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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4015/2022

JTAPI/418/2023 du 18.04.2023 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/891/2023

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;DÉCISION DE RENVOI
Normes : LEI.30.ala.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4015/2022

JTAPI/418/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 avril 2023

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1982, est originaire d’Equateur.

2.             Le 13 août 2016, elle a été entendue par le Corps des gardes-frontière à Genève : elle a notamment indiqué être en Suisse depuis décembre 2015 et ne pas être titulaire d’une autorisation de séjour. Elle travaillait dans l’économie domestique.

3.             Par décision du 6 septembre 2016, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de Mme A______. Un délai au 26 octobre 2016 lui était imparti pour quitter le territoire.

4.             Le 30 septembre 2016, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse à l’encontre de Mme A______ pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 29 septembre 2019.

5.             Mme A______ a quitté la Suisse le 15 octobre 2016.

6.             Le 17 juin 2022, Mme A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande de permis de séjour pour cas de rigueur. Elle a joint divers documents.

Elle avait eu l’opportunité de travailler à Genève et s’y était installée depuis plusieurs années. Elle avait exercé ces dernières années divers emplois rémunérés et travaillait comme employée de maison à plein temps pour un salaire mensuel brut minimum de CHF 4'537.65 ; elle vivait actuellement chez des amis. Elle pouvait subvenir à son entretien sans dépendre de l’aide sociale. Son casier judiciaire était vierge et elle s’était toujours conformée aux règles suisses. Elle était intégrée, et parlait et comprenait le français.

Toutes ses attaches étaient en Suisse et elle ne souhaitait pas retourner en Equateur où la situation politique rendait le pays instable.

7.             Le 15 juillet 2022, l’OCPM l’a informée de son intention de refuser d’accéder à sa requête et de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM, et donc de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de 30 jours lui était accordé pour lui faire part de ses observations et objections éventuelles.

8.             Dans le délai prolongé par l’OCPM, Mme A______ a transmis ses observations le 15 septembre 2022, accompagnées d’un chargé de pièces.

Elle était venue s’installer en Suisse dans le courant de l’année 2013 afin de subvenir aux besoins de sa famille, avec la ferme intention de s’y installer. Elle travaillait à 100% depuis le 1er juin 2022 en qualité d’employée de maison. Elle était parfaitement intégrée, avait un logement stable et un large réseau social.

Son séjour en Suisse était de quasiment 10 ans, étant momentanément repartie en 2016 suite à la décision de renvoi. Elle avait été forcée de quitter l’Equateur en raison de difficultés personnelles et financières et ne pouvait envisager d’y retourner, n’y ayant plus d’attaches et lui étant devenu totalement étranger. Ses deux parents, malades, y vivaient dans la précarité et il était indispensable qu’elle puisse leur envoyer de l’argent.

9.             Par décision du 21 octobre 2022, l’OCPM a refusé de soumettre le dossier de Mme A______ au SEM avec un préavis favorable et a prononcé son renvoi de Suisse.

Elle ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Elle n’avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse, ayant déclaré au service des douanes séjourner en Suisse depuis 2015 et ayant remis une carte d’annonce de sortie le 15 octobre 2016 et n’ayant pas indiqué à quelle date elle était revenue sur le territoire. Selon les pièces produites, sa présence sur le territoire suisse était prouvée dès le mois d’août 2013 mais elle ne pouvait se prévaloir d’un séjour continu de 10 ans en Suisse puisqu’elle avait quitté la Suisse suite à la décision de renvoi.

Son intégration socio-culturelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable. Elle n’avait pas respecté l’ordre juridique suisse puisqu’elle était revenue en Suisse alors qu’elle savait faire l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse. Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l’aide sociale, d’éviter de commettre des actes répréhensibles et de s’efforcer d’apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constituait un comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Elle n’avait par ailleurs pas prouvé son niveau de français.

Une réintégration dans son pays d’origine ne devrait pas avoir de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. La maladie de ses parents et les difficultés socio-économiques en Equateur n’étaient pas de nature à modifier sa position.

Enfin, elle n’invoquait et ni a fortiori démontrait l’existence d’obstacles à son retour dans son pays d’origine. Le dossier ne faisait pas apparaitre que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigé.

Un délai au 21 décembre 2022 lui était imparti pour quitter la Suisse.

10.         Par acte du 18 novembre 2022, Mme A______ (ci-après : la recourante) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant préalablement à ce qu’un délai lui soit accordé pour compléter son recours et accorder l’effet suspensif audit recours et, au fond à l’annulation de la décision, sous suite de frais et dépens.

Elle était issue d’une famille nombreuse et très pauvre, et ses deux parents étaient malades. Elle était venue en Suisse en 2013 avec la ferme intention de s’y installer. Elle avait toujours été financièrement autonome, avait un comportement irréprochable, et n’avait jamais contrevenu à l’ordre public. Elle avait quitté momentanément la Suisse en 2016 suite à la décision de renvoi mais cela avait mis la vie de ses parents en danger car elle avait eu une diminution nette de ses revenus. Elle avait vécu ce retour comme un exil, lequel l’avait plongée dans une grande détresse. Elle était alors revenue en Suisse et avait été engagée à plein temps en qualité d’employée de maison avec un salaire mensuel de CHF 4'537.65 ; elle était également nourrie et logée par son employeur. Elle pouvait aisément vivre en Suisse et subvenir aux besoins strictement nécessaires et médicaux de ses parents. Elle était parfaitement intégrée et son centre de vie et ses amis se trouvaient à Genève. En Equateur elle n’avait ni attaches ni perspectives, ayant effectué une rupture nette et franche avec ce pays ; un retour dans ce pays l’exposerait à un danger pour sa propre vie et reviendrait à condamner ses parents pour lesquels elle ne serait plus en mesure de subvenir à leurs besoins médicaux.

11.         L’OCPM s’est déterminé sur le recours le 17 janvier 2023, concluant à son rejet. Il a produit sons dossier.

L’intégration économique de la recourante était plutôt bonne mais ne revêtait pas un caractère exceptionnel et ne saurait emporter l’existence d’un cas de rigueur. Elle n’avait par ailleurs pas démontré son niveau de français et avait sciemment violé l’interdiction d’entrée sur le territoire qui lui avait été notifiée le 11 octobre 2016. La durée de séjour totale et abstraite en Suisse totalisait presque 9 ans, ce qui pouvait être considéré comme un séjour relativement long ; néanmoins, ce séjour avait été interrompu puisqu’elle était repartie dans son pays d’origine en 2016.

La situation en Equateur, certes autrement plus difficile que celle prévalant en Suisse, ne pouvait être retenue pour justifier une situation humanitaire.

La recourante n’avait enfin pas démontré l’existence de motifs qui s’opposeraient à l’exécution de son renvoi.

12.         La recourante a répliqué le 27 mars 2023, persistant intégralement dans ses conclusions. Elle a produit des pièces complémentaires, notamment une attestation de langue (niveau B1 à l’oral et A2 à l’écrit). Cette attestation prouvait son très bon niveau en français et démontrait son intégration en Suisse.

13.         L’OCPM a indiqué, le 5 avril 2023, ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

14.         Le détail des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante conteste l'appréciation de l'OCPM des critères de reconnaissance d'un cas individuel d'une extrême gravité.

6.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de l’Equateur.

7.             Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

Selon l'art. 58a al. 1 LEI, les critères d'intégration sont le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

8.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée. Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 et 5).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1).

9.             Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5048/2010 du 7 mai 2012). Le Tribunal fédéral a considéré que l'on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l'intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu'après la révocation de l'autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n'emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

10.         S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).

Le fait de travailler pour ne pas dépendre de l'aide sociale, d'éviter de commettre des actes répréhensibles et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu de domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s'agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant, à elles seules, de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée, susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur. L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/ 2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2).

Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créée des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3).

11.         En outre, lorsqu'une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l'âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Doivent être pris en compte dans le cadre de l'appréciation des possibilités de réintégration dans l'État de provenance : l'âge de la personne concernée lors de son entrée en Suisse, sa connaissance des us et coutumes et sa maîtrise de la langue de son pays de provenance, ses problèmes de santé éventuels, son réseau familial et social dans son pays de provenance ainsi que ses possibilités de scolarisation et de formation dans ce pays, sa situation professionnelle et ses possibilités de réintégration sur le marché du travail dans son pays de provenance ainsi que ses conditions d'habitation dans ce même pays (directives LEI, ch. 5.6.12.7).

12.         L'art. 60 al. 2 OASA précise que l'étranger est tenu de prouver qu'il possède des connaissances orales de la langue nationale parlée au lieu de domicile équivalant au moins au niveau A2 du cadre de référence et des compétences d'écritures du niveau A1 au minimum.

13.         Il sied par ailleurs de rappeler que dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). Sauf prescription particulière de la loi ou d'un traité international, l'étranger n'a donc en principe aucun droit à la délivrance et au renouvellement d'un permis de séjour pour cas de rigueur. L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA, dont elle est tenue de faire le meilleur exercice en respectant les droits procéduraux des parties.

14.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal doit constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que la recourante ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n’est à cet égard pas suffisant, sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

S’agissant de la durée de son séjour, malgré ses déclarations contradictoires, il peut être admis que la recourante est arrivée en Suisse en 2013. Elle a toutefois quitté le territoire suisse le 15 octobre 2016 suite à la décision de renvoi. Selon les pièces produites, elle serait revenue en 2017 – alors qu’elle avait fait l’objet d’une décision de renvoi et qu’une interdiction d’entrée en Suisse prononcée à son encontre était toujours valable. Elle ne peut dès lors se prévaloir d’une durée de séjour ininterrompue de 10 ans, comptabilisant une durée de séjour de 9 ans avec une interruption. De plus, bien que cette durée puisse être qualifiée de longue, elle doit être fortement relativisée dès lors qu’elle a été effectuée de manière illégale jusqu’au dépôt de sa demande d’autorisation en juin 2022, puis à la faveur d’une simple tolérance. Or, la recourante ne peut déduire des droits résultant d’un état de fait créé en violation de la loi. Elle ne peut en tout cas pas tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission.

Concernant son intégration professionnelle, la recourante indique avoir toujours travaillé dans le secteur de l’économie domestique et être, depuis le 1er juin 2022, au bénéfice d’un contrat de travail lui permettant de percevoir un salaire mensuel brut de CHF 4'537.65 sous déduction d’un montant journalier de CHF 33.-, étant nourrie et logée par son employeur ; ses différents postes de travail lui ont toujours garanti son indépendance financière. Bien que cette intégration économique puisse être considérée comme bonne, son intégration professionnelle dans sa globalité ne peut être qualifiée d’exceptionnelle et il n’apparaît pas non plus qu’elle aurait acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications spécifiques telles qu’elle ne pourrait les mettre en pratique dans son pays. Il ne peut pas davantage être retenu qu’elle a fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de son séjour en Suisse, conformément aux conditions posées par la jurisprudence citée ci-dessus.

Par ailleurs, si la recourante a certainement tissé des amitiés lors de son séjour en Suisse comme elle l'allègue, il ne résulte toutefois pas du dossier qu’elle se serait investie d’une autre manière dans la vie associative ou culturelle genevoise. Elle a toutefois acquis le niveau de français A2 à l’écrit et B1 à l’oral. Il convient de constater que la recourante n’a pas fait preuve d’une intégration sociale exceptionnelle par rapport à la moyenne des étrangers ayant passé un nombre d’années équivalent en Suisse. Au contraire, à l'instar de l'OCPM, le tribunal relève que le fait de ne pas se conformer à des décisions des autorités administratives de quitter le territoire et de ne plus y pénétrer constitue un non-respect de l'ordre juridique suisse. Par ailleurs, le fait de travailler en Suisse depuis de nombreuses années sans demander les autorisations administratives nécessaires ne démontre pas un comportement irréprochable attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. En outre, le fait de travailler pour ne pas dépendre de l’aide sociale, d’éviter de commettre des actes répréhensibles et de s’efforcer d’apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu du domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s’agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant à elles seules de retenir l’existence d’une intégration particulièrement marquée, susceptible de justifier la reconnaissance d’un cas de rigueur.

Pour le surplus, la recourante est venue s’établir en Suisse alors qu’elle était âgée de 31 ans, de sorte qu’elle a passé toute son enfance, toute son adolescence, période décisive pour la formation de la personnalité, mais aussi une partie de sa vie d’adulte en Equateur. En outre, tous les membres de sa famille y résident encore, notamment ses parents. Elle avait d'ailleurs motivé sa venue en Suisse et son souhait d'y demeurer pour y travailler afin de subvenir aux besoins de sa famille restée en Equateur, notamment ses parents, lesquels sont pauvres et ont besoin de soins médicaux. Elle est par ailleurs retournée en Equateur en 2016. Il n’est ainsi pas concevable que son pays d’origine lui soit devenu à ce point étranger qu’elle ne serait plus en mesure, après une période de réadaptation, d’y retrouver ses repères. S’agissant de sa réintégration dans son pays d’origine, prétendument impossible, compte tenu notamment des liens qu’elle a noués en Suisse, il convient de rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (cf. ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 ; 1C_269/2013 du 10 décembre 2013 consid. 4.1 et les références citées). Ainsi, la recourante ne pouvait ignorer, au vu de son statut précaire en Suisse, qu’elle pourrait à tout moment être amenée à devoir y mettre un terme en cas de refus de l’OCPM. Si la recourante se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation dans son pays d’origine, elle ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves pour elle que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire. Le réseau familial que la recourante a conservé en Equateur devrait être à même d’aider sa réintégration. De plus, les difficultés d’ordre général qu’elle pourrait y rencontrer, afin notamment de retrouver un emploi, ne sauraient constituer une situation rigoureuse au sens de la jurisprudence précitée.

Partant, ni l’âge de la recourante, ni la durée de son séjour sur le territoire helvétique, ni encore les inconvénients d’ordre socio-professionnel auxquels elle pourrait éventuellement se heurter dans son pays ne constituent des circonstances si singulières qu’il faudrait considérer qu’elle se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier l’octroi d’une exception aux mesures de limitation. Pour rappel, une telle exception n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que la recourante n’a pas établi.

Au vu de l'ensemble des circonstances, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation en rejetant la requête de la recourante.

Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

15.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

16.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

17.         L’exécution du renvoi n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse. Cette disposition vise notamment l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un traitement prohibé par les art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ou 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a), dispositions conventionnelles qui ont la même portée que les art. 10 al. 3 et 25 al. 3 Cst. (ATF 139 II 65 consid. 5.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1).

18.         En l'espèce, dès lors que l'autorisation de séjour sollicitée par la recourante lui a été refusée, l'OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI), la recourante ne démontrant nullement que l’exécution de son renvoi à destination de l’Equateur serait contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international.

19.         Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

21.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 18 novembre 2022 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 octobre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière