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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/313/2022

JTAPI/473/2022 du 10.05.2022 ( OCPM ) , ADMIS

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;MARIAGE DE NATIONALITÉ
Normes : LEI.30.letb; LEI.43.al1; LEI.51.al2.leta
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/313/2022

JTAPI/473/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 mai 2022

 

dans la cause

 

Madame A ______

Monsieur B ______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur B ______, né le ______ 1992, est ressortissant kosovar.

2.             Madame A ______, née le ______ 1985, est ressortissante philippine. Elle est au bénéfice d'un permis d'établissement à Genève.

3.             Le 4 février 2021, l'arrondissement de l'état civil C ______ a accusé réception de la demande d'ouverture d'un dossier de mariage déposée par Mme A ______ et lui a imparti un délai au 4 avril 2021 pour lui faire parvenir la copie du titre de séjour en cours de validité ou, à défaut, toute pièce prouvant la légalité du séjour en Suisse de son fiancé, M. B ______.

4.             Le 11 mars 2021, M. B ______ a adressé à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour (formulaire M) en vue de regroupement familial, accompagnée de diverses pièces, dont notamment copie de son passeport et celui de Mme A ______, un extrait de son casier judiciaire vierge, un document attestant l'engagement de Mme A ______ en qualité d'employée à 100% depuis le 15 avril 2008, et copie des fiches de salaire de Mme A ______ pour les mois de décembre 2020, janvier et février 2021.

5.             Le 21 avril 2021, l'OCPM a délivré une attestation en vue de la préparation du mariage en faveur de M. B ______, valable six mois, l'autorisant à rester en Suisse le temps de la procédure préparatoire du mariage avec Mme A ______.

6.             Par courrier électronique du 30 novembre 2021, Mme A ______ a informé l'arrondissement de l'état civil C ______ ne plus pouvoir continuer la procédure en vue de mariage.

7.             Le même jour, ledit arrondissement a informé l'OCPM que la procédure en vue de mariage entre M.  B ______ et Mme A ______ avait été annulée.

8.             Le 1er décembre 2021, l'OCPM a informé M. B ______ de son intention de lui refuser l'autorisation de séjour sollicitée et lui a imparti un délai pour exercer, par écrit, son droit d'être entendu.

Il avait été informé de l'annulation de la procédure préparatoire de mariage, à la demande de Mme A ______. Dès lors, il ne remplissait pas les conditions permettant l'octroi d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial au sens de l'art. 43 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). De plus, il n'avait aucun droit à l'octroi d'une autorisation de séjour en l'état du dossier.

9.             M.  B ______ n'a pas donné suite à ce courrier.

10.         Par décision du 21 décembre 2021, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour en vue de mariage à M. B ______ et prononcé son renvoi de Suisse.

Reprenant les motifs invoqués dans sa décision d'intention du 1er décembre 2021, il a également soulevé que le formulaire M remis le 11 mars 2021 indiquait une date d'arrivée à Genève en février 2019.

11.         Le 4 janvier 2022, l'OCPM a réceptionné une nouvelle demande d'autorisation de séjour (formulaire M) en vue de regroupement familial de M. B ______, accompagnée de diverses pièces, dont notamment copie des fiches de salaire de Mme A ______ pour les mois d'octobre à décembre 2021.

12.         Par acte du 24 janvier 2022, Mme A ______ et M. B ______ (ci-après : les recourants) ont recouru au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant implicitement à son annulation et à la délivrance d'une attestation en vue du mariage en faveur de M. B ______.

Elle souhaitait vraiment se marier avec M. B ______. Ils s'étaient rencontrés le 26 décembre 2019. Puis, avec l'annonce du confinement en mars 2020, M. B ______ avait fait la connaissance de ses enfants (âgés de respectivement 8 ans et 11 ans), lesquels s'étaient au fur et à mesure attachés à lui. S'il était vrai qu'elle avait précédemment annulé le mariage, ce n'était pas ce qu'elle souhaitait. Ils souhaitaient se marier et construire un avenir solide. Ses enfants et elle ne voulaient pas être séparés de M. B ______.

13.         Le 2 février 2022, l'arrondissement de l'état civil C ______ a accusé réception de la nouvelle demande d'ouverture d'un dossier de mariage déposée par Mme A ______ et lui a imparti un délai au 2 avril 2022 pour lui faire parvenir la copie du titre de séjour en cours de validité ou, à défaut, toute pièce prouvant la légalité du séjour en Suisse de son fiancé.

14.         Le 22 février 2022, l'OCPM a transmis son dossier au tribunal, accompagné de ses observations. Il a conclu au rejet du recours, les arguments avancés n'étant pas de nature à modifier sa position.

Après s'être rétractée une première fois, Mme A ______ modifiait à nouveau sa position et indiquait qu'elle voudrait finalement vivre avec M. B ______. Au vu du caractère contradictoire des déclarations de l'intéressée au fil de la procédure ainsi que de l'absence de pièces prouvant la réalité effective du couple, il sollicitait une audience de comparution personnelle des parties afin d'instruire cette question, ainsi que la production de toute pièce utile démontrant la réalité de leur couple, respectivement leur volonté de vivre en tant qu'époux.

15.         Lors de l'audience du 9 mars 2022, le tribunal a entendu les recourants séparément.

M. B ______ a indiqué qu'ils formaient un couple depuis deux ans et faisaient ménage commun depuis le dépôt de la demande d'attestation en vue de mariage, soit depuis environ un an. L'appartement de Mme A ______ était un trois pièces, les enfants dormaient dans la chambre, alors que Mme A ______ et lui-même dormaient dans le salon. Au début de leur relation, Mme A ______ ignorait qu'il ne disposait pas d'une autorisation de séjour. Elle l'avait appris au moment d'entreprendre les démarches en vue du mariage. Ils avaient alors eu une dispute à ce sujet, raison pour laquelle Mme A ______ avait écrit à la mairie pour annuler le mariage. Les démarches avaient finalement été reprises car Mme A ______ souhaitait continuer sa relation avec lui, le malentendu ayant été réglé. Les enfants de Mme A ______ étaient au courant de leur projet de mariage et avaient envie qu'il se réalise et qu'il vive avec eux. Il n'avait pas d'activité professionnelle actuellement, n'ayant pas de permis de travail. Mme A ______ subvenait à ses besoins. A l'avenir, il souhaitait vraiment pouvoir travailler. Il connaissait la famille, les collèges et les amis de Mme A ______. Cette dernière connaissait les membres de sa famille qui vivait en Suisse, à savoir son frère et son cousin. Elle connaissait également ses amis. Ensemble, ils parlaient essentiellement anglais et un peu français. Il avait rencontré Mme A ______ lors d'une soirée dans un lieu où il y avait de la musique et où les gens dansaient, en automne 2019. Ils avaient récemment changé le canapé du salon, lequel était actuellement de couleur brun-rouille. Le matin même ils avaient déjeuné ensemble. Il avait bu un café et mangé des chocolats. La veille au soir, ils avaient également pris le souper ensemble. Le week-end précédent l'audience ils s'étaient promenés au bord du lac et à proximité de leur domicile avec les enfants. Ils avaient souvent ce type d'activité le week-end. Une fois mariés, ils souhaitaient agrandir la famille. Ils avaient déjà discuté de ce projet ensemble. Avec les enfants il parlait français. Durant la journée, comme il ne travaillait pas, il s'occupait en allant marcher et en faisant de la course à pied. Il allait parfois chercher les enfants à l'école et faire les courses. Comme Mme A ______ travaillait de 9h à 19h, il se chargeait de faire le ménage dans l'appartement, de la lessive et de la vaisselle. Les enfants de Mme A ______ étaient chez leur père du vendredi soir au samedi en fin de journée et le lundi soir jusqu'au mardi matin. Il les récupérait après l'école le lundi. La fille rentrait manger à la maison à midi, tandis que le garçon mangeait au parascolaire.

Mme A ______ a pour sa part expliqué avoir rencontré M. B ______ le 26 décembre 2019 au « Village du Soir ». Ils ne s'étaient plus quittés depuis lors. M. B ______ avait commencé à venir à son domicile en juillet 2020. Elle ne se souvenait pas depuis combien de temps il vivait chez elle. Ils avaient eu des hauts et des bas. Souvent, il venait et repartait pour une nuit chez des amis. Il était également parti deux fois au Kosovo pour voir sa famille. Son père était décédé durant la pandémie et sa mère était malade. Les derniers mois, M. B ______ logeait et dormait chez elle tous les jours. Auparavant, il lui arrivait de passer des nuits à l'extérieur, avec ses amis ou pour aller voir son cousin. Au début de leur relation, elle ne savait pas que M. B ______ n'avait pas d'autorisation de séjourner en Suisse. Elle s'était doutée qu'il n'avait pas de papiers car c'était le cas de beaucoup d'albanais. Cela lui avait été confirmé lorsqu'ils avaient entrepris des démarches en vue de se marier et que la mairie leur avait demandé d'apporter la preuve de la légalité de son séjour en Suisse, preuve qu'il n'avait pas pu fournir. Elle lui avait posé la question et il lui avait répondu que son visa n'était plus valable et qu'il pensait retourner chez lui. Comme elle n'avait pas envie de le quitter, ils avaient discuté de la possibilité de se marier. Ce n'était pas lui qui le lui avait suggéré, ils avaient eu cette idée tous les deux. Le 30 novembre 2021, elle avait annulé le mariage suite à une dispute. Elle était très impulsive et lorsqu'il la provoquait, elle lui disait souvent « tu n'as qu'à retourner chez toi ». Elle avait ensuite réfléchi et décidé que ce n'était pas ce qu'elle souhaitait et qu'elle voulait mener à terme leur projet de mariage et continuer sa relation avec lui. Elle travaillait dans une chocolaterie et percevait un salaire brut de CHF 4'100.- par mois. C'était elle qui subvenait aux besoins de M. B ______. Parfois, il faisait quelques courses. Elle percevait également une pension alimentaire de CHF 900.- par mois pour ses enfants. M. B ______ ne travaillait pas vraiment. Il restait à la maison. Parfois, il aidait son frère pour des petits boulots. M. B ______ l'aidait parfois pour le ménage et avec les enfants. C'est toutefois elle qui se chargeait de l'essentiel du ménage. Elle avait rencontré le frère de M. B ______ et avait eu des conversations via « Facetime » avec sa sœur et ses parents. Sa famille était au courant de leur projet de mariage. Elle avait présenté M. B ______ à sa famille, également via « Facetime » pour ceux qui n'habitaient pas en Suisse, à ses amis et à ses collègues. Il leur arrivait de faire des sorties tous ensemble. Pendant leur temps libre, ils allaient parfois au restaurant et sortaient se balader avec les enfants. Ensemble ils parlaient anglais ou français. Ils utilisaient également un traducteur en ligne lorsqu'ils n'arrivaient pas à se comprendre. Ses enfants étaient au courant de leur projet de mariage. Elle les avait également informés lorsqu'elle avait annulé les démarches. Ils étaient d'accord avec leur projet et n'avaient pas envie que M. B ______ parte. Leur canapé au salon était de couleur brun chocolat. Ils venaient de le changer. Le week-end précédent l'audience, M. B ______ n'était pas avec eux car il avait aidé son frère à déménager. Il était revenu le dimanche soir tard avec le canapé. Elle s'était promenée seule avec les enfants. Elle n'avait pas le souhait d'agrandir sa famille car elle avait déjà deux enfants. Ils n'avaient pas réellement abordé ce sujet ensemble. C'était un sujet qu'elle évitait. Si cela devait arriver, ils feraient avec. Elle cherchait actuellement un logement plus grand, car son appartement de trois pièces était trop petit pour deux adultes et deux enfants. Ses enfants dormaient chez leur père les lundis et vendredis soirs. Ils passaient la journée du samedi chez lui, jusqu'à 18h. Il les gardait également tous les jours après l'école ou le parascolaire, et elle les récupérait chez lui à 19h20 environ, après son travail. Leur père habitait près de l'école. À midi, ses enfants ne rentraient jamais chez elle. Il était prévu initialement que sa fille mange chez son père à midi. Ils étaient toutefois tous les deux inscrits au parascolaire. Lorsqu'elle était en vacances, il pouvait lui arriver de prendre sa fille à midi. Son fils ne rentrait jamais à midi. Il était scolarisé dans une école spécialisée. Si M. B ______ ne devait pas obtenir d'autorisation de séjour en Suisse, elle n'était pas prête à s'installer au Kosovo, ses enfants étant prioritaires.

16.         Le 9 mars 2022, le tribunal a imparti un délai aux recourants pour déposer leur éventuelle réplique et fournir toutes pièces utiles démontrant la réalité de leur couple, respectivement de leur volonté de vivre en tant qu'époux (photographies notamment).

17.         Dans le délai imparti, les recourants ont adressé au tribunal sept photos, dont quatre datées (17 janvier 2021, 4 mai 2020, 16 mai 2020 et 22 janvier 2020), sur lesquelles figurent respectivement les recourants avec un groupe de personnes, M. B ______ avec les enfants de Mme A ______, les recourants, ainsi que les recourants avec le fils de Mme A ______.

18.         Dans sa duplique du 7 avril 2022, l'OCPM a indiqué maintenir sa décision.

Même s'il était ressorti de l'audience que les recourants semblaient a priori vivre sous le même toit, ils n'étaient pas parvenus à démontrer vivre actuellement une réelle relation de couple tel qu'ils l'alléguaient.

Outre le fait que des différences étaient apparues lors de l'audience dans les indications qu'ils donnaient quant à la prise en charge des enfants, ils avaient donné des réponses opposées à la question de savoir quelle activité ils avaient menée le week-end précédant l'audience et quant à leur projet d'avoir des enfants communs.

Enfin, les photos produites étaient toutes antérieures au 30 novembre 2021, date à laquelle Mme A ______ avait décidé d'annuler la demande de mariage auprès de l'office d'état civil.

Ces différents éléments conjugués à la circonstance que Mme A ______ avait changé à plusieurs reprises d'avis en peu de temps quant au projet de mariage avec M. B ______, la dernière fois juste après le prononcé de la décision entreprise, faisait apparaître que les intéressées ne formaient pas un réel couple désireux d'entreprendre un mariage sincère.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             La qualité pour recourir appartient aux parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (art. 60 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10)), ainsi qu’à toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (art. 60 al. 1 let. b LPA).

Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_837/2013 du 11 avril 2014 consid. 1.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l'admission du recours, c'est-à-dire que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2 ; 137 II 40 consid. 2.6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; ATA/425/2017 du 11 avril 2017 consid. 4b ; ATA/767/2016 du 13 septembre 2016 consid. 2b).

3.             En l'occurrence, la qualité pour recourir de M. B ______ est donnée. Ce dernier est destinataire de la décision attaquée et ses droits et obligations sont directement touchés par cette dernière.

En revanche, Mme A ______ n'est pas destinataire de la décision attaquée. Néanmoins, la qualité pour recourir doit également lui être reconnue, compte tenu du fait qu'elle est directement touchée par le refus de l'OCPM de délivrer une autorisation de séjour en vue du mariage à M. B ______, étant sa fiancée.

4.             Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.

5.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

6.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a)

7.             Les recourants contestent le refus de l'OCPM de leur octroyer une autorisation de séjour en vue de mariage et concluent, implicitement, à son annulation et à la délivrance d'une attestation en vue du mariage en faveur du recourant.

8.             Le droit au mariage est garanti par les art. 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), 14 Cst.) et 22 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).

9.             La Cour européenne des droits de l'Homme (ci-après : CourEDH) admet que les limitations apportées au droit de se marier par les lois nationales puissent se traduire par des règles formelles portant, par exemple, sur la publicité et la célébration du mariage. Les limitations en question peuvent également se matérialiser par des règles de fond s'appuyant sur des considérations d'intérêt public généralement reconnues, telles que celles concernant la capacité de contracter un mariage, le consentement, l'interdiction à des degrés divers des mariages entre parents et alliés et la prévention de la bigamie. En matière de droit des étrangers, et lorsque cela se justifie, il est loisible aux États d'empêcher les mariages de complaisance contractés dans le seul but d'obtenir un avantage lié à la législation sur l'immigration. Toutefois, la législation nationale en la matière, qui doit elle aussi satisfaire aux exigences d'accessibilité et de clarté posées par la CEDH, ne peut pas autrement enlever à une personne ou à une catégorie de personnes la pleine capacité juridique du droit de contracter mariage avec la personne de son choix (ACEDH O'Donoghue c. Royaume-Uni du 14 décembre 2010, req. no 34'848/07, § 83 et les arrêts cités).

10.         Selon le Tribunal fédéral, un étranger peut, à certaines conditions, déduire du droit au mariage garanti par les art. 12 CEDH et 14 Cst un droit à pouvoir séjourner en Suisse en vue de s'y marier (ATF 139 I 37 consid. 3.5.2 ; 138 I 41 consid. 4 ; 137 I 351 consid 3.5). Les autorités de police des étrangers sont tenues de délivrer un titre de séjour en vue de mariage lorsqu'il n'y a pas d'indice que l'étranger entende, par cet acte, invoquer abusivement les règles sur le regroupement familial et qu'il apparaît clairement que l'intéressé remplira les conditions d'une admission en Suisse après son union (art. 17 al. 2 LEI). L'autorisation de courte durée en vue du mariage ne devra en outre être délivrée que si le mariage peut être célébré dans un délai prévisible ; ce titre de séjour ne doit en effet pas servir à assurer une présence à long terme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_117/2019 du 7 juin 2019 consid. 3).

Il y aurait en effet disproportion d'exiger de l'étranger qu'il rentre dans son pays pour se marier ou pour y engager à distance une procédure en vue d'obtenir le droit de revenir en Suisse pour se marier. En revanche, dans le cas inverse, soit si, en raison des circonstances, notamment de la situation personnelle de celui-ci, il apparaît d'emblée qu'il ne pourra pas, même une fois marié, être admis à séjourner en Suisse, l'autorité de police des étrangers pourra renoncer à lui délivrer une autorisation de séjour provisoire en vue du mariage. Il n'y a en effet pas de raison de lui permettre de prolonger son séjour en Suisse pour s'y marier alors qu'il ne pourra de toute façon pas, par la suite, y vivre avec sa famille. Cette restriction correspond à la volonté du législateur de briser l'automatisme qui a pu exister dans le passé entre l'introduction d'une demande de mariage et l'obtention d'une autorisation de séjour pour préparer et célébrer le mariage (ATF 139 I 37 consid. 3.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2018 du 14 janvier 2019 consid. 3.1).

11.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a également déjà confirmé que la délivrance d'une autorisation de séjour en vue de mariage doit s'accompagner, à titre préjudiciel, d'un examen des conditions posées au regroupement familial du futur conjoint (ATA/1093/2020 du 3 novembre 2020 ; ATA/80/2018 du 30 janvier 2018 consid. 4d ; ATA/90/2016 du 2 février 2016 consid. 6a).

12.         En application de l'art. 30 let. b LEI, en relation avec l'art. 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), une autorisation de séjour de durée limitée peut en principe être délivrée pour permettre à un étranger de préparer en Suisse son mariage avec un citoyen suisse ou avec un étranger titulaire d'une autorisation de séjour à caractère durable ou d'établissement (titre de séjour B ou C). Avant l'entrée en Suisse, l'office de l'état civil doit fournir une attestation confirmant que les démarches en vue du mariage ont été entreprises et que l'on peut escompter que le mariage aura lieu dans un délai raisonnable. De surcroît, les conditions du regroupement familial ultérieur doivent être remplies (par exemple moyens financiers suffisants, absence d'indices de mariage de complaisance, aucun motif d'expulsion) (directives LEI, ch. 5.6.5).

13.         Il convient par conséquent de vérifier si, au regard des circonstances du cas d’espèce, il apparaît d’emblée que le recourant, une fois marié, pourrait être admis à séjourner en Suisse. En effet, si, en raison des circonstances, notamment de la situation personnelle de l’étranger, il apparaît que ce dernier ne pourra pas, même une fois marié, être admis à séjourner en Suisse, l’autorité de police des étrangers peut renoncer à lui délivrer une autorisation de séjour provisoire en vue du mariage ; il n’y a en effet pas de raison de lui permettre de prolonger son séjour en Suisse pour s’y marier alors qu’il ne pourra de toute façon pas, par la suite, y vivre avec son conjoint (ATF 138 I 41 consid. 4 ; 137 I 351 consid. 3.7 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_81/2016 du 16 février 2016 consid. 6.1 ; 2C_671/2015 du 21 août 2015 consid. 6.1).

14.         Ceci conduit nécessairement à se demander si les conditions de fond qui président à l’octroi d’une autorisation de séjour « ordinaire », c’est-à-dire d’un titre non limité à la préparation et la célébration du mariage, seraient réunies en cas de mariage (arrêt du Tribunal fédéral 2C_950/2014 du 9 juillet 2015 consid. 4.2 et les références citées).

15.         A teneur de l'art. 43 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité aux conditions suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d’un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l’aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) ; la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

Cependant, selon l'art. 51 al. 2 let. a LEI, les droits prévus à l'art. 43 LEI s'éteignent lorsqu’ils sont invoqués abusivement, notamment pour éluder les dispositions en matière d'admission et de séjour – tel est le cas lorsqu'un étranger se prévaut d'un mariage fictif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_783/2015 du 6 janvier 2016 consid. 4.2).

16.         Selon la jurisprudence, il y a mariage fictif ou de complaisance lorsque celui-ci est contracté dans le seul but d'éluder les dispositions de la loi fédérale sur les étrangers, en ce sens que les époux (voire seulement l'un d'eux) n'ont jamais eu la volonté de former une véritable communauté conjugale (ATF 127 II 49 consid. 4a et 5a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2 ; 2C_1055/2015 du 16 juin 2016 consid. 3.1). L'intention réelle des époux est un élément intime qui, par la nature des choses, ne peut guère être établie par une preuve directe, mais seulement grâce à un faisceau d'indices (ATF 130 II 113 consid. 10.2 ; 127 II 49 consid. 4a). L'autorité se fonde en principe sur un faisceau d'indices autonomes, aucun des critères n'étant souvent à lui seul déterminant pour juger du caractère fictif du mariage (arrêts du Tribunal fédéral 2C_916/2019 du 7 février 2020 consid. 6.2.2 ; 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 8.2; 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2).

De tels indices peuvent résulter d'événements extérieurs tels un renvoi de Suisse imminent de l'étranger parce que son autorisation de séjour n'est pas prolongée ou que sa demande d'asile a été rejetée, la courte durée de la relation avant le mariage, l'absence de vie commune, une différence d'âge importante, des difficultés de communication, des connaissances lacunaires au sujet de l'époux et de sa famille ou le versement d'une indemnité (ATF 122 II 289 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_22/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.1 ; 2C_112/2019 du 26 février 2020 consid. 4.1). Une relation extra-conjugale et un enfant né hors mariage sont également des indices qui plaident de manière forte pour un mariage de complaisance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.4).

17.         L'autorité administrative doit faire preuve de retenue dans son appréciation et n'admettre le caractère de complaisance d'un projet de mariage dans un cas particulier qu'en présence d'indices clairs et concrets en ce sens (arrêt du Tribunal fédéral 2C_400/2011 du 2 décembre 2011 consid. 3.1). La preuve d'un mariage fictif doit être apportée par l'autorité, sous réserve de l'obligation des parties de collaborer à l'établissement des faits (art. 90 LEI). Cette obligation des parties est d'autant plus grande que les circonstances objectives du cas permettent de douter de la réelle et commune volonté des époux de former une communauté de vie. En présence d'indices sérieux d'un mariage fictif, il appartient à l'intéressé de démontrer, par une argumentation circonstanciée, l'existence d'une relation conjugale réellement vécue et voulue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2 ; 2C_1060/2015 du 1er septembre 2016 consid. 5.2 ; 2C_177/2013 du 6 juin 2013 consid. 3.4). En l'absence d'indices concrets suffisants, le mariage ne saurait cependant être qualifié de fictif. En cas de doute, il faut considérer que les époux voulaient fonder une véritable communauté conjugale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2 ; 2C_656/2017 du 23 janvier 2018 consid. 4.6).

18.         En l'espèce, l'OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour en vue de mariage considérant que les recourants n'étaient pas parvenus à démontrer vivre une réelle relation de couple. Les différences et contradictions dans leurs déclarations en audience, l'absence de production de photos prises postérieurement à l'annulation de la procédure de mariage et les changements d'avis de la recourante quant au projet de mariage confirmaient sa position.

Certes, les déclarations des recourants ne concordent pas sur certains points, en particulier sur certains aspects de la prise en charge des enfants, sur leur emploi du temps le week-end précédent l'audience et sur leur désir d'agrandir la famille. Ces éléments ne sauraient toutefois constituer un faisceau d'indices suffisants et sérieux permettant de retenir l'absence d'une union conjugale réellement voulue et effective, à défaut d'autres éléments laissant supposer que leur union constituerait un mariage de complaisance ou fictif. Il doit également être tenu compte du fait que le recourant maîtrise à peine le français et que, dans ces conditions, s'exprimer en audience, ce qui en soi peut déjà être anxiogène, n'est pas aisé et peut conduire à la survenance d'imprécisions et de contradictions dans le discours et/ou la chronologie des faits.

Cela étant, les recourant ont également donné de nombreuses réponses concordantes et convaincantes sur la réalité de leur vie commune et conjugale, en particulier s'agissant des débuts de leur relation, de leur mise en ménage et de l'annonce faite aux enfants quant à leur projet de mariage. Leur vie sous un même toit, depuis plusieurs mois, tend au demeurant à confirmer leur désir de vivre de manière maritale. Ils ont par ailleurs fait des déclarations concordantes et satisfaisantes s'agissant de l'agencement du domicile commun, de la situation administrative du recourant, de l'activité professionnelle de la recourante, de la prise en charge des dépenses au sein du couple, de leurs activités sociales en couple et/ou avec les enfants, de la répartition des tâches ménagères et de la prise en charge hebdomadaire des enfants par leur père. Tous deux confirment que le recourant a noué une relation affective avec les enfants de la recourante et indiquent avoir rencontré des membres de leurs familles respectives, respectivement des collèges et amis de la recourante, ce qui ressort notamment des photographies produites.

La recourante a pour le surplus apporté des explications plausibles s'agissant de ses changements d'avis quant au projet de mariage et confirmé qu'elle souhaitait effectivement se marier avec le recourant, souhait que partageaient ses enfants. Qu'elle ait pu changer d'avis, suite à une dispute, doit ainsi être mis en balance avec le fait qu'elle a par deux fois, avec le recourant, entrepris des démarches concrètes en vue de mariage civil auprès de l'état civil de C ______ (le 4 février 2021, puis le 2 février 2022), ce qui démontrent bel et bien leur volonté de former une communauté de vie.

Le tribunal constate enfin l'absence d'indices, au sens de la jurisprudence, d'un mariage envisagé dans le but de détourner les règles sur le séjour en Suisse, tel qu'une importante différence d'âge entre les futurs conjoints, une fragilité psychique de la fiancée dont profiterait le recourant, l'appartenance de la fiancée à un groupe social marginal ou l'existence d'une relation extra-conjugale ou d'un enfant né hors mariage. Le versement d'une indemnité n'a de même pas été évoqué. Le dossier ne fait par ailleurs pas état de difficultés majeures de communication ni de connaissances lacunaires au sujet de l'autre époux.

Dès lors, faute d'indices concrets que les recourants entendent, par le biais du mariage envisagé, invoquer de manière abusive les règles sur le regroupement familial, l'existence d'une relation conjugale réellement vécue et voulue doit être retenue. Au regard des circonstances du cas d’espèce, il apparaît de plus d’emblée que le recourant, une fois marié, pourrait être admis à séjourner en Suisse, rien au dossier ne permettant de retenir que les conditions posées à l'art. 43 al. 1 LEI ne seraient remplies. Du reste, l'OCPM avait délivré une première attestation en vue de la préparation du mariage en faveur du recourant le 21 avril 2021, considérant, dans le cadre d'un examen préjudiciel, que les conditions posées au regroupement familial du recourant étaient remplies. Aucun élément au dossier ne permet de retenir que la situation des recourants auraient changé depuis cette date. L'OCPM ne l'allègue d'ailleurs pas.

19.         Au vu de ce qui précède, le tribunal ne peut que constater que l'autorité intimée a abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant l'autorisation de séjour en vue du mariage. Le recours sera admis et la cause retournée à l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

20.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03). L'avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours sera restituée aux recourants.

21.         Dès lors qu'ils ne se sont pas fait représenter dans la procédure, et n'ayant de surcroît pas déposé de conclusion dans ce sens, les recourants se verront pas allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

22.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 janvier 2022 par Madame A ______ et Monsieur B ______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 décembre 2021 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision attaquée et renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu un émolument ;

5.             ordonne la restitution aux recourants de l’avance de frais de CHF 500.- ;

6.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière