en parallèle.

Le conseil de l'intéressé a déclaré que le téléphone de M. C______ lui avait été transmis par son client sur la base des indications de la connaissance guinéenne dont il avait été question plus tôt.

La représentante de l'OCPM a conclu à l'admission de la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu principalement au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative et à sa mise en liberté immédiate.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'occurrence, le 11 septembre 2023, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 30 novembre 2023.

4.             Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.              À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si celle-ci a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a ; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4). Selon la jurisprudence de la chambre administrative, pour qu'une personne puisse être mise en détention sur la base de cette disposition, elle doit avoir été condamnée par une juridiction pénale de première instance, sans qu'il soit nécessaire que le jugement soit définitif (ATA/127/2015 du 3 février 2015 consid. 6).

6.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI).

7.             En l’espèce, la chambre administrative a déjà admis dans ses arrêts successifs, et la dernière fois en date du 13 juillet 2023 (ATA/10______), que les conditions légales d’une mise en détention administrative étaient réunies, vu notamment la condamnation pénale de M. A______ pour violation grave de la LStup – soit un crime – et blanchiment d’argent aggravé, et vu son expulsion pénale prononcée pour une durée de cinq ans. Il ne le conteste d'ailleurs pas.

8.             Reste à savoir, sous l'angle du principe de proportionnalité, s'il se justifie néanmoins de prononcer la prolongation de sa détention jusqu'au 30 novembre 2023, tel que requis par l'OCPM, étant rappelé que l'art. 79 al. 2 LEI autorise une prolongation de la détention pour une durée maximale de douze mois au-delà des six premiers mois prévus par l'art. 79 al. 1 LEI, ce qui porte la durée maximale de la détention administrative à dix-huit mois.

9.             Le principe de proportionnalité, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

10.         La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

11.         Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

12.         Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n'est accomplie en vue de l'exécution du refoulement par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'intéressé lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 7a).

13.         Dans l'appréciation de la diligence des autorités, il faut notamment tenir compte de la complexité du cas, en particulier sous l'angle de l'exécutabilité du renvoi. Il faut en tous les cas se demander si la détention prononcée dans le cas d'espèce et sa durée demeurent nécessaires et restent dans une mesure proportionnée par rapport au but poursuivi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

14.         Les autorités chargées de l'exécution du refoulement doivent essayer d'établir l'identité de l'étranger le plus rapidement possible et de se procurer les papiers nécessaires au départ de celui-ci. Toutes les mesures qui semblent propres à accélérer l'exécution du refoulement doivent être prises. Le principe de célérité oblige les autorités à prendre les mesures qui, vu les circonstances concrètes du cas particulier, sont de nature à activer l'exécution du refoulement. Les mesures à prendre par les autorités responsables doivent être appréciées globalement en fonction des circonstances du cas d'espèce. La question de savoir si le principe de diligence a été violé dépend donc des particularités du cas d'espèce. Il faut notamment tenir compte de la complexité du cas, en particulier sous l'angle de l'exécutabilité du refoulement. Dans ce contexte, il peut être tenu compte d'un manque de coopération de la part de l'étranger, même si un tel comportement ne saurait toutefois justifier l'inactivité des autorités. Il faut en outre prendre en considération le fait que l'aide requise des autorités étrangères peut parfois prendre du temps. On ne saurait donc reprocher aux autorités une violation du principe de diligence lorsque le retard dans l'obtention des papiers d'identité est imputable à une représentation diplomatique étrangère (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2A.715/2004 du 23 décembre 2004 consid. 2.3.1 ; 2A.497/2001 du 4 décembre 2001 consid. 4a ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3 ; ATA/1204/2015 du 6 novembre 2015 consid. 9b ; ATA/616/2014 du 7 août 2014 consid. 7).

15.         Pour l'exécution du renvoi, le SEM assiste l'autorité cantonale d'exécution (art. 71 LEI ; art. 1 OERE). C'est lui qui se charge d'obtenir des documents de voyage pour les étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion (art. 71 let. a LEI ; art. 2 al. 1 OERE). C'est lui qui est l'interlocuteur des autorités des pays d'origine, en particulier des représentations diplomatiques ou consulaires des États d'origine ou de provenance des étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion, pour autant que d'autres dispositions n'aient pas été prises dans le cadre d'un accord de réadmission ou après entente avec les cantons (art. 2 al. 2 OERE).

16.         Aux fins d'obtenir des documents de voyage, le SEM vérifie l'identité et la nationalité des étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion (art. 3 al. 1 OERE). À cet effet, il peut notamment mener des entretiens, présenter l'intéressé à une représentation de son pays d'origine et effectuer des analyses linguistiques ou textuelles, de même qu'inviter en Suisse une délégation de son pays d'origine ou de provenance. Il communique le résultat de ses investigations aux cantons (art. 3 al. 2 OERE).

17.         En l’espèce, la détention de M. A______ a débuté le 31 mai 2022, de sorte que la durée maximale de sa détention, au sens de l'art. 79 al. 1 et 2 LEI, sera atteinte le 30 novembre 2023. À ce jour, il reste ainsi aux autorités suisses un peu plus de deux mois pour exécuter l'expulsion judiciaire dont M. A______ fait l'objet.

18.         En l'état, ainsi que la représentante de l'OCPM l'a confirmé à l'audience du 19 septembre 2023, le dossier de M. A______ est traité simultanément dans deux directions différentes, à savoir, d'une part, en vue d'obtenir de la part des autorités sénégalaises des clarifications au sujet du fait de savoir si M. C______, né le ______ 1971 pourrait être la même personne que M. A______ (note du SEM du 6 septembre 2023) et, d'autre part, en vue d'organiser la visite en Suisse d'une délégation gambienne afin d'auditionner M. A______.

19.         S'agissant des démarches faites auprès des autorités sénégalaises, il convient tout d'abord de revenir sur les termes exacts du courrier adressé le 22 août 2023 par le Ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur de la République du Sénégal à l'attention de l'Ambassade de Suisse à Dakar. Contrairement à ce qu'exprime de manière inexacte l'OCPM dans sa demande de prolongation de détention du 11 septembre 2023, les autorités sénégalaises ne sont pas parvenues à la conclusion que M. A______ était bien Sénégalais et se dénommait C______, né le ______ 1971. Elles n'ont en réalité fait qu'examiner une copie d'un passeport Sénégalais au nom de C______ qui leur a été transmis par les autorités suisses et se sont contentées de confirmer que cette personne était de nationalité sénégalaise, joignant à leurs explications une copie de la fiche d'archive correspondant à la carte nationale d'identité de M. C______. En d'autres termes, dans leur courrier du 22 août 2023, les autorités sénégalaises n'établissent ni n'infirment d'aucune manière qu'il existerait une identité de personne entre M. A______ et M. C______, car elles n'ont tout simplement pas traité cette question.

20.         À ces éléments s'ajoutent les explications et documents que le conseil de M. A______ a fournis dans ses courriers adressés à l'OCPM les 1er et 7 septembre 2023, ainsi que dans son courrier adressé au tribunal le 15 septembre 2023. En premier lieu, il est exact que la fiche d'archive fournie par les autorités sénégalaises à l'appui de leur courrier du 22 août 2023 révèle que la carte d'identité du dénommé C______ indique un remplacement en date du 16 juin 2022, date à laquelle M. A______ était en détention dans le canton de Genève depuis plusieurs mois. Par conséquent, on ne voit pas comment M. A______, depuis l'établissement où il était détenu, aurait pu effectuer auprès des autorités sénégalaises des démarches en vue du remplacement ou du renouvellement d'une carte d'identité établie sous un autre nom que le sien, sans que les autorités genevoises n'en aient la moindre connaissance. À cela s'ajoute également que la fiche d'archive produite par les autorités sénégalaises indique que le dénommé C______ dispose d'une adresse aux États-Unis, plus précisément dans la ville de New York. Or, le conseil de M. A______ a été en mesure de produire les photographies de plusieurs documents officiels établis au nom de C______ (ou de C______), né le ______ 1971 au Sénégal, les uns émanant des autorités étasuniennes (et mentionnant, pour l'un d'eux, la même adresse que celle qui figure dans la fiche d'archive produite par les autorités sénégalaises), un autre étant le passeport sénégalais établi au nom de M. C______, né le ______ 1971 à Mbacké. Ce dernier document a été délivré le 8 février 2022, de sorte que l'on ne voit pas non plus comment M. A______, durant sa détention pénale, aurait pu l'obtenir sous un autre nom que le sien à l'insu des autorités genevoises. Pour finir, la photographie de ce passeport aux côtés d'éditions du New York Post du 14 septembre 2023 (dont la page de couverture correspond bien à celle de ce numéro : https://nypost.com/cover/september-14-2023/ ; consulté le 21 septembre 2023) contribue également à rendre très vraisemblable le fait que le propriétaire du passeport établi au nom de M. C______, né le ______ 1971, se trouve actuellement aux États-Unis et qu'il s'agit donc d'une personne distincte de M. A______.

21.         En conclusion, il apparaît extrêmement peu probable que les clarifications requises par le SEM auprès des autorités sénégalaises conduisent ces dernières à établir une identité entre M. A______ et M. C______, né le ______ 1971 à Mbaké.

22.         Dans ces conditions, les démarches actuellement en cours auprès des autorités sénégalaises n'offrent pratiquement aucune perspective à court terme d'un changement dans la position qu'elles ont exprimée aux autorités suisses le 16 mars 2023, en refusant de considérer M. A______ comme un ressortissant sénégalais. De ce point de vue, la poursuite de la détention de M. A______ jusqu'au terme maximum de sa détention, le 30 novembre 2023, ne saurait se justifier, puisque selon toute vraisemblance, elle n'apparaît pas pouvoir aboutir à une évolution favorable du dossier.

23.         S'agissant par ailleurs de la perspective d'une visite d'une délégation gambienne en Suisse d'ici au 30 novembre 2023, le tribunal rappellera que la dernière visite d'une délégation de ce pays a eu lieu le 29 novembre 2022 et que M. A______ n'a pas pu lui être présenté suite à un problème d'organisation dont les autorités genevoises portent la responsabilité. Cela dit, l'OCPM a indiqué au tribunal, au début de l'année 2023, qu'une nouvelle visite d'une délégation gambienne aurait vraisemblablement lieu durant le deuxième semestre de l'année 2023. Cette indication a été répétée au fil des audiences qui se sont tenues devant le tribunal durant l'année 2023, la chambre administrative reprenant à son tour cette indication dans ses arrêts. Cependant, force est de constater que le deuxième semestre de l'année 2023 est à présent entamé presque à moitié et qu'il ne reste qu'un peu plus de deux mois avant que la durée maximale de détention de M. A______ ne soit atteinte. Or, à l'audience du ______ 2023, la représentante de l'OCPM a indiqué au tribunal que la venue d'une délégation gambienne en Suisse semblait pouvoir avoir lieu en novembre 2023, mais qu'il ne s'agissait là que d'une indication qui n'était pas encore définitive. Aucun document n'a été fourni au tribunal à l'appui de cette information.

24.         Alors que M. A______ est à présent en détention administrative depuis près de seize mois, son maintien en détention pour une ultime période supplémentaire de deux mois ne saurait se justifier dans ces circonstances. En effet, plus l'atteinte à la liberté personnelle s'aggrave au fil du temps, plus sa légitimité doit pouvoir s'appuyer sur des éléments solides permettant notamment de considérer que l'exécution du renvoi ou de l'expulsion, ou à tout le moins l'identification de la personne détenue, pourra encore avoir lieu à l'intérieur de la durée maximale de la détention (Gregor CHATTON/Laurent MERZ, Code annoté de droit des migration, vol. II, 2017, ad art. 79 ch. 11). Or, en l'occurrence, il n'existe à teneur du dossier aucune certitude ni même indice vérifiable par le tribunal selon lequel M. A______ pourrait être présenté à une délégation gambienne avant la fin du mois de novembre 2023. Au demeurant, quand bien même une telle présentation aurait lieu dans le courant du mois de novembre et aboutirait immédiatement à la reconnaissance de M. A______ comme ressortissant gambien, il de la délivrance d'un laissez-passer, puis de la réservation d'un vol, des délais qui dépasseraient très vraisemblablement le mois de novembre 2023. En d'autres termes, même en se fondant sur les indications de l'OCPM relatives à la date à laquelle aurait éventuellement lieu la visite d'une délégation gambienne, M. A______ aurait sans doute retrouvé la liberté avant toute possibilité d'exécuter matériellement son expulsion judiciaire.

25.         Il s'ensuit que, également sous l'angle des démarches en cours auprès des autorités gambiennes, le maintien de la détention de M. A______ ne se justifie plus à l'heure actuelle.

26.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de détention à l'encontre de M. A______ sera rejeté et sa libération immédiate ordonnée.

27.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des s'en suivrait encore, en vue

28.         art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 11 septembre 2023 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             la rejette ;

3.             ordonne la levée immédiate de la détention de M. A______ ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière