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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2379/2021

JTAPI/1141/2021 du 15.11.2021 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;SIGNALISATION ROUTIÈRE;SIGNAL LUMINEUX;FAUTE GRAVE;ACCIDENT
Normes : LCR.16c.al2.leta; LCR.15c.al1.leta; LCR.27.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2379/2021 LCR

JTAPI/1141/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 novembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1974, est titulaire du permis de conduire depuis le 10 avril 2008. Il exerce la profession de chauffeur professionnel.

2.             Le 27 mars 2021, à 10h43, M. A______ a été impliqué dans un accident de la circulation.

Selon le rapport de police établi à cette occasion, venant de la place des B______, l'intéressé circulait rue de C______ en direction de la rue D______. Il transportait une passagère à l'arrière du véhicule. À la hauteur de la rue E______, alors que la signalisation lumineuse passait du vert au jaune pour son sens de marche, il avait renoncé à ralentir et à s'immobiliser, préférant accélérer pour tenter de franchir l'intersection avant la phase rouge. Malgré cette tentative, il avait franchi la ligne d'arrêt à la phase rouge. Lors de cette manœuvre, peu après avoir franchi la ligne d'arrêt de la signalisation lumineuse, un heurt s'était produit entre l'avant de cette automobile et le flanc gauche d'un motocycle, lequel venant de la rue des B______, circulait rue E______ en direction de la rue de C______.

Suite à ce choc, le motocycliste a chuté, se blessant légèrement.

M. A______ et sa passagère ont également été légèrement blessés.

Lors de son audition par la police, M. A______ a reconnu avoir accéléré à la vue de la phase jaune mais il a contesté être passé au rouge.

Interrogé par la police, le motocycliste a indiqué circuler sur la rue E______ alors que le feu était à la phase verte. À l'approche du feu, celui-ci était passé au jaune. De ce fait, il avait franchi la ligne de feu et avait été heurté sur son flanc gauche par l'automobile conduite par M. A______.

Un appel à témoin avait été publié le 29 mars 2021. Suite à cela Monsieur F______ et sa passagère, Madame G______ s'étaient annoncés à la police.

Entendus le 7 avril 2021, les témoins ont indiqué que venant de la rue des B______, ils circulaient sur la rue E______ en direction de la rue de C______. À l'intersection avec cette artère, ils s'étaient arrêtés en première position à la phase rouge de la signalisation lumineuse. Le motocycliste était venu se placer à l'avant droit du véhicule, dans le sas d'attente pour cyclistes, afin d'attendre la phase verte. Après environ 30 secondes, le feu était passé au vert et le motocycliste avait démarré. Alors qu'il se trouvait au milieu du carrefour, M. A______, automobiliste circulant de gauche à droite par rapport à son sens de marche l'avait percuté sur le flanc gauche avec l'avant de sa voiture de tourisme.

La consultation du disque du tachygraphe analogique du véhicule de M. A______ a révélé que le véhicule circulait en dessous de la vitesse maximale autorisée au moment des faits.

En conclusion, des investigations de la police et compte tenu du diagramme de fonctionnement des phases de signalisation lumineuse de l'intersection, il apparaissait que M. A______ avait franchi la ligne d'arrêt alors que la signalisation lumineuse se trouvait déjà à la phase rouge pour son sens de marche.

3.             Par courrier du 26 mai 2021, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé M. A______ que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l'infraction du 27 mars 2021, lui indiquant également qu'une mesure administrative pouvait être prise à son encontre, indépendamment de l'amende ou d'une autre sanction pénale que les autorités judiciaires pouvaient prononcer. Un délai de 15 jours lui était imparti pour produire ses observations écrites.

4.             En date du 9 juin 2021, M. A______ s'est déterminé. Il reconnaissait les faits reprochés qu'il regrettait infiniment. Il n'avait d'autre justification qu'une regrettable précipitation probablement due au stress et l'envie de transporter sa cliente à destination le plus rapidement possible. Il était encore choqué à l'idée des risques inutiles pris ce jour-là. Il soulignait par ailleurs qu'il était chauffeur professionnel et que sans son permis de conduire il serait dans l'impossibilité de pourvoir aux besoins de sa famille. Il était par ailleurs prêt à se soumettre à un stage de sensibilisation ou à toutes autres mesures de prévention que l'OCV jugerait utile. Il espérait que seul un avertissement serait prononcé à son encontre.

5.             Par décision du 15 juin 2021, prise en application de l'art. 16c de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), l'OCV a retiré le permis de conduire de M. A______ pour une durée de trois mois. L'infraction commise constituait une infraction grave aux règles de la circulation routière, de sorte que la durée minimale du retrait s'élevait à trois mois. M. A______ justifiait d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence et il pouvait justifier d'une bonne réputation, le système d'information relatif à l'admission à la circulation (SIAC) ne faisant apparaître aucun antécédent. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'autorité prononçait une mesure qui ne s'écartait pas du minimum légal.

6.             Par acte du 12 juillet 2021, M. A______ a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) d'un recours contre la décision précitée.

Il regrettait profondément l'infraction reprochée tout en signalant que c'était la première fois qu'il était impliqué dans un tel accident et que désormais il redoublerait de vigilance sur la route. Il soulignait son activité indépendante de chauffeur professionnel qui était la seule source de revenus pour sa famille. Il a conclu à l'annulation de la décision querellée, à ce que seul un avertissement soit prononcé ou à ce que la durée du retrait soit limitée à un mois.

7.      Le 8 septembre 2021, l'OCV s'est déterminé, persistant dans les termes de sa décision.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             À teneur de l'art. 27 al. 1 LCR, chacun se conformera aux signaux et marques ainsi qu'aux ordres de la police ; le feu rouge signifie "arrêt" (art. 68 OSR). Le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence (art. 31 LCR) ; le conducteur vouera ainsi toute son attention à la route et à la circulation routière (art. 3 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 - OCR - RS 741.11).

4.             En l'espèce le recourant ne conteste pas l'infraction reprochée. À savoir l'inobservation de la signalisation lumineuse à la phase rouge. Il reste en examiner la gravité. 

5.             Les infractions à la LCR sont réparties en trois catégories distinctes en fonction de leur gravité, assorties de mesures administratives minimales. Les principes relatifs aux retraits de permis de conduire d'admonestation s'articulent autour des concepts de la mise en danger et de la faute, qui sont d'un poids égal pour un degré égal (Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, p. 251 s).

6.             Les art. 16a à 16c LCR distinguent ainsi les infractions légères, moyennement graves et graves. Commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation routière, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée (art. 16a al. 1 let. a LCR). Commet une infraction moyennement grave la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque (art. 16b al. 1 let. a LCR). Enfin, commet une infraction grave la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque (art. 16c al. 1 let. a LCR). Selon ces dispositions, la qualification de l'infraction dépend donc du degré de la mise en danger de la sécurité d'autrui ainsi que de la gravité de la faute imputable au conducteur concerné (arrêt du Tribunal fédéral 1C_235/2007 du 29 novembre 2007 consid. 2.2).

7.             Une mise en danger concrète remplit l'élément objectif de l'infraction grave selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR et est le fait, pour le conducteur, de créer vis-à-vis d'un tiers une probabilité sérieuse de réalisation effective et imminente du risque d'atteinte à son intégrité physique ou à sa vie, étant précisé que les passagers du véhicule conduit par l'auteur sont protégés par les art. 16a à 16c LCR (Cédric MIZEL, op. cit., p. 296). Une mise en danger concrète de tiers n'est toutefois pas nécessaire pour retenir l'existence d'une infraction grave. Celle-ci supposant que la sécurité de la route ait été gravement compromise, c'est-à-dire qu'un danger sérieux ait été créé pour la sécurité d'autrui, une mise en danger abstraite accrue, donc la création d'un danger imminent, est à cet égard suffisante (ATF 126 II 206 consid. 1a ; 123 II 37 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 6A.1/2005 du 31 janvier 2005 consid. 2).

8.             La réalisation d'un cas grave suppose également une faute grave. Celle-ci n'est pas seulement donnée lorsque le conducteur est conscient du caractère dangereux d'un comportement contraire aux règles de la circulation du même genre que le sien; elle peut aussi l'être en cas de négligence inconsciente, lorsque le conducteur ne se rend fautivement pas compte du danger qu'il crée (ATF 126 II 206 consid. 1a ; 123 II 37 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral 6A.1/2005 précité consid. 2).

9.             Le respect de la signalisation lumineuse constitue une règle cardinale de la sécurité routière, dont l'inobservation entraîne un risque sérieux d'accident, puisque les autres usagers de la route accordent légitimement leur confiance à cette signalisation. La jurisprudence admet l'existence d'un danger abstrait accru lorsqu'un conducteur s'engage dans une intersection après le passage du feu au rouge, ce même si la visibilité est bonne et le trafic particulièrement faible (ATF 123 IV 88 consid. 3a ; 118 IV 285 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_27/2012 du 3 juillet 2012 consid. 3.2 et 3.5 ; 6B/709/2010 du 11 janvier 2011 consid. 2.3 ; 6B_331/2008 du 10 octobre 2008 consid. 3.3 ; 6A.69/2004 du 26 novembre 2004 consid. 2.2), de telle sorte que le fait de ne pas respecter la signalisation lumineuse constitue en règle générale une violation objectivement grave des règles de la circulation routière au sens de l'art. 16c al. 1 let. a LCR, l’élément objectif de l’infraction reposant dans le sérieux danger ainsi créé ; celui-ci s’est d’ailleurs concrétisé en l'espèce, puisqu’une collision s’en est suivie (cf. ATA/434/2010 du 22 juin 2010 ; ATA/378/2009 du 29 juillet 2009 ; ATA/260/2009 du 19 mai 2009 ; ATA/434/2010 du 22 juin 2010 ; ATA/211/2004 du 9 mars 2004 ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2012 du 3 juillet 2012 consid. 3.4 à 3.6 et les arrêts cités). En revanche, s'agissant de la faute commise par l'usager de la route, la jurisprudence du Tribunal fédéral s'attache à l'examen particulier de chaque cas d'espèce. De manière générale, lorsque l'irrespect de la signalisation lumineuse ne s'explique pas par un concours de circonstances plaidant clairement en faveur du conducteur visé, sa faute est considérée comme grave (eod. loc). En revanche, il peut arriver que de telles circonstances soient réunies, ce qui a déjà conduit le Tribunal fédéral à nier l'existence d'une faute grave et donc d'une infraction grave au sens de de l'art. 16c al.1 let. a LCR (ATF 118 IV 285 in JdT 1993 I 760).

10.         D'après la jurisprudence, a commis une faute grave le cycliste qui, à 8h du matin et par temps pluvieux, avait traversé à faible allure un carrefour sans visibilité alors que le feu était en phase jaune et qu'il lui était possible de s'arrêter, et était entré en collision avec un véhicule circulant normalement sur sa gauche (ATF 123 IV 88 consid. 4a p. 93 ss). A également été qualifié de faute grave le comportement de l'automobiliste qui n'avait pas observé un feu rouge car il s'était laissé distraire par un élément étranger au trafic et hors du champ de vision normal d'un usager de la route attentif, alors que le trafic était important (arrêt 6S.156/1993 du 25 juin 1993). A encore commis une faute grave le conducteur qui, en raison d'une confusion de feux et de panneaux de direction qui se trouvaient en dessous, a violé un feu rouge à un carrefour à quatre intersections où la visibilité était relativement mauvaise et où régnait un important trafic ; la situation exigeait une attention particulière de sa part (arrêt 6P.153/2002 du 14 mars 2003). Il en allait de même pour l'automobiliste qui, ébloui plusieurs fois par le soleil, avait continué de circuler à 55 km/h à l'intérieur d'une localité, en particulier sur un passage pour piétons, sans visibilité (arrêt 6S.628/2001 du 29 novembre 2001).

11.         En l'occurrence, par son comportement, le recourant a mis sérieusement en danger la sécurité d'autrui au sens de l'art. 16c al. 1 let. a LCR, comme en témoigne la collision survenue ; il est à cet égard notoire que le fait de percuter un véhicule représente un risque élevé de blessures pour les personnes impliquées ce qui s'est avéré en l'espèce puisque l'accident a occasionné des blessures, même sans gravité, tant au motocycliste qu'à la passagère du recourant qu'à lui-même. Eu égard à la jurisprudence rappelée plus haut, c’est partant à juste titre que le SCV a qualifié la faute du recourant de grave et sa décision faisant application de l’art. 16c al. 1 let. a LCR, qui entraîne le retrait obligatoire du permis de conduire, doit être confirmée.

12.         Le recourant fait valoir qu'il justifie d'une bonne réputation n'ayant aucun antécédent et demande qu'il soit tenu compte de ses besoins professionnels.

13.         Après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour une durée minimale de trois mois (art. 16c al. 2 let. a LCR).

14.         L’art. 16 al. 3 LCR prévoit que la durée minimale du retrait du permis de conduire prévue par la loi ne peut pas être réduite. Selon la jurisprudence, une telle règle s’impose à l'autorité et aux tribunaux sans dérogation possible (ATF 132 II 234 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_312/2015 du 1er juillet 2015 consid. 3.3 ; 1C_585/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1 ; cf. aussi ATA/23/2015 du 6 janvier 2015).

15.         En l'espèce, la mesure prononcée par l'OCV correspond au minimum légal prescrit par l'art. 16c al. 2 let. a LCR. Étant lié par cette durée, qui constitue le minimum légal incompressible devant sanctionner l'infraction en cause, il ne pouvait en aucune manière tenir compte de la bonne réputation et des besoins professionnels allégués par le recourant et a donc parfaitement appliqué les règles en vigueur.

16.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision de l'OCV confirmée.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 juillet 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 15 juin 2021 ;

2.             le rejette;

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière