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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2737/2022

JTAPI/22/2023 du 12.01.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;ENFANT;ÉTUDIANT
Normes : OASA.31; LEI.30.al1.letb; CDE.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2737/2022

JTAPI/22/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 janvier 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom propre et en celui de son fils mineur B______

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______ (anciennement C______), née le ______ 1974, Messieurs D______ et B______, ses fils nés respectivement les ______ 1999 et ______ 2006, sont ressortissants du Brésil.

2.             Le 21 janvier 2019, Mme A______ et son fils D______ ont été auditionnés par les services de police en lien avec leur séjour en Suisse. A cette occasion, l’intéressée a notamment déclaré être arrivée sur le territoire en avril 2017.

3.             Le 21 mars 2019, Mme A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur en sa faveur et celle de ses fils, indiquant être arrivée en Suisse en juillet 2016, D______ en janvier 2017 et B______ en février 2019.

A l'appui de sa demande, étaient notamment joints la copie de son passeport, un certificat d'affiliation à l'assurance maladie pour B______, le certificat de décès du père de B______, diverses lettres de soutien de proches, une attestation d'inscription à des cours de français d’octobre 2016 à février 2017, un extrait du registre des poursuites mentionnant trois poursuites actives pour un montant total de CHF 4’826.-, une attestation de l'Hospice général ; un formulaire M rempli par son employeur, un formulaire OCIRT et la copie de son contrat de travail.

4.             Le 15 avril 2019, faisant suite à la demande d’autorisation de séjour en vue de mariage avec Monsieur Telmo José FRANCISCO, ressortissant portugais, déposée par l’intéressée, l’OCPM lui a réclamé divers informations et documents complémentaires.

5.             Aucune suite n'a été donnée à ce courrier.

6.             Par ordonnance pénale du 15 mai 2019, le Ministère public a condamné Mme A______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 20.-, pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

7.             Par courrier du 2 décembre 2021, l'OCPM a fait part à Mme A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d'autorisations, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir, par écrit, son droit d'être entendu. La demande relative à son fils D______ ferait l’objet d'une instruction séparée au vu de sa majorité.

Résidant en Suisse depuis 2016, la durée de son séjour sur le territoire helvétique n'était pas suffisante pour constituer un cas de rigueur et ne saurait être un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à sa requête. Son fils ainé était majeur et B______, bien que mineur, ne totalisait que 2 ans de présence en Suisse. De plus, elle n’avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, notamment en raison de ses dettes, pour lesquelles elle n’avait pas fourni de plan de désendettement, et faute de justifier avoir atteint le niveau minimal requis en français oral. Elle n’avait enfin pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place. Il n’en allait pas différemment pour B______, notamment sous l’angle de l’art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 2 novembre 1989 (CDE ; RS 0,107), vu la brève durée de son séjour en Suisse.

8.             Dans le délai prolongé au 31 janvier 2022, Mme A______ a notamment exposé travailler dans l’économie domestique depuis son arrivée en Suisse, qu’elle considérait comme son pays d’adoption. Elle s’était inscrite à des cours de français auprès de l’Université populaire et serait bientôt en mesure de passer le niveau A2. Elle était déterminée à régler ses dettes et avait déjà effectué des paiements directs auprès de l’office des poursuites. Son fils D______ avait été scolarisé dès son arrivée en 2017 et poursuivait ses études en vue d’obtenir un CFC d’employé de commerce. B______ était actuellement inscrit en classe d’insertion professionnelle. Tous deux ne se voyaient pas retourner au Brésil.

Elle a joint diverses pièces, dont des attestations de non-poursuite, de
non-assistance de l’hospice générale et d’inscription à des cours de français et le contrat d’apprentissage d’D______.

9.             Par décision du 28 juin 2022, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de Mme A______ et, par conséquent, de préaviser favorablement son dossier et celui de B______ auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM). Il a en outre prononcé leur renvoi de Suisse, tout en leur impartissant un délai au 28 septembre 2022 pour quitter le territoire helvétique et l'ensemble des territoires des Etats membres de l'union européenne ainsi que des Etats associés à Schengen.

Pour les mêmes motifs que ceux déjà développés dans son courrier d'intention du 2 décembre 2021, les intéressés ne remplissaient pas les critères relatifs à un cas d'extrême gravité. S’agissant de la prise en compte de l'intérêt des enfants, il convenait de retenir que B______, en Suisse depuis 3 ans et 4 mois, n’avait, à ce jour, pas entamé de formation certifiante, de sorte que sa réintégration dans le pays d’origine ne devrait pas lui poser de problèmes insurmontables. Enfin, l'exécution du renvoi paraissait possible, licite et raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 LEI.

10.         Par acte du 28 août 2022, Mme A______, agissant en son nom et en celui de son fils B______, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant principalement, sous suite de frais et dépens, à son annulation, à ce qu’il soit dit qu’ils remplissaient les critères pour l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur et à ce qu’il soit ordonné à l'autorité intimée de soumettre leur dossier avec un préavis favorable au SEM. A titre préalable, elle a conclu à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de suspendre toutes mesures d’exécution de leur renvoi.

En substance, contrainte de quitter le Brésil en raison de la situation économique catastrophique dans ce pays, elle était venue en Suisse afin d’y trouver un emploi lui permettant de subvenir aux besoins de ses enfants. Tous trois remplissaient les critères d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 ; OASA - RS 142.201) au vu notamment de la durée de leur séjour, de leur bonne intégration, de leur indépendance financière et de l'impossibilité de se réintégrer au Brésil. Concernant B______, en particulier, il était actuellement âgé de 16 ans et scolarisé en classe de préapprentissage. Son retour était impossible, considérant en particulier, son âge, sa bonne intégration, le décès de son père et le milieu extrêmement pauvre auquel il serait confronté au Brésil.

11.         Dans ses observations du 2 novembre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n'étant pas de nature à modifier sa position.

En particulier, la recourante ne totalisait pas dix ans de séjour ininterrompu en Suisse lors du dépôt de sa demande et son fils B______ y résidait depuis moins de cinq ans. Lorsqu'une famille demandait à être exemptée des mesures de limitation au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, la situation de chacun de ses membres devait être considérée en relation avec le contexte familial global, le sort de la famille formant en général un tout. S'agissant de la recourante, il ne ressortait pas du dossier que ses liens avec la Suisse seraient à ce point étroits qu'un retour dans son pays d'origine, où elle avait vécu toute son enfance et son adolescence, la placerait dans une situation personnelle d'extrême gravité. Quant à B______, son processus d'intégration en Suisse n'apparaissait pas encore avancé ni irréversible compte tenu de son âge actuel (16 ans) et de sa date d'arrivée en Suisse (2019). Ils n’avaient en outre pas démontré qu'en cas de retour au Brésil ils seraient exposés à des conditions socioéconomiques ou sanitaires autrement plus difficiles que celles auxquelles était confrontée la plupart de leurs compatriotes restés au pays.

Il attirait enfin l'attention du tribunal sur le fait qu'une décision analogue avait été rendue à l'endroit du fils majeur de la recourante, M. D______, laquelle faisait l’objet d’un recours enregistré sous le n° de cause A/1______.

12.         Dans sa réplique du 28 novembre 2022, la recourante, se référant à la CDE, a insisté sur la situation particulière de B______, rappelant sa bonne intégration et l’impossibilité de son renvoi.

13.         Invité à dupliqué, l’OCPM a informé le tribunal, le 6 décembre 2022, n’avoir pas d’observations complémentaires à formuler.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Brésil.

7.             Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

8.             Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI ; il est notamment possible de déroger aux conditions d’admission dans le but de tenir compte des cas individuels d’extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs (let. b). En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

9.             L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

10.         À teneur de l’art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l’intégration, l’autorité compétente tient compte des critères suivants ; le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

11.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (cf. ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

12.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

13.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid.4.6 et les références citées ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

La durée totale du séjour constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4145/2017 du 10 octobre 2018 consid. 5.1 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).

S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées).

14.         Lorsqu’il y a lieu d’examiner la situation d’une famille sous l’angle de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, la situation de chacun de ses membres ne doit pas être considérée isolément mais en relation avec le contexte familial global. Le sort de la famille formera en général un tout. Il serait en effet difficile d’admettre le cas d’extrême gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou pour les enfants.

Ainsi le problème des enfants est un aspect, certes important, de l’examen de la situation de la famille, mais ce n’est pas le seul critère. Il y a donc lieu de porter une appréciation d’ensemble, tenant compte de tous les membres de la famille. Quand un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou lorsqu’il y a juste commencé sa scolarité, il reste encore dans une large mesure rattaché à son pays d’origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socio-culturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour au pays d’origine constitue un déracinement complet (ATAF 2007/16 du 1er juin 2007 et les références citées ; cf. aussi arrêt du Tribunal administratif fédéral C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée ; ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d).

Sous l’angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107) (cf. ATF 135 I 153 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 ; cf. aussi arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; ATA/91/2022 du 1er février 2022 consid. 2d).

15.         Dans un arrêt de principe (ATF 123 II 125), le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n’a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d’accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu’il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l’exemption des mesures de limitation d’une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s’était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s’était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n’aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d’origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d’extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d’intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15 ans).

Dans le cas d’une famille avec deux enfants dont l’aîné était âgé de 13 ans, le Tribunal fédéral a estimé que l’âge de l’aîné et l’avancement relatif de son parcours scolaire étaient des éléments de nature à compliquer sa réintégration dans son pays d’origine mais qu’ils n’étaient pas suffisants, à eux seuls, pour faire obstacle au renvoi de la famille. Il était établi que l’enfant parlait parfaitement l’espagnol et qu’il n’avait pas encore terminé sa scolarité obligatoire ; la poursuite de celle-ci dans son pays d’origine devrait donc pouvoir se faire dans des conditions satisfaisantes. À cet égard, il a considéré que sa situation n’était pas comparable à celle d’un jeune qui aurait entrepris des études ou une formation professionnelle initiale en Suisse, par exemple un apprentissage, qu’il ne pourrait pas mener à terme dans son pays d’origine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 précité consid. 3.4). On ne saurait toutefois en déduire, sous peine de vider de son sens l’arrêt de principe cité ci-dessus, que seuls les mineurs ayant déjà terminé leur scolarité obligatoire et ayant entamé une formation professionnelle peuvent être reconnus comme se trouvant dans un cas d’extrême gravité. Ainsi, la chambre administrative de la Cour de justice a déjà admis l’existence d’un tel cas pour un jeune de 14 ans né à Genève, vivant seul avec sa mère et n’ayant pas encore terminé sa scolarité obligatoire (ATA/163/2013 du 12 mars 2013).

16.         Celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_33/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/543/2022 du 24 mai 2022 consid. 4c).

17.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

18.         En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que la recourante et son fils ne satisfaisaient pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant de nombreuses années n'est à cet égard pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

S’agissant tout d’abord de la durée du séjour de la recourante sur le territoire, il convient de relever que ses déclarations ont varié s’agissant de la date de son arrivée en Suisse, l’intéressé ayant indiqué à la police séjourner sur le sol helvétique depuis avril 2017, puis, à l’OCPM, depuis juillet 2016. En tout état, la durée de son séjour en Suisse, de 5 ou 6 ans, doit être relativisée, ce dernier s’étant déroulé dans l’illégalité puis, suite à sa demande d’autorisation en mars 2019, au bénéficie d’une simple tolérance. Quant à son fils B______, il ne réside en Suisse que depuis le mois de février 2019, soit depuis moins de 4 ans, une période qui ne peut à l’évidence être qualifié de longue. Dans ces circonstances, ces durées ne sauraient, à elles seules, justifier l’octroi d’autorisations de séjour en dérogation aux conditions d’admission.

Dans une telle situation, seule une intégration professionnelle et/ou socioculturelle exceptionnelle permet de retenir, dans de rares cas, que la personne concernée s’est créée une situation professionnelle si extraordinaire ou un enracinement socioculturel si profond que le fait de prononcer son renvoi de Suisse constituerait une mesure disproportionnée. À cet égard, le tribunal doit constater que le degré d’intégration de la recourante et de son fils ne sont pas remarquables. La recourante n’a, à ce jour, toujours pas justifié de ses connaissances en français et, si elle s’est intégrée professionnellement et socialement en Suisse, dans la mesure où elle dispose d’un emploi, d’un cercle d’amis, d’un logement et n’émarge pas à l’aide sociale, son intégration, qui peut être qualifiée de bonne, est toutefois loin de correspondre aux critères d’une intégration exceptionnelle, selon la définition qu’en a donné la jurisprudence. Elle n’a au surplus pas démontré avoir remboursé toutes ses dettes. En outre, la recourante, arrivée en Suisse à plus de 40 ans, a passé son enfance, son adolescence, période cruciale pour la formation de la personnalité, et la majeure partie de sa vie d’adulte dans son pays natal. Elle en maîtrise ainsi la langue et la culture et y a conservé des attaches, puisque ses parents, un frère et deux garçons y vivent. Enfin, la recourante, qui a fait l’objet d’une condamnation pénale pour des motifs de police des étrangers, n’a fait état, sur le plan social, d’aucun engagement particulier, notamment associatif, qui traduirait un profond enracinement dans la vie de la cité.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que sa réintégration au Brésil soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement. Dans ce cadre, elle pourra notamment mettre à profit les connaissances et l’expérience acquises durant son séjour en Suisse étant relevé qu’elle est encore jeune et en bonne santé. Si elle se heurtera sans doute à quelques difficultés de réadaptation, elle ne démontre pas que celles-ci seraient plus graves que pour n’importe lequel de ses concitoyens qui se trouverait dans une situation similaire, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que la recourante n’a pas établi. Enfin, il faut rappeler que celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de son statut précaire en Suisse, la recourante ne pouvait à aucun moment ignorer qu'elle risquait d'être renvoyée dans son pays d'origine.

Quant à B______, il est arrivé en Suisse il y a moins de quatre ans, au milieu de son adolescence, soit une période essentielle du développement, entraînant une intégration accrue dans un milieu déterminé. Un déplacement de son centre de vie pourrait ainsi constituer un véritable déracinement. Cela étant, dans le cas particulier et compte tenu notamment de la courte durée de son séjour en Suisse - même s'il a été effectué au cours de son adolescence - on ne peut retenir qu'un retour au Brésil, où il est né et où il a été scolarisé jusqu'à l'âge de 13 ans, représenterait une rigueur excessive. Son processus d'intégration n'est en effet pas encore à ce point profond et irréversible qu'un départ de Suisse ne puisse plus être envisagé. De plus, sans remettre en cause ses efforts d'intégration, il n'apparaît pas qu'il ait atteint un niveau scolaire particulièrement élevé. Après avoir fréquenté une classe d’accueil, il est désormais en classe de préapprentissage. Force est ainsi de constater qu’il n’a à ce jour pas encore entamé de formation certifiante. S’il s’est vraisemblablement créé un nouvel environnement de vie à Genève, il ne démontre pas avoir tissé avec la Suisse des attaches profondes et durables. Sa réintégration au Brésil, dont il parle la langue et connaît les us et coutumes, ne devrait ainsi pas lui poser de problèmes insurmontables. Outre les membres de sa famille vivant sur place, il s’y était manifestement également créé un réseau social. Il pourra en outre y mettre à profit le bagage scolaire qu’il a acquis en Suisse et y terminer son école obligatoire.

Compte tenu de ce qui précède, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en refusant l'autorisation de séjour en faveur de la recourante et de son fils B______.

19.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ;
C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a ; ATA/991/2020 du 6 octobre 2020 consid. 6b).

20.         Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution du renvoi n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

21.         En l’occurrence, dès lors qu’il a refusé de délivrer des autorisations de séjour à la recourante et à son fils, l’OCPM devait en soi ordonner leur renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI.

Rien ne permet au surplus de retenir que l'exécution dudit renvoi ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible au sens de l’art. 83 LEI.

La décision de l’OCPM apparait également conforme au droit sur ce point.

22.         Au vu de ce qui précède, mal fondé, le recours doit donc être rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-. il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

24.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

25.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 août 2022 par Madame A______, agissant en son nom propre et en celui de son fils mineur B______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 28 juin 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier