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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1340/2022

JTAPI/830/2022 du 15.08.2022 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;ACTIVITÉ LUCRATIVE
Normes : LEI.40.al2; LEI.64.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1340/2022

JTAPI/830/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 août 2022

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, agissant en leur nom et pour le compte de leur enfant mineur C______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS


EN FAIT

1.             Madame A______, née le 28 juillet 1985, et Monsieur B______, né le 12 août 1985, sont ressortissants des Philippines.

2.             Les époux A______ et B______ sont arrivés en Suisse le 17 juillet 2015.

3.             Leur fils C______, également ressortissant des Philippines, est né à Genève le 16 octobre 2018.

4.             Mme A______ a été employée à la Mission permanente des Philippines à Genève en qualité d’« attaché[e] » du 17 juillet 2015 au 17 juillet 2021.

A ce titre, elle a été mise au bénéfice d'une carte de légitimation de type C, délivrée par le département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) et son époux d’une autorisation de séjour de type Ci (membre de la famille du personnel des missions permanentes et des organisations internationales), valables jusqu'au 5 février 2022.

Son titre de séjour l'autorisant à exercer une activité salariée ou une activité indépendante sans être soumis aux mesures de limitation de la main-d'œuvre étrangère, M. B______ a occupé divers emplois à Genève, en dernier lieu auprès de la société D______ (ci-après : la SA).

5.             Par la suite et jusqu’au 31 mai 2022, Mme A______ a été employée auprès de E______ en qualité de « consultante ». A ce titre, elle a été mise au bénéfice d'une carte de légitimation de type H, valable jusqu'à cette date.

6.             Le 5 mai 2021, la SA a adressé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour (formulaire M) avec activité lucrative en faveur de M. B______, en qualité de « plongeur », au salaire mensuel de CHF 4'100.-.

7.             Le 10 mai 2021, les époux A______ et B______ agissant en leur nom et pour le compte de leur fils ont déposé une demande d'autorisation de séjour (formulaire M) en vue de regroupement familial avec M. B______.

8.             Par décision préalable du 2 décembre 2021, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), à qui l'OCPM avait transmis la demande pour raison de compétence, après examen du dossier, a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée par la SA, au motif qu'il n'était pas en mesure de constater que les conditions relatives à l'octroi d'une autorisation de travail étaient réalisées. En dépit de son courrier du 16 novembre 2021, les documents nécessaires à l'examen de la demande n'avaient pas été fournis. En conséquence, il retournait son dossier à l'OCPM.

9.             Par courrier du 13 décembre 2021, la SA a transmis les documents sollicités et indiqué ne pas avoir effectué d'annonce à l'office cantonal de l'emploi pour le poste qu'occupait M. B______. Celui-ci avait proposé sa candidature et elle avait accepté de l'engager au sein de son établissement.

10.         Le 17 janvier 2022, la SA a déposé une demande de réexamen de sa demande.

Elle effectuait toujours des recherches sur internet afin de recruter du personnel, ce qu'elle avait fait au mois de novembre 2020 pour le poste occupé par M. B______, mais sans succès. L’intéressé lui avait présenté sa candidature de manière spontanée en décembre 2020. C’était une personne appliquée, soigneuse et travailleuse. Aucune formation particulière n'était requise pour ledit poste.

11.         Par nouvelle décision préalable du 8 février 2022, l'OCIRT, après examen du dossier par la commission désignée à cet effet par le Conseil d'Etat, a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée, au motif que l'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse selon l'art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). De plus, 1'ordre de priorité de l'art. 21 LEI n'avait pas été respecté, l'employeur n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE/AELE n'avait pu être trouvé. En conséquence, il retournait son dossier à l'OCPM.

Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours.

12.         Par courrier adressé à l'OCPM du 22 février 2022, M. B______ a sollicité la réévaluation de sa demande d'autorisation de séjour.

Il souhaitait demeurer en Suisse avec sa famille n'ayant aucune perspective professionnelle dans son pays d'origine. Il était indispensable qu'il puisse travailler afin de compléter les revenus de sa femme et couvrir ainsi leurs dépenses mensuelles. Ils avaient des attaches fortes avec la Suisse, ayant vécu dans ce pays durant plusieurs années. Leur fils y était né. Il avait également acquis le niveau A1 en français. La Suisse était un pays sûr, offrant un environnement et des meilleures opportunités pour leur fils.

Il a produit diverses pièces.

13.         Par décision du 16 mars 2022, l'OCPM a refusé l'octroi d'une autorisation de séjour en vue de l'exercice d'une activité lucrative en faveur de M. B______ et a prononcé son renvoi ainsi que celui de Mme A______ et de C______. Un délai au 17 avril 2022 leur était imparti pour quitter la Suisse et rejoindre le pays dont ils possédaient la nationalité ou tout autre pays où ils étaient légalement admissibles, étant relevé qu’ils n'invoquaient ni n'avaient démontré l'existence d'obstacles au retour dans leur pays d'origine et que le dossier ne faisait pas non plus apparaître que l'exécution de leur renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

En raison de la décision préalable négative de l'OCIRT du février 2022, il n'était pas en mesure de délivrer une autorisation de séjour en vue de l'exercice d'une activité lucrative en faveur de M. B______.

Bien que né en Suisse, la réintégration de leur fils, âgé de 3 ans, dans son pays d'origine ne devrait pas poser de problème insurmontable. En bonne santé et pas encore scolarisé, son intégration en Suisse n'était pas encore déterminante.

14.         Par acte du 29 avril 2022, reçu le 2 mai 2022, les époux A______ et B______, agissant en leur nom et pour le compte de leur fils mineur, ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision précitée, concluant implicitement à son annulation et au renvoi du dossier à l'OCPM pour nouvelle décision.

La recourante travaillait auprès de E______. Quant au recourant, plusieurs employeurs étaient prêts à l'engager. Enfin, leur enfant disposait d'une place en crèche pour l'année 2022-2023 et ils ne voulaient pas manquer l'opportunité de le voir scolarisé en Suisse.

Ils ont produit plusieurs pièces, à savoir des documents attestant l'engagement de la recourante auprès de E______ et la carte de légitimation délivrée à ce titre, l'extrait de l'acte de naissance de leur fils, un courrier confirmant l'admission de ce dernier à F______, un extrait du registre des poursuites confirmant l’absence de poursuite et d’acte de défaut de biens ainsi qu'une attestation d'absence d'aide financière de l'Hospice général.

15.         Par courrier du 10 mars 2022, sur demande du tribunal, les recourants ont produit une copie de la décision querellée et indiqué que M. B______ avait été engagé en qualité de « plongeur » par la société G______, cet emploi étant toutefois conditionné à l'octroi des autorisations nécessaires. Vu son expérience et son éthique, il n'avait aucune difficulté à trouver du travail.

Une copie du contrat et de son avenant était notamment

16.         Dans ses observations du 30 juin 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Il a produit son dossier.

Reprenant en substance les motifs de la décision querellée, il a ajouté que les arguments soulevés par les recourants n'étaient pas de nature à modifier sa position. La carte de légitimation de type H dont bénéficiait la recourante n'avait pas été renouvelée au-delà du 31 mai 2022. En tout état de cause, ce type de carte de légitimation ne permettait pas le regroupement familial. Partant, même à admettre que la carte de légitimation ait été renouvelée, le refus d’autorisation de séjour vaudrait encore pour tous les recourants et il en irait de même du renvoi en ce qui concernait le recourant et C______.

17.         Invités à se déterminer suite aux observations de l'OCPM, les recourants n'ont pas répliqué.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             Les recourants contestent le refus de l’OCPM de leur octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative.

7.             Le LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissantes et ressortissants des Philippines.

8.             Selon l’art. 40 al. 2 LEtr, lorsqu’un étranger ne possède pas de droit à l’exercice d’une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l’admettre en vue de l’exercice d’une activité lucrative, ainsi que pour l’autoriser à changer d’emploi ou à passer d’une activité lucrative salariée à une activité lucrative indépendante.

9.             Dans le canton de Genève, c’est l’OCIRT qui est compétent pour rendre une telle décision (art. 2 al. 2 LaLEtr et 6 al. 4 du règlement d’application de la loi fédérale sur les étrangers, du 17 mars 2009 - RaLEtr - F 2 10.01). Sa décision préalable lie l’OCPM (art. 6 al. 6 RaLEtr ; cf. aussi directives et circulaires du secrétariat d'État aux migrations [ci-après : SEM], domaine des étrangers, état au 1er janvier 2021, ch. 1.2.3.2).

10.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (cf. ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a ; ATA/991/2020 du 6 octobre 2020 consid. 6b ; ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 ; ATA/1694/2019 du 19 novembre 2019 consid. 6).

11.         En l'occurrence, la décision attaquée fait suite à la décision préalable négative de l’OCIRT, entrée en force, constatant que le recourant ne remplissait pas les conditions pour un séjour avec activité lucrative en Suisse et qu’il ne disposait d’aucun titre de séjour valable en Suisse.

Les recourants ne sont pas fondés, dans le cadre de la présente procédure, à remettre en cause la décision prise par l'OCIRT le 8 février 2022, qui est entrée en force dès lors qu’elle n’a pas été contestée en temps utile. Ainsi, conformément à la jurisprudence citée plus haut, l'OCPM est lié par cette décision.

Etant pour le surplus, à ce jour, dépourvus de titre de séjour en Suisse - la recourante n’ayant pas allégué et, a fortiori démontré, que sa carte de légitimation aurait été prolongée au-delà du 31 mai 2022 -, l'autorité intimée n'avait d'autre choix que de prononcer le renvoi des recourants en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI.

Enfin, il ne ressort pas du dossier que l'exécution de leur renvoi ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 LEI. Leur volonté de vivre dans un pays sûr et d’offrir de meilleures opportunités à leur fils, certes louable, ne saurait en particulier faire obstacle à leur renvoi.

12.         Mal fondé, le recours est rejeté et la décision contestée confirmée.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

14.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 avril 2022 par Madame A______ et Monsieur B______, agissant en leur nom et pour le compte de leur enfant mineur, C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 16 mars 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier