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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/71/2022

JTAPI/1445/2022 du 22.12.2022 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : REMISE EN L'ÉTAT;AMENDE;PROPORTIONNALITÉ;ZONE AGRICOLE
Normes : LCI.129.lete; LCI.130; LCI.132.al1; CP.98; CP.104
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/71/2022 LCI

JTAPI/1445/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 décembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Karin ETTER, avocate, avec élection de domicile

 

contre

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, agriculteur de profession, est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______, sise en zone agricole et d’une surface de 35’133 m2.

2.             Le 25 août 1988, l’autorisation de construire DD 2______ a été délivrée à l’ancien propriétaire de la parcelle pour y ériger une pépinière avec serres tunnel, vestiaires et bureau de vente.

3.             Le 21 mai 2008, un inspecteur des constructions du département du territoire (ci-après : le département) a constaté, lors d’un contrôle sur place, que la parcelle n’était plus affectée à une activité de pépiniériste et qu’elle était encombrée de divers dépôts, dont des voitures sans plaques, des camions, des bennes de camion, des containers, des roulottes de chantier, des caravanes et des engins de chantier. Le dossier d’infraction I/3______ a ainsi été ouvert.

4.             Par courrier du 22 juillet 2008, auquel était joint un reportage photographique, le département a interpellé M. A______ au sujet de l’encombrement de la parcelle et lui a imparti un délai de dix jours pour communiquer ses éventuelles observations et explications.

5.             Le 25 août 2008, M. A______ a répondu que la parcelle était toujours utilisée en tant que pépinière, a admis son encombrement, en a expliqué les causes et s’est engagé à faire évacuer les éléments en cause.

6.             Le 10 octobre 2008, le département en a pris bonne note et a ordonné que toutes les installations sans rapport avec l’exploitation de la pépinière soient évacuées, au plus tard le 31 décembre 2008, réservant par ailleurs toute autre mesure ou sanction justifiées par la situation. Un nouveau reportage photographique était joint à cette décision, qui est entrée en force.

7.             Le 28 janvier 2010, suite à un contrôle sur place du 16 octobre 2009 ayant établi que seule une partie de la parcelle avait été assainie, le département a accordé à M. A______ un délai au 30 avril 2010 pour se conformer à la décision du
10 octobre 2008.

8.             Le 19 mars 2010, M. A______ a transmis le courrier du 28 janvier 2010 à son locataire, Monsieur C______, lui demandant d’enlever tous ses objets non destinés à l’exploitation horticole.

9.             Le 6 avril 2010, le département a rappelé à M. A______ qu’il devait tout mettre en œuvre pour respecter les mesures ordonnées et lui a demandé de l’informer des démarches qu’il avait entreprises afin de trouver un emplacement conforme à son activité. Il a été invité à se mettre en contact avec la fondation pour les terrains industriels afin de définir les modalités du déménagement de son entreprise en zone industrielle et artisanale.

10.         Le 13 juillet 2011, M. A______ a fixé à son locataire un délai au 15 septembre 2011 pour enlever tous les objets sans relation avec l’exploitation agricole.

Le 4 octobre 2011, il a résilié son bail du fait que les objets précités n’avaient pas été évacués.

Le 15 janvier 2013, il a conclu un nouveau contrat de bail avec M. C______ et la société de celui-ci ; son art. 3 stipulait que les locataires s’engageaient à respecter les règles découlant de la zone agricole.

11.         Le 15 juillet 2020, M. A______ a déposé une demande de construire visant l’extension du jardin d’hiver d’un poulailler et l’installation complémentaire de capteurs photovoltaïques auprès du département. Enregistrée sous la référence DD 4______, cette demande a été autorisée par décision du 23 février 2021.

12.         Le 27 août 2020, un inspecteur du département a visité la parcelle.

13.         Le 1er octobre 2020, le département a interpelé M. A______ sur le fait que divers aménagements, constructions et installations se trouvaient toujours sur la parcelle, sans aucune autorisation. Une liste des vingt-et-un objets en cause, photographies à l’appui, lui a été communiquée et un délai de dix jours lui a été imparti pour se déterminer.

14.         Le 22 octobre 2020, dans le cadre du délai prolongé à sa demande, M. A______ s’est déterminé au sujet de la location de la parcelle et de son désencombrement. Il a proposé au département un rendez-vous sur place en présence du locataire pour déterminer les éléments à enlever et ceux pouvant rester.

15.         Par décision du 18 décembre 2020, le département lui a ordonné de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de six mois en procédant à l’évacuation respectivement à la suppression de dix-neuf constructions/installations, en rendant les serres et serres-tunnels à une affectation correspondante à l’activité de pépiniériste, conformément à l’autorisation DD 2______, et en effectuant, en fin de processus, la remise en état du terrain naturel.

La majorité des objets en cause se situait en surface d’assolement et l’évacuation des constructions et installations sans rapport avec l’activité de pépiniériste avait déjà été ordonnée le 10 octobre 2008. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en l’état devait lui parvenir dans le délai de six mois. Une sanction administrative demeurait réservée et ferait l’objet d’une décision séparée. Il lui était loisible de déposer, dans un délai de trente jours, une demande d’autorisation de construire pour tenter de régulariser une partie ou la totalité des objets en cause.

Faute de recours, cette décision est entrée en force.

16.         Le 12 février 2021, faisant suite à une requête de l’architecte de M. A______, le département a prolongé le délai susmentionné jusqu’au 30 avril 2021.

17.         Le 10 mai 2021, une demande portant sur la régularisation I-3______ et le maintien de bâtiments existants a été déposée auprès du département. Enregistrée sous la référence DD 5______, elle a été autorisée par décision du 13 octobre 2021.

18.         Le 20 mai 2021, une demande visant la pose d’une clôture a été déposée auprès du département ; selon le dossier, la demande n’était pas liée à une infraction et la clôture allait entourer les parcelles nos 6______ et 1______ de la commune de B______. Enregistrée sous la référence DD 7______, elle a été autorisée par décision du 30 août 2021.

19.         M. A______ n’a fourni aucune information sur les autres éléments dont la remise en état était exigée et n’a pas communiqué le reportage photographique requis.

20.         Par décision du 10 décembre 2021, le département a annulé et remplacé la décision du 18 décembre 2020 pour ce qui concernait les éléments régularisés par les autorisations DD 8______ et DD 7______.

Il a infligé une amende de CHF 2’000.- à M. A______, indiquant avoir pris en considération l’ancienneté de l’infraction, la zone concernée (hors zone à bâtir, y compris en surface d’assolement), le fait accompli devant lequel il avait été mis et le non-respect de l’ordre du 10 octobre 2008.

Il lui a également ordonné de rétablir une situation conforme au droit en procédant à une mise en conformité des lieux (éléments listés dans la décision, en particulier « rendre l’ensemble des clôtures conforme à l’autorisation DD 7______ ») dans un délai de nonante jours. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de la réalisation intégrale de cet ordre et une attestation globale de conformité accompagnée des plans conformes à exécution s’agissant des points régularisés par la DD 8______ devaient lui parvenir dans le même délai.

21.         Par acte du 10 janvier 2022, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours à l’encontre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal). Il a conclu, principalement, à son annulation et a requis, subsidiairement, l’annulation de l’amende de CHF 2’000.- et du délai de nonante jours pour effectuer les travaux d’évacuation et de construction autorisés ainsi qu’à ce que le tribunal dise que les travaux permis par les autorisations de construire en force devaient commencer dans les deux ans dès l’obtention de l’autorisation y relative ; le tout sous suite de frais et dépens.

En 2008-2010, il avait entrepris des travaux de rangement sur la partie de la parcelle qu’il occupait et avait averti le locataire qu’il avait un délai pour remettre en état sa partie de la parcelle. Faute pour celui-ci de s’être conformé à cette injonction, il avait résilié son bail en octobre 2011. Dans le cadre de la procédure en contestation du congé, il avait signé un nouveau bail en janvier 2013 avec son locataire et la société de ce dernier ; celui-ci était resté seul locataire d’environ 9’900 m2 de terrain suite à la faillite de la société en 2014. Depuis la signature de ce bail, il n’y avait plus eu de plaintes du département jusqu’en 2020.

Suite à la décision du 18 décembre 2020, il avait à nouveau entrepris de mettre sa parcelle en conformité, sollicitant notamment des autorisations pour l’installation d’une clôture, pour le maintien de bâtiments existants et pour l’agrandissement du jardin d’hiver du poulailler installé sur place. En février 2021, il avait informé son locataire des demandes du département et l’avait enjoint de mettre en ordre la partie de la parcelle qu’il occupait. Ayant constaté que le travail de déblayement n’avançait pas suffisamment vite, il avait résilié le contrat de bail le 21 mai 2021. Ce congé avait été contesté et la procédure était encore pendante par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Il avait aussi entrepris les travaux autorisés et avait évacué les objets visés par le département qui lui appartenaient, mais n’était pas parvenu, malgré ses démarches, à faire évacuer les matériaux, objets et engins situés sur la partie de la parcelle occupée par le locataire. Le 10 janvier 2022, celui-ci s’était engagé à mettre le terrain loué en conformité dans les quatre mois, soit à procéder aux travaux d’évacuation et à solliciter les autorisations de construire nécessaires.

Selon la décision attaquée, il semblait qu’il n’avait rien entrepris entre les mois de décembre 2020 et décembre 2021, voire depuis 2008. Or, tel n’était pas le cas puisqu’il avait évacué ce qui avait pu l’être et avait demandé des autorisations de construire pour mettre les installations en conformité. Le département se référait à l’ancienneté de l’infraction, mais il fallait noter que des travaux d’assainissement avaient été entrepris entre 2008 et 2020 et qu’il avait résilié le bail du locataire en 2011, puis accepté de signer un nouveau contrat contenant l’engagement du locataire de se conformer aux règles de la zone.

Il était conscient que l’ordre de mise en conformité de 2020 ne pouvait pas faire l’objet d’un recours en tant que tel. Par contre, le délai pour la mise en conformité et l’exécution des travaux pouvait être contesté, de même que le fait qu’il était sanctionné par la faute de son locataire auquel il avait pourtant répercuté les doléances du département. De plus, certaines exigences d’évacuation ne pouvaient pas être suivies.

Le délai octroyée pour l’exécution des travaux faisant l’objet des autorisations de construire était insuffisant et inférieur à ce que prévoyait l’art. 4 al. 5 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). La décision attaquée l’obligeait non seulement de commencer les travaux rapidement, mais encore de les terminer d’ici au 10 mars 2022, soit moins d’une année après l’obtention des autorisations de construire. Elle le contraignait aussi à effectuer les travaux en hiver, période durant laquelle les conditions météorologiques pourraient rendre leur exécution impossible et où les chantiers étaient suspendus pendant deux semaines en raison des fêtes de Noël et du Nouvel An. En outre, vu les difficultés actuelles d’approvisionnement, les commandes (600 m. linéaires de clôtures à poser) risquaient de ne pas lui parvenir à temps. Le délai imposé pour effectuer tous les travaux et en fournir la preuve sous forme d’un reportage photographique n’était ainsi ni réaliste ni réalisable.

Il était en outre impossible d’exécuter toutes les évacuations exigées. D’une part, il avait besoin d’une partie des matériaux pour procéder aux travaux autorisés, soit notamment ceux de la DD 4______ : il en allait ainsi d’une partie des engins de chantier, d’une partie du bois de scierie, des matériaux de chantier et de la terre végétale qui serait utilisée pour réaménager le terrain à la fin des travaux. Il avait aussi besoin de bennes pour trier et évacuer les déchets de chantier ainsi que pour se débarrasser des fientes des poules. Dès lors, il n’y avait pas lieu d’exiger qu’il les évacue. D’autre part, il ne pouvait donner suite à la décision entreprise dans la mesure où une bonne partie des objets à évacuer appartenait au locataire, à savoir les objets B, C, D, E, F, H, I, J, O, P2, Q, R1, T et U, étant précisé que les bennes (objet C) et engins de chantier (objet H) lui appartenaient en partie, les autres étant au locataire. Depuis 2011, il avait averti ce dernier qu’il devait ranger sa parcelle pour se conformer à la zone et le contrat de bail de 2013 prévoyait que le locataire était responsable du respect de la zone. Le locataire, qui exploitait une pépinière sur le terrain qu’il louait, avait besoin de certains des objets dont l’évacuation était exigée, soit notamment des roulottes, des containers, des engins de chantier, des cabanes et des remorques qui lui servaient dans le cadre de son exploitation.

En tout état, il ne pouvait pas intervenir sur la partie de la parcelle louée pour la remettre en ordre. Dans ce contexte, il ne pouvait se faire sanctionner alors qu’il avait entrepris tout ce qui était exigible de lui pour donner suite à l’ordre de mise en conformité.

22.         Le 19 mai 2022, le département a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations. Il s’est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours et a conclu à son rejet, avec suite de frais et dépens.

L’amende apparaissait pleinement fondée dans son principe. Il était en effet patent et non contesté que divers aménagements, constructions et installations avaient été mis en place sans autorisation sur la parcelle sise en zone non à bâtir et qu’ils y étaient, pour certains, toujours présents. De plus, l’ordre de remise en état du 10 octobre 2008, entré en force, ne pouvait plus être contesté et le recourant était tenu de s’y conformer. La nouvelle décision du 18 décembre 2020, aussi en force et impartissant un délai de six mois pour procéder à la remise en état des éléments mentionnés, avait été notifiée au recourant qui ne s’y était toutefois pas conformé s’agissant, du moins, des éléments non visés par les autorisations de construire obtenues. On ne pouvait pas raisonnablement retenir que le recourant n’avait commis aucune faute ni qu’il aurait tout entrepris pour régulariser la situation. Il ne s’était en effet pas entièrement conformé à l’ordre de remise en état dans le délai imparti, et ce malgré une situation illégale perdurant depuis 2008. En outre, les autorisations de construire dont il se prévalait n’avaient été déposées qu’en 2021, après qu’il avait été à nouveau interpellé, et elles ne concernaient qu’un nombre restreint d’éléments dont la remise en état était exigée. On ne pouvait donc retenir une bonne volonté de sa part pour régler spontanément la situation ; il avait profité du silence du département pendant plusieurs années pour ne pas agir et bénéficier d’une situation illégale. Le fait qu’une partie des objets en cause n’avait pas été remise en état en raison du locataire n’était ni de nature à exclure toute faute de sa part, ni même à l’atténuer. En effet, il ressortait de l’historique du dossier qu’il rencontrait déjà des problèmes avec son locataire en 2008, lors du premier ordre de remise en état. Si cette situation l’avait mené à résilier le contrat de bail, il avait pourtant conclu un nouveau contrat de bail avec ce locataire en janvier 2013 et n’avait rien entrepris auprès de celui-ci jusqu’en 2020 pour que les éléments devant retirés le soient. Par ailleurs, l’absence de contrôle pour s’assurer de la bonne mise en œuvre de la décision de 2008 n’était pas non plus de nature à le disculper ou à atténuer sa faute, le département n’ayant aucunement fait preuve d’une quelconque ambiguïté pouvant lui laisser penser que la situation était tolérée. Au contraire, en réitérant son ordre en 2010 et en lui impartissant un délai de six mois pour procéder à la mise en conformité de la parcelle, le département avait clairement démontré l’importance de la mise en conformité. S’agissant du montant de l’amende, compte tenu des éléments pris en considération, l’infraction en cause ne pouvait être considérée comme modeste et le département n’avait pas violé, en retenant un montant de CHF 2’000.-, le principe de proportionnalité, mais s’était au contraire montré clément.

Le délai de nonante jours imparti pour réaliser les travaux s’inscrivait dans une démarche de remise en état et, en l’espèce, de mise en conformité de la parcelle, de sorte que s’appliquaient, non pas l’art. 4 al. 5 LCI et le délai de deux ans fixé par la loi pour entreprendre les travaux, mais les art. 129 et 130 LCI, qui ne mentionnaient pas de délai. Lors d’une infraction, la mise en conformité devait être réalisée rapidement, et ce d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’une parcelle sise hors zone à bâtir ; la jurisprudence avait par ailleurs retenu qu’un délai de nonante jours était usuel et parfaitement adapté pour une remise en état. En outre, vu que les éléments étaient reprochés au recourant depuis 2008 et que les autorisations de construire accordées avaient été délivrées en août et octobre 2021, le recourant avait disposé, en définitive, de plus de nonante jours pour réaliser les travaux. Par ailleurs, on peinait à comprendre comment la mise en conformité d’une clôture pourrait prendre des mois. S’agissant du délai de commande, on pouvait partir du principe que le recourant avait fait le nécessaire pour la commander et l’obtenir, de sorte qu’un délai de trois mois pour la pose ne devrait pas poser de problème. Quant à la DD 9_____, elle portait sur le maintien de constructions existantes et il ne s’agissant donc que de rendre ces bâtiments conformes à l’autorisation et aux conditions qu’elle englobait. On pouvait espérer que le recourant avait profité de la suspension du délai de mise en conformité du fait de l’effet suspensif attaché au recours pour avancer sur la mise en conformité. Dans ces circonstances, le délai imparti était adapté et proportionné. Au surplus, suite à un ordre de remise en état, le département se montrait généralement ouvert à une éventuelle prolongation de délai lorsqu’elle était justifiée et raisonnable, mais le recourant n’avait pas tenté, avant le dépôt de ses écritures, de le contacter pour en discuter. Il lui avait de plus laissé, à bien plaire, la possibilité de proposer un planning de remise en état raisonnable pour tenter de trouver une solution, mais cela n’avait pas abouti.

S’agissant de l’impossibilité de procéder à l’évacuation de l’entier des éléments demandés dans la mesure où certains seraient le fait du locataire et que d’autres seraient nécessaires afin de mettre en œuvre l’autorisation DD 4______, il fallait noter que l’ordre de remise en état et d’évacuation du 10 octobre 2008 était entré en force et que l’ordre d’évacuation des éléments rappelés dans la décision attaquée était uniquement une mesure d’exécution. Par ailleurs, il était douteux que l’ensemble des éléments invoqués seraient nécessaires au recourant au vu des travaux à réaliser. Si des matériaux, outils ou autres éléments étaient nécessaires au chantier, leur localisation et emprise au sol devaient être indiquées dans le cadre de l’ouverture de chantier et du plan de chantier relatif à l’autorisation en question et le département pourrait en tenir compte. Enfin, on ne pouvait admettre que la présence du locataire rendrait une partie de la remise en état impossible dans la mesure où l’ordre de remise en état à l’encontre du recourant, entré en force, portait sur les éléments qui appartiendraient au locataire.

23.         Par réplique du 23 juin 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le constat effectué le 27 août 2020 faisait suite à une demande d’autorisation de construire qu’il avait déposée pour l’extension du jardin d’hiver du poulailler. La majorité de ses demandes d’autorisations de construire concernaient des travaux nouveaux, sans lien avec les régularisations demandées par le département et sans lien avec l’état de la parcelle lorsqu’il l’avait acquise par le biais d’une vente aux enchères publiques.

Ayant procédé au débarras de beaucoup d’affaires et étant sans nouvelles depuis 2010 du département, il était parti de l’idée, à l’instar du locataire, que les travaux de déblaiement effectués étaient suffisants et que la parcelle était considérée en ordre ; l’inspecteur du département était d’ailleurs passé à plusieurs reprises sur place entre 2010 et 2020 et n’avait pas émis de plaintes en lien avec l’état de la parcelle.

Il avait entrepris ce qui pouvait être exigé de lui et aucune faute ne lui était dès lors imputable. Il était de bonne foi et le département ne pouvait se cacher derrière son inactivité durant dix ans pour le sanctionner en raison d’une prétendue inaction de sa part. On ne saurait pas s’appuyer sur une prétendue longue durée de « la situation illégale » et on ne voyait pas en quoi il y aurait un « fait accompli » en l’espèce.

La clôture pour laquelle l’autorisation de construire avait été demandée concernait une nouvelle clôture à un endroit où il n’y en avait pas auparavant. Il ne s’agissait donc pas de la régularisation d’une situation existante et donc pas d’une remise en état pour laquelle un délai de nonante jours serait suffisant. La clôture en question devait protéger les poules des attaques des renards, de sorte qu’il ne suffisait pas de planter des piquets et de tirer un treillis ; il fallait effectuer des retours sous terre pour éviter que les renards ne puissent passer sous la clôture. Par ailleurs, il y avait plus de 400 m linéaires de clôture à poser et à électrifier, ce qui prenait du temps.

24.         Dans sa duplique du 19 juillet 2022, le département s’est interrogé sur les motifs et l’identité de l’inspecteur qui serait passé à plusieurs reprises sur les lieux entre 2010 et 2020, dans la mesure où la personne en charge du dossier avait quitté son poste quelques années plus tard et que l’inspection de la construction avait été depuis lors complètement remaniée. De plus, de tels constats auraient fait l’objet de documents figurant au dossier ; or, le seul constat postérieur à 2010 était celui réalisé en août 2020.

Le recourant contestait que la situation constatée en 2020 n’aurait guère changé depuis 2008, sans toutefois produire le moindre élément pour étayer ses dires alors que des photographies prises lors du constat sur place réalisé en août 2020 avaient été produites.

Il contestait aussi que la DD 7______ ait été déposée pour tenter de régulariser une partie de l’infraction I/3______. Si cet objet ne correspondait pas exactement à ce qui était existant, cette demande d’autorisation de construire avait été déposée le 20 mai 2021, soit après la décision du 18 décembre 2020 mentionnant les clôtures réalisées sans autorisation de construire et permettant au recourant de déposer une requête pour tenter de légaliser ce qu’il souhaitait. Venir prétendre le contraire n’avait non seulement pas d’intérêt dans la présente cause, mais relevait d’une parfaite mauvaise foi, la DD 7______ n’ayant à l’évidence pas été déposée de manière spontanée et ayant pour but de maintenir certaines clôtures sur la parcelle.

Le délai pour la réalisation des travaux était adéquat. Le recourant aurait pu faire valoir des arguments pour le prolonger, étant noté que les arguments relatifs aux retours sous terres, jamais exposés auparavant, ne ressortaient pas de la demande d’autorisation de construire. Le délai de seize mois qu’il proposait pour réaliser la clôture n’apparaissait pas soutenable.

25.         Le 29 juillet 2022, le recourant a réitéré que sa demande d’autorisation pour la construction de clôtures DD 7______ n’avait rien à voir avec la procédure ouverte par le département et les clôtures existantes. Cette demande d’autorisation visait à construire de nouvelles clôtures à des endroits qui n’en comportaient pas, ainsi que le confirmait un courrier de son architecte qu’il produisait.

Les bennes n’étaient ni une construction, ni une installation au sens de l’art. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01), ni une construction ou une installation d’importance secondaire telle que définie à l’art. 1A RCI. Elles ne relevaient donc pas des travaux soumis à autorisation au sens de l’art. 1 LCI.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_831/ 2019 du 8 juin 2020 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 ; ATA/322/2019 du 26 mars 2019 consid. 3).

5.             À titre préalable, le tribunal entend confirmer, ainsi que l’ont reconnu les parties, que l’ordre d’évacuation des éléments mentionnés dans la décision litigieuse est une mesure d’exécution et qu’il ne peut donc pas être contesté (art. 59 let. b LPA).

6.             Dans un premier grief, le recourant conteste la décision litigieuse dans la mesure où elle fixe un délai de nonante jours pour exécuter les travaux de mise en conformité. Le délai serait, d’une part, contraire à celui résultant de l’art. 4 al. 5 LCI s’agissant des travaux liés aux autorisations de construire délivrées en 2021 et, d’autre part, trop court compte tenu de la période hivernale où ils devraient avoir lieu et des difficultés pour obtenir le matériel nécessaire. Il sous-entend aussi qu’un tel délai serait irréaliste compte tenu que certains objets à évacuer appartenaient au locataire.

7.             Conformément à l’art. 129 let. e LCI, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition.

Ces mesures peuvent être ordonnées lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

8.             Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu’il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu’il n’invoque l’urgence (art. 132 al. 1 LCI).

9.             L’art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d’appréciation à l’autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de la proportionnalité, de l’égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b). Elle peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 132 II 21 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; 1C_569/2020 du 25 février 2021 consid. 2.4 ; 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 6.1 ; cf. aussi ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c).

10.         Selon la jurisprudence du tribunal de céans, un délai de nonante jours est usuel et donc adapté pour exiger la mise en conformité d’une situation illégale (cf. JTAPI/562/2021 du 3 juin 2021 consid. 13).

11.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), commande aux autorités comme aux particuliers de s’abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_495/2013 du 7 janvier 2014 consid. 5). Il en découle que l’administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1).

Les décisions de l’administration ainsi que les déclarations et comportements des parties à un rapport de droit public sont en outre soumises au principe de la confiance. Leur sens doit rester conforme à ce que le destinataire a été en mesure de comprendre – ce qu’il pouvait et devait raisonnablement comprendre – selon le texte, sa motivation et, plus largement, l’ensemble des circonstances qui ont entouré leur élaboration, dont par exemple la correspondance échangée ; cependant le principe de confiance crée une obligation réciproque. Ainsi, une attention adéquate peut être exigée de l’administré (ATF 115 II 415 consid. 3a ; 107 Ia 193 consid. 3c).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (2) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_906/2017 du 7 mai 2018 consid. 3.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 206 s n. 578 s).

12.         Même si la bonne foi du constructeur peut être reconnue, elle ne saurait le prémunir contre l’intervention de l’autorité de surveillance destinée à rétablir une situation conforme au droit, lorsque cette intervention respecte le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 1C_162/2014 du 20 juin 2014 consid. 6.2 ; 1C_250/2009 du 13 juillet 2009 consid. 4.2).

13.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

L’un des corollaires de la maxime inquisitoire est que les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s’appliquent en principe pas, de sorte que si les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans une procédure qu’elles introduisent elles-mêmes, cela n’influence pas le fardeau de la preuve. Il n’en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 du Code civil du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie : quiconque prétend à un droit, doit prouver les faits dont il le déduit. De sorte, que si une partie n’arrive pas à prouver un fait à son avantage, elle en supporte les conséquences (ATA/24/2022 du 11 janvier 2022 consid. 8a).

14.         En l’espèce, le délai de nonante jours imparti au recourant pour réaliser la mise en conformité de la situation correspond aux délais ordinaires accordés dans le cadre de décisions de mise en conformité. Un tel délai n’est en outre nullement inadapté si l’on considère que les éléments en cause devaient être évacués depuis plus de dix ans, conformément à la décision du 10 octobre 2008 et au rappel du 28 janvier 2010.

Certes, le recourant a effectué des démarches pour s’y conformer, mais celles-ci ne peuvent être considérées comme suffisantes pour justifier que le délai imparti aurait dû être plus long. Ainsi, s’il a résilié le contrat de bail du locataire puis conclu un nouveau contrat stipulant que ce dernier devait respecter les normes de la zone agricole, il n’a cependant entrepris aucune démarche par la suite pour que ledit locataire évacue les objets lui appartenant, n’entreprenant des actions qu’en février 2021, suite à la décision du 18 décembre 2020. Il ne peut donc décemment prétendre d’obtenir un délai plus long que celui usuellement imparti alors qu’il devait se conformer à une décision rendue depuis plus de dix ans et qu’il n’a pas agi pendant plusieurs années alors qu’il aurait amplement eu le temps de le faire. À cet égard, son allégation qu’au fait qu’un inspecteur aurait visité à réitérées reprises la parcelle sans rien exiger de sa part ne peut être retenue, celle-ci étant contestée par le département et nullement étayée par le recourant ; cet élément permet également d’écarter l’hypothèse que le recourant aurait admis, de bonne foi, que le département avait renoncé à l’ordre de remise en l’état. Dans ces circonstances, il ne peut également pas être admis que le délai de nonante jours serait irréaliste du fait que certains objets à évacuer appartenaient au locataire et qu’il ne pouvait les enlever, étant d’ailleurs relevé que la liste des éléments à évacuer a déjà été fixée en octobre 2008 et qu’elle est en force, de sorte qu’il ne peut plus être revenu dessus.

Enfin, le recourant semble confondre la notion de validité de l’autorisation de construire DD 7______ qui lui a été délivrée, laquelle, conformément à l’art. 4 al. 2 LCI, doit être mise en œuvre dans le délai de deux ans, et le délai d’exécution de nonante jours qui lui a été imposé pour rétablir une situation conforme au droit en procédant à une mise en conformité des lieux. Ainsi, s’il est correct, comme le soutient le recourant, que cette autorisation de construire n’est pas en lien avec l’infraction I-3______ (elle ne s’y réfère pas et ne concerne pas les clôtures déjà présentes sur la parcelle), la décision entreprise ne requiert pas qu’elle soit réalisée dans les nonante jours. En effet, cette décision requiert que le recourant rende « l’ensemble des clôtures conforme à l’autorisation DD 7______ », ce qui signifie que les clôtures situées sur la parcelle doivent correspondre à celles autorisées, ou, en d’autres termes, que seules y subsistent les clôtures autorisées. Ainsi, il lui est ordonné d’enlever les clôtures non autorisées, mais il ne lui est pas fait obligation d’ériger celles autorisés.

Ce grief sera par conséquent écarté.

15.         Le recourant conteste également l’amende infligée, qu’il estime infondée dès lors qu’aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre vu qu’il avait entrepris ce qui pouvait être exigé de lui pour se conformer aux requêtes du département.

16.         Est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150’000.- tout contrevenant à la LCI, à ses règlements d’application ainsi qu’aux ordres du département (art. 137 al. 1 LCI). Toutefois, lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales, le montant maximum de l’amende est de CHF 20’000.- (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction (art. 137 al. 3 LCI). Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation de la loi par cupidité, les cas de récidive et l’établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d’une attestation au sens de l’art. 7 LCI non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par sept ans (art. 137 al. 5 LCI).

17.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019).

En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 précité et les références citées).

18.         En droit public, les autorités de recours examinent la question de la prescription d’office lorsqu’un particulier est débiteur de l’État (ATF 138 II 169 consid. 3.2). Tel est le cas en matière d’amendes administratives (ATA/92/2021 du 26 janvier 2021 consid. 4 et les références citées).

19.         Selon l’art. 104 CP, les dispositions de la première partie du code s’appliquent aux contraventions, c’est-à-dire les infractions passibles d’une amende (art. 103 CP), y compris les art. 97 ss CP en matière de prescription, sous réserve des dispositions spécifiques comme l’art. 109 CP, qui prévoit que l’action pénale et la peine se prescrivent par trois ans.

Le CP distingue deux types de prescription : d’une part la prescription de l’action pénale (art. 97 et 98 CP), qui éteint le droit de poursuite, lorsque celui-ci n’a pas été exercé ou n’a pas été exercé jusqu’au bout, avant l’expiration d’un certain délai ; d’autre part, la prescription de la peine (art. 99 et 100 CP), qui exclut l’exécution d’une peine entrée en force, faisant ainsi perdre à l’État son droit d’exécuter la peine prononcée par un jugement entré en force mais resté sans exécution pendant un certain laps de temps (José HURTADO POZO, Droit pénal général, 2e édition, 2013, n. 1023 p. 368).

Selon l’art. 98 CP, la prescription de l’action pénale court dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou dès le jour où les agissements coupables ont cessé s’ils ont eu une certaine durée (let. c). Quant à la prescription de la peine, elle court du jour où la condamnation à l’amende devient exécutoire (art. 100 CP), ce moment étant déterminé par le droit de procédure applicable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_366/2012 du 17 octobre 2012 consid. 1.2 et 6B_ 1099/2010 du 28 mars 2011 consid. 2.2).

Selon la jurisprudence, l’inobservation de dispositions analogues en matière de droit des constructions ne constitue pas un délit continu, car l’absence de remise des lieux en un état conforme à l’ordre légal ne fait pas partie des éléments constitutifs de la norme. La prescription court ainsi dès que les actes interdits par la loi ont été entièrement exécutés (ATA/92/2021 du 26 janvier 2021 consid. 4c).

20.         En l’occurrence, le tribunal examine d’office la question de la prescription de l’amende administrative en cause.

Les aménagements, constructions et installations édifiés sans aucune autorisation sur la parcelle ayant conduit au prononcé de l’amende ont été constatés le 21 mai 2008, ce qui implique d’ailleurs qu’ils avaient été réalisés à une date antérieure. Conformément à la jurisprudence précitée, la prescription commençant à courir dès que les actes interdits par la loi ont été entièrement exécutés, pour une durée de sept ans, la poursuite de l’infraction en cause était prescrite lors du prononcé de l’amende le 10 décembre 2021. Partant, l’amende contestée doit être annulée.

21.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, est condamné au paiement d’un émolument réduit s’élevant à CHF 800.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 100.- lui sera restitué.

Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure réduite de CHF 500.- sera allouée au recourant, à charge de l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du 10 décembre 2021 ;

2.             l’admet partiellement au sens des considérants ;

3.             annule l’amende de CHF 2'000.- prononcée par la décision du 10 décembre 2021 ;

4.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 800.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

5.             ordonne la restitution au recourant du solde de l’avance de frais de CHF 100.- ;

6.             alloue au recourant, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Endri GEGA, président, Oleg CALAME et Julien PACOT, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Endri GEGA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière