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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1250/2023

JTAPI/414/2023 du 17.04.2023 ( MC ) , REJETE

REJETE par ATA/460/2023

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER
Normes : LEI.80.al7; LEI.76a.al1; LEI.76a.al2.letg
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1250/2023 MC

JTAPI/414/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 avril 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Magali BUSER, avocate, avec élection de domicile

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, soi-disant né le ______ 2000, et prétendument originaire d'Algérie (alias A______, né le ______ 2005), (N 809 687), a été interpellé le 26 août 2022 au Quai des Bergues 33, 1201 Genève, en raison de la commission de plusieurs brigandages. Il a été mis à disposition du Tribunal des mineurs.

2.             L'expertise d'âge ayant révélé qu'il était majeur, le 24 septembre 2022, le Ministère public a ordonné son maintien en arrestation provisoire à la prison de Champ-Dollon.

3.             La consultation de la base de données centrale de l’Union européenne où sont collectées les empreintes digitales des personnes relevant de la législation sur l’asile "EURODAC" a permis de révéler que M. A______ avait déposé une demande d'asile en Allemagne le 2 janvier 2022.

4.             Le 17 février 2023, l’intéressé a été auditionné par la police internationale en vue de sa reprise en charge par un pays Dublin, en application de la réglementation du même nom.

5.             A cette occasion, le droit d’être entendu quant à la responsabilité de l'Allemagne de mener la procédure d’asile et de renvoi conformément au Règlement Dublin et en ce qui concerne la décision de renvoi au sens de l’art. 64a al. 1 loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) a été octroyé à M. A______.

6.             Le 16 mars 2023, le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) a soumis une requête aux fins de l’admission de M. A______ aux autorités allemandes, conformément à l’art. 18 al. 1 let. b du Règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Règlement Dublin III).

7.             Le 23 mars 2023, les autorités allemandes ont accepté l'admission de M. A______ sur leur territoire.

8.             Le même jour, le SEM a rendu à l'encontre de l'intéressé une décision de renvoi au sens de l'art. 64a al. 1 LEI.

9.             Par jugement du 24 mars 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a déclaré l'intéressé coupable notamment de vol au sens de l'art. 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 4 mois, sous déduction de 4 mois de détention avant jugement, l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 jours-amende, sous déduction de 30 jours-amende correspondant à 30 jours de détention avant jugement, et lui a alloué une indemnité de CHF 8'700.- pour la détention subie en trop. Simultanément ce tribunal a prononcé son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art. 66a bis CP) et a ordonné sa libération immédiate.

10.         Le même jour, l'intéressé a été remis en mains des services de police.

11.         Les démarches en vue de son refoulement en Allemagne, selon les modalités de transfert requises par l'Etat allemand, ont immédiatement été entreprises et une place sur un vol du 20 avril 2023 lui a été réservée.

12.         Le 24 mars 2023 toujours, à 17h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de six semaines sur la base de l’art. 76a al. 1, 2 let. h et 3 LEI.

13.         Par courriel du 12 avril 2023, l’OCPM a transmis au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), pour raison de compétence, une pétition signée par M. A______, aux termes de laquelle, ses cosignataires indiquaient : « Tous les prisonniers [soient] libéré[s] sans conditions sinon il y aura des dégâts, des suicides ».

14.         Le même jour, le commissaire de police a transmis le dossier de l’intéressé.

15.         Interpelé par le tribunal, le conseil de M. A______ a indiqué, par courriel du 13 avril 2023, que par la pétition précitée, ce dernier entendait demander sa mise en liberté.

16.         Par courrier du même jour, reçu le lendemain au greffe du tribunal, le conseil de M. A______ a sollicité que celui-ci examine la légalité et l'adéquation de sa mise en détention administrative et lève cette dernière.

Son client ne s'opposait pas à son refoulement vers l'Allemagne. Il était toutefois fatigué et estimait avoir subi suffisamment de restriction à sa liberté après avoir passé presque sept mois en détention. Il avait par ailleurs été choqué par l’incident dramatique survenu le 8 avril 2023 au sein de l'Établissement de Favra, à savoir le suicide d'un détenu. Après cet évènement, un autre détenu aurait tenté de se suicider en s'étranglant avec le câble électrique de la télévision, scène à laquelle il avait assisté. Il était intervenu pour retenir le câble afin de sauver ce détenu.

Ces évènements l’avaient traumatisé et profondément choqué et constituaient une raison de plus à sa demande de libération. Afin de garantir son renvoi vers l'Allemagne, il avait signé une déclaration, dans laquelle il assurait accepter de quitter le territoire suisse, et s'engageait à prendre le vol du 20 avril 2023 ou, si ce vol était annulé, à quitter le territoire suisse pour se rendre en Allemagne par ses propres moyens. Il existait par ailleurs une mesure moins incisive que la détention pour s'assurer qu’il quitte la Suisse le 20 avril 2023, une assignation à résidence étant possible, par exemple à l'abri PC de Richemont ou à Le Passage, Armée du Salut. Partant, force était de constater que les conditions légales pour sa mise en détention n’étaient plus réalisées. Il requérait donc sa libération immédiate et concluait également à ce qu'il soit constaté que sa détention était illégale et inadéquate,

17.         Entendu ce jour devant le tribunal, M. A______ a confirmé la teneur de ses demandes des 10 et 13 avril 2023. Il estimait avoir subi suffisamment de privation de liberté et avait par ailleurs été choqué par les événements du 8 avril 2023. C'était lui qui avait sauvé la personne d'origine marocaine, soit Monsieur B_____, qui avait fait une tentative de suicide. Il avait toujours cette scène devant les yeux. Il était malade et ne dormait plus. Il avait fait une demande afin de pouvoir consulter un psychologue. À ce jour, il n'avait pas reçu de réponse à sa demande. Il était toujours d'accord de retourner en Allemagne et prendrait place à bord du vol réservé pour lui le 20 avril prochain. Il n'avait toujours pas pu récupérer son argent. A part cela, tout était en ordre. Le 8 avril 2023, un médecin était venu à Favra suite aux événements survenus ce jour-là. Il avait discuté avec tous les contraints. Il n'avait pas eu d'entretien privé avec lui. Sur question de son conseil, le 8 avril 2023, il était entré dans la chambre de M. B______ et l'avait surpris debout sur une chaise avec le cable de la télévision enroulé autour du cou. Il avait le visage très rouge et il était sur le point de faire tomber la chaise. Il était intervenu au dernier moment. Les gardiens pourraient en témoigner. S'il devait être libéré, il irait à l'hôtel ou à l'Armée du salut. Comme cela, il pourrait dormir. À Favra, il restait éveillé la nuit et il dormait durant la journée. Il avait les moyens de se payer une chambre d'hôtel avec l'argent qu'il avait gagné à Favra.

Le conseil de M. A______ a indiqué que les démarches étaient en cours en vue de récupérer son argent. Elle a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, sa détention administrative étant inadéquate et disproportionnée. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu'une mesure moins incisive soit prononcée en lieu et place de la détention administrative, telle une assignation à résidence dans un lieu choisi par le tribunal.

La représentante du commissaire de police a conclu à ce que la légalité de la détention administrative de M. A______ prononcée le 24 mars 2023 pour une durée de six semaines soit constatée, ainsi qu'au rejet de la demande de mise en liberté, étant rappelé que l'intéressé faisait l'objet d'une expulsion pénale, que son vol aurait lieu le 20 avril prochain et qu'au vu des circonstances, la détention était la mesure qui apparaissait la plus proportionnée pour assurer son refoulement.

 

 

EN DROIT

1.             Le tribunal est compétent pour examiner d'office la légalité et l'adéquation de la détention administrative prononcée en application des art. 75 ss LEI ainsi que les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d et g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 80a al. 3 LEI, la légalité et l'adéquation de la détention ordonnée dans le cadre d'une procédure Dublin sont examinées, sur demande de la personne détenue, par une autorité judiciaire au terme d'une procédure écrite. Cet examen pouvant être demandé à tout moment.

La LaLEtr, qui n'a pas été mise en jour suite à l'adoption et l'entrée en vigueur des art. 76a et 80a LEI, ne définit pas la compétence et ne détermine pas la procédure applicable dans les cas de figure envisagés par ces dispositions. Il ne fait néanmoins pas de doute que la compétence du tribunal est donnée s'agissant des demandes formées par les personnes détenues sur la base de l'art. 76a LEI (cf. not. JTAPI/817/2021 du 20 août 2021 confirmé par ATA/903/2021 du 3 septembre 2021; JTAPI/1004/2020 du 19 novembre 2020 confirmé par ATA/1252/2020 du 8 décembre 2020 ; JTAPI/803/2019 du 6 septembre 2019).

3.             Selon l'art. 80a al. 4 LEI, l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

4.             En l'espèce, la demande de contrôle de la légalité et de l'adéquation de sa détention et de levée de celle-ci formée par M. A______ est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect des délais légaux.

5.             Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

6.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

7.             Selon l’art. 28 par. 2 du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride (règlement Dublin III), les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément audit règlement lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d’une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. À teneur du par. 3 du même article, le placement en rétention est d’une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu’à l’exécution du transfert au titre du présent règlement.

8.             À teneur de l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'État Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle lorsque les conditions suivantes sont remplies :

a. des éléments concrets font craindre que l'étranger concerné n'entende se soustraire au renvoi ;

b. la détention est proportionnée ;

c. d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace (art. 28 par. 2 du règlement [UE] n° 604/2013).

9.             Selon l'art. 76a al. 2 LEI encore, les éléments concrets suivants font craindre que l'étranger entende se soustraire à l'exécution du renvoi :

- il a été condamné pour crime (let. h).

10.         Les motifs énumérés, de manière exhaustive, à l'art. 76a al. 2 LEI correspondent en principe à ceux déjà retenus aux art. 75 et 76 LEI (Gregor CHATTON/ Laurent MERZ in Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, n° 2.5 ad art. 76a, p. 808).

11.         Selon l'art. 76a al. 3 let. c LEI, à compter du moment où la détention a été ordonnée, l'étranger peut être placé ou maintenu en détention pour une durée maximale de six semaines pour assurer l'exécution du renvoi entre la notification de la décision de renvoi ou d'expulsion ou après l'expiration de l'effet suspensif d'une éventuelle voie de droit saisie contre une décision de renvoi ou d'expulsion rendue en première instance et le transfert de l'étranger dans l'État Dublin responsable.

12.         Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit dans tous les cas respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 76a al. 1 let. b et c LEtr ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ATF 130 II 425 consid. 5.2).

13.         En l'espèce, M. A______, suite au consentement de l’Allemagne du 23 mars 2023 à son transfert, a fait l'objet d'une décision de renvoi à destination de ce pays fondée sur l'art. 64a al. 1 LEI prononcée le 23 mars 2023 par le SEM. Il fait également l’objet d'une mesure d'expulsion prononcée par le Tribunal de police le 24 mars 2023 en raison de sa condamnation notamment pour vol, soit un crime au sens de l'art. 10 al. 2 CP.

Le motif de sa détention administrative est donc fondé, de sorte que le principe de la légalité est respecté.

L'assurance du départ de Suisse de l'intéressé répond par ailleurs à un intérêt public certain et toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra être refoulé puisque, notamment, il ne dispose d'aucun lieu de résidence fixe en Suisse et qu’il a jusqu’ici démontré, par son comportement, qu’il était peu enclin à respecter l'ordre juridique suisse. Il sera en outre relevé que M. A______ ne saurait être remis sans autre en liberté pour quitter la Suisse. Chargée de procéder à l'exécution de son refoulement par l'OCPM, la police devra pouvoir s'assurer de l'effectivité de celui-ci (cf. not. art. 15f OERE). La détention respecte par conséquent le principe de la proportionnalité.

Enfin, la durée de la détention décidée par le commissaire de police (soit six semaines) respecte le cadre légal fixé par l'art. 76a al. 3 LEI et est adéquate pour assurer l'exécution du renvoi. Cette durée est au demeurant relative puisque si l'intéressé prend le vol prévu pour son renvoi en Allemagne le 20 avril prochain, sa détention prendra immédiatement fin à ce moment-là.

14.         M. A______ estime que sa détention doit être levée dès lors qu’il a subi suffisamment de restriction à sa liberté après avoir passé presque sept mois en détention. Il avait par ailleurs été choqué par l’incident dramatique survenu le 8 avril 2023 au sein de l'établissement de Favra, à savoir le suicide, respectivement la tentative de suicide de deux détenus administratifs. Il n’arrivait plus à dormir la nuit.

15.         La détention est levée dans les cas suivants (art. 80a al. 7 LEI) :

a. le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ;

b. la demande de levée de la détention est admise ;

c. la personne détenue doit subir une peine ou une mesure privative de liberté.

16.         Selon l'alinéa 8 de cette disposition, lorsqu’elle examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l’autorité judiciaire tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention.

17.         A teneur de l’art. 81 al. 2 LEI, la détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission. Si ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. La forme de la détention doit tenir compte des besoins des personnes à protéger, des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d’enfants (al. 3). En outre, les conditions de détention sont régies : a. pour les cas de renvois à destination d’un pays tiers: par les art. 16, al. 3, et 17 de la directive 2008/115/CE240; b. pour les cas liés à un transfert Dublin: par l’art. 28, al. 4, du règlement (UE) no 604/2013241 ( ) (al. 4).

18.         Si les conditions de détention ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 5.2).

19.         Selon l'art. 3 CEDH, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

20.         Cette disposition fait peser sur les autorités une obligation positive qui consiste à s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine et que les modalités d'exécution de la mesure en cause ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (ACEDH Enoaie c. Roumanie du 4 novembre 2014, req. n° 36513/12, § 46 ; Kuda c. Pologne [GC] du 26 octobre 2000, req. n° 30210/96, rec. 2000-XI, § 94).

21.         Le manque de soins médicaux appropriés, et, plus généralement, la détention d'une personne malade dans des conditions inadéquates, peuvent en principe constituer un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_504/2020 du 17 septembre 2020 consid. 3.1 et les ACEDH cités).

22.         A teneur de l’art. 1 du règlement de l'établissement de détention administrative de Favra du 1er novembre 2017 (RFavra - F 2 12.09), l'établissement de détention administrative de Favra (ci-après : l'établissement) est affecté exclusivement à l'exécution de la rétention et de la détention administrative des étrangers, telle que prévue par les art. 73 et 75 à 78 LEI (al. 1). L'établissement est reconnu par la Conférence romande des chefs de département compétents en matière de police des étrangers au sens de l'art. 30 al. 1 let. b CEDA (al. 2). Le régime de la détention est réglé aux art. 4 ss RFavra, l’art. 7 reprenant les principes fixés à l’art. 14 CEDA. L’assistance médicale, les activités et la communication au sein de l’établissement sont réglés aux art. 20 ss RFavra. L’accès aux soins y est en particulier garanti par le biais d’une unité médicale mobile (art. 20 al. 3 RFavra) et des transferts dans un établissement hospitalier pour raisons médicales sont possibles en cas de nécessité (al. 9). Des promenades et exercices physiques, visites ainsi qu’une assistance spirituelle et sociale sont notamment possibles (art. 33 ss RFavra).

23.         En l’espèce, les problèmes dont se plaint M. A______ ne sauraient conduire à sa mise en liberté. Tout d’abord, la difficulté à supporter l'enfermement, inhérente à l'exécution d'une mesure de privation de liberté telle que la détention administrative, ne saurait, en soi, justifier qu'il y soit mis fin. Quant aux évènements survenus le 8 avril 2023 au sein de l’établissement de Favra, qu’on ne peut que déplorer, si l’on peut comprendre que l’intéressé ait été choqué et traumatisé par ces derniers, il doit également être relevé que M. A______ peut bénéficier d’un soutien médical au sein de son lieu de détention administrative. En particulier, des somnifères pourront lui être prescrits pour ses problèmes de sommeil. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l'objectif de sa mise en détention administrative est de permettre l'exécution de son expulsion. En aucun cas, la décision litigieuse de le placer en détention, dans ces conditions, ne contrevient par elle-même au droit à la vie garanti par l’art. 2 § 1 CEDH et à l’interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants garantie par l’art. 3 CEDH
(cf. ATA/431/2019 du 11 avril 2019 consid. 4c.).

Dans ces conditions et dans les présentes circonstances, soit en particulier l’imminence de son renvoi et la nécessité pour les autorités suisses de s’assurer de son départ, l’intéressé ne saurait se prévaloir de la pénibilité de sa détention administrative, notamment sur le plan psychique, pour s’opposer à celle-ci et solliciter sa mise en liberté.

24.         Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée et il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative prononcé par le commissaire de police.

25.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocate et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 24 mars 2023 à 17h30 à l’encontre de Monsieur A______ pour la durée de six semaines, soit jusqu'au 4 mai 2023, inclus ;

2.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 10 avril 2023 par Monsieur A______ ;

3.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 4 mai 2023, inclus ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocate, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 17 avril 2023

 

La greffière