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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/771/2022

JTAPI/895/2022 du 02.09.2022 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;FAUTE GRAVE;SIGNALISATION ROUTIÈRE;PRIORITÉ(CIRCULATION)
Normes : LCR.16.al2; LCR.16c.al1.leta; LCR.27.al1; OSR.36.al1; LCR.90.al1; LCR.16.al3; LCR.16c.al2.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/771/2022 LCR

JTAPI/895/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 septembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Raphaël ROUX, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______1984, est titulaire d’un permis de conduire délivré en Suisse.

2.             Le 2 avril 2021 à 13h16, alors qu’il circulait au volant d’une voiture sur la route de______, venant du pont de ______ en direction du pont du ______, il a heurté avec l’avant gauche de son véhicule l’avant droit d’une moto conduite par Monsieur B______. Celui-ci a alors été projeté au sol et s’est légèrement blessé. Après avoir été conduit à l’hôpital en ambulance, il a pu quitter l’établissement le jour-même, ne souffrant que de contusions et d’abrasions.

3.             À teneur du rapport de police établi le 26 avril 2021 suite à cet accident, M. A______ n’avait pas accordé la priorité en quittant une route déclassée par un signal « STOP » et avait poursuivi sa route tout droit, sans égard envers M. B______ qui circulait normalement au guidon de sa moto, et l’avait heurté. Les images extraites d’une caméra de vidéosurveillance confirmaient les circonstances de l’accident.

4.             Par courrier du 5 mai 2021, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a fait savoir à M. A______ que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l’infraction précitée et qu’elle pouvait aboutir à une mesure administrative, telle qu’un retrait du permis de conduire, indépendamment de l'amende ou d'une autre sanction pénale. Un délai de quinze jours ouvrables lui était imparti pour faire part de ses observations écrites.

L’intéressé ne s’est pas manifesté.

5.             Par décision du 28 juin 2021, prise en application de l’art. 16c de la loi sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR – RS 741.01), l’OCV a retiré le permis de conduire de M. A______ pour une durée de trois mois. L'infraction commise constituait une infraction grave aux règles de la circulation routière, de sorte que la durée minimale du retrait s'élevait à trois mois, et il n’avait pas justifié d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence.

6.             Par courrier du 6 juillet 2021, M. A______ a informé l’OCV qu’il avait besoin de son permis de conduire pour exercer son activité professionnelle, car il était convoyeur de fonds. Le jour de l’accident, il s’était arrêté à un premier « STOP » durant cinq secondes. Il avait ensuite démarré mais n’avait pas vu le motocycliste qui arrivait car « la toiture solaire » de sa voiture était ouverte, réduisant sa visibilité. C’était le motocycliste qui avait « impacté » sa voiture, étant précisé qu’il conduisait une moto noire et qu’il était tout de noir vêtu. Il avait rempli toutes ses obligations après la survenue de l’accident et avait également pris des nouvelles de M. B______ par la suite.

M. A______ a joint un document daté du 5 juillet 2021, à teneur duquel son employeur attestait du « besoin primordial » pour l’entreprise et pour l’intéressé de conserver son permis de conduire. Employé depuis le 1er septembre 2019, sa tâche consistait à conduire un fourgon de 00h00 à 08h00 du lundi au vendredi afin de relever la monnaie de distributeurs automatiques. En cas de retrait de son permis de conduire, le maintien de son emploi ne pourrait pas être garanti.

7.             Par acte du 7 juillet 2021, M. A______ a recouru contre la décision de l’OCV du 28 juin 2021 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause ______.

8.             Par décision du 16 juillet 2021, l’OCV a annulé la décision du 28 juin 2021, au motif qu’il ressortait du courrier du 6 juillet 2021 que M. A______ contestait les faits, tels que constatés par la police dans le rapport établi suite à l’évènement du 2 avril 2021. Partant, le dossier était mis en suspend jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale.

9.             Par décision______, le tribunal a rayé la cause ______ du rôle, suite au retrait du recours.

10.         Par ordonnance pénale du 5 octobre 2021, définitive et exécutoire, le service des contraventions a condamné M. A______, en application notamment des art. 26, 27, 31, 36, 90 LCR et 36 de l’ordonnance sur la signalisation routière du 5 septembre 1979 (OSR - RS 741.21), à une amende de CHF 1'600.- pour n’avoir pas accordé la priorité en quittant une route déclassée par un signal « STOP », causant un accident avec blessé léger.

11.         Suite au prononcé de cette ordonnance pénale, l’OCV a accordé un délai au 10 janvier 2022 à M. A______ pour faire part de ses observations complémentaires. Passé ce délai et sans nouvelles de sa part, il se déterminerait sur la suite de la procédure administrative, en l’état du dossier.

L’intéressé ne s’est pas manifesté.

12.         Par décision du 4 février 2022, prise en application de l’art. 16c LCR, l’OCV a retiré le permis de conduire de M. A______ pour une durée de trois mois. L'infraction commise constituait une infraction grave aux règles de la circulation routière, de sorte que la durée minimale du retrait s'élevait à trois mois. Dans la mesure où il avait justifié d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles, au sens défini par la jurisprudence, et qu’il pouvait justifier d’une bonne réputation, en l’absence d’antécédent, la mesure prononcée ne s’écartait pas du minimum légal.

13.         Par acte du 6 mars 2022, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce qu’un retrait de permis de conduire ne dépassant pas un mois soit prononcé à son encontre.

Il a relaté les circonstances de l’accident survenu le 2 avril 2021, alléguant à nouveau qu’il s’était bien arrêté en respect du signal « STOP », qu’il avait observé la route durant environ cinq secondes avant de démarrer, mais qu’ébloui par le soleil, il n’avait pas vu le motocycliste intégralement vêtu de noir qui arrivait sur sa gauche. Il ne contestait pas sa responsabilité. Cependant, les circonstances du cas relevaient d’une infraction moyennement grave au sens de l’art. 16b LCR et non pas d’une infraction grave au sens de l’art. 16c LCR.

D’ailleurs, dans un récent jugement (JTAPI/1213/2021 du 1er décembre 2021), le tribunal de céans s’était prononcé dans une affaire similaire. Il s’agissait d’une automobiliste qui n’avait pas respecté un signal « STOP » et avait percuté un motocycliste provoquant sa chute, sans le blesser. Par ordonnance pénale, cette dernière avait été reconnue coupable de violation simple des règles de la circulation routière. Elle avait ensuite contesté le retrait de permis de conduire d’une durée d’un mois prononcé à son encontre en application de l’art. 16b LCR, invoquant notamment le fait qu’elle avait bien marqué le « STOP » et avait laissé passer deux véhicules avant de s’élancer, sans voir le motocycliste, compte tenu d’une mauvaise visibilité à l’intersection. Le tribunal de céans avait toutefois confirmé qu’elle avait commis une infraction moyennement grave au sens de l'art. 16b al. 1 let. a LCR.

Le recourant ne contestait ni la violation des règles de la circulation, ni le principe du retrait du permis de conduire, mais il estimait que l’autorité intimée avait abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant qu’il avait commis une violation grave des règles de la circulation routière. La sanction prononcée s’écartait de celle prononcée par l’autorité pénale, qui ne l’avait condamné qu’à une simple amende qui relevait d’une violation simple et non pas grave des règles de la circulation routière. L’OCV ne pouvait pas requalifier son comportement et prononcer la sanction la plus grave du catalogue des retraits de permis de conduire. Le choix de cette sanction ne se justifiait pas non plus eu égard au JTAPI/1213/2021 et à l’égalité de traitement avec les autres administrés.

Enfin, il pouvait justifier d’une bonne réputation ainsi que d’un besoin professionnel impératif d’un véhicule. Dans ces circonstances, un retrait de son permis de conduire d’une durée d’un mois devait être prononcé, étant précisé qu’une telle mesure aurait déjà des conséquences potentiellement majeures, compte tenu de sa situation personnelle.

Le recourant a produit diverses pièces à l’appui de son recours.

14.         Dans ses observations du 9 mai 2022, l’OCV a persisté dans les termes de sa décision qui était conforme à la loi et la jurisprudence applicables en la matière.

Il ressortait des images de la caméra de vidéosurveillance, dont une copie était jointe au dossier, que le recourant ne s'était pas arrêté au signal « STOP », contrairement à ses allégations, et qu’il avait gravement violé les règles de la circulation routière, mettant sérieusement en danger la sécurité d'autrui. Ce cas se distinguait ainsi clairement de celui qui avait abouti au jugement JTAPl/1213/2021 du 1er décembre 2021.

15.         Le recourant a répliqué le 7 juin 2022, sous la plume de son conseil.

Il avait visionné les images précitées et « tomb[ait] des nues » en constatant qu’il n’avait pas marqué d’arrêt au signal « STOP », alors qu’il en était persuadé de bonne foi. Dans ces circonstances, il admettait avoir adopté un comportement objectivement grave. Cependant, d’un point de vue subjectif, il n’avait jamais eu l’intention de commettre une telle violation.

16.         Par courrier du 16 juin 2022, l’OCV a indiqué qu’il n’avait pas d’observations complémentaires à formuler.

17.         Le tribunal a visionné les images de la caméra de vidéosurveillance qui figurent au dossier et qui montrent clairement que, non seulement le recourant ne s’est pas arrêté au signal « STOP », mais qu’il n’a pas même ralenti.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

4.             Lorsque la procédure prévue par la loi sur les amendes d'ordre du 18 mars 2016 (LAO - RS 314.1) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

5.             Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d'admonestation, la LCR distingue les infractions légères (art. 16a LCR), moyennement graves (art. 16b LCR) et graves (art. 16c LCR).

a) Selon l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée.

Les conditions de la légère mise en danger et de la faute bénigne sont cumulatives (ATF 135 II 138 consid. 2.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_3/2008 du 18 juillet 2008 consid. 5.1 ; 1C_75/2007 du 13 septembre 2007 consid. 3.1 ; 6A.89/2006 du 19 juillet 2007 consid. 2.3 ; cf. ég. ATF 133 II 58 consid. 5.5).

L'absence de tout dommage ensuite d'un accident de circulation n'est synonyme ni de faute légère, ni de mise en danger bénigne (arrêt du Tribunal fédéral 1C_184/2018 du 26 juillet 2018 consid. 2.3).

b) Commet une infraction grave, selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Une infraction grave suppose ainsi le cumul d'une faute grave et d'une mise en danger grave (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_525/2012 du 24 octobre 2013 consid. 2.1).

Il y a création d'un danger sérieux pour la sécurité d'autrui non seulement en cas de mise en danger concrète, mais déjà en cas de mise en danger abstraite accrue ; la réalisation d'un tel danger s'examine en fonction des circonstances spécifiques du cas d'espèce (cf. ATF 142 IV 93 consid. 3.1 ; 131 IV 133 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_436/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1 ; 6B_23/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.2 ; 6B_665/2015 du 15 septembre 2016 consid. 2.1.1 ; 1C_478/2014 du 14 juillet 2015 consid. 2.2 ; 1C_20/2013 du 28 mai 2013 consid. 4.4 et les arrêts cités). Il y a mise en danger abstraite accrue lorsqu'une ou des personnes indéterminées auraient pu se trouver potentiellement exposées à un danger pour leur intégrité physique. Lorsque l'on peut objectivement exclure des circonstances la présence de tout tiers, y compris, le cas échéant, du passager du conducteur en infraction, l'imminence du danger peut être niée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_23/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.2 ; 6B_117/2015 du 11 février 2016 consid. 13.2).

Sur le plan subjectif, l'art. 16c al. 1 let. a LCR, dont la portée est identique à celle de l'art. 90 al. 2 LCR, exige un comportement sans scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation, c'est-à-dire une faute grave et, en cas d'acte commis par négligence, à tout le moins une négligence grossière (cf. ATF 142 IV 93 consid. 3.1 ; 131 IV 133 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_436/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1 ; 1C_442/2017 du 26 avril 2018 consid. 2.1). Cette condition est réalisée si l'auteur est conscient du danger que représente sa manière de conduire ou si, contrairement à ses devoirs, il ne tient absolument pas compte du fait qu'il met en danger les autres usagers, c'est-à-dire s'il agit avec une négligence inconsciente. Dans un tel cas, il faut toutefois faire preuve de retenue. Une négligence grossière ne peut être admise que si l'absence de prise de conscience du danger créé pour autrui est particulièrement blâmable ou repose elle-même sur une absence de scrupules (ATF 131 IV 133 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_436/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1 ; 6B_672/2018 du 20 septembre 2018 consid. 1.1 ; 6B_23/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.2 ; 6B_665/2015 du 15 septembre 2016 consid. 2.1.2). Plus la violation de la règle de la circulation est objectivement grave, plus on admettra l'existence d'une absence de scrupules, sauf indice particulier permettant de retenir le contraire (ATF 142 IV 93 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_436/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1 ; 6B_672/2018 du 20 septembre 2018 consid. 1.1). L'acceptation de l'absence de scrupules ne peut cependant pas être déduite de toute inattention (cf. ATF 142 IV 93 consid. 3.1 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_23/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.2). En principe, il y a lieu de retenir une négligence grossière lorsque la violation des règles de la circulation routière est objectivement grave. L'absence de scrupules sera exceptionnellement niée, lorsque les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître le comportement de l'auteur sous un jour plus favorable (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_665/2015 du 15 septembre 2016 consid. 2.1.2 ; 6B_441/2015 du 3 février 2016 consid. 2.2.1 ; 6B_290/2015 du 23 novembre 2015 consid. 2.2.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 142 IV 93 consid. 3.1 et les références citées).

c) Réalise enfin une infraction moyennement grave, selon l'art. 16b al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

Le législateur conçoit l'art. 16b al. 1 let. a LCR comme l'élément dit de regroupement. Cette disposition n'est ainsi pas applicable aux infractions qui tombent sous le coup des art. 16a al. 1 let. a et 16c al. 1 let. a LCR. Dès lors, l'infraction est considérée comme moyennement grave lorsque tous les éléments constitutifs qui permettent de la qualifier comme légère ou au contraire comme grave ne sont pas réunis. Tel est par exemple le cas lorsque la faute est grave et la mise en danger bénigne ou, inversement, si la faute est légère et la mise en danger grave (ATF 136 II 447 consid. 3.2 ; 135 II 138 consid. 2.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_436/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1 ; 1C_144/2018 du 10 décembre 2018 consid. 2.1 ; 1C_54/2018 du 3 octobre 2018 consid. 2.1). Ainsi, par rapport à une infraction légère, où tant la mise en danger que la faute doivent être légères, on parle d'infraction moyennement grave dès que la mise en danger ou la faute n'est pas légère (arrêts du Tribunal fédéral 1C_436/2019 du 30 septembre 2019 consid. 2.1 ; 1C_144/2018 du 10 décembre 2018 consid. 2.1 ; 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3.1 ; 1C_184/2018 du 26 juillet 2018 consid. 2.2).

6.             Selon la jurisprudence, l'inobservation d'un « stop » crée un sérieux danger pour la circulation et compromet gravement la sécurité de la route (Bussy/Rusconi, Commentaire du Code suisse de la circulation routière, 3e éd., Lausanne 1996, n. 1.5 p. 260, n. 4.4 p. 686; art. 27 al. 1 LCR et 36 OSR). En quittant un signal « stop » sans prendre les mesures de prudence nécessaires et en heurtant un motocycliste qui circulait normalement sur une artère prioritaire, le Tribunal fédéral a retenu que le conducteur avait commis une infraction qui devait être considérée comme grave ou - à tout le moins - comme moyennement grave (arrêt du Tribunal fédéral 6A.104/2002 du 24 janvier 2003 consid. 4).

7.             Dans un arrêt ultérieur, le Tribunal fédéral a retenu que le fait de ne pas respecter un « stop » ne constitue pas dans tous les cas une infraction grave et qu'un simple « stop coulé » pourrait même être sanctionné dans le cadre d'une procédure d'amende d'ordre (arrêt 1C_13/2008 du 24 juin 2008).

Ultérieurement, dans l’arrêt 1C_548/2012 du 6 août 2013, le Tribunal fédéral a exclu l’admission d’une infraction légère au sens de l’art. 16a al. 1 LCR dans le cas d’un automobiliste qui n’avait pas accordé la priorité à une camionnette arrivant à sa gauche, en dépit de la présence d'un signal « stop », et qui l’avait heurtée. Il a considéré que l’automobiliste, qui avait reconnu ne pas avoir accordé la priorité au conducteur de la camionnette en raison d'une mauvaise appréciation de la situation au croisement, avait fait preuve d’une inattention fautive et avait mis sérieusement en danger la sécurité d'autrui, comme en témoignait la collision survenue. De plus, il était notoire que le fait de percuter un véhicule représentait un risque élevé de blessures pour les personnes impliquées (consid. 3.3). La Haute cour a ainsi confirmé que les éléments constitutifs d'une infraction moyennement grave au sens de l'art. 16b al. 1 let. a LCR étaient réunis (consid. 3.4), étant précisé qu’il n’était pas reproché à l’automobiliste de ne pas s’être arrêté au signal « STOP », mais de ne pas avoir accordé la priorité au véhicule circulant sur la route dont il s'approchait, dès lors qu'il quittait une voie déclassée par ce signal (consid. 2.2).

En tout état, l’engagement brutal d’un véhicule sur une voie de circulation sans égard au trafic prioritaire, dans tous les cas de façon telle que celui-ci risque un accident, induit une mise en danger (abstraite accrue) grave et a été qualifié de faute grave (Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, p. 292 et 367 et la référence citée).

8.             En principe, l'autorité administrative statuant sur un retrait du permis de conduire est liée par les constatations de fait d'un jugement pénal entré en force. La sécurité du droit commande en effet d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits. L'autorité administrative ne peut s'écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qui n'ont pas été prises en considération par celui-ci, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; 137 I 363 consid. 2.3.2 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_470/2019 du 31 janvier 2020 consid. 5.1.2 ; 1C_611/2018 du 18 avril 2019 consid. 2.2 ; 1C_202/2018 du 18 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_30/2017 du 21 avril 2017 consid. 2.1).

9.             Si les faits retenus dans la procédure pénale lient en principe les autorités administratives (ATF 139 II 95 consid. 3.2 p. 101 s. et les arrêts cités), il en va différemment des questions de droit, en particulier de l'appréciation de la faute et de la mise en danger (arrêts 1C_474/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 ; 1C_548/2012 du 6 août 2013 consid. 2.1; 1C_353/2011 du 12 janvier 2010 consid. 2.1 et les références). Il appartient exclusivement aux autorités administratives, et non pas aux autorités pénales, de se prononcer sur les mesures prévues par les art. 16 ss LCR. Celles-ci restent en effet libre de procéder à leur propre appréciation juridique des faits pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 1C_548/2012 du 6 août 2013 consid. 3.3). Ainsi, une condamnation pénale limitée à l'amende, que prévoit l'art. 90 al. 1 LCR, n'exclut pas, sous l'angle administratif, la reconnaissance d'une infraction grave au sens de l'art. 16c LCR (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 1C_552/2013 du 13 juin 2013 ;1C_27/2012 du 3 juillet 2012 ; 1C_502/2011 du 6 mars 2012).

10.         En l’espèce, il est établi et désormais non contesté que le recourant ne s’est pas conformé au signal « STOP » qui l’obligeait à s’arrêter et à accorder la priorité aux véhicules circulant sur la route dont il s’approchait (art. 27 al. 1 LCR et 36 al. 1 OSR).

Une telle situation diffère de celles évoquées ci-dessus, dans lesquelles la jurisprudence fédérale a retenu une faute à tout le moins moyennement grave, voire grave, et où le conducteur, après s'être arrêté au signal « STOP », avait repris sa route sans respecter la priorité d'autrui. En tant que ce principe a été établi ultérieurement à l'arrêt 1C_548/2012 du 6 août 2013 dans lequel le Tribunal fédéral évoquait la possibilité d'une faute légère pour un « stop coulé », il n'y a pas lieu d'y revenir.

À cela s’ajoute le fait que la jurisprudence et la doctrine retiennent une mise en danger grave et une faute grave à l’égard d’un conducteur qui s’engage brutalement sur une voie de circulation sans égard au trafic prioritaire, à l’instar du recourant qui ne s’est pas arrêté au signal « STOP » et qui n’a même pas ralenti. Son inattention fautive a d’ailleurs mis sérieusement en danger la sécurité d'autrui, dès lors qu’il a percuté un motocycliste qui n’a été, fort heureusement, été que légèrement blessé lors de sa chute.

Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir que l’autorité intimée n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en qualifiant l’infraction commise par le recourant de grave au sens de l’art. 16c al. 1 let. a LCR, étant rappelé qu’une condamnation pénale limitée à l'amende (art. 90 al. 1 LCR) n'exclut pas, sous l'angle administratif, la reconnaissance d'une infraction grave au sens de l'art. 16c LCR (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 1C_552/2013 du 13 juin 2013 ;1C_27/2012 du 3 juillet 2012 ; 1C_502/2011 du 6 mars 2012).

11.         Après une infraction grave, le permis de l’élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum (art. 16c al. 2 let. a LCR).

12.         Selon l'art. 16 al. 3 LCR, les circonstances doivent être prises en considération pour fixer la durée du retrait du permis de conduire, notamment l'atteinte à la sécurité routière, la gravité de la faute, les antécédents en tant que conducteur, ainsi que la nécessité professionnelle de conduire un véhicule automobile. La durée minimale du retrait ne peut toutefois être réduite. L’art. 16 al. 3 LCR, qui rend incompressibles les durées minimales de retrait des permis, s'impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible, même pour tenir compte des besoins professionnels particuliers du conducteur ; le législateur a en effet entendu exclure expressément la possibilité ouverte par la jurisprudence sous l'ancien droit de réduire la durée minimale du retrait en présence de circonstances particulières, notamment en faveur de conducteurs professionnels (ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2 ; 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3).

13.         En l’espèce, l’autorité intimée s’étant conformé au minimum légal prévu par l’art. 16c al. 2 let. a LCR, c’est en vain que le recourant se prévaut de ses besoins professionnels, lesquels ne permettent pas de déroger à la règle de l’art. 16 al. 3 LCR.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision attaquée confirmée.

15.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 4 février 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais de même montant ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière