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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3383/2022

JTAPI/588/2023 du 25.05.2023 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : REMISE EN L'ÉTAT;ZONE AGRICOLE;PERMIS DE CONSTRUIRE;POUVOIR D'EXAMEN
Normes : Cst.9; Cst.5.al3; LCI.129.lete; LAT.22; LCI.1.al1; LaLAT.24c
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3383/2022 LCI

JTAPI/588/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mai 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Lucien LAZZAROTTO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             La parcelle n° 1______ de la commune de B______, d’une surface totale de 7'646 m2, sise route des C______ 2______, en zone agricole, appartient à Madame A______ depuis le 28 mai 1986, suite à une donation de la part son père.

Cette parcelle abrite, à teneur du registre foncier, les bâtiments nos 3______ (habitation un logement de 202 m2) et 4______ (habitation un logement de 176 m2).

2.             Par requête du 4 mai 2022, Mme A______ a sollicité, par le biais de son notaire, auprès de la Commission foncière agricole (ci-après : CFA) le non-assujettissement de la parcelle n° 1______ à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11).

3.             Suite à cette demande, enregistrée sous le n° 22'059, un transport sur place a eu lieu le 30 mai 2022 en présence de deux membres de la CFA, de Mme A______ et de son notaire.

Il ressort du procès-verbal y relatif que, selon les explications de Mme A______, lors de la réception de sa parcelle en « 1969 », un logement, qui consistait en une ancienne ferme (bâtiment n° 1 sur le plan joint), s’y trouvait. Elle y avait par la suite fait construire un deuxième logement (bâtiment n° 2) terminé en 1970, dans lequel elle habitait toujours actuellement.

A été constatée sur cette parcelle la présence d’un petit jardin d’agrément, de quelques arbres fruitiers, d’un potager et d’un parc clôturé depuis 1971 dans lequel pâturaient cinq ânes. Une partie de cette parcelle, d’environ 1'900 m2, était située en zone d’assolement (partie « a » sur le plan joint), contrairement à la partie « b », d’environ 1'200 m2.

4.             Par décision du 9 septembre 2022 accompagnée d’un plan de situation, le département du territoire (ci-après : DT) a constaté - en sus d’installations éphémères ou pouvant être assimilées à du mobilier - la présence de sept constructions ou installations sur la parcelle n° 1______, soit les objets :

-       A : bâtiment n° 3______, non autorisé, antérieur à 1969 selon la propriétaire et visible sur la photo aérienne dès 1932 ;

-       B : bâtiment n° 4______ en maçonnerie de 176 m2 composé d’un sous-sol, d’un rez-de-chaussée et d’un étage comprenant un logement, autorisé, daté de 1970 selon Mme A______, transformation réalisée en 1970 selon la DD 5______ délivrée le 11 janvier 1970, modifications au rez-de-chaussée non conformes à cette DD, la surface au sol semblant agrandie, visible sur photo aérienne dès 1932 ;

-         C : une terrasse en pavés d’environ 60 m2 située le long de la façade sud et ouest du bâtiment n° 4______, autorisée selon la DD 5______, non datée par la propriétaire et date de construction non vérifiable, les photos aériennes historiques étant imprécises ;

-       D : une cour en enrobé d’environ 182 m2, située entre les bâtiments nos 3______ et 4______ non autorisée, non datée par Mme A______ et visible sur la photo aérienne dès 1932 ;

-       E : un cheminement en enrobé, d’environ 235 m2 situé au nord de la parcelle, non autorisé, non daté par la propriétaire et réalisé entre 1932 et 1963 selon les photographies aériennes historiques ;

-       F : un cabanon d’environ 13 m2 de plain-pied sis à l’ouest de la parcelle, non daté par la propriétaire et visible sur photographie aérienne depuis 2001 ;

-       G : des clôtures en métal d’environ 320 m de long et 1,5 m de haut de plein pied et comprenant un portail, situées au sud et au sud-est de la parcelle en surface d’assolement, non autorisées et datées de 1971 selon Mme A______, la date de construction étant non vérifiable en raison de l’imprécision des photographies aériennes historiques.

Il était retenu que les objets :

-          A et D avaient été construits avant toute législation en matière d’aménagement du territoire ;

-          C avait été dûment autorisé ;

-          B, E, F, G avaient été construits et/ou modifiés sans autorisation.

Ces quatre derniers objets étant soumis à autorisation de construire, la situation actuelle constituait une infraction à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), de sorte qu’une procédure d’infraction visant à faire rétablir une situation conforme au droit, enregistrée sous le n° I-6______, avait déjà été ouverte.

En application des art. 129 ss LCI, il était ordonné à Mme A______ de déposer, d’ici au 4 novembre 2022, une requête en autorisation de construire définitive indiquant, dans la description du projet « Demande de régularisation I-6______ ».

Compte tenu de la nature de certaines de ces réalisations et de la situation de la parcelle hors zone à bâtir, l’obtention d’une autorisation de construire ne pouvait être garantie. Ainsi, si l’intéressée ne souhaitait pas tenter de régulariser la situation par ce biais, elle était invitée à procéder à la mise en conformité de la parcelle d’ici au 4 novembre 2022, notamment en procédant à la démolition/suppression/évacuation des objets litigieux, y compris la remise en état du terrain naturel à leurs emplacements, lesquels devraient à nouveau être aptes à être exploités pour l’agriculture, le sol devant être reconstitué au niveau du terrain naturel préexistant. Toutes les surfaces en pleine terre reconstituées devraient répondre positivement aux critères d’aptitude fixés pour les surfaces d’assolement. Un reportage photographique ou toute autre preuve de cette mise en conformité devaient être produits dans le même délai.

À défaut du dépôt d’une requête en autorisation de construire ou d’une remise en état dans le délai imparti, Mme A______ s’exposait à toutes mesures et/ou sanctions justifiées par la situation. À l’issue de l’instruction d’une éventuelle requête, il serait statué par décision séparée sur d’éventuelles nouvelles mesures visant au rétablissement d’une situation conforme à la loi. La sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit pourrait faire l’objet d’une décision à l’issue du traitement du dossier I-6______, de sorte qu’elle demeurait en l’état réservée. Enfin, un délai de dix jours était imparti à la précitée pour formuler toutes observations, si elle devait estimer que son droit d’être entendu n’avait pas été totalement respecté, un recours dans les trente jours étant ouvert contre la présente décision.

5.             Par pli du 22 septembre 2022, Mme A______ a demandé au DT, sous la plume de son conseil, de revoir cette décision et de renoncer à la remise en état et à la régularisation requises, invoquant divers arguments en lien avec les objets B, E et G, qui seront repris dans le cadre de son recours ci-après.

6.             Par pli du 4 octobre 2022, le DT a informé Mme A______ du maintien de sa décision du 9 septembre 2022.

7.             Par acte du 12 octobre 2022, Mme A______ a interjeté recours, sous la plume de son conseil, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision du 9 septembre 2022, concluant à son annulation et à l’annulation de la « décision d’ouverture d’une procédure d’infraction I-6______ » incluse dans la décision attaquée, sous suite de frais et dépens.

Eu égard aux règles applicables en zone agricole, il était illusoire de penser qu’elle pourrait obtenir une autorisation de régularisation si elle laissait entrer en force le constat de « prétendue non régularité » figurant dans la décision attaquée. En effet, si elle renonçait à recourir contre le principe même de l’illicéité des objets concernés, le DT se contenterait de reprendre son raisonnement dans une décision de refus d’autorisation de construire. Toutes les constructions litigieuses se trouvaient déjà sur sa parcelle lorsqu’elle l’avait reçue en « 1986 », étant précisé que celle-ci n’était plus affectée à l’agriculture, à tout le moins depuis 1969. Les coûts de remise en état seraient notoirement élevés. La décision entreprise précisait que toutes les surfaces en pleine terre reconstituées devraient répondre positivement aux critères d’aptitude fixés pour les surfaces d’assolement, alors même qu’aucun des aménagements litigieux ne se trouvaient en surface d’assolement et que les surfaces accueillant lesdits aménagements, même libérées de ceux-ci, ne seraient pas exploitables pour l’agriculture.

S’agissant du bâtiment n° 4______ (objet B), les plans autorisés par la DD 5______ prévoyaient une assiette de 205 m2. Dès lors que l’assiette actuelle était de 176 m2, la surface de ce bâtiment, qui était partiellement ouverte en incluant un simple couvert, n’avait pas été agrandie mais au contraire diminuée. En tout état, les prétendues modifications avaient, été validées par la délivrance du permis d’occuper du 22 novembre 1974, dès lors qu’elles avaient été réalisées antérieurement à cette visite de contrôle. Cet objet n’était par conséquent pas illicite et, même à retenir qu’il ne respectait pas la DD 5______, exiger sa suppression et sa remise en état contreviendrait au principe de la bonne foi.

La photographie aérienne de 1963 - jointe - tirée du système d’information du territoire genevois (ci-après : SITG) démontrait l’existence du cheminement (objet E) avant toute législation en matière d’aménagement du territoire. Il n’avait en outre été remis en question ni lors de la délivrance de la DD 5______ en 1970, ni lors de la visite de contrôle subséquente en 1974. La décision de suppression et de remise en conformité de cet objet, qui existait depuis plus de soixante ans et était toléré depuis au moins quarante-huit ans, violait donc le principe de la bonne foi.

Les clôtures (objet G), dont la date de mise en place n’avait pas pu être établie par le DT, étaient vraisemblablement antérieures à la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), au vu de la date de construction/transformation des bâtiments connexes. En tout état, le bâtiment n° 3______ - décrit comme une habitation rurale selon le recensement architectural du canton du 4 octobre 1978 joint - comportait des boxes pour animaux, dont l’utilisation impliquait que ceux-ci puissent disposer d’un espace extérieur leur fournissant une liberté de mouvement au sens de l’art. 6 al. 1 de la loi fédérale sur la protection des animaux (LPA - RS 455). Les clôtures litigieuses devaient donc être considérées comme des accessoires nécessaires du bâtiment autorisé et, partant, comme des éléments implicitement autorisés. Le remplacement des clôtures originelles en barbelés - dangereux pour les animaux - par des piquets en métal ne pouvait en outre être sanctionné.

En tout état, si, par impossible, l’illicéité de l’un des trois objets précités devait être retenue, son intérêt privé au maintien de ces constructions prévalait sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit.

Enfin, l’objet F (cabanon), de dimensions réduites et utile pour les occupants de l’habitation, était à priori postérieur à 1972, de sorte qu’elle s’en rapportait à justice en ce qui le concernait, tout en invoquant le principe de proportionnalité.

Plusieurs pièces étaient jointes, notamment :

-          deux plans non datés relatifs au bâtiment n° 4______ intitulés « Relevé de propriété » établis par un architecte, faisant notamment état du « plan du rez autorisation 205 m2 » et du « périmètre bâtiment construit 176 m2 » et

-          le permis d’occuper du 22 novembre 1974 du dossier 57’118 relatif à l’agrandissement d’un rural sis au chemin des C______.

8.             Dans ses observations du 13 décembre 2022 accompagnées des dossiers des causes I-6______ et DD 5______, le DT a conclu au rejet du recours sous suite de frais.

La décision attaquée sollicitait, à titre principal, le dépôt d’une demande d’autorisation de construire visant à tenter de régulariser la situation et, à titre subsidiaire uniquement, la remise en état. Eu égard à l’absence de dépôt d’une telle demande et au fait que les constructions litigieuses étaient situées hors zone à bâtir, ces constructions non autorisées, dont la recourante avait pu profiter durant plusieurs décennies et dont la démolition était le seul moyen de rétablir une situation conforme au droit, avaient été largement amorties, de sorte que l’ordre de remise en état était proportionné. Le principe de la bonne foi avait été respecté, aucune assurance n’ayant été donnée quant à la légalité de ces objets.

En précisant que le bâtiment n° 4______ avait une assiette d’implantation moins étendue que celle autorisée en 1974, la recourante admettait la non-conformité de celui-ci avec la DD 5______ et, partant, son illégalité.

Le cheminement nécessitait, même si son existence devait être antérieure à 1963, une autorisation antérieurement à la LAT, sur la base de l’art. 1 al. 1 let. e LCI dans ses versions des 25 mars 1961, 27 avril 1940 et 9 mars 1929, qui assujettissait expressément à autorisation le fait d’aménager une issue sur la voie publique. La DD 5______ ne portait pas sur la réalisation d’un cheminement et n’attestait pas de son existence, le tableau de mutation faisant d’ailleurs état d’un chemin vicinal plus direct.

Les clôtures, même à retenir qu’elles dataient de 1971, demeuraient assujetties à autorisation, conformément à la LCI dans sa version au 25 mars 1961, en vigueur en 1971. En outre, le remplacement de la clôture d’origine en barbelés par des piquets en métal privait cet ouvrage de tout éventuel droit acquis. L’examen de sa nécessité alléguée en lien avec la détention d’animaux, notamment sous l’angle d’une éventuelle dérogation au sens de l’art. 24e LAT, pourrait être envisagé dans le cadre de l’instruction d’une demande d’autorisation de construire.

L’absence d’autorisation relative au cabanon n’était pas contestée et toute tentative de régularisation serait vouée à l’échec. Cet objet étant non conforme à la zone, il devait être démoli.

9.             Par pli du 4 janvier 2023, la recourante a relevé, tout en sollicitant la prolongation de son délai pour répliquer, que tous les objets visés par l’ordre de suppression querellé dataient de plus de trente ans. Or, une motion visant à introduire expressément dans la législation la prescription trentenaire appliquée par les autorités judiciaires par le passé et remise en cause, pour la zone agricole, par le Tribunal fédéral en 2021, avait été validée par le Conseil national le 17 mars 2022 puis le Conseil des États le 6 décembre 2022. Dès lors, il convenait de suspendre la présente cause jusqu’à que l’introduction de ce délai dans la loi.

10.         Par réplique du 5 janvier 2023, la recourante a sollicité la suspension de la présente cause, pour les motifs exposés dans son courrier du 4 janvier 2023, et a proposé son audition, afin de démontrer l’existence de la clôture depuis 1971.

L’absence de demande de régularisation ne pouvait, à ce stade, lui être reprochée. Si elle avait laissé la décision de constat d’illicéité entrer en force, une demande de régularisation aurait eu très peu de chance d’aboutir. Le délai pour le dépôt d’une telle demande de régularisation commencerait à courir uniquement lorsque les questions de l’illicéité des constructions, respectivement de la pertinence d’un ordre immédiat de remise en état, auraient été tranchées. Le dépôt, parallèlement au présent recours, d’une demande d’autorisation de construire aurait abouti à la suspension de l’instruction de ladite demande jusqu’à droit jugé sur le recours, ce qui revenait à attendre l’issue de la présente procédure pour déposer, cas échéant, une requête de régularisation.

Le fait qu’elle n’avait pas exploité la totalité des possibilités offertes par la DD 5______ - dont la bonne utilisation avait été validée - et avait réduit l’assiette du bâtiment n° 4______ à 176 m2, ce qui n’était plus contesté par le DT, ne constituait pas une illégalité à corriger.

Quant au cheminement - dont le DT ne contestait pas qu’il soit antérieur à 1963, comme le démontrait d’ailleurs la photo aérienne SITG de 1963 jointe -, la jurisprudence fédérale de 2021 relative à l’absence de prescription trentenaire en zone agricole, même à s’y tenir sans prendre en compte la prochaine modification législative annoncée, se fondait expressément sur la date d’entrée en vigueur de la LAT et sur le principe de séparation des parties constructibles et non constructibles du territoire instauré par cette loi, pour en conclure, s’agissant des constructions antérieures à 1972, que le principe de séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire s’effaçait. Pour le surplus, comme exposé précédemment, il était impossible d’affirmer que le cheminement existant et connu depuis plus de cinquante ans n’avait pas été toléré en connaissance de cause, sauf à violer le principe de la bonne foi.

Les photographies - jointes - prises « à l’époque », respectivement actuellement, attestaient de l’existence de clôtures depuis 1971 et de la similitude des deux versions, la version actuelle étant même davantage discrète. Le raisonnement exposé supra en lien avec la jurisprudence du Tribunal fédéral de 2021 s’appliquait également à cette clôture, de sorte que l’argument du DT selon lequel le principe des autorisations de construire existait déjà en 1971 tombait à faux. En outre, le DT avait admis que la nécessité de clôtures pour détenir des animaux pourrait relever d’une éventuelle dérogation selon l’art 24e LAT, qui nécessiterait l’instruction d’une requête en autorisation de construire. Dès lors qu’une telle requête pourrait être déposée à l’issue de la présente procédure, la confirmation d’un ordre de démolition serait prématurée.

Enfin, le cabanon avait été supprimé, de sorte qu’il ne faisait plus l’objet du litige.

11.         Dans le délai octroyé, la recourante a sollicité, par complément à sa réplique du 24 janvier 2023, l’audition de Messieurs D______ et E______ et de Madame F______, qui avaient suivi l’évolution du site depuis les années cinquante.

Son père avait acquis la parcelle concernée en 1947 et avait créé, dès le milieu des années 50, le cheminement et la clôture litigieux afin d’y faire paître des génisses. En « 1971 », elle s’était installée dans la maison avec son époux. Possédant un cheval, elle avait immédiatement remplacé les barbelés de la clôture préexistante par un grillage moins dangereux et n’avait, depuis lors, pas modifié l’implantation de cette clôture.

12.         Par duplique du 16 février 2023, le DT a précisé que la suspension de la présente cause jusqu’à modification éventuelle du droit fédéral ne se justifiait pas. Il examinerait, au stade de l’exécution de la décision litigieuse, si une évolution, en cours ou en force, du droit fédéral justifierait de surseoir provisoirement ou de renoncer définitivement à exiger la remise en état. Il s’est également opposé à l’audition de témoins.

En cas de dépôt d’une requête d’autorisation de construire, la procédure de recours pouvait éventuellement être suspendue durant l’instruction de la requête précitée, et non l’inverse. Toutefois, en l’absence de tentative de régularisation, il ne pouvait lui être reproché d’ordonner la remise en état des objets litigieux.

Il était nécessaire de déposer une autorisation de construire afin de vérifier si le bâtiment n° 4______ était autorisable tel que réalisé. Quant au cheminement, il était faux de prétendre que la parcelle concernée se trouvait en zone à bâtir avant 1972 puisque la séparation entre zone à bâtir et zone agricole (alors dénommée zone 5B) était intervenue, dans le canton de Genève, le 19 décembre 1952, soit antérieurement à la réalisation des différentes constructions litigieuses.

Enfin, les photographies produites par la recourante démontraient que la clôture d’origine avait été remplacée, en l’absence d’autorisations de démolir et de construire, par une clôture de piquets métalliques. Pour le surplus, la nature de la clôture envisageable dépendait des animaux détenus et l’examen du respect des conditions y relatives nécessitait une instruction dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire, comme précédemment exposé.

13.         Par écriture spontanée du 6 mars 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions et dans sa requête d’audition de témoins.

En substance, elle a confirmé que seule l’issue de la présente procédure permettrait de déterminer quels aménagements pouvaient être maintenus sans demande additionnelle (par l’effet de droits acquis), lesquels devraient faire l’objet d’une requête en autorisation (au vu de leur « potentielle compatibilité » avec la LAT) et lesquels devraient « théoriquement être éliminés » faute de conditions ou de procédures permettant leur maintien. Le permis d’habiter de 1974 avait validé de jure la différence d’implantation et de surface autorisée et il ne se justifiait pas de revenir sur ce droit acquis. Il n’avait pas été démontré que le cheminement n’existait pas en 1952 déjà, son père ayant acquis la propriété dans les années quarante. Enfin, il convenait, à l’issue de la présente procédure si nécessaire, de l’inviter à déposer une demande d’autorisation de construire ou de renvoyer le dossier au DT s’agissant de la clôture.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu'il parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1).

Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1).

4.             Sont en l'espèce sollicitées l’audition de trois témoins ainsi que celle de la recourante. Or, il n'existe pas un droit à l'accomplissement de tels actes d'instruction et ceux-ci n'apparaissent pas nécessaires, le dossier contenant les éléments utiles permettant au tribunal de statuer sur le recours en connaissance de cause. La recourante a par ailleurs eu la possibilité de s’exprimer et de faire valoir l’ensemble de ses arguments dans le cadre de la présente procédure, par le biais de son recours, de sa réplique puis d’une écriture spontanée. Il ne sera dès lors pas procédé aux auditions requises.

5.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

6.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; ATF 140 III 86 consid. 2 ; ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1).

7.             Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3).

Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

8.             La recourante a notamment conclu, dans le cadre de son recours, à l’annulation de la « décision » d’ouverture de la procédure d’infraction I-6______ incluse, selon elle, dans la décision attaquée.

9.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a).

10.         En l'espèce, le litige se limite à la contestation de la décision du 9 septembre 2022. Or, par le biais de celle-ci, le DT, retenant que certains des ouvrages présents sur la parcelle de la recourante étaient soumis à autorisation de construire, a ordonné à cette dernière de déposer une telle requête et l’a invitée, si elle ne souhaitait pas procéder ainsi, à effectuer une remise en état des lieux. Ce département a également informé la recourante que la situation constatée constituait une infraction à la LCI, de sorte qu’une procédure d’infraction visant à faire rétablir une situation conforme au droit avait déjà été ouverte. Partant, force est de constater que la décision attaquée ne constitue pas, respectivement ne contient pas, une quelconque « décision » d’ouverture de la procédure d’infraction I-6______. La décision attaquée se contente en effet d’informer la recourante de l’ouverture d’une telle procédure d’infraction, à l’issue de laquelle une décision relative à d’éventuelles sanctions administratives, en l’état réservées, sera, cas échéant, rendue et contre laquelle la recourante pourra alors exercer ses droits. Par conséquent, il ne sera pas entré en matière sur la conclusion y relative, qui ne fait pas l’objet du litige.

11.         La recourante se prévaut également du fait que le cabanon (objet F) ne ferait plus l’objet du litige, au motif qu’il aurait été supprimé durant la présente procédure, étant précisé qu’elle s’en rapporte à justice sur cette question dans le cadre de son recours. Toutefois, faute pour cette dernière, assistée d’un conseil, d’avoir prouvé ses dires, notamment au moyen de photographies, il ne peut être retenu que cet ouvrage ne fait plus l’objet du litige, ce d’autant que le DT n’a pas indiqué renoncer à ses conclusions relatives à cet ouvrage. De ce fait, il appartiendra à la recourante de démontrer au DT que ce cabanon ne se trouve désormais effectivement plus sur son terrain et que l’emplacement qui accueillait celui-ci a été remis en état, comme la décision attaquée l’invite d’ailleurs à le faire, une fois que celle-ci sera entrée en force. Par conséquent, la décision querellée sera confirmée s’agissant de ce cabanon.

12.         Quant aux bâtiment n° 4______, au cheminement et aux clôtures, qui font également l’objet de la décision attaquée, la recourante conteste qu’ils soient sujets à autorisation.

13.         Eu égard au contenu de la décision attaquée, il convient de délimiter le champ des questions juridiques que le tribunal examinera s’agissant de ces trois objets.

La décision attaquée retient que la réalisation de ceux-ci était soumise à autorisation de construire en application de la LCI et, qu’en l’absence d’une telle autorisation, ces trois ouvrages constituent une infraction à cette loi. Eu égard à ce constat, cette décision ordonne, à titre principal, le dépôt d’une demande d’autorisation de construire, laquelle donnera lieu à une décision d’octroi ou de refus y relative. La décision attaquée invite également la recourante, à titre subsidiaire si elle devait ne pas souhaiter déposer de demande d’autorisation de construire, à procéder à la mise en conformité des lieux. Ainsi, la décision attaquée laisse à la recourante le choix de tenter de régulariser les objets concernés et ne lui ordonne pas d’emblée d’en entreprendre la démolition. Par conséquent, une éventuelle remise en état dépendra du souhait de la recourante de se conformer à l’ordre de dépôt précité mais également de l’issue de la procédure d’instruction d’une éventuelle demande d’autorisation de construire, qui pourrait aboutir à la régularisation des objets concernés sans qu’aucune remise en état ne soit nécessaire. Il sera d’ailleurs relevé à ce titre que l’allégation de la recourante selon laquelle un tel dépôt serait prématuré, voire inutile, dès lors que le DT se contenterait de reprendre dans ce cadre l’argumentation formulée dans la décision querellée, ne saurait être suivie. En effet, le dépôt d’une demande d’autorisation de construire permettra précisément une instruction complète de la situation des objets visés, notamment la consultation des instances de préavis spécialisées concernées, ce qui n’a nullement été fait dans le cadre de la décision attaquée, qui se contente de retenir une infraction à la loi en tant que les objets concernés sont soumis à autorisation et d’ordonner, précisément pour qu’il puisse être procédé à l’examen complet précité, le dépôt d’une telle autorisation de construire sur le fond. Par conséquent, le tribunal examinera dans le présent jugement si les objets B, E et G ont été réalisés sans droit, avec pour conséquence que l’ordre de dépôt d’une autorisation de construire prononcé dans la décision attaquée se justifiait. Il ne se prononcera toutefois pas sur la question du bien fondé d’un ordre de remise en état, une telle mesure demeurant à ce stade, comme vu supra, hypothétique. Dès lors, les arguments de la recourante qui se rapportent à la proportionnalité et au bien-fondé d’une éventuelle mesure de remise en état - soit notamment les coûts y relatifs, l’absence de volonté de sa part de mettre l’autorité devant le fait accompli ou encore le fait que son intérêt privé au maintien des objets concernés prévaudrait sur l’intérêt public à leur suppression - prématurés à ce stade, ne seront pas examinés, sauf à priver la recourante d’un double degré de juridiction auquel cette dernière a droit.

14.         Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Cst. exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d).

15.         S’agissant du bâtiment n° 4______ (objet B), il ressort des éléments au dossier, notamment de la comparaison entre le plan du rez-de-chaussée visé ne varietur le 5 janvier 1970 dans le cadre de la DD 5______ et le plan d’architecte de relevé de propriété de ce même rez-de-chaussée produit par la recourante en annexe de son recours, que les travaux effectués en 1970 au rez-de-chaussée de ce bâtiment diffèrent de ceux autorisés par l’autorisation de construire précitée. Tant la recourante que le DT ne contestent pas cette divergence. La question de savoir si la surface au sol du bâtiment réalisé est inférieure ou supérieure à celle autorisée souffrira en l’état de demeurer ouverte. En effet, rien ne laisse à penser qu’une modification de l’implantation du bâtiment aurait été réalisée après 1970, ce que le DT, qui supporte le fardeau de la preuve, ne démontre d’ailleurs pas, ni même ne prétend. Or, la réalisation de cette construction a fait l’objet d’un permis d’occuper, délivré par le DT le 22 novembre 1974 dans le cadre de la DD 5______. Par conséquent, force est de constater que le DT a, en 1974, admis la légalité du bâtiment n° 4______ à l’issue de l’instruction de la DD 5______, nonobstant la légère divergence de dimensions du bâti.

Dès lors, ordonner aujourd’hui à la recourante de déposer une demande d’autorisation de construire s’agissant de ce bâtiment apparaît contraire au principe de la bonne foi. Partant, c’est à tort que l’autorité intimée a retenu dans la décision attaquée que l’objet B avait été construit illicitement et nécessitait le dépôt d’une autorisation de construire. Le recours sera donc admis sur ce point.

16.         Conformément à l'art. 129 let. e LCI, le DT peut notamment ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition.

Ces mesures peuvent être prises lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

L'art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d'appréciation à l'autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l'égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l'arrêt cité , ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b).

17.         Lorsqu'il constate qu’une construction a été érigée sans droit, le département peut inviter l’intéressé à déposer une autorisation de construire, ce qui peut constituer une alternative à une remise en état (ATA/1548/2017 du 28 novembre 2017 consid. 4a).

18.         Conformément à l'art. 22 al. 1 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente.

L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT).

Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

19.         Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a); modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b) ; modifier la configuration du terrain (let. d) ; aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voir publique (let. e).

20.         Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (ATF 147 II 309 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole, ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1 et les arrêts cités ; 1C_76/2019 du 28 février 2020 consid. 7.1 et les références citées). A cet égard, l'absence de vocation agricole et la proximité d'habitations ne sont pas déterminantes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_164/2007 du 13 septembre 2007 consid. 4.3 ; ATA/290/2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/1190/2015 du 3 novembre 2015 consid. 4b).

Dans son arrêt 1C_469/2019 du 28 avril 2021, désormais publié (ATF 147 II 309), le Tribunal fédéral a précisé qu'à l'inverse de ce qui prévaut pour les zones à bâtir, l'obligation de rétablir un état conforme au droit ne s'éteint pas après trente ans, s'agissant de bâtiments et installations érigés illégalement en dehors de la zone à bâtir (cf. consid. 4 et 5 ; cf. aussi not. arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.4). En particulier, s'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d'aménagement du territoire de la séparation du territoire bâti et non bâti, ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps (cf. consid. 5.5 et 5.6 ; cf. aussi not. arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.4), étant rappelé qu'en principe, une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et à toutes les affaires pendantes au moment où elle est adoptée ou futures (ATF 142 V 551 consid. 4.1 ; 135 II 78 consid. 3.2 ; 132 II 153 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.5 ; 2C_199/2017 du 12 juin 2018 consid. 3.5).

21.         Aux termes de l'art. 24c al. 1 LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l'affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise.

Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement. La date déterminante est en principe celle du 1er juillet 1972, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, qui a introduit le principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (ATF 129 II 396 consid. 4.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.1 et les références citées). L’art. 41 al. 1 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) précise qu’il s’agit de constructions et installations « érigées ou transformées légalement avant l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral ». Les possibilités offertes par l'art. 24c LAT ne peuvent être utilisées qu'une seule fois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.5). La garantie de la situation acquise de l'art. 24c LAT profite ainsi aux constructions érigées ou transformées de manière conforme au droit matériel alors en vigueur et elle ne saurait s'appliquer aux constructions et installations transformées ou érigées illégalement, même si le rétablissement de l'état conforme au droit n'a pas pu être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de péremption (Bernhard WALDMANN/Peter HÄNNI; Raumplanungsgesetz, 2006, n. 4 ad art. 24c LAT; Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 598 p. 280 et les références) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_502/2008 du 10 juin 2009 consid. 2.1). La non-conformité doit résulter d'une modification de la situation juridique (cf. Rudolf MUGGLI, Commentaire LAT, 2010, n. 11 ad art. 24c LAT) (arrêt du Tribunal fédéral 1C_249/2017 du 14 novembre 2017 consid. 5.1).

22.         En l'espèce, l'art. 24c LAT et la jurisprudence rendue en application de cette disposition légale n'apparaissent pas déterminants.

En effet, s’agissant du cheminement (objet E), le DT a retenu que celui-ci avait été réalisé, eu égard aux photographies aériennes du SITG, entre 1932 et 1963. La recourante a quant à elle indiqué, dans son complément à la réplique du 24 février 2023, que cet ouvrage avait été créé par son père au milieu des années 1950, après qu’il ait acheté en 1947 la parcelle concernée.

Quant à la clôture (objet G), il ressort des déclarations de la recourante durant la présente procédure que cet ouvrage, dans sa version actuelle s’agissant notamment des matériaux utilisés, date de 1971, le DT n’étant, pour sa part, pas en mesure de dater cet élément. À ce titre, il sera relevé que la recourante ne peut se prévaloir de la présence d’une clôture avant 1971 pour en déduire l’existence d’un droit acquis en faveur de la clôture actuelle. En effet, il ressort de ses propres déclarations et des photographies versées au dossier par ses soins que la clôture antérieure, qui comprenait des barbelés, a été remplacée en 1971 par une clôture composée de matériaux plus discrets et sans danger pour les animaux. Par conséquent, eu égard à cette modification de l’ouvrage concerné, il y a lieu de retenir qu’il date de 1971.

Par conséquent, force est de constater que les deux objets litigieux E et G sont, comme les parties ne le contestent pas, antérieurs au 1er juillet 1972. Partant, comme relevé à juste titre par le DT, la question de leur licéité ne se pose donc qu'au regard des normes cantonales en vigueur au moment où ils ont été érigés, étant rappelé que l’art. 22 al. 3 LAT réserve expressément la possibilité pour les autorités cantonales de poser d’autres conditions à l’obtention d’une autorisation de construire.

S’agissant de l’argument de la recourante selon lequel il conviendrait de prendre en compte, dans le présent cas, une motion, désormais validée par les deux chambres de l’Assemblée fédérale, visant à introduire dans la législation la prescription trentenaire appliquée par les autorités judiciaires puis remise en cause, pour la zone agricole par la jurisprudence fédérale du 28 avril 2021 citée ci-dessus, le tribunal ne peut que constater que l’application anticipée d’un projet de modification législative qui n’est pas encore entrée en force contreviendrait au principe de la sécurité du droit et de l’égalité de traitement entre les différents cas traités. Dans le même sens, la suspension de la présente procédure requise par la recourante jusqu’à l’entrée en vigueur de la modification législative précitée, à laquelle le DT s’est opposé, ne se justifie nullement, sauf à retarder inutilement le prononcé d’un jugement dans la présente cause, qui peut être tranchée en l’état. Par conséquent, la demande de suspension est rejetée.

Enfin, il sera donné acte au DT que ce dernier, selon les explications figurant dans sa duplique, examinera en tout état, au stade de l’exécution de la décision litigieuse cas échéant, la question de savoir si une évolution, en cours ou en force, du droit fédéral, justifierait de surseoir provisoirement ou de renoncer définitivement à exiger une éventuelle remise en état. Partant, conformément à la jurisprudence fédérale actuellement applicable, aucune prescription trentenaire ne saurait être valablement alléguée s’agissant du cheminement et de la clôture litigieux.

C'est ainsi sous l'angle des normes du droit de la construction applicables dans le canton de Genève à l'époque de l'édification de ces deux objets que le bien-fondé de la décision attaquée doit être examiné.

23.         À teneur de l’art. 1 al. 1 de l’ancienne LCI du 25 mars 1961 (ROLG 1961 pp. 217 ss) intitulé « Objets soumis à autorisation », sur tout le territoire du canton, nul ne peut sans y avoir été autorisé : élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; [ ] ; aménager une issue sur la voie publique (let. e).

24.         L’art. 1 al. 1 de l’ancienne LCI dans sa version du 27 avril 1940 (ROLG 1940 pp. 89 ss) également intitulé « Objets soumis à autorisation », prévoit que, sur tout le territoire du canton, nul ne peut sans avoir adressé une requête au département compétent et avoir obtenu de celui-ci une autorisation : élever une construction (bâtiment locatif ou industriel, villa, rural, garage, hangar, poulailler, etc.) (let. a) ; modifier tant en hauteur qu’en surface un immeuble, en changer, même partiellement, la distribution ou la destination ou apporter des modifications à l’architecture extérieure et à la couleur des façades (let. b) ; élever ou modifier des clôtures, murs et portails (let. c) ; procéder à des fouilles en pleine masse ou à des apports de terre qui modifient la configuration d’une parcelle ou d’un terrain (let. d) ; dans les quatre premières zones, démolir tout ou partie d’un immeuble (let. e).

25.         En l’espèce, s’agissant tout d’abord de la clôture, dont il convient de retenir qu’elle a été réalisée, dans sa version actuelle, en 1971, conformément à l’art. 1 al. 1 LCI dans sa version du 25 mars 1961 applicable en 1971, cet ouvrage, qui constituait une construction au sens de la disposition légale précitée, était donc soumis à autorisation de construire. Pour le surplus, conformément au développement exposé ci-dessus, cette construction, sise en zone agricole, ne peut bénéficier de la prescription trentenaire. En outre, la nécessité, alléguée par le recourante, de la présence de cette clôture afin de respecter la législation sur la protection des animaux en lien avec des animaux détenus dans un bâtiment autorisé, constituerait un argument en vue de la délivrance d’une autorisation de construire mais ne saurait nullement justifier l’absence d’une telle autorisation. Aussi, c’est à juste titre que l’autorité intimée a retenu que l’absence d’autorisation de construire s’agissant de cet ouvrage, constituait une infraction à la LCI et, partant, qu’elle a requis le dépôt d’une autorisation de construire y relative. En outre, il sera relevé que l’instruction d’une demande d’autorisation de construire permettra au DT et aux instances spécialisées d’examiner le bien-fondé des arguments avancés par la recourante en faveur du maintien de cette installation, notamment au regard du respect de la législation sur la protection des animaux, argument irrelevant in casu, comme vu supra. Enfin, le tribunal constate que la recourante a elle-même précisé, dans sa dernière écriture spontanée du 6 mars 2023, qu’il conviendrait, si nécessaire, à l’issue de la présente procédure, de l’inviter à déposer une demande d’autorisation de construire ou de renvoyer le dossier au DT s’agissant de cette clôture. Or, une telle invitation de la part du tribunal n’apparaît pas nécessaire, dès lors que la décision attaquée ordonne précisément à la recourante de déposer une telle demande.

Quant au cheminement, le DT a retenu, sur la base des photographies aériennes SITG, que la période de sa réalisation s’étendait entre 1932 et 1963. La recourante a déclaré, dans son complément à la réplique du 24 janvier 2023, que ce cheminement avait été créé par son père dans le milieu des années 50. Elle a enfin précisé, dans sa dernière écriture spontanée du 6 mars 2023, qu’il n’avait pas été démontré que ce cheminement n’existait pas en 1952 déjà. En tout état, dès lors que la recourante indique que ce chemin a été créé par son père après qu’il ait acheté la parcelle concernée en 1947, ladite création a eu lieu au plus tôt en 1947. Si l’art. 1 al. 1 LCI dans sa version du 25 mars 1961 prévoit que l’aménagement d’une issue sur la voie publique est soumis à autorisation, il en va différemment de cette disposition légale dans sa version au 27 avril 1940, qui ne prévoit pas la soumission d’un tel ouvrage à autorisation de construire. Or, le DT, qui supporte le fardeau de la preuve, n’a pas été en mesure de démontrer in casu, en raison, selon ses explications, des photographies historiques disponibles, que le cheminement litigieux avait été créé après l’entrée en vigueur de la LCI dans sa version du 25 mars 1961. Par conséquent, c’est à tort que l’autorité intimée a retenu que l’absence d’autorisation de construire s’agissant de cet ouvrage constituait une infraction à la LCI. Ainsi, l’ordre de dépôt d’une autorisation de construire y relative apparaît infondé.

Au vu de ces éléments, il convient de retenir que la clôture (objet G) était soumise à autorisation. Partant, sa réalisation sans autorisation est effectivement contraire à la loi. Dès lors, le DT n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en ordonnant le dépôt d’une demande en autorisation de construire définitive la concernant. Sa décision, s’agissant de cet objet, ne prête dès lors pas le flanc à la critique. Il en va de même quant au cabanon (objet F), pour les motifs exposés supra.

26.         En conclusion, compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision attaquée sera annulée en ce qu’elle concerne le bâtiment n° 4______ (objet B) et le cheminement (objet E). Cette décision sera confirmée pour le surplus, s’agissant du cabanon (objet F) et des clôtures (objet G).

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe pour l’essentiel, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

28.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 octobre 2022 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du 9 septembre 2022 ;

2.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

3.             annule la décision attaquée en ce qu’elle ordonne le dépôt d’une demande d’autorisation de construire s’agissant de l’objet B (bâtiment n° 4______) et de l’objet E (cheminement) et la confirme pour le surplus ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 800.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             condamne l'État de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser à la recourante une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Julien PACOT et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties

 

Genève, le

 

La greffière