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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3805/2021

JTAPI/1111/2022 du 20.10.2022 ( AMENAG ) , REJETE

REJETE par ATA/585/2023

Descripteurs : AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);PROTECTION DE LA FORÊT;PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;INTÉRÊT PUBLIC;LÉGALITÉ
Normes : cst; Cst.29.al2; Cst.49; CC.699.al1; LFo.14.al1; LFo.14.al2; LFo.50; lFORETS.19; REFORETS.23.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3805/2021 AMENAG

JTAPI/1111/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 octobre 2022

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Romain JORDAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             A______ est une société à responsabilité limitée inscrite dans le registre du commerce du canton du Valais et dont le but est, notamment, la fourniture de services tels que jeux, lasergame, animations et organisations de manifestations. Monsieur B______ en est l’associé.

2.             C______ est une entreprise individuelle inscrite au registre du commerce du canton de Genève le ______ 2022 et dont le but est notamment l’organisation d’activités de lasergame. Monsieur D______ est titulaire de l’entreprise avec signature individuelle.

3.             Le 19 mai 2021, M. D______ a adressé un courriel à l’office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN ou l'office) en les informant qu’en tant que partenaire d’A______, il avait l’intention de pratiquer une activité ludique en forêt. Il souhaitait obtenir une autorisation permanente valable pour les espaces forestiers du canton de Genève. Il insistait sur le fait que ce jeu n’avait pas d’impact sur l’air puisqu’il fonctionnait au moyen de rayons infrarouges ; n’était pas bruyant ; ne nécessitait pas la mise en place d’une installation ce qui limitait l’impact sur la faune et la flore ; il ne devait pas s’exercer dans un lieu unique ce qui était favorable à la faune et la flore.

Une présentation du jeu E______, dont M. B______ était l’inventeur, était jointe au courriel. Selon ce document, E______ était un système innovant de lasergame à infrarouge. A la différence du paintball, il pouvait se pratiquer sur n’importe quel terrain. Il était totalement sans danger, ne provoquait aucune nuisance et pouvait convenir à n’importe quel public. Il alliait sans contrainte le meilleur du paintball et du lasergame.

Etait également jointe au courriel une « Notice d’impact sur l’environnement » établie par la société F______ le 24 mai 2018, spécialisée dans les études sur les forêts et l’environnement. A teneur de cette notice, afin de s’assurer du respect des normes environnementales, M. B______ avait souhaité réaliser une étude sur l’impact de son jeu sur l’environnement. Le jeu s’inspirait du paintball, airsoft ou lasergame mais fonctionnait à infrarouge. Il ne laissait aucun déchet et était inoffensif. Le but du jeu était de toucher son adversaire à l’aide d’un marqueur sur le bandeau situé autour de la tête et muni de capteurs infrarouges. Il se pratiquait sur un rayon maximal de trente à quarante mètres autour du point de départ soit une surface totale d’environ 3'000 à 5'000 m2. Il s’agissait d’un jeu non guerrier et toute connotation à la guerre ou à la violence avait été retiré. Les pistolets utilisés étaient transparents, en conformité avec la législation sur les armes. S’agissant de l’impact du jeu, il n’en avait aucun sur l’air. Il n’était pas non plus source de bruit de sorte qu’aucune mesure n’était à prendre sur ce point. Il ne nécessitait pas d’installation ce qui limitait l’impact sur la faune et la flore. S’agissant de la flore, le jeu n’était pratiqué qu’en milieu forestier car la présence d’arbres était nécessaire pour se cacher. Il pouvait avoir un impact sur la flore en raison du piétinement occasionné par les joueurs. Il convenait ainsi d’éviter les biotopes de grandes valeurs naturelles abritant des espèces rares et/ou menacées. Le jeu était à pratiquer à proximité des zones déjà soumises aux dérangements et perturbations humaines (couverts forestiers, autres zones souvent fréquentées). Je jeu pouvait également créer des dérangements pour la faune de sorte qu’afin d’en limiter l’impact, il devait être pratiqué à proximité des zones déjà soumises aux dérangements et perturbations humains. Il convenait également d’être attentif à la période de jeu en évitant celle de reproduction de la faune entre avril et juillet. Durant cette période, seule une pratique dans des zones très fréquentées pouvait être tolérée.

4.             Par courriel du 4 juin 2021, l’OCAN a indiqué à M. D______ que le type d’activité prévu était soumis à autorisation selon le règlement d’application de la loi sur les forêts du 18 septembre 2019 (RForêts – M 5 10.01). Une telle activité n’était pas autorisable de manière libre sur l’ensemble des forêts du canton de Genève. Pour ce type d’activité, seules des autorisations ponctuelles sur des sites déterminés pouvaient être envisagées. Dans un souci de préservation de la forêt, il souhaitait concentrer les activités dans une parcelle spécialement affectée dont l’Etat de Genève était propriétaire. En cas d’intérêt pour la mise à disposition de ce site, M. D______ devait prendre contact avec l’association responsable des lieux.

5.             M. B______ a répondu à ce courriel le même jour en tant que créateur et fondateur de la marque E______. En cinq ans, il avait ouvert neuf succursales en Suisse. Les boîtiers servant pour le jeu étaient transparents. De plus, une étude sur l’impact environnemental du jeu avait été effectuée par un bureau spécialisé. Par ailleurs, son jeu ne devait pas être apparenté à l’airsoft ou au paintball. Enfin, il souhaitait savoir quelle était la définition que l’OCAN retenait pour les jeux de combat.

6.             Le 11 juin 2021, la sous-commission de la flore de la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB), a pris position sur la pratique « des jeux de guerre » dans les forêts cantonales. La pratique de telles activités plaçait les joueurs sous l’emprise de l’adrénaline et, sous une telle influence, ils ne pouvaient pas respecter les législations en vigueur pour la protection des milieux. Il était ainsi proposé à l’inspecteur cantonal des forêts de soumettre à autorisation une telle activité et de la restreindre à des secteurs définis.

7.             Par courriel du 18 juin 2021, l’OCAN a informé M. B______ qu’il considérait le jeu E______ comme une activité apparentée à un jeu de combat selon le sens que les dictionnaires courants de la langue française donnaient à ce mot. La pratique du jeu E______ était dès lors soumise à autorisation selon le RForêts dont la demande était à déposer trente jours avant la manifestation.

8.             Par courriel du 18 juin 2021 adressé à l’OCAN, M. D______ a requis la délivrance d’une autorisation pour pratiquer le jeu E______ sur deux parcelles situées dans le canton de Genève.

9.             En réponse à cette demande, le 23 juin 2021, l’OCAN a sollicité de la part de
M. D______ la production d’un plan de périmètre visé par l’activité avec mention du plan cadastral forestier, des numéros des parcelles concernées par la manifestation, les coordonnées des propriétaires de ces parcelles ainsi que leur accord à leur utilisation dûment signé.

10.         Par courriel du 24 juin 2021, M. D______ a fourni les informations complémentaires requises et précisé que les deux forêts concernées étaient propriété de l’Etat de Genève.

11.         Par deux décisions du 9 juillet 2021, adressées à M. D______ et à C______, l’OCAN a accordé l’autorisation d’utilisation des deux parcelles situées respectivement sur le territoire de la commune de Jussy et Vernier. Il s’agissait toutefois d’autorisations exceptionnelles et non reconductibles permettant tout d’abord à la société d’avoir le temps de chercher des solutions hors forêt mais également d’évaluer l’impact du projet. En tant que gestionnaire des forêts propriété de l’Etat de Genève, l’office ne souhaitait pas mettre à disposition pour l’exercice de son activité les forêts devant être protégées en tant que milieu naturel et permettre à la population de bénéficier d’espaces de tranquillité où se promener en accord avec la nature.

12.         Suite à ces deux décisions, par courrier du 16 août 2021, A______ s’est adressée à l’office pour contester le fait que son activité soit soumise à autorisation. Le jeu qu’elle avait inventé, n’était pas un jeu de combat mais une version modernisée d’un « cache-cache » en forêt durant la journée. Les joueurs devaient toucher leurs adversaires à l’aide d’un marqueur sur un bandeau situé autour de leur tête et muni de capteurs infrarouges. Ce dispositif était identique à celui d’une télécommande de télévision et n’entrait par ailleurs pas dans la définition de la loi fédérale sur les armes. Le nombre de participants par partie était limité à trente étant précisé qu’en moyenne, une quinzaine de personnes jouaient en même temps. Le libre accès aux forêts était garanti par le code civil et l’activité économique par la constitution. Dès lors que la restriction imposée à ses droits fondamentaux découlait d’un règlement, elle n’était pas compatible avec la constitution. De même, aucun intérêt public ou privé prépondérant ne justifiait une telle restriction. Une autorisation-cadre précisant les conditions de mise en œuvre et valable pour toutes les parties organisées devait être délivrée, dans la mesure où la plupart des jeux étaient réservés quelques jours à l’avance. Requérir le dépôt d’une demande d’autorisation pour l’organisation de chaque jeu était disproportionné et la priverait, de facto, de la possibilité de déployer son activité.

13.         Par décision du 29 septembre 2021, l’OCAN a constaté que le jeu E______ possédait de nombreuses caractéristiques d’un jeu de combat et devait être soumis à autorisation. Les pointeurs utilisés pour atteindre un adversaire, possédaient de nombreuses caractéristiques rappelant les armes à feu, soit une poignée surmontée d’un canon, un pontet et une queue de détente ainsi qu’un viseur. Quant au rapport technique fourni, il faisait mention d’un bouton de recharge des « munitions » soit d’un mot rappelant à l’évidence une arme à feu. Le joueur visait son adversaire dans une position évoquant celle que prendrait une personne tirant avec une arme à feu. Le jeu pouvait également être agrémenté par l’ajout d’imitations de mines et de grenades. Selon le site internet de la société, l’activité proposée était un lasergame et les participants étaient équipés d’une arme factice.

14.         Par acte du 5 novembre 2021, A______ (ci-après la recourante), a formé recours sous la plume de son conseil auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant principalement à l’annulation de la décision du 29 septembre 2021 sous suite de frais et dépens et à ce qu’elle soit autorisée à déployer son activité dans le canton de Genève sans autorisation. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu’il soit constaté que son activité pouvait être déployée moyennant les conditions suivantes :

-          la sécurité d’accès des autres utilisateurs qui pourraient être touchés par l’activité devrait être garantie, quitte à interrompre les parties si besoin ;

-          pas d’intervention sur la végétation, tout marquage durable sur les arbres et les infrastructures était interdit ;

-          un niveau sonore admissible devait être respecté ;

-          l’exclusivité du site n’était pas garantie ;

-          les lieux devaient être remis en état à la fin de la manifestation ;

-          les organisateurs étaient tenus pour responsables des éventuels dégâts occasionnés par les participants auprès des tiers et des dédommagements pourraient être exigés cas échéant.

La décision entreprise consacrait tout d’abord une violation du droit d’être entendu puisque le dossier avait subi des modifications suite au prononcé de celle-ci, à tout le moins par l’ajout d’une nouvelle pièce. Aucune prise de position ni préavis de la commission de la faune, tels que préconisés par la CCDB ne figuraient au dossier de même que la réponse du secteur des gardes cantonaux de l’environnement de sorte qu’elle avait été privée de la possibilité de se prononcer sur des éléments pertinents.

La décision violait ensuite les dispositions fédérales garantissant le libre accès aux forêts et contrevenait au principe de la primauté du droit fédéral. Son activité ne pouvait pas être soumise à autorisation puisque le critère de « jeu de combat » prévu par le règlement genevois n’était pas prévu par la législation fédérale. L’obligation d’une autorisation ne pouvait être fondée que sur le constat que son activité relevait d’une grande manifestation au sens de la loi fédérale notamment en termes de nombre de participants.

La législation cantonale avait également été mal appliquée. Le RForêts était contraire à la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10). Cette dernière soumettait à autorisation uniquement les grandes manifestations de sorte que la restriction supplémentaire visant les jeux de combat ne pouvait pas être instaurée par voie réglementaire. De plus, l’interprétation par l’autorité intimée du mot « combat » était contraire à la définition souhaitée par le législateur.

Il convenait également de retenir une violation du principe de l’égalité de traitement puisqu’elle était traitée différemment et moins favorablement, sans motif objectif, que d’autres administrés se livrant à des jeux en forêt, concours de parcours vita, courses à pied ou encore pique-niques, soustraits à l’obligation d’autorisation.

Enfin, les conditions pour procéder à une restriction de son activité économique n’étaient pas réunies.

La recourante a produit un chargé de pièces à l’appui de son recours.

15.         L’OCAN a répliqué le 23 décembre 2021 et déposé son dossier.

Le droit d’être entendu d’A______ n’avait pas été violé puisque le dossier avait été mis à sa disposition dès le 1er septembre 2021. Quant à la pièce ajoutée au dossier après que la décision avait été rendue, il s’agissait d’une page Wikipedia exposant la définition du lasergame. Celle-ci était consultable en tout temps et ne modifiait en rien la portée de la décision.

Les forêts genevoises subissaient de fortes pressions anthropogènes d’une ampleur incomparable avec celles que pourraient subir les forêts d’autres cantons. Il se justifiait dès lors que le canton de Genève ajoute quelques critères définissant les grandes manifestations afin d’appréhender de manière plus large les manifestations dont l’ampleur serait significative en regard de l’importance des impacts sur la forêt, la flore et la faune. Dans ce cadre, le législateur genevois avait fait le choix d’inscrire le critère de jeux de combat et/ou utilisation de projectiles car ce genre de jeu pouvait considérablement impacter la forêt. Or, le jeu E______ avait effectivement un impact sur la faune et la flore mais celui-ci pouvait être réduit si certaines précautions étaient respectées. Soumettre le jeu à autorisation permettait aux autorités genevoises d’évaluer les risques pour la faune et la flore et, cas échéant, de prendre des mesures visant à prévenir ou à limiter autant que possible les impacts sur la forêt.

Le jeu E______ avait été qualifié de jeu de combat en raison du contexte et de la manière selon laquelle il se déroulait. Ce jeu aurait notamment pour conséquence de provoquer auprès des joueurs une montée d’adrénaline qui ne garantirait pas que ces derniers puissent, effectivement, porter une attention à la faune et la flore. La soumission à autorisation n’avait pas pour but de faire baisser l’adrénaline des joueurs mais de permettre la régulation de l’activité pour contrôler les impacts sur la forêt.

Il n’existait aucune inégalité de traitement dès lors que toute personne souhaitant exercer la même activité qu’A______ ou toute autre activité assimilée à un jeu de combat et/ou utilisation de projectiles serait soumise à l’obligation de demander une autorisation pour grande manifestation en forêt.

Quant à la liberté économique, la décision litigieuse avait été rendue sur la base de la loi cantonale et de son règlement fixant les critères à prendre en compte pour considérer un évènement comme une grande manifestation et le soumettre à autorisation. La loi fédérale stipulait spécifiquement que l’accès aux forêts pouvait être restreint dans un intérêt public tel que celui de la conservation des forêts ou de la protection des plantes et animaux sauvages. Cette restriction était ainsi prévue par la législation cantonale et était justifiée par l’intérêt public de la conservation des forêts ou par l’intérêt public de protection des plantes et des animaux sauvages. Le dépôt d’une demande d’autorisation peu avant l’organisation de chaque manifestation avait pour but de permettre à l’autorité spécialisée d’évaluer les impacts potentiels sur les forêts, les prévenir ou les atténuer. Cela paraissait ainsi proportionné au but visé et apte à produire les effets escomptés. Tant la LForêts que le RForêts visaient le droit d’accès aux forêts et non la liberté économique de sorte que même s’il ne s’agissait pas de l’activité économique d’A______, sa décision aurait été la même. Les bases légales applicables ne faisaient aucune distinction entre activité lucrative et non lucrative, seul l’intérêt public à la conservation des forêts entrait en considération. Enfin, le jeu E______ était proposé ailleurs qu’en forêt tel qu’attesté par le site internet de la société.

16.         A______ a répliqué le 21 janvier 2022.

La législation genevoise, en ajoutant les jeux de combat comme critère supplémentaire pour définir les grandes manifestations, violait le droit fédéral. Ce critère allait à l’encontre non seulement du texte de la loi mais également de son esprit et de son but. La limitation autorisée par le droit fédéral devait s’appuyer sur la préservation de la forêt ce que le critère de jeu de combat ne faisait nullement.

Les marqueurs employés dans le cadre de l’activité étaient des jouets vendus librement dans les magasins et ne pouvaient être comparés au paint-ball. Il n’y avait aucune lutte physique entre les participants de sorte que le jeu ne pouvait être défini comme un jeu de combat. Il avait par ailleurs été démontré par le biais de la notice de F______, spécialisée dans le domaine des études forestières, que le jeu E______ avait un impact très faible sur l’environnement. Depuis 2015, la société avait organisé plus de trois mille parties à travers la Suisse, représentant environ quarante-cinq mille participants. Il n’y avait eu aucun impact négatif de l’activité sur la faune ou la flore et rien ne permettait de le retenir.

Le critère du jeu de combat n’était pas adéquat pour établir la distinction entre les activités ayant un impact sur la faune et celles qui n’en n’avaient pas. De même, l’OCAN se trompait lorsqu’il estimait que toute manifestation remplissant au moins l’un des critères de l’art. 23 al. 3 let. a à g RForêts était soumis à autorisation, étant précisé que son jeu ne tombait sous le coup d’aucune de ces conditions. En tant que son activité était soumise à autorisation du seul fait d’avoir été considérée comme un jeu de combat, il en découlait une inégalité de traitement avec d’innombrables autres activités ayant un impact nettement plus prononcé sur l’environnement et qui en étaient exemptées.

La décision de l’OCAN visant à soumettre son activité à autorisation n’était pas un bon moyen pour atteindre le but fixé, à savoir la protection de l’environnement. En effet, la simple ressemblance de l’activité à un jeu de combat n’était nullement, en tant que telle, en lien avec l’intérêt public visant la conservation des forêts ou la protection des plantes et animaux sauvages. La restriction à la liberté économique qui en découlait ne reposait pas sur une base légale formelle mais uniquement sur un texte de rang réglementaire. Ni la LFo ni la LForêts ne pouvaient être considérées comme prévoyant une délégation de compétence qui permettrait d’attribuer à la disposition réglementaire un qualificatif de loi au sens formel. Par ailleurs, le critère du jeu de combat allait largement au-delà du cadre permis par les lois fédérales et cantonales qui parlaient uniquement de grande manifestation. Enfin, sous l’angle de la proportionnalité stricte, la décision entreprise ne prenait pas en compte le cas d’espèce. Elle retenait qu’aucune mesure autre que l’obligation de requérir une autorisation ne permettait de préserver la faune et la flore alors qu’elle avait elle-même admis que l’activité pouvait être exercée moyennant certaines conditions. Ainsi, l’imposition d’une autorisation-cadre avec des charges à respecter mais valable pour toutes les parties de jeu permettait d’atteindre les mêmes buts.

17.         L’OCAN a également dupliqué le 18 février 2022 en persistant dans ses précédentes écritures. Sur la question de l’autorisation-cadre, il a précisé que soumettre à autorisation l’organisation d’une grande manifestation en forêt devait lui permettre d’évaluer, de cas en cas et de lieu en lieu, les impacts potentiels sur la faune et la flore, et ceci afin de déterminer si elle délivrait ou non l’autorisation, voire sous quelles conditions. Octroyer une autorisation-cadre permanente ne lui permettait plus d’exercer sa mission de protection et de surveillance de la faune et la flore quelles que soient les conditions auxquelles l’autorisation-cadre était soumise. Le sol forestier pouvait être grandement impacté si la société déployait son activité de manière répétée sur un même espace. Aussi, certains sols forestiers, déjà fragilisés, risquaient de faire l’objet d’un piétinement excessif. Durant certaines périodes, la tranquillité de plusieurs zones forestières devait être préservée afin d’assurer à la faune sauvage des zones favorables à son repos, sa reproduction ou son alimentation. Enfin, l’Etat de Genève mettait à disposition un terrain pour des activités similaires à celles d’A______ et dans lequel celle-ci pouvait exercer son activité dans avoir besoin de requérir une autorisation. Il s’agissait d’une solution qui pouvait lui permettre d’exercer son activité tout en respectant la protection et le développement durable des forêts.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LForêts (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 LForêts).

2.             Interjeté en temps utile dans les formes prescrites devant la juridiction compétente et par la recourante qui était destinataire de la décision, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA). Il n'en résulte toutefois pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble, puisqu'elle ne peut pas faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/366/2013 du 11 juin 2013 consid. 3a et la référence citée).

Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que les instances de recours ne peuvent annuler la décision du département que si celle-ci emporte une violation de la loi ; si plusieurs interprétations sont soutenables, le juge n'a pas à substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité de première instance (ATA/629/2008 du 16 décembre 2008, consid. 11).

4.             La recourante fait tout d’abord valoir une violation de son droit d’être entendu en lien avec la tenue du dossier par l’autorité intimée. Celle-ci aurait ajouté une pièce nouvelle après la prise de décision, n’aurait pas versé au dossier la réponse du secteur des gardes cantonaux de l’environnement du 30 juin 2022, ni sollicité le préavis de la commission de la faune.

5.             Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour le justiciable de faire valoir son point de vue avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1; 138 II 252 consid. 2.2 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2).

Il sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité, garantissant à un particulier de participer à la prise d'une décision qui touche sa position juridique. Sa garantie implique que l'administré soit informé de l'objet de la procédure et du contenu prévisible de la décision susceptible d'être prise à son égard (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n° 1529, p. 519 et les références citées). En tant que droit de participation, il englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références).

L'étendue du droit de s'exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L'idée maîtresse est qu'il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATF 123 I 63 consid. 2d ; 111 Ia 273 consid. 2b ; 105 Ia 193 consid. 2b/cc ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 5A_378/2014 du 30 juin 2014 consid. 3.1.1 ; 1D_15/2007 du 13 décembre 2007 consid. 3.4.1).

Il s’agit d’une garantie de nature formelle, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 133 III 235 consid. 5.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2012 du 17 avril 2013 consid. 3.1). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2). Sa portée est tout d'abord déterminée par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2 ; 124 I 49 consid. 3a et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_11/2009 du 31 mars 2009 ; 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution fédérale suisse, du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101), qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1).

6.             La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 et la jurisprudence citée) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; 133 I 201 consid. 2.2). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/747/2016 du 6 septembre 2016 et les références citées).

7.             En l’espèce, dans ces observations du 23 décembre 2021, l’autorité intimée a admis avoir ajouté au dossier, après qu’elle ait pris sa décision, l’impression d’une page Wikipedia contenant la définition du mot « lasergame ». Quant à la position des gardes cantonaux de l’environnement exprimée dans le courriel du 30 juin 2022, cette pièce avait échappée à la numérisation mais a été produite dans le cadre de la présente procédure de recours. En revanche, la sous-commission « de la faune » n’avait pas été sollicitée raison pour laquelle aucun préavis de celle-ci ne figurait au dossier.

Il apparaît ainsi que deux pièces ne figuraient pas au dossier qui a été remis à la recourante. Néanmoins, l’autorité intimée les a produites devant le tribunal de céans de sorte que la recourante a ainsi pu faire valoir ses arguments et mettre en évidence son point de vue de manière efficace. Dès lors, quand bien même la manière de procéder de l’autorité intimée serait constitutive d'une violation du droit d'être entendu, celle-ci ne peut être considérée comme grave et a pu être entièrement réparée dans le cadre de la procédure devant le tribunal de céans qui dispose d'une cognition entière et peut ainsi examiner toutes les critiques que la recourante pouvait faire valoir.

Mal fondé, ce grief sera écarté.

8.             La recourante fait valoir que la décision querellée est contraire au principe de la force dérogatoire du droit fédéral et constituerait une violation du libre accès aux forêts. Pour elle, le fait d’assimiler à une grande manifestation tout rassemblement avec des connotations de jeux de combat serait contraire à la législation fédérale.

9.             Le principe de la primauté du droit fédéral découlant de l’art. 49 Cst. fait obstacle à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en œuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 119 Ia 348 consid. 2c ; 117 Ia 328 consid. 2b ; ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/187/2003 du 1er avril 2003).

10.         Aux termes de l’art. 699 al. 1 du code civil (CC – RS 210) chacun a libre accès aux forêts et pâturages d’autrui et peut s’approprier baies, champignons et autres menus fruits sauvages, conformément à l’usage local, à moins que l’autorité compétente n’ait édicté, dans l’intérêt des cultures, des défenses spéciales limitées à certains fonds.

11.         Conformément à l’art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur les forêts (LFo – RS 921.0), les cantons veillent à ce que les forêts soient accessibles au public (al. 1).

Des espaces de délassement suffisamment grands et situés hors de la forêt doivent être offerts à la population, afin d’éviter que les forêts soient utilisées à cette fin. Il faut toutefois rappeler que la fonction sociale de la forêt recouvre une fonction de délassement. La forêt doit, par conséquent, être également considérée comme un espace de loisirs accessible au public en raison de sa situation, de sa structure, de son peuplement et de sa configuration (David BOULAZ, La protection du paysage, Etude de droit fédéral et vaudois, p. 395).

Cependant, l’art. 14 al. 2 LFo prévoit un régime d’exception si l’intérêt de la forêt ou un autre intérêt public l’impose, par exemple la protection des plantes ou d’animaux sauvages. Dans ce cas, les cantons doivent limiter l’accès à certaines zones forestières et soumettre à autorisation, notamment, l’organisation de grandes manifestations en forêt.

12.         Selon la doctrine, la notion de grande manifestation suppose une organisation et une personne de contact ; pour une grande manifestation, il faut un nombre important de participants, qui peut être défini par le droit cantonal. Il s'agit de manifestations telles que les fêtes forestières, les courses de VTT, les courses d'orientation, les manifestations utilisant des moyens techniques tels que des installations d'éclairage ou d'amplification, entre autres. De nombreux cantons prévoient également des obligations d'annonce pour les manifestations moins perturbantes. L'octroi de l'autorisation nécessite une pesée des intérêts. Il convient d'opposer, d'une part, les intérêts de détente et de loisirs des participants à la manifestation et, d'autre part, les intérêts publics en matière de conservation des forêts, de besoins de protection et de tranquillité pendant la période de reproduction (oiseaux) et de mise bas (chevreuils), de protection contre les nuisances sonores, etc. (Beatrice WAGNER PFEIFER, Umweltrecht - Besondere Regelungsbereiche, Ein Handbuch zu Spezialgebieten des Umweltrechts: Störfallvorsorge, umweltrechtliche Aspekte des Chemikalienrechts, Abfallrecht, Altlasten, Gewässerschutz, Natur - und Heimatschutz, Wald u.a., 2e éd., p. 572).

13.         L’auteur Brigitte WOLF va dans le même sens. Selon cette dernière, le Conseil fédéral a renoncé à préciser la notion de grande manifestation au niveau de l'ordonnance. Les débats parlementaires approfondis sur cette disposition ont toutefois mis en évidence que la taille d'une manifestation ne se mesure pas seulement au nombre de participants, mais aussi et surtout aux effets attendus sur la forêt. De même, la mise en œuvre de la notion de grande manifestation varie considérablement d'un canton à l'autre. Dix-neuf cantons les définissent de manière générale, par exemple comme celles qui peuvent entraîner une forte sollicitation de la forêt ou une atteinte importante à la faune et à la flore. Quatorze cantons définissent dans leur législation les motifs qui peuvent conduire à des charges ou des conditions, voire à un refus d'autorisation. Outre les intérêts de la conservation des forêts et de la protection de la nature, les points de vue suivants sont mentionnés : intérêts de l'homme en matière de détente et de loisirs, moment (période de nidification des oiseaux, période de mise bas du gibier, besoin de repos des animaux en hiver), lieu (réserves naturelles, zones de tranquillité pour la faune), itinéraire, fréquence des manifestations, nuisances sonores, etc. Dans seize cantons, les grandes manifestations sont définies en fonction d'un nombre minimal de personnes, ce nombre variant entre cent et mille. Dans les cantons de Berne et de Genève, la course d'orientation est explicitement mentionnée et toutes les compétitions nationales et internationales de course d'orientation sont soumises à une autorisation. Le canton de Genève va même jusqu'à déclarer que toute manifestation en forêt est soumise à autorisation. Neuf cantons complètent l'obligation d'autorisation pour les grandes manifestations par une obligation d'annonce. Dans le cadre de la décision relative à l'autorisation d'une grande manifestation, il convient de procéder à une pesée des intérêts. L'intérêt privé des organisateurs ainsi que l'intérêt public exprimé à l'art. 14 al. 1 LFo, à savoir l'accessibilité de la forêt pour le grand public, plaident en faveur de l'organisation d'une manifestation. En revanche, les intérêts privés des propriétaires forestiers et, comme on peut le constater, les intérêts de l'État en matière de protection de la nature s'opposent parfois à l'organisation d'une manifestation (Brigitte WOLF, Sportveranstaltungen im Wald am Beispiel OL, DEP 2010, p. 355 ss).

14.         D’autres auteurs sont également d’avis que les restrictions doivent favoriser la conservation des forêts, reposer sur une base légale et respecter le principe de proportionnalité prévu à l’art. 5 al. 2 Cst. (Vincent PERRITAZ, Le bois mort en forêt : quelles responsabilités pour le propriétaire forestier ?, DC 2020, p. 117 ss).

15.         L’art. 50 LFo prévoit que les cantons exécutent la LFo et édictent les dispositions nécessaires. Dans ce cadre, le législateur fédéral a donné aux cantons le pouvoir de légiférer plus en détail dans certains domaines, dont l’accès aux forêts (Hans-Peter JENNI, Pour que les arbres ne cachent pas la forêt : un guide à travers la nouvelle législation sur les forêts, Cahier de l’environnement n° 210, p. 23-24).

16.         En l’occurrence, à Genève, l’exécution de la LFo est prévue dans la LForêts qui stipule à son art. 19 al. 1 que toute manifestation en forêt est soumise à autorisation de l’inspecteur.

Dans le cadre de la modification de l’art. 19 LForêts intervenue en 2019, le législateur genevois visait à rendre cette disposition conforme au droit fédéral et à assouplir la réglementation des manifestations en forêt afin d'alléger et simplifier la gestion administrative des autorisations y relatives (Rapport de la commission de l’environnement et de l’agriculture chargée d’étudier le projet de loi PL 12292 du Conseil d’Etat modifiant la loi sur les forêts, exposé des motifs, p. 1, Disponible sur https://ge.ch/grandconseil/ data/texte/ PL12292).

S’agissant des manifestations en forêt, il ressort également de l’exposé des motifs que le législateur genevois avait précisément pour objectif d’adapter l’art. 19 LForêts à la législation fédérale. Dans le cadre de ses travaux, il a ainsi relevé que le Conseil fédéral n’avait pas défini plus précisément la notion de grande manifestation et que les parlementaires fédéraux avaient estimé que l'ampleur d'une manifestation ne se mesurait pas seulement au nombre de participants, mais aussi d'après la nature des répercussions probables sur la forêt. La définition et les critères de l’autorisation seraient ainsi prévus dans la RForêts (Rapport de la commission de l’environnement et de l’agriculture chargée d’étudier le projet de loi PL 12292 du Conseil d’Etat modifiant la loi sur les forêts, exposé des motifs, p. 9, Disponible sur https://ge.ch/grandconseil/ data/texte/ PL12292).

17.         Selon l’art. 23 al. 3 RForêts, par grande manifestation, il faut entendre tout rassemblement de caractère organisé comportant au moins l'un des éléments suivants : a) présence de plus de 50 personnes; b) utilisation de voies de communication imposant des restrictions pour les tiers; c) mise en place d'installations temporaires, telles que tente, caravanes, buvette ou WC; d) installation d'un système d'éclairage ou d'amplification de son; e) durée supérieure à 5 jours (préparatifs et remise en état du terrain y compris); f) jeux de combat et/ou utilisation de projectiles; g) activité cynologique réunissant plus de
10 chiens non tenus en laisse.

18.         En l’occurrence, au vu de ce qui précède, contrairement à l’avis de la recourante, il ne fait pas de doute que s’agissant de la définition précise de la notion de grande manifestation ou des restrictions d’accès à la forêt, le législateur fédéral a souhaité confier la réglementation détaillée aux cantons. Cela paraît tout à fait approprié compte tenu des spécificités de chaque canton et des grandes différences en termes de territoire forestier.

Le canton de Genève s’est aligné sur l’interprétation de la notion de grande manifestation mais l’a appréhendé en fonction de ses spécificités et de l’état de ses forêts résumé dans le rapport sur la durabilité de la forêt dans le canton de Genève de février 2021 mettant en évidence de fortes pressions anthropogènes puisque l’omniprésence du public dans la forêt genevoise provoquait un piétinement généralisé du sol. Or, comme précisé plus haut, le cadre fédéral lui permettait d’aborder la notion de grande manifestation en prenant en considération non seulement le critère du nombre de participants, mais également celui de l’importance des impacts sur les forêts. Ainsi, on doit admettre avec le département, qu’en fonction de la situation de ses forêts, le législateur genevois a considéré qu’il était justifié de prendre en considération également le critère de jeux de combat et/ou utilisation de projectiles eu égard à l’impact que ces activités peuvent avoir sur la faune et la flore. C’est d’ailleurs ce qu’a relevé la sous-commission de la flore dans sa prise de position du 11 juin 2021 pour proposer que de telles activités soient non seulement soumises à autorisation mais également restreintes à des secteurs définis.

De même, et le département l’a relevé à juste titre, le rapport du F______ lui-même a mis en évidence le fait que le jeu E______ pouvait avoir un impact sur la flore en raison du piétinement occasionné par les joueurs ou déranger la faune.

En conséquence, la réglementation genevoise en la matière et conforme au droit fédéral. Elle ne l’élude aucunement ni n’en contredit le sens ou l’esprit. Le principe de la force dérogatoire du droit fédéral n’étant ainsi pas violé, le grief doit être rejeté.

19.         Dans un autre grief, la recourante estime tout d’abord que l’art. 23 al. 3 let. f RForêts contrevient à l’art. 19 al. 1 LForêts qui n’indique pas qu’il appartenait à l’exécutif de définir la notion de grande manifestation. Elle estime également que la décision litigieuse viole ces dispositions puisqu’elles ne s’appliquent pas à son jeu et que celui-ci ne saurait être soumis à autorisation.

20.         En l’occurrence, tel que mentionné plus haut au chiffre 16, le législateur genevois a expressément prévu que la définition de la notion de grande manifestation ainsi que les critères de l’autorisation, seraient prévus dans le RForêts. Sur ce point, il n’y a dès lors aucune transgression à la LForêts.

Il n’y en a pas non plus s’agissant de la décision du département de soumettre le jeu E______ à autorisation.

Il est exact que le législateur genevois, en mentionnant les jeux de combat sans utilisation de projectiles dans la RForêts, a voulu soumettre à autorisation les jeux de combat tels que le lasergame lequel n’utilise pas de projectiles. Or, tant la notice de F______, que la recourante elle-même, ont défini le jeu comme un système innovant de lasergame à infrarouge ( ). C’est donc à juste titre que l’autorité intimée a décidé de faire application, dans le cas d’espèce, de l’art. 23 al. 3 let. f RForêts. La soumission à autorisation répond donc au besoin de contrôle de l’activité par les services spécialisés lesquels pourraient, cas échéant, émettre les conditions et recommandations nécessaires s’agissant notamment du périmètre d’exercice du jeu.

Mal fondé, le grief doit être rejeté.

21.         La recourante soulève ensuite le grief de violation du principe de l’égalité de traitement. Selon elle, sa situation est traitée différemment et moins favorablement, sans motif objectif, que celle d’autres administrés se livrant à des jeux en forêts soustraits à l’obligation d’autorisation.

22.         Aux termes de l’art. 8 al. 1 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Une décision ou un arrêté viole cette garantie lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Il y a notamment inégalité de traitement lorsque l’État accorde un privilège ou une prestation à une personne, mais les dénie à une autre qui se trouve dans une situation comparable (ATF 140 I 201 consid. 6.5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_223/2014 du 15 janvier 2015 consid. 4.5.1).

23.         La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision ou un arrêté est arbitraire lorsqu’il ne repose sur aucun motif sérieux et objectif ou n’a ni sens ni but (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 136 II 120 consid. 3.3.2 ; 133 I 249 consid. 3.3 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 129 I 113 consid. 5.1). Selon le Tribunal fédéral, l’inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 235 consid. 7.1 ; 129 I 1 consid. 3 ; 127 I 185 consid. 5 ; 125 I 1 consid. 2b.aa).

24.         En l’espèce, tel qu’établi plus haut, le canton de Genève a décidé, conformément au droit fédéral et afin de tenir compte de la situation de ses forêts, de soumettre à autorisation certaines activités pouvant s’y dérouler tel que le jeu E______. Ainsi, toute personne ou société souhaitant pratiquer le même jeu et/ou activité est tenue de requérir une autorisation au sens de l’art. 23 RForêts. Pour le reste, la recourante ne porte pas à la connaissance du tribunal de céans des exemples de sociétés ou de personnes s’adonnant à la même pratique qu’elle et qui ne seraient pas soumis à autorisation ou qui auraient rencontré plus de tolérance de la part de l’autorité intimée. Elle échoue en conséquence à démontrer que cette dernière aurait violé le principe de l’égalité de traitement.

25.         Ce grief sera dès lors également écarté.

26.         Le dernier grief de la recourante a trait à la violation de la liberté économique et du principe de la proportionnalité. Elle estime tout d’abord que son activité économique a été restreinte et que, de plus, aucun intérêt public ou privé prépondérant ne justifierait de lui imposer une telle restriction.

27.         Comme tout droit fondamental, la liberté économique, garantie par l'art. 27 Cst., ne peut être restreinte qu'aux conditions de l'art. 36 Cst. La restriction doit donc reposer sur une base légale (al. 1), être justifiée par un intérêt public (al. 2) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3).

La liberté économique, telle que consacrée par l'art. 27 Cst., a pour but de protéger toute activité économique privée tendant à la production d'un gain, soit toute activité exercée par une personne dans un but lucratif. Elle garantit l'existence d'un ordre économique fondé sur le marché et sur un minimum de concurrence (Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/ Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2021, n. 960 et 1035 et les arrêts cités).

Dans l’exercice de ses compétences, l’autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 Cst. et, en tant que la mesure entre dans le champ d'application d'un droit fondamental, à l'art. 36 al. 3 Cst., il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 4.1). Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/1094/2020 du 3 novembre 2020 ; ATA/309/2016 du 12 avril 2016).

28.         En l’espèce, il sied tout d’abord de relever que la décision querellée ne concerne pas spécifiquement l’activité économique de la recourante. Elle se prononce sur les conditions d’accès à la forêt.

Tel que vu ci-dessus, l'éventuelle atteinte à la liberté économique de la recourante se fonde bien sur une base légale suffisante, à savoir les articles 19 LForêts et
23 RForêts, qui fixent les conditions de restriction des accès à la forêt et pour requérir une autorisation en cas de manifestation. Ces restrictions répondent à un intérêt public prépondérant soit celui de conservation des forêts. La mesure entreprise s'avère également proportionnée. En effet, une pesée des intérêts en présence permet d’arriver à la conclusion que la soumission à autorisation de l’activité de la recourante dans l’optique de préservation des forêts genevoises l’emporte au regard de ses intérêts à pratiquer son activité sans devoir demander au préalable une autorisation. De même, la recourante s’est vue proposer par l’autorité intimée un terrain spécifique dédié à des activités similaires. Le tribunal de céans ne voit pas non plus quelle autre mesure permettrait à l’autorité intimée de préserver les forêts tout en laissant à la recourante la possibilité de pratiquer son jeu en forêt. Enfin, comme relevé à juste titre par l’autorité intimée dans ses observations, le jeu E______ peut également être pratiqué dans plusieurs autres lieux de sorte que l’impact de la décision querellée apparaît non seulement proportionné mais également limité du point de vue économique.

La décision de soumettre l’activité de la recourante à autorisation lorsqu’elle se déroule en forêt ne constitue ainsi aucune violation de la liberté économique.

29.         Cette motivation s’applique également à la conclusion subsidiaire de la recourante demandant à ce qu’il soit constaté que son activité pouvait être déployée sans autorisation mais moyennant des conditions (cf. chiffre 14, p. 5 ci-dessus). En effet, en procédant de la sorte, le département n’aurait plus le moyen d’apprécier au cas par cas la situation pour émettre les recommandations nécessaires en fonction du lieu que la recourante aurait choisi pour exercer son jeu.

30.         Entièrement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

31.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.-; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 novembre 2021 par A______ contre la décision du département du territoire du 29 septembre 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 900.- lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Endri GEGA, président, Saskia RICHARDET VOLPI et Aurèle MÜLLER, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Endri GEGA

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

Genève, le

 

La greffière