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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/524/2018

CAPH/111/2022 du 25.07.2022 sur JTPH/176/2021 ( OO ) , PARTIELMNT CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/524/2018-4 CAPH/111/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 25 juillet 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 17 mai 2021 (JTPH/176/2021), comparant par Me Damien CAND, avocat, Gillioz Dorsaz & Associés, rue du Général-Dufour 11, case postale 5840, 1211 Genève 11, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______, intimée et appelante sur appel joint, comparant par
Me Carlo LOMBARDINI, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8-10, case postale, 1211 Genève 4, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPH/176/2021 du 17 mai 2021, le Tribunal des prud'hommes a, sur la forme, déclaré recevable la demande formée le 27 juin 2018 par B______ contre A______ (chiffre 1 du dispositif), déclaré irrecevables les allégués de fait figurant sous chiffres 628 à 636 de l'écriture de la demanderesse du 21 février 2020 (ch. 2), déclaré irrecevable la demande reconventionnelle formée le 19 novembre 2018 par A______ en tant qu'elle visait la délivrance par la banque de tout document relatif à son compte bancaire personnel n° 1______ (ch. 3), déclaré recevable pour le surplus la demande reconventionnelle formée le 19 novembre 2018 par A______ contre la banque (ch. 4).

Sur le fond, le Tribunal a condamné la banque à verser à A______ la somme brute de 10'597 fr. 15 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er septembre 2017 (ch. 5), invité la partie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 6), condamné A______ à verser à la banque la somme nette de 500'000 fr. avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 31 août 2017 (ch. 7), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 2______, notifié le 4 décembre 2017 à concurrence de 500'000 fr., plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 août 2017 (ch. 8), dit que la poursuite n° 2______ irait sa voie à concurrence de ce qui précède (ch. 9), condamné la banque à délivrer à A______ un certificat de travail final conforme à l'art. 330a CO (ch. 10) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 11).

Le Tribunal a pour le surplus arrêté les frais de la procédure à 10'681 fr. 65 (ch. 12), mis à la charge de A______ (ch. 13), partiellement compensés avec l'avance de frais de 10'000 fr. effectuée par la banque, qui restait acquise à l'Etat de Genève (ch. 14), condamné A______ à verser 10'000 fr. à la banque ainsi que 681 fr. 65 aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de l'Etat de Genève (ch. 16), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 17) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 18).

B. a. Par acte expédié le 17 juin 2021 au greffe de la Cour, A______ interjette appel contre ce jugement, qu'elle a reçu le 18 mai 2021 et dont elle sollicite l'annulation des chiffres 1, 5, 7 à 9 et 11 à 18 du dispositif. Cela fait, elle conclut à ce que la demande formée le 27 juin 2018 par B______ soit déclarée irrecevable, à ce que la banque soit condamnée à lui verser la somme brute de 56'533 fr. 75 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er septembre 2017 et à ce que la banque soit déboutée de toutes ses conclusions, avec suite de frais de première et seconde instances. Subsidiairement, elle a requis l'annulation du jugement entrepris et le renvoi de la cause en première instance.

Préalablement, elle a demandé l'audition en qualité de témoins de C______, D______ et E______ (par voie de commission rogatoire, voire audition ordinaire pour la troisième, qui accepterait de se déplacer depuis le Japon).

b. B______ a conclu au rejet de l'appel et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais.

Simultanément, elle a formé appel joint, concluant à l'annulation des chiffres 5 et 6 du dispositif du jugement attaqué et à ce que A______ soit condamnée à lui verser, en sus des 500'000 fr. fixés au chiffre 7 du dispositif du jugement entrepris, un montant de 1'658'542 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 août 2017 et à ce que la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 2______, soit prononcée à concurrence de 2'158'542 fr. plus intérêts, qu'il soit dit que la poursuite en cause irait sa voie à concurrence de ce montant et à ce que sa partie adverse soit déboutée de toutes ses conclusions.

c. A______ a répliqué sur appel principal et répondu à l'appel joint, concluant au rejet de ce dernier.

d. Les parties ont encore répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par avis du greffe de la Chambre des prud'hommes du 17 décembre 2021, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier :

a. F______, devenue B______ en 2014 (ci-après : "la banque" ou "B______" ou "l'employeuse"), sise à Genève, a pour but l'exploitation d'une banque.

Les personnes suivantes étaient notamment inscrites au registre du commerce genevois en qualité de directeurs de B______ jusqu'au mois de novembre 2019, avec signature collective à deux : G______ (qui a en outre affirmé être "associé capital partner" du groupe B______), H______, I______, J______, K______ (les cinq précités depuis janvier 2014), L______ (dès juillet 2019) et M______ (dès mars 2018). N______ et O______ avaient la fonction de sous-directrices de la banque de janvier 2014, respectivement mai 2017, jusqu'à novembre 2019. Toutes les personnes mentionnées ci-avant disposent encore du pouvoir de signature collective à deux, avec limitation au siège principal, sans titre de directeur ou de sous-directrice. P______, initialement inscrit au registre du commerce en qualité de directeur de janvier à mars 2014, figure depuis lors en tant que "membre de la direction générale", avec signature collective à deux. Le précité est également associé-gérant du groupe depuis 2017.

Le groupe B______ offre notamment des services de gestion de fortune à de la clientèle japonaise, tant à travers une filiale locale (gestion onshore) que de manière transfrontalière à travers la maison-mère genevoise (gestion offshore).

b. Le 27 novembre 2000, B______ a engagé A______, de nationalité japonaise, en qualité de Project Manager, au rang de sous-directrice, dans l'Unité Finance & International; dès le 1er janvier 2002, elle a été rattachée à l'Unité clientèle privée en qualité de Relationship Manager (plus particulièrement en relation avec la clientèle asiatique), et elle a été nommée directrice-adjointe le 1er mars 2008.

Les rapports de travail entre les parties, qui ont fait l'objet de plusieurs contrats successifs (le dernier datant du 9 février 2007), ont pris fin le 31 août 2017.

I______, employé de B______ depuis 1999 comme responsable des liens avec le bureau de Q______ [Japon] de la banque (notamment du fait qu'il parle couramment le japonais), entendu en qualité de témoin, a affirmé avoir, en cette qualité, appuyé l'engagement au sein de l'Unité clientèle privée de A______, dont il avait trouvé les compétences précieuses. Il avait été son responsable hiérarchique avant d'être son collègue dès 2010; J______ lui a ensuite succédé.

Le dernier supérieur hiérarchique de A______ (depuis septembre 2015) était H______ ("n+1"), dont le supérieur hiérarchique était G______ ("n+2"), celui-ci étant employé de B______ depuis vingt-sept ans.

b.a La rémunération de A______ était composée d'un salaire fixe, d'un bonus points-cibles et d'une éventuelle gratification supplémentaire en cas de "contribution majeure".

b.a.i Le salaire annuel de A______ s'est tout d'abord élevé à un montant brut de 153'400 fr., puis a été augmenté au fil des ans pour atteindre la somme annuelle brute de 212'000 fr. dès 2016. En 2017, elle a perçu 141'333 fr. 33 bruts à titre de salaire [212'000 fr./ 12 mois x 8 mois].

b.a.ii En ce qui concerne le bonus points-cibles, la convention signée le 9 février 2007 prévoyait ce qui suit : "À titre de récompense pour votre travail et d'encouragement pour l'avenir, vous êtes au bénéfice de points-cibles, selon les règles ci-dessous :

1. La Maison détermine librement le nombre de points-cibles à atteindre durant l'année. Votre nombre de points-cibles est de : 120. Ce nombre ne constitue en aucun cas un droit acquis pour les années ultérieures. Il peut varier notamment en fonction des attentes de la Maison.

2. À la fin de l'année, la Maison fixe uniformément la valeur du point-cible, à sa seule et entière discrétion. Cette valeur est influencée notamment par l'évolution des résultats du groupe et le nombre de points-cibles. Elle peut donc baisser ou augmenter selon la libre décision de la Maison.

3. La Maison décide - selon sa libre appréciation de vos performances, de votre gestion des risques et de votre comportement - de vous verser le montant résultant du nombre de vos points et de leur valeur. Si vos résultats étaient très en dessous de vos objectifs et/ou que votre gestion des risques voire votre comportement ne correspondaient pas aux standards de la Maison, le nombre de points-cibles à prendre en compte pourrait être diminué, même pour l'année écoulée. En cas de contribution majeure, une gratification supplémentaire peut vous être allouée, sans aucun engagement pour l'avenir.

4. Le nombre et la valeur des points-cibles se rapportent à l'hypothèse selon laquelle le contrat de travail n'est pas résilié avant la date de versement. En cas de résiliation par l'une des parties avant la date de versement, la Maison est libre de réduire ou de supprimer la gratification variable liée aux points-cibles.

5. La gratification variable liée aux points-cibles est versée au plus tard avant la fin du 1er trimestre de l'année suivante."

D'après un décompte établi par l'employeuse, A______ a perçu chaque année depuis 2003 une gratification liée aux points-cibles. Dès 2007, A______ a en outre reçu un bonus supplémentaire (oscillant entre 10'000 fr. et 80'000 fr.). Il résulte de la fiche de salaire de l'employée de février 2017 qu'un montant total de 109'236 fr. lui a été versé à titre de bonus pour l'année 2016 (53'040 fr. de bonus points-cibles et 56'196 fr. de "bonus discrétionnaire").

Selon le témoin R______, responsable des ressources humaines pour la clientèle privée et Risk Manager au sein de B______ entre janvier 2007 et juillet 2015, la valeur du point (multipliée par le nombre desdits points pour obtenir la rémunération versée au collaborateur) dépendait des résultats de l'exercice précédent. Il n'existait pas de règlement interne fixant les critères précis déterminant le nombre de points attribués aux collaborateurs.

La valeur du point-cible a été fixée aux montants suivants entre 2010 et 2016 : 670 fr., 570 fr., 510 fr., 490 fr., 390 fr., 390 fr., respectivement 312 fr. Selon les déclarations de N______, représentant B______, la valeur du point avait été fixée à 337 fr. pour l'année 2017.

Au début des rapports contractuels, le nombre de points-cibles alloué à A______ s'élevait à 55. Ce nombre a augmenté progressivement, notamment à 140 de 2008 à 2012, 150 de 2013 à 2015, pour atteindre 170 en 2016.

Le témoin R______ a affirmé qu'un collaborateur pouvait toujours demander une avance sur le bonus points-cibles, étant précisé que le nombre de points attribués à chacun était déterminé et communiqué au début de chaque année. Par ailleurs, la prime discrétionnaire supplémentaire dépendait beaucoup des circonstances, en particulier des résultats d'un gestionnaire de fortune.

b.b Concernant le droit aux vacances, fixé par la Convention collective de travail de la corporation de banques privées genevoises, le contrat stipulait qu'en cas de cessation des rapports de service, la travailleuse était tenue de prendre le solde de ses jours de vacances avant la fin des rapports de travail, à moins que la banque ne requière l'accomplissement effectif du délai de congé.

b.c Tout comme les précédents contrats ayant lié les parties, la dernière convention prévoyait une clause de fidélité et de limitation de concurrence, dont la teneur (similaire depuis janvier 2003) était la suivante :

« Conformément à votre devoir de fidélité (...), vous vous engagez expressément envers la Maison à vous abstenir pendant toute la durée de votre contrat de travail de lui faire concurrence, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit.

Au surplus, vous vous engagez, pour une durée d'un an après la fin des rapports de travail (...), à vous abstenir d'entretenir des relations d'affaires bancaires avec les clients de notre Maison, sauf autorisation écrite de notre part. Vous vous interdisez ainsi dès la fin de vos rapports contractuels d'entreprendre, personnellement ou par le biais d'un tiers, toute démarche auprès des clients de la Maison, sous quelque forme que ce soit, pour votre propre compte ou pour le compte d'un tiers, afin de leur proposer toute prestation bancaire ou similaire.

En fonction de votre responsabilité, votre rémunération tient également compte et honore vos efforts d'acquisition et de rétention de clientèle. Vous avez donc conscience et reconnaissez que les clients de la maison constituent la clientèle de cette dernière et non pas la vôtre, cela même si vos efforts personnels ont contribué à la décision de certains clients de la rejoindre ou d'y rester ».

La réglementation des rapports de travail était complétée par la directive concernant le règlement du personnel de la banque, qui rappelait aux collaborateurs leur devoir de fidélité et de loyauté, les secrets bancaire et d'affaires, l'interdiction d'activités accessoires ou mandats externes sauf accord contraire de la banque, et l'abstention de tout acte contraire à l'intérêt des clients ainsi que la primauté de ces derniers en cas de conflits d'intérêts.

c.a A______ avait pour principales responsabilités de participer au suivi de la clientèle japonaise de la banque. Il est admis par les parties que toute la clientèle dont cette employée était chargée avait un lien avec le Japon, que ce soit par la nationalité, le domicile ou la langue. D'après un document établi par A______ en novembre 2015, quinze des vingt-cinq clients dont elle était alors responsable résidaient au Japon (cf. pièce n° 61 dem.).

Selon les allégations de B______, A______ ne possédait aucune clientèle au moment de son engagement au sein de la banque. Son premier poste n'était pas particulièrement en contact avec la clientèle ou ne faisait pas appel aux compétences en langue japonaise de la travailleuse. Ce n'était qu'à la suite de son transfert au « Front Office », en tant que chargée de relation, que sa connaissance du japonais était devenue un élément important. La banque a soutenu qu'elle lui avait alors confié une clientèle à suivre, qui était déjà chez elle de longue date ou n'avait pas été amenée par A______, ce qui a été confirmé par les témoins G______ et H______. Selon la banque, sur les vingt-six clients dont elle avait la charge, seuls deux (relations n° 3______ et n° 4______; cf. pièce n° 65 dem.) avaient été apportés par A______.

c.b Parmi les clients suivis par A______, les relations les plus importantes en termes d'actifs sous gestion étaient le client S______ (titulaire de la relation 5______; 100 millions de francs suisses) et deux fondations de droit suisse (relations 6______ et 7______, totalisant également environ 100 millions de francs suisses).

Le client S______, ressortissant japonais domicilié à Singapour, est devenu client de la banque par donation des actifs de son père, T______, lequel était lui-même déjà client de B______ (le numéro de relation bancaire étant cependant différent de celui de S______). Le père de S______ était, selon le témoin I______, un "walk-in client", soit un client qui était entré spontanément en contact avec B______ (en 2009) pour ouvrir un compte. Le témoin a ajouté qu'il avait été normal, vu la nationalité de ce client, qu'il soit suivi par A______.

c.c A teneur du certificat de travail établi par B______, A______ était amenée à renseigner régulièrement la clientèle, à anticiper ses besoins et à adapter les profils selon les marchés ainsi qu'à délivrer un service et des prestations à forte valeur ajoutée. Elle avait également pour mission d'appliquer la politique d'investissement de la banque, notamment en gérant des portefeuilles en conformité avec les profils déterminés et en proposant des solutions d'investissement en fonction de la typologie de la clientèle. Il résulte par ailleurs des évaluations de performances de l'employée qu'elle avait pour objectif l'acquisition et la rétention de clientèle ainsi que le service à la clientèle. En particulier, l'évaluation de 2014 mentionne que le nouveau défi de A______ (une fois la phase de régularisation terminée; cf. ci-après let. d.b et suivants) serait de développer une stratégie "NNA" (net new assets), en supposant que l'octroi de licences soit réalisable au Japon, afin d'avoir accès au marché pour l'acquisition de clients. Le témoin G______ a expliqué que la notion de "net new money" correspondait à la croissance des actifs nets dont s'occupait un chargé de relation, en ne tenant pas compte des performances. C'était les apports moins les retraits, étant précisé que les retraits étaient "monnaie courante", car les clients disposent de leur argent.

Le témoin H______ a confirmé que A______ avait des objectifs d'acquisition de clientèle et avait d'ailleurs pu apporter une cliente importante (dont le portefeuille s'élevait à 18 millions de francs suisses) à la banque. Cependant, cette employée n'était pas une "acquisitrice" mais une "farmeuse", à savoir quelqu'un qui entretient une relation. Cela a été confirmé par le témoin J______, qui a cependant précisé que bien qu'elle n'avait pas développé elle-même de clientèle, elle avait augmenté le portefeuille d'un client de quelques millions à près de cinquante millions (ce compte ayant été clôturé avant son départ de la banque).

c.d Il est admis que A______ a toujours bien accompli son travail et atteint ses objectifs, élevés, en termes de qualité de service. Selon les déclarations de H______, son dernier supérieur hiérarchique direct, elle avait été une gérante très professionnelle, consciencieuse, assidue et indépendante, ne recherchant pas forcément des relations avec ses collègues.

Selon le témoin J______, cette employée jouissait de bonnes compétences analytiques et techniques ainsi qu'en matière de fiscalité (même si l'intéressée a admis qu'elle ne disposait pas d'une formation de fiscaliste). A______ recourait à des fiscalistes japonais (déclarations de l'intéressée confirmées par le témoin U______, juriste fiscaliste employé de B______ de 1999 à 2016).

Le témoin J______ a précisé que A______ était dépourvue de formation spécifique comme "investment manager", cette partie du mandat ayant été déléguée au sein de la banque, comme cela était le cas pour de nombreux banquiers. Pour sa part, A______ a admis que la banque possédait un service de gestion centralisée. Elle a cependant relevé qu'elle devait estimer la pertinence de la gestion au regard de tous les aspects inhérents à la situation du client (impact fiscal japonais, projets du client, volonté de retour au pays, etc.). H______ a indiqué que A______ savait utiliser habilement tous les services de la banque.

Selon le témoin G______, A______ n'était ni plus compétente ni plus dévouée que les autres chargés de relation, son avantage résidant dans sa maîtrise de la langue japonaise.

A teneur de l'évaluation 2013, les résultats obtenus par A______ étaient au-dessus des attentes de son employeur et il était clair que la rémunération variable de cette employée devait refléter équitablement l'amélioration substantielle des revenus et l'augmentation du degré d'acquisition de clients et de fidélisation des relations existantes par le biais de structures complexes. Dans l'évaluation des performances de 2014, H______ a mentionné que A______ avait une conscience élevée des objectifs de la banque en matière de risques et de conformité. En 2016, il a indiqué qu'elle était très respectueuse des règles transfrontalières.

c.e B______ a reconnu que A______ avait noué des rapports particulièrement étroits avec la clientèle, bien que la banque considérait qu'en agissant de cette manière, la collaboratrice faisait fi de l'esprit d'équipe, ce qui a été souligné dans ses évaluations. De facto, les communications en japonais excluaient une majorité de ses collègues des contacts avec les clients. Confronté à deux évaluations de la collaboratrice, le témoin J______ a relevé que dans les performances évaluées, la note de 5 obtenue en 2014 pour la "proximité client" était la plus élevée possible.

Le témoin H______ a confirmé que A______ avait des contacts privilégiés avec les clients. Selon lui, elle "maîtrisait totalement les clients", alors qu'en sa qualité de supérieur hiérarchique, il aurait également dû être intégré à ces relations.

Interrogée par le Tribunal, A______ a déclaré que son activité allait au-delà de la gestion de fortune. A titre d'exemple, elle avait dû procéder à des restructurations (en raison d'évolutions légales et fiscales), sur demande de la banque ou des clients concernés. Pour ce faire, elle avait agi comme coordinatrice entre divers spécialistes internationaux en matière patrimoniale. Elle avait également recherché des appartements, des écoles ou offres de stages pour les enfants de clients ou encore des médecins spécialisés. Même pour des activités hors patrimoine, elle documentait ses voyages, de sorte que celles-ci étaient connues de son employeur.

d. A______ a exposé avoir dû faire face à plusieurs problématiques majeures dans le cadre de son activité au sein de B______, en particulier:

d.a Dans le cadre du différend fiscal opposant les Etats-Unis d'Amérique à la Suisse, le Département de justice américain (DoJ) avait mis en place un programme dans le but de régulariser d'éventuels problèmes fiscaux américains. Dans ce contexte, B______ avait, dès 2014, décidé de transmettre aux autorités américaines des informations relatives à certains comptes bancaires, y compris les noms et fonctions des collaborateurs en charge desdits comptes. A la suite de cela, A______ avait obtenu une lettre de garantie de la banque, soit une promesse de prise en charge de tous ses frais d'avocat et de défense en cas de procès en lien avec son activité.

d.b Dès l'année 2013, la législation interne japonaise avait imposé aux personnes soumises à sa juridiction d'effectuer un reporting de leurs avoirs situés à l'étranger excédant 50'000'000 JPY (soit environ 150'000 fr.). D'après le témoin V______ (employé de B______ entre 2007 et 2016, en qualité de gestionnaire de projet les deux dernières années), l'exercice de régularisation "S1/S3" avait fait partie d'une politique globale de la banque visant à amener ses clients vers la fiscalisation de leurs avoirs. Selon W______, entendu en qualité de témoin, employé de B______ en qualité de gestionnaire de fortune entre 2012 et 2016 (les deux dernières années au sein du bureau de Q______ [Japon]), la procédure dite S1/S3 avait concerné des clients japonais résidant au Japon, dont les avoirs n'avaient alors pas encore été déclarés au fisc local. Selon lui, celle-ci avait été lancée par la banque, qui avait voulu s'assurer de la conformité de ses relations en lien avec la mise en œuvre de procédures d'échange automatique d'informations.

A______ a remis en cause la manière dont la banque avait géré les opérations de régularisation des clients japonais entre 2013 et 2016, notamment du fait qu'en janvier 2015 la banque avait transféré W______ au Japon, alors que tous les clients gérés par l'intéressé n'avaient pas été régularisés.

A______ a en outre fait valoir qu'en raison de cette règlementation japonaise, une partie de la clientèle qu'elle suivait avait retiré ses actifs détenus auprès de B______. Il résulte de l'évaluation de performance 2014 que A______ s'était concentrée, en 2014, sur la sauvegarde des actifs sous gestion et des revenus de la banque compte tenu de l'évolution de l'environnement réglementaire.

d.c Entre janvier et mai 2016 (puis en janvier 2017: cf. pièce n° 87 déf. p. 2, en relation avec dix-sept comptes bancaires dont I______ était responsable depuis Genève et d'autres collègues depuis Q______), les autorités japonaises de surveillance ont procédé à une inspection auprès de l'entité japonaise du groupe B______ (cf. développements ci-après, let. e). Dans ce cadre, l'entité genevoise a commis une erreur (reconnue par la banque), constitutive de violation du secret bancaire et des règles relatives à la transmission d'informations à l'étranger, en remettant aux autorités japonaises des courriels liés à l'exercice de régularisation dit S1/S3, dans lesquels apparaissait le nom de A______, laquelle était, selon ses explications, chargée de superviser les opérations de régularisation en question. Celle-ci était dès lors inquiète des potentielles répercussions de la transmission de ces informations, car il existait, selon elle, des incertitudes sur le caractère légal et autorisé des activités de l'entité genevoise sur territoire japonais. A______ voulait dès lors obtenir de son employeuse la garantie qu'elle ne craignait pas d'encourir des poursuites civiles, pénales ou administratives par les autorités japonaises; elle a dès lors adressé une missive en ce sens à B______ le 20 juillet 2016 par l'intermédiaire d'un avocat. En mai 2017, elle a par ailleurs demandé à son employeur de lui fournir une lettre de garantie similaire à celle obtenue en rapport avec la procédure américaine.

d.d Toujours dans le cadre de l'enquête menée par le régulateur japonais, la banque a interdit à ses collaborateurs de voyager ("travel ban") au Japon entre les mois de février et juin 2016. A______ a allégué que cette interdiction avait rendu impossible la réalisation de ses objectifs et prétérité ses possibilités de développer sa clientèle, motifs qui avaient tous deux impacté sa rémunération variable, étant précisé qu'auparavant elle se rendait dans ce pays entre trois et cinq fois par an.

Selon le témoin G______, l'interdiction de voyager n'avait pas été décidée du fait de cette enquête. La banque avait uniquement mis en œuvre cette restriction à la suite de la transmission indue de courriels émanant de ses collaborateurs et ce, jusqu'à confirmation de ce que ces documents ne seraient pas utilisés par les autorités japonaises. Du fait que la clientèle domiciliée au Japon était, selon lui, largement minoritaire dans l'activité de A______, ses objectifs d'acquisitions avaient été maintenus durant le travel ban.

d.e Malgré des demandes en ce sens de A______, appuyées par H______, la banque avait refusé d'adopter un nouveau "country manual" sur le Japon (« manuels de pays » fournissant aux institutions financières actives au niveau international et ayant des clients étrangers les compétences, les connaissances et le savoir-faire nécessaires pour exercer leurs activités transfrontalières en conformité avec la réglementation applicable). Un tel guide aurait été essentiel, selon A______, pour déterminer les risques règlementaires encourus. En refusant d'édicter un tel manuel, la banque avait dès lors confirmé que le marché japonais avait peu d'importance pour elle.

Le témoin M______, employé de B______ depuis 2014, en charge des risques dans les relations transfrontalières, notamment pour la juridiction japonaise, a expliqué qu'il existait un manuel détaillant les règles de gestion applicables au Japon, lequel n'avait pas été publié sur l'intranet, mais était connu des collaborateurs opérant sur ce marché. Ce document avait connu des modifications fréquentes au gré d'avis de droit et modifications législatives. C'était d'ailleurs en raison de ces dernières que la banque n'avait pas édicté de version finale du manuel concernant ce pays.

Le témoin V______ a relevé que dans la mesure où A______ avait été la seule collaboratrice autorisée à voyager au Japon (en raison de la complexité des relations transfrontalières et de la nationalité de cette collaboratrice, selon le témoin M______), la banque avait choisi de ne pas édicter de country manual pour ce pays.

Selon la banque, les « guides pays » n'étaient pas indispensables, puisqu'il existait une directive interne sur les activités transfrontalières, laquelle trouvait application en l'absence de ces manuels (ce qui a notamment été confirmé par le témoin V______). D'après H______, les activités transfrontalières n'étaient pas impossibles en l'absence d'un tel guide, à condition de faire preuve de bon sens et de rester prudent.

B______ a en outre fait valoir que dès lors qu'elle ne prospectait pas activement sur le marché japonais, elle n'avait pas de raison d'établir un tel guide, qui n'aurait au surplus concerné que les activités envers la clientèle domiciliée au Japon, par opposition à une clientèle, plus large, de nationalité ou de langue japonaise. Selon H______, les actifs de résidents japonais suivis par A______ n'avaient représenté que 27% de ceux dont la collaboratrice était en charge, ce qui avait également permis de relativiser l'importance d'un tel manuel.

D'après le chiffre 4.2 de la directive de B______ sur les activités transfrontalières, les marchés passifs (catégorie 2, dont elle prétend que le Japon fait partie) sont des marchés où le Groupe ne prospecte pas activement mais accepte des demandes de clients d'ouvrir un compte (sollicitation dans l'autre sens). A teneur de la directive, les pays de catégorie 2 sont couverts par un Cross-border Banker Guide.

e. Selon A______, l'enquête menée par le régulateur japonais avait revêtu une ampleur exceptionnelle et des sanctions avaient été prises. Cette inspection avait mis en exergue plusieurs problèmes concernant tant les entités japonaises que genevoise, ainsi que les relations qu'elles entretenaient entre elles. Selon elle, ladite enquête n'avait rien d'ordinaire, puisqu'elle avait rendu nécessaires de nombreuses adaptations internes et suscité des échanges de courriels en février 2017 recourant à des termes alarmistes (tels que "Japan saga", "we seek your urgent help", "criticality for us", "we have to get action done quickly"; cf. pièce 87 déf.) et impliqué un travel ban. A______ a cependant confirmé que les relations bancaires dont elle était chargée n'avaient pas été visées par le régulateur, mais elle a soutenu que B______ aurait été amenée à opérer les mêmes choix quant à leur statut (cf. let. e.b ci-après).

Pour sa part, B______ a contesté l'importance de l'inspection du régulateur japonais. Selon la banque, cet audit n'avait visé que l'entité japonaise et n'avait été suivi d'aucun avertissement, menace ou sanction.

En ce qui concerne l'inspection litigieuse et les résultats de celle-ci, les éléments suivants résultent du dossier, soit en particulier des pièces produites et des enquêtes:

e.a A teneur du compte-rendu (établi par A______) d'une conférence téléphonique qui s'est tenue le 27 mai 2016 entre des employés de B______ à Genève avec le service compliance de Q______, X______ (Q______ Compliance) avait expliqué que "les inspecteurs du régulateur financier local pour la région de Q______ (Y______ Local Finance Bureau – Y______LFB) avaient identifié au cours de l'inspection une violation potentielle des règles transfrontalières prévues par la loi sur les banques japonaises et demandé à l'entité japonaise de B______ de consulter le FSA (régulateur national). X______ avait demandé l'avis de deux conseillers juridiques locaux, qui avaient tous deux estimé que si B______ devait ouvrir des comptes en Suisse pour des résidents japonais et leur fournir une gestion discrétionnaire, cela nécessitait que la banque ait une licence au Japon ou qu'elle convertisse ces comptes en comptes d'exécution uniquement." Toujours selon ce compte-rendu, G______ [acronyme] (soit G______) et V______ [acronyme] (soit V______) avaient relevé qu'il existait deux problèmes distincts: 1) les comptes concernés par l'accord TSA ("Technical Service Agreement" conclu entre B______ Genève et l'entité de Q______ [Japon] pour faciliter la communication avec les clients résidant au Japon et disposant d'un compte à Genève, selon les explications fournies par I______), lesquels étaient enregistrés avec un mandat discrétionnaire à Genève, mais pour lesquels Q______ fournissait des conseils en investissement et servait d'intermédiaire pour Genève au Japon; et 2) les comptes ouverts avec un mandat discrétionnaire à Genève sans aucune interface avec Q______. X______ avait affirmé que l'exigence de licence s'appliquait aux deux catégories. G______ avait répondu que dans le cas n° 2 évoqué ci-dessus, une telle notion d'extraterritorialité allait totalement à l'encontre des pratiques acceptées et des directives des country manuals fournis par les "Big Four". Entendu par le Tribunal, G______ a affirmé que si un client japonais ouvre un compte à Genève et dépose ses actifs à Genève, cela ne pose pas de problème d'avoir un mandat de gestion discrétionnaire si le chargé de relation se trouve également à Genève.

Par courriel du 31 mai 2016, Z______, cadre de B______ (SINGAPOUR) LTD a adressé à G______ deux avis de droit relatifs aux questions transfrontalières avec le Japon et indiqué que l'opinion du régulateur était similaire: les activités de gestion discrétionnaire et de placement ainsi que le booking offshore pour un client résidant au Japon requéraient une autorisation. La simple exécution d'ordres pouvait être acceptable ou alors le fait de confier le sous-mandat de gestion ou de conseil en placement à Q______ si la relation devait être maintenue offshore (cf. pièce 15 déf.). Devant le Tribunal, G______ a indiqué que ce mémo faisait référence à l'impossibilité d'avoir un mandat de gestion à Genève avec un chargé de relation à Q______.

Dans un courriel adressé le 9 juin 2016 à AA______, P______, M______ et V______ (avec copie conforme à G______, A______ et un autre employé), H______ a indiqué qu'étant en charge de l'opération asiatique en Suisse et ayant deux Relationship Managers (dont A______) directement exposés au Japon, ils souhaitaient connaître le résultat de l'inspection menée par le régulateur japonais et la voie à suivre pour eux. En se référant au compte-rendu du 27 mai 2016 mentionné ci-dessus et joint à ce courriel, il a mentionné que selon le compliance, le FSA avait fixé un délai de deux à trois mois pour mettre en place des actions correctives suffisantes, faute de quoi la banque risquait de faire face à des sanctions supplémentaires et plus publiques. Il a également fait référence au fait qu'il avait appris qu'un dénommé AB______ serait désormais en charge du bureau de Q______ à partir de septembre. Il en déduisait que AC______ (anciennement directeur de la clientèle privée au sein de l'entité de Q______) avait été invité à partir ou avait démissionné et demandait si cela était en lien avec le résultat de l'inspection. H______ a ajouté qu'à ce stade, ils souhaitaient recevoir des communications écrites claires sur la situation et l'évolution de la situation. Il a rappelé qu'en leur qualité de banquiers, ils étaient en première ligne des décisions commerciales à prendre (p. ex. reprise des comptes japonais laissés par les banquiers sortants) et il était essentiel qu'ils soient pleinement informés afin de ne pas se mettre involontairement en danger, eux-mêmes et la banque. Il demandait donc des clarifications écrites aussi rapidement que possible.

e.b A teneur de courriels expédiés à I______ les 21 et 22 février 2017, Z______ rappelait que les dix-sept comptes bancaires que le régulateur japonais avait pointés du doigt en 2016 requéraient une action immédiate, puisque les autorités japonaises attendaient un compte-rendu d'ici fin mars 2017. Les choix offerts étaient les suivants: clôture, conclusion d'un mandat de gestion discrétionnaire par l'entité japonaise de la banque ou mutation en compte "execution only" à Genève. Z______ a également indiqué que d'autres comptes bancaires (qui n'avaient pas fait surface) pouvaient être traités ultérieurement car ils n'étaient pas suivis par le régulateur.

I______ a répondu aux courriels de Z______, en mettant en copie A______, H______ et G______, indiquant qu'il apparaissait, en effet, que dans le cadre de l'audit mené par les autorités de régulation, les comptes genevois avec mandat discrétionnaire genevois avaient été signalés comme n'étant pas corrects. Cependant, selon lui, il n'appartenait ni à l'entité Q______ de B______ ni à Z______ de décider si Genève pouvait avoir des comptes avec mandats discrétionnaires. Si le régulateur avait un problème avec cette configuration, il devait s'adresser directement à B______ Genève et non à la filiale japonaise.

e.c Devant le Tribunal, le témoin H______ a affirmé qu'il ignorait si l'audit mené par le régulateur japonais était ordinaire, mais il a relevé que cette inspection n'avait pas fait l'objet de discussions particulières au sein de la banque. Il ne lui avait pas semblé que l'inspection avait mis en évidence des irrégularités ou engendré des conséquences pour la banque ou ses collaborateurs.

Le témoin I______ a déclaré ne pas avoir connaissance des détails de l'audit opéré par le régulateur japonais en 2016, mais il en a contesté le caractère de "descente de police". L'entité japonaise avait reçu interdiction de communiquer à cet égard et il ignorait les conclusions ou conséquences de cette procédure. L'inspection avait porté sur le TSA et ce service n'existait plus aujourd'hui.

D'après le témoin G______, le régulateur japonais intervenait régulièrement auprès de l'entité japonaise de la banque, laquelle n'avait pas été sanctionnée. La banque avait corrigé les rapports avec le TSA à la suite de discussions avec le régulateur. Pour lui, la situation juridique était claire : il n'existait pas de problème réglementaire en cas de gestion de comptes de résidents japonais ouverts à Genève par un chargé de relation sis à Genève.

L______, entendu en qualité de témoin, employé de B______ depuis 2012 en qualité de responsable de l'audit interne, a indiqué que l'inspection de 2016 avait été ordinaire, bien que la banque n'en ait été informée que peu de temps avant, ce qui avait nécessité un travail dans l'urgence. Il s'agissait de la deuxième inspection concernant le Japon qu'il avait connue et il n'y en avait pas eu depuis lors. Il avait eu accès à l'exit memorandum, rapport globalement positif, par lequel le régulateur avait formulé quelques recommandations. Ces dernières avaient notamment porté sur le TSA, problématique réglementaire que B______ avait d'ores et déjà identifiée. Il n'y avait pas eu de sanction. Il ne connaissait pas A______ et était certain qu'elle ne s'était pas adressée à lui à ce sujet.

Le témoin W______ a déclaré que lorsqu'il avait rejoint l'entité Q______ de B______, il avait un titre de directeur et devait voir s'il était possible de développer la clientèle internationale depuis le Japon. Il se trouvait dans ce pays lorsque l'enquête du régulateur japonais avait été déclenchée. Dans ce cadre, il avait été interrogé par cinq inspecteurs durant deux ou trois heures, un collègue du compliance ayant fait office de traducteur car il ne parlait pas un mot de japonais. A sa connaissance, une telle inspection n'était pas exceptionnelle, mais se déroulait tous les trois ou quatre ans. Ce qui avait été particulier cette fois c'est que les inspecteurs étaient arrivés de manière « sauvage » un matin, deux heures après avoir informé de leur arrivée par téléphone. Cela ne l'avait toutefois pas choqué et ses collègues non plus. En tout, l'inspection avait duré entre deux semaines et un mois. Lui-même avait été questionné au sujet de ses dossiers de voyage, qui contenaient des noms de prospects. Lorsqu'il avait été transféré à Q______, ses e-mails n'avaient pas été effacés et tout le travail qu'il avait effectué à Genève par le biais de ces courriels était arrivé sur les serveurs de la banque à Q______. Le régulateur avait eu accès à ces courriels. Il n'avait pas répondu aux questions concernant la période antérieure à son arrivée au Japon, car cela était interdit selon le droit suisse. Au terme de l'inspection, le régulateur lui avait dit que ces courriels seraient détruits. Il n'avait pas eu accès à l'exit memorandum, mais avait été informé de ce qu'il n'y avait rien de grave ou de trop grave et qu'il n'y aurait pas de poursuites. Il n'était cependant pas au courant de tout concernant cette inspection. Cet événement n'avait nullement influencé sa décision de quitter le groupe.

Le témoin V______ a déclaré que s'il s'était entretenu avec A______ concernant l'investigation de 2016, cette procédure n'avait pas visé cette collaboratrice. Il se souvenait que cette dernière lui avait fait part d'une certaine anxiété à cet égard, comme cela était souvent le cas pour les collaborateurs dans de telles circonstances. Selon lui, il était certain que l'anxiété de cette employée pouvait être accentuée par la proportion importante de clients japonais dans son portefeuille. Pour toutes les parties impliquées, cela pouvait provoquer un risque de réputation. C'était le cas pour B______ à Genève, l'entité au Japon, A______, lui-même et beaucoup d'autres. Bien qu'il n'ait pas eu accès au document ayant clôturé l'investigation, l'issue de la procédure avait cependant démontré que le risque précité était en réalité inexistant. En effet, lui-même n'avait pas été inquiété et la transmission indue de données n'avait pas porté à conséquence.

f. A______ a fait part à plusieurs reprises à son employeur de ses craintes au sujet de son avenir professionnel, recourant même aux services d'un avocat à cette fin.

Dans un courriel adressé à son avocat le 13 juin 2016, A______ a exposé qu'elle n'avait pas reçu de copie de l'exit memorandum ni obtenu des clarifications par rapport au Japon. Les employés étaient mis sous pression afin qu'ils continuent de gérer comme d'habitude les affaires des clients japonais et elle commençait à « avoir peur d'être dans cette organisation » si elle s'exposait à des risques supplémentaires. Elle demandait à l'avocat s'il lui conseillait de faire une nouvelle tentative à l'interne ou s'il valait mieux passer par son intermédiaire. Elle a joint à ce courriel un tableau qu'elle avait établi pour retracer les derniers événements survenus entre les 2 et 10 juin 2016 en relation avec l'inspection japonaise, entre autres les rumeurs de licenciement de AC______, dont H______ lui avait fait part, et le départ de AD______ qui faisait partie du team Asie.

Devant le Tribunal, A______ a déclaré que l'inspection du régulateur japonais et l'interdiction de voyage prononcée par la banque avaient engendré pour elle une importante incertitude professionnelle, notamment car elle n'avait pas été tenue informée des événements et avait dû rechercher toutes les informations par elle-même, la banque ayant même refusé de lui communiquer certains documents jusqu'à ce qu'elle mandate un avocat.

Elle a par ailleurs affirmé que malgré la levée du travel ban par son employeuse après quelques mois, elle n'avait pas pu retourner au Japon avant la fin de ses rapports contractuels avec B______, que ce soit à titre professionnel ou privé, en raison de l'absence de country manual et des conclusions de l'inspection du régulateur japonais, qui relevaient le manque de clarté de la politique d'affaires de la banque au Japon. Elle avait, à plusieurs reprises, subi des pressions de la part de son supérieur direct pour reprendre ses voyages dans ce pays, alors même que le chef du service juridique l'encourageait à ne pas s'y rendre. Pour sa part, H______ a contesté avoir mis la pression sur A______ pour l'atteinte d'objectifs, affirmant qu'il avait respecté sa décision de ne plus voyager au Japon en l'absence de country manual.

g. Dans la fixation des objectifs 2017, il était attendu de A______ qu'elle acquière de nouveaux actifs nets à hauteur de 30 millions de francs suisses. Dans ce contexte, la collaboratrice a précisé que les objectifs 2017 dépendaient largement de: 1) la clarification de la position règlementaire concernant les activités transfrontalières au Japon, pour laquelle ils n'avaient pas encore obtenu de confirmation depuis octobre 2015; 2) la future stratégie de la banque concernant le marché japonais, qu'ils attendaient depuis le début de l'année 2016; 3) la réparation de l'erreur commise par la banque en janvier 2016 pour lui permettre de voyager à nouveau au Japon.

h.a Dans l'intervalle, en novembre 2015, A______ a créé, de sa propre initiative, un tableau Excel intitulé "Projections 2015" (pièce n° 20 dem.), listant plusieurs relations bancaires qu'elle suivait pour le compte de son employeuse, en indiquant ce qu'elles avaient rapporté à celle-ci en honoraires de gestion ("Management"), droits de garde ("Custody") et courtage ("Brokerage"). Ces relations étaient classées en catégories "H – M – L". Selon ce document, les relations bancaires en question avaient procuré des revenus totalisant 2'050'788 fr. 71 pour l'année 2015.

Interrogée par le Tribunal, A______ a déclaré qu'elle avait établi ce tableau au moment où elle avait commencé à nourrir des doutes au sujet de son futur au sein de B______. Elle avait rédigé un "état des lieux" de son activité à la suite de discussions relatives aux licences au Japon et au country manual, qui n'avaient abouti à aucune solution, ainsi qu'à la communication de ses données par la banque aux autorités américaines. Son hypothèse initiale était son départ de la banque et l'évaluation de la probabilité de clôture des comptes par les clients au cas où B______ ne se chargerait plus que de l'exécution d'instructions.

Pour sa part, la banque a fait valoir que les lettres H-M-L devaient être comprises comme l'évaluation du degré de probabilité (High-Medium-Low) que les clients suivent A______ en cas de départ de celle-ci de l'établissement, l'intéressée ayant effectué une projection des revenus que cela pourrait lui procurer en tant que gérante indépendante.

h.b L'employée a par la suite confectionné sur Excel des tableaux plus détaillés du document "Projections 2015" (les dernières modifications sur le fichier ayant été apportées le 17 mai 2016; cf. pièce n° 61 dem.), comportant notamment des indications sur l'origine géographique des fonds. Il en résulte que seuls 16'015'184 fr. sur 379'753'798 fr. étaient attribués au Japon et à Taïwan. Le solde des actifs était principalement attribué aux relations bancaires détenues par S______ et les deux fondations de droit suisse.

Le fichier Excel comporte un onglet "T&E Expenses Data", dans lequel A______ a inscrit ses frais de voyage (estimés à 22'750 fr.) et de téléphone; un montant total de 112'000 fr. résulte par ailleurs de l'onglet "Fixed" ("terminal, space, headcount"). Viennent ensuite deux onglets intitulés "Summary AE______ [prénom]", comportant divers tableaux, prévoyant notamment trois différents scénarios, soit "Total SIN + CH + JPN" (soit tous les clients "hors UK et autres"), "SIN, CH, 50% JPN & TWN" et "No SIN 50% JPN". Au-dessus des tableaux répertoriant les revenus estimés selon les différentes hypothèses figurent les mentions "fixed and variable costs before A______ [monogramme] salary to be paid out from AF______ SA", "first million @ 40% for A______ [monogramme], second million @ 50% for A______". L'une des colonnes desdits tableaux est intitulée "AF______ share". L'un des tableaux indique en outre un salaire de base de 150'000 fr. et des frais de représentation de 12'000 fr.

A______ a admis avoir établi ces tableaux détaillés, fondés sur les premiers. Elle a exposé qu'à la suite de l'inspection du régulateur japonais, de la fuite de courriels et du refus de la banque de la tenir informée des résultats de cette procédure, elle avait compris que son avenir auprès de B______ était "très précaire" et commencé à réfléchir à celui-ci de manière plus concrète. Par ce tableau, elle avait établi les chiffres probables pour toutes les parties prenantes dans l'hypothèse où la banque n'aurait plus qu'un statut "execution only".

Selon la banque, par les mentions "Summary AE______", il fallait comprendre que le document, qu'elle a qualifié de business plan, était destiné au nouvel employeur de A______, soit AE______, PDG de AF______ SA (cf. let. q ci-dessous). Selon B______, ce résumé faisait clairement état des montants précis des avoirs sous gestion dont A______ considérait vraisemblable qu'ils la suivraient et de la rémunération qu'elle estimait pouvoir réaliser selon diverses hypothèses (soit notamment si seuls les clients catégorisés High la suivaient ou encore si les catégories High et Medium la suivaient aussi). A______ avait dès lors procédé à des scénarios de répartition des revenus espérés entre elle-même et AF______ SA. La collaboratrice avait enfin fait état du salaire auquel elle aspirait avant perception de son revenu variable, qu'elle avait chiffré entre 109'857 fr. nets et 809'994 fr. nets selon les cas de figure.

H______, I______ et G______ ont tous trois qualifié ces tableaux de "business plan", le second témoin ayant précisé qu'il considérait qu'ils avaient été établis en faveur de AF______ SA, dont le nom apparaissait sur les documents ("AF______"), tout comme celui de l'administrateur de la société, AE______ [prénom].

i. Lors d'un entretien qui s'est déroulé le 15 mai 2017, A______ a exposé sa situation à P______. Elle lui a par ailleurs communiqué son souhait de quitter la banque et de trouver une solution de partenariat pour la gestion de certains clients dont elle s'occupait jusqu'alors. Elle a ainsi proposé à B______ de conserver les avoirs sous gestion en tant que banque dépositaire tandis qu'elle-même assurerait la gestion discrétionnaire de ces avoirs en tant que gérante indépendante. Cette solution était, selon elle, favorable à la banque, puisqu'elle lui permettait de garder les avoirs sous gestion tout en supprimant les risques règlementaires à l'égard du Japon en matière de gestion de fortune discrétionnaire.

Devant le Tribunal, elle a expliqué que l'un des problèmes de la banque vis-à-vis du Japon était qu'elle ne savait pas si elle pouvait offrir des mandats discrétionnaires aux résidents japonais. Se référant à l'avis exprimé par Z______, conseiller juridique pour l'Asie, elle a affirmé que le mandat était autorisé seulement si les ordres étaient "execution only". En revanche, il y avait un doute sur la conformité de l'activité si le mandat était discrétionnaire. Selon elle, il y avait davantage de problèmes de conformité pour une banque que pour un gestionnaire (indépendant). Le régulateur n'effectuait pas le même type d'évaluations et les lois sur les banques étaient beaucoup plus strictes, surtout quand elles avaient une présence au Japon.

A______ soutient avoir remis à P______ le tableau récapitulatif des vingt-cinq clients dont elle avait la charge, avec les probabilités que ces clients acceptent une structure telle que celle qu'elle venait de présenter. A teneur d'un courriel que A______ a adressé à son avocat le jour même de l'entretien en question, P______ aurait affirmé qu'il soutiendrait sa démarche auprès de G______, vu les circonstances.

Dans ses écritures, A______ a allégué que lors de cette discussion, P______ avait reconnu les problèmes de la banque liés aux activités transfrontalières avec le Japon et expressément admis que la banque perdrait la plupart des clients japonais en cas de départ de la première nommée. Interrogée par le Tribunal, l'intéressée a ajouté que P______ avait admis les difficultés liées à l'avis exprimé par Z______ et reconnu que les événements passés avaient posé problème à la première nommée. Selon elle, il était d'ailleurs étonné qu'elle soit restée employée de la banque après ces événements. Il lui avait cependant indiqué que la banque pourrait "adopter des mesures très désagréables" contre elle, afin de protéger le chiffre d'affaires.

j. Par courriel du 31 mai 2017 à G______ (avec copie à H______), A______ a confirmé à la banque sa décision de démissionner. Elle a rappelé que, comme expliqué lors d'un entretien de la veille, elle considérait que les événements survenus depuis le début de l'année 2016 et leurs conséquences potentielles sur sa carrière justifiaient qu'une attention particulière soit portée aux conditions de son départ. Elle a dès lors notamment émis les propositions suivantes comme conditions de fin des rapports de service:

- que la banque lui fournisse une lettre de garantie pour la prise en charge d'éventuels frais d'avocat concernant son activité au sein de la banque (en relation avec la divulgation de ses coordonnées aux autorités japonaises);

- que les rapports contractuels prennent fin le 15 juin 2017 et que la banque lui verse trois mois de salaire, comprenant plus de deux semaines de vacances non prises en nature (il est admis qu'il s'agit de 18.5 jours);

- que dans le cas où des clients dont elle était chargée de relation 1 décideraient de transférer le mandat de gestion à son futur employeur (un family office multi-plateforme acceptée par B______ en qualité de gérant externe), la banque n'y ferait pas obstacle et appliquerait les tarifs GIN (gérants indépendants) standards à ces comptes; il a été précisé que cela permettrait d'atténuer les risques pour B______, puisqu'il avait d'ores et déjà été souligné que les comptes bancaires genevois des résidents japonais devaient être "excution only".

A______ a encore ajouté qu'elle estimait, sur une base annualisée (selon les chiffres "cockpit" d'avril 2017), que les revenus procurés à la banque par les comptes dont elle était chargée de relation 1 s'élevaient à 0.7 million de francs suisses pour les droits de garde (custody) et 2.2 millions de francs suisses pour les autres frais, hors frais de gestion.

Confronté par le Tribunal à ce courriel de démission, H______ en a souligné le ton quasi-vindicatif, la proposition émise par la collaboratrice sonnant comme une faveur envers la banque, que cette dernière aurait été contrainte d'accepter sous peine de ne conserver que le droit de garde sur les avoirs de ses clients.

k. B______ a pris acte de la démission de A______ par pli recommandé du 14 juin 2017, refusé de mettre un terme anticipé aux rapports de travail et précisé que le contrat prendrait fin à son échéance contractuelle le 31 août 2017. La banque a précisé qu'elle accepterait de libérer A______ de son obligation de travailler lorsque cette dernière aurait transmis à ses successeurs l'entier de ses dossiers et des informations relatives aux clients.

Concernant les clients dont A______ assurait le suivi, la banque a précisé ce qui suit: "nous n'acceptons pas de renoncer à votre devoir de loyauté ainsi qu'à votre engagement de non-concurrence. A cet égard, nous sommes d'ailleurs surpris de constater qu'un client que vous suiviez nous a d'ores et déjà communiqué sa volonté de mettre fin à un mandat de gestion, alors même que vous êtes encore collaboratrice de la banque et payée par celle-ci. Cela constitue une violation claire de votre devoir de loyauté et nous vous invitons donc de bien vouloir cesser immédiatement d'entreprendre des démarches de ce type à l'avenir". Il était au surplus rappelé à A______ qu'il lui incombait d'informer les clients de son départ en présence du collaborateur désigné par G______. Ce dernier devait également être immédiatement informé de toute demande qu'elle recevrait de la clientèle dont elle avait la charge, qu'elle s'engageait à ne pas contacter.

La banque a ajouté que le solde de jours de vacances lui serait payé avec son dernier salaire. En outre, elle lui verserait, à bien plaire, la somme brute de 28'335 fr. à titre de gratification, correspondant à 170 points d'une valeur de 250 fr. pour huit mois de service, "pour autant que [l'employée se conforme] strictement aux obligations découlant de la loi, de [son] contrat de travail (y compris les directives internes [durant son emploi]) et du présent document notamment les clauses relatives à l'obligation de loyauté pendant le contrat de travail, non-sollicitation, devoir de restitution, secret bancaire, secret des affaires et réputation".

La banque s'est pour le surplus engagée à prendre à sa charge les frais de défense de A______ et à lui apporter le soutien nécessaire dans l'hypothèse où une procédure civile, pénale ou administrative serait initiée contre elle en lien avec son activité au sein de la banque. Cet engagement n'était cependant valable que pour autant que l'employée ait "respecté l'entier de [ses] obligations à l'égard de la banque et ( ) les directives et instructions de celle-ci".

l. En vue de la transmission des dossiers clients dont A______ était chargée, la banque a demandé à celle-ci de lui fournir les adresses de messagerie électronique ainsi que les numéros de téléphone portable desdits clients, ces numéros faisant partie du minimum requis dans la base de données de la clientèle, selon le témoin G______.

A______ a refusé de transmettre le numéro de téléphone portable de certains clients, arguant que ceux-ci le lui avaient donnés à titre personnel, à la condition qu'il ne soit remis à personne d'autre, y compris au sein de la banque.

A teneur des pièces produites par la banque et des allégués de A______, il s'agissait des titulaires des relations bancaires suivantes (cf. pièces n° 62 et 65 dem.) :

-          8______ (Fonds AG______), 9______, 10______ et 11______ (les trois premières appartenant, selon les dires de A______, au président d'une société cotée au Japon et à deux femmes veuves, dont l'une serait de nationalité taïwanaise et japonaise), dont les avoirs étaient sous gestion de la banque depuis 1998, respectivement 1997, soit avant l'arrivée de A______ au sein de la banque;

-          12______, 13______, et 14______, dont les avoirs étaient sous gestion de la banque depuis 2007, respectivement 2012 (étant relevé que les deux premières relations bancaires, appartiennent à la même personne, laquelle est toujours cliente de la banque);

-          3______, qui est une cliente apportée par A______ en 2012.

Interrogée par le Tribunal, A______ a affirmé que dans la mesure où les clients en question ne souhaitaient pas communiquer ces données, elle ne se voyait pas "en contradiction avec son statut d'employée de la banque". Elle avait estimé que la meilleure façon pour la banque de poursuivre ces relations était qu'elle-même demande aux clients concernés la permission de transmettre les coordonnées qui lui avaient été données à titre personnel. Elle a par ailleurs déclaré qu'elle avait transmis à la banque au moins un moyen de contact pour chacun des clients dont elle avait été chargée du suivi. A sa connaissance, la banque était parvenue à communiquer avec chaque client important.

Le témoin O______, employée de B______ depuis septembre 2013, responsable des risques opérationnels pour la région internationale Afrique/Asie depuis juin 2016, a confirmé que A______ avait proposé d'autres moyens pour joindre les clients dont elle refusait de transmettre les numéros de téléphone portable.

m. Avant et après la démission de A______, quinze relations dont elle avait la charge (cf. tableau sous let. s) ont résilié des mandats de gestion confiés à B______ et transféré leurs fonds vers d'autres banques, notamment AH______ à Genève (soit l'une des banques dépositaires d'actifs gérés par le nouvel employeur de A______; cf. let. q ci-dessous), AI______ à Genève (relation 9______), AJ______ à Zurich (relations 15______ et 16______), au Japon (relations 17______, 18______, 19______, 20______ et 21______) ou encore à Singapour.

La plupart des titulaires des relations bancaires précitées avaient préalablement été contactés par courriel ou par téléphone par B______ au cours du mois de juin 2017, les appels étant effectués dans la plupart des cas en présence de A______, H______ et I______ (cf. pièce 62 dem.).

m.a En particulier, la titulaire de la relation n° 10______ a résilié son mandat avec la banque le jour même de l'appel téléphonique effectué le 14 juin 2017.

Lors de la conférence téléphonique du 8 juin 2017, la titulaire de la relation 14______ avait demandé un modèle de résiliation de mandat, lequel lui a été envoyé par I______.

A l'issue de l'appel du 21 juin 2017, il a été convenu que I______ enverrait ses coordonnées au titulaire du compte 22______.

Au cours de son témoignage, I______ a affirmé que les contacts avaient été détestables avec les clients: soit ils n'avaient pas répondu aux appels, soit ils avaient exigé de ne plus être contactés.

m.b Par courriel adressé à G______ le 29 juin 2017 (puis réexpédié pour rappel le 4 juillet 2017), le client S______ a indiqué que dans la mesure où son compte serait géré par une nouvelle personne, un compte-rendu très détaillé était nécessaire, car il y avait de nombreuses règles et pratiques spécifiques pour la gestion de son compte. Il demandait donc l'organisation d'une réunion en présence de A______ et de son successeur, en vue d'assurer une transition adéquate.

En réponse à un courriel de G______ du 5 juillet 2017 proposant une rencontre le 4 août à Singapour en présence de H______ et d'un autre collègue, le client S______ a rétorqué qu'aucune réunion n'aurait lieu à la date proposée, puisque ses souhaits d'organiser une rencontre avec l'ancienne et la nouvelle personne en charge de son compte n'étaient pas respectés. Il n'acceptait pas que G______ le pousse à accepter la réunion que lui-même voulait, sans qu'aucune explication ne soit fournie au sujet de son refus quant aux personnes présentes et aux sujets qu'il entendait aborder. Il ne se sentait dès lors pas respecté. Il n'était pas à l'aise pour poursuivre la relation avec la banque, vu la tournure de leurs échanges de courriels, de sorte qu'il viendrait à Genève pour clôturer son compte.

Par courrier adressé à B______ le 9 août 2017, le client S______ a confirmé ses instructions de résiliation du mandat de gestion sur son compte, tel qu'annoncé par courriel du 6 juin 2017 (non versé à la procédure). Il a demandé le transfert d'environ 62 millions USD sur un compte [auprès de la banque] AK______ à Singapour et du solde de ses actifs (environ 40 millions USD) dans les livres de AH______ (ci-après: banque AH______) à Genève, tout en maintenant des placements (300'000 USD) en private equity au sein de B______.

m.c Contactés par téléphone le 15 juin 2017, les représentants des relations 6______ et 7______ (fondations de droit suisse) ont suspendu le mandat de gestion de B______ durant six mois, de juillet à décembre 2017. Par courrier du 28 septembre 2017, B______ a alors informé les fondations de ce qu'elle annulait le mandat de gestion avec effet au 1er juillet 2017. Lesdits clients ont ensuite demandé le transfert de leurs avoirs auprès de la banque AH______ le 29 septembre 2017, mais sont finalement restés clients de B______.

m.d Le témoin H______ a déclaré avoir observé la résiliation des mandats de gestion lorsque la banque avait enclenché sa procédure de rétention de la clientèle. Selon lui, cette idée de résiliation, qui n'était pas un réflexe naturel de clients, n'avait pas pu émaner de ceux-ci, compte tenu de leurs longues relations avec la banque.

Pour sa part, A______ a affirmé ne pas avoir discuté de son activité future avec les clients. Elle les avait informés de son départ et de la reprise des relations par H______, avant de recevoir le courrier de la banque lui interdisant de contacter les clients hors la présence de G______.

n. Parallèlement, un échange épistolaire s'est tenu entre les parties entre fin juin et mi-juillet 2017.

En particulier, A______ a fermement contesté toute violation de son devoir de loyauté à l'égard de son employeuse. La révocation du mandat de gestion mentionné par la banque dans son courrier du 14 juin 2017 faisait suite au contact que le client concerné avait eu avec H______, qui lui avait annoncé le départ de la première nommée et le changement de gestionnaire. Elle-même n'avait jamais incité les clients à mettre un terme au mandat de gestion confié à la banque. En outre, elle a rappelé qu'elle entendait prendre des vacances du 7 au 17 juillet. Elle a ainsi demandé la confirmation de sa libération d'obligation de travailler dès le 1er juillet 2017, date à laquelle elle aurait terminé la mise à jour des données clients.

Par courrier du 30 juin 2017, B______ a pris acte du fait que A______ contestait avoir violé son devoir de loyauté et considérait son courrier comme un engagement de sa part à respecter ses devoirs à l'avenir. La banque a par ailleurs refusé de libérer la précitée de son obligation de travailler avant la transmission de ses dossiers à ses successeurs, tout en relevant sa réticence à s'exécuter. De même, elle lui a refusé le droit de prendre des vacances durant le préavis de résiliation avant la remise desdits dossiers.

Par pli du 4 juillet 2017, A______ a constaté que les circonstances rendaient impossible le respect de ses devoirs contractuels. Il lui était reproché de respecter les instructions des clients ne désirant pas que leur numéro de portable soit transmis même à l'interne, mais la banque avait refusé à deux reprises qu'elle contacte lesdits clients en présence de sa hiérarchie pour solliciter leur accord à cette transmission. Au surplus, les agissements de la banque à son encontre relevaient du mobbing. En effet, elle se voyait refuser de partir en vacances tant que les dossiers qu'elle suivait n'auraient pas été transmis à ses successeurs avec toutes les informations nécessaires pour un transfert de qualité, mais les instructions au sujet des informations à communiquer ne faisaient qu'augmenter au fil du temps, au fur et à mesure qu'elle répondait aux exigences de son employeuse. Enfin, la banque lui imposait de se rendre quotidiennement dans les locaux de la société, alors que depuis le 30 juin elle ne disposait plus de poste de travail ou d'accès informatique, ce qui la privait de fournir une prestation de travail et était dommageable à sa santé.

Par courrier du 5 juillet 2017, B______ a réfuté toute accusation de mobbing et accepté de libérer A______ de son obligation de travailler dès ce jour. Elle a par ailleurs rappelé à la travailleuse que le refus de communiquer les numéros de téléphone portable et adresses électroniques de clients au motif que ceux-ci ne souhaitaient pas que leurs coordonnées soient transmises à la banque n'était pas admissible, puisque les données en possession de la travailleuse appartenaient à la banque, en sa qualité d'employeuse. La banque a ajouté que, selon elle, A______ préparait son départ depuis un certain temps déjà. La clôture des comptes ainsi que la résiliation de mandats de gestion de relations qu'elle suivait, alors qu'elle était encore employée de B______, semblaient "particulièrement suspectes". La banque a en outre rappelé que le contrat liant les parties contenait une clause de non-démarchage, valable une année après la fin des rapports de travail. Enfin, elle a rappelé que le versement des "points" était subordonné au respect par A______ de ses obligations contractuelles.

o. A______ a pris sept jours de vacances du vendredi 7 au lundi 17 juillet 2017.

Elle a ensuite été totalement incapable de travailler du mardi 18 juillet au 2 août 2017 (pour cause de maladie "avec permission de sortir et voyager"; cf. pièce 46 déf.), puis à 50% du 2 au 8 août 2017, et à nouveau en incapacité totale de travail du 25 août au 6 septembre 2017, le dernier certificat médical produit émanant du Dr AL______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.

Elle a allégué ne pas avoir pu prendre son solde de jours de vacances, qui ne lui avait pas non plus été payé par son employeuse.

p. B______ a fait valoir que compte tenu des problèmes de collaboration qui étaient apparus avec A______ à la suite de sa démission, elle avait procédé à de plus amples investigations au sujet de l'activité de la travailleuse.

La banque a ainsi notamment constaté que la collaboratrice avait imprimé, le jour de sa démission, le document intitulé "Projections 2015", dont elle ne lui avait jamais demandé l'établissement.

A______ avait également imprimé, le 12 juin 2017, une série de documents relatifs au Fonds AG______ (relation n° 8______), qui lui auraient permis de reconstruire des informations essentielles en cas de transfert des actifs concernés vers une autre banque dépositaire (pièce 19 dem.). Contrairement aux indications fournies par A______ à ce sujet, personne au sein de la banque ne lui avait demandé des informations nécessitant l'impression de tels documents pour cette relation.

La banque avait en outre découvert un courriel, rédigé en japonais, que A______ avait adressé au client S______ le 27 janvier 2016, dans lequel l'employée s'exprimait en ces termes (selon la traduction-jurée fournie par la banque; cf. pièces 21 et 57 dem.): "Lors de notre dernière rencontre, il était question [ ] d'approfondir le contenu de l'article du journal AM______ et de débattre sur des mesures à prendre." [ ] En ce qui concerne [l'article précité], après avoir pris contact avec différents fiscalistes, j'ai obtenu des réponses unanimes, selon lesquelles, normalement, un article comme celui-ci est souvent un signe annonciateur d'une réforme qui sera introduite ensuite, mais en l'occurrence, rien n'indique un symptôme suspect et, par conséquent, il pourrait s'agir d'un article exprimant une opinion hors norme purement personnelle. Ces fiscalistes étaient également d'accord pour me dire qu'il n'y a aucune mesure à prendre à part celle consistant à prolonger la durée du séjour à l'étranger". [ ] "Je suis désolée de vous parler de ma situation privée, mais en ce qui concerne ma situation future, à la fin de l'année dernière, il s'était avéré que mes affaires actuelles prenaient plus de temps à être réglées et que, par conséquent, ma situation devra rester telle qu'elle est actuellement jusqu'à la fin mai au plus tôt. Veuillez noter que, en ce qui concerne le dépôt sous protection, comme je vous l'ai dit lors de notre dernière rencontre, ma position de statu quo reste inchangée. Votre père [m'a] également fait savoir que la prochaine rencontre pourra avoir lieu une fois que ma situation sera éclaircie."

Selon les allégués de la banque, l'article de journal dont il était question dans ce courriel concernait des donations entre ressortissants japonais, hors Japon.

q. Par contrat de travail du 1er septembre 2017, A______ a été engagée par la société AF______ SA en qualité de "Managing Director". Cette société, fondée par AE______ et AN______ (directrice), a notamment pour but toutes prestations de services et de conseils dans le domaine du family office (patrimoine familial), de la gestion de biens, de fortune et du placement de capitaux. La banque AH______ est l'une des banques dépositaires choisies par AF______ SA.

D'après le contrat produit, le salaire annuel de A______ s'élève à 150'000 fr. pour une activité à 90%. Selon le témoin AE______, les contrats de travail au sein de AF______ SA ne stipulent pas de rémunération liée à l'apport de clientèle. Pour sa part, A______ a affirmé que dans cette activité, elle n'avait pas perçu de bonus (hormis 4'000 fr. ou 5'000 fr. lors de son entrée dans l'entreprise), ni de participation au résultat ou de rémunération sur objectifs. Elle avait effectivement quitté la banque pour gagner moins d'argent, ce qui avait également été le cas lorsqu'elle avait rejoint B______ à l'époque.

Dans le cadre de son emploi pour AF______ SA, A______ est notamment chargée de la gestion discrétionnaire décentralisée pour des clients domiciliés au Japon, du développement de l'activité de l'entreprise en l'aidant à définir sa stratégie à moyen et long terme et en renforçant sa plateforme opérationnelle, réglementaire et marketing, de revoir et développer son business model.

AN______, entendue en qualité de témoin, a déclaré qu'elle n'avait pas eu de contacts avec A______ en vue de son engagement, dont elle ne s'était pas occupée. Elle savait toutefois que celle-ci avait des clients, ce qui avait motivé son engagement par AF______ SA.

Pour sa part, AE______ a exposé qu'il avait approché A______ (qu'il avait connue en 2015 à travers J______, un ami commun) durant l'été 2016 pour discuter à titre professionnel, afin d'envisager la possibilité d'une collaboration en tant que "business developer" de sa structure de multi-family office, mais non pour un apport de clientèle. Ils n'avaient pas évoqué de chiffres et A______ ne lui avait pas montré les documents qu'elle avait en sa possession. Au demeurant, la gestion de fortune ne représentait qu'une partie de l'activité de sa société. Il l'avait engagée notamment pour ses compétences, sa réputation, et son expérience de plus de vingt ans dans le domaine bancaire. Il ne se rappelait plus s'ils avaient discuté d'une éventuelle clause de non-concurrence existante avant son engagement. En tout état de cause, AF______ SA ne recherchait pas de clientèle, celle-ci venant à elle. Avant l'arrivée de A______, AF______ SA n'avait pas de clientèle japonaise.

A______ a confirmé s'être entretenue avec AF______ SA en 2016 dans l'idée de quitter la banque, tout en imaginant alors que cette dernière serait restée dépositaire des actifs dont elle aurait été chargée de la gestion. Elle ne se rappelait plus si elle avait indiqué à AF______ SA qu'elle était liée par une clause de non-démarchage. Elle avait communiqué à AF______ SA l'ordre de grandeur des actifs dont elle avait la gestion, mais non le revenu généré par ceux-ci. Par ailleurs, les clients avaient entendu parler de AF______ SA et de son activité auprès de cette société car elle figurait sur le site Internet de celle-ci.

r.a A______ a reconnu qu'un mandat de gestion lui avait été confié sur les avoirs placés par le client S______ auprès de la banque AH______. Par ailleurs, en novembre 2017, S______ avait confié un mandat de gestion à AF______ SA sur les actifs restés dans les livres de B______. La banque ayant ensuite refusé de travailler avec AF______ SA, S______ avait accordé à AE______ une procuration sur le compte en question.

A______ a par ailleurs admis que plusieurs autres clients l'avaient suivie en confiant un mandat de gestion à son nouvel employeur après avoir résilié le contrat les liant à B______, soit les titulaires des relations 3______, 10______, 14______, 11______, 23______, 8______ (Fonds AG______, qui a résilié le mandat de gestion de B______ avec effet au 31 mars 2018 et demandé le transfert de ses actifs auprès de banque AH______ le 23 mai 2018) et 9______ (qui a demandé le transfert de tous ses actifs dans les livres de AI______ à Genève et la clôture de son compte par instruction du 25 septembre 2017).

Entre septembre et novembre 2017, les clients titulaires des cinq premières relations précitées ont adressé des courriers à AF______ SA, dont la teneur était similaire. Devant le Tribunal, A______ a reconnu que c'était elle qui avait rédigé ces courriers, sur demande des clients. Ceux-ci demandaient à AF______ SA d'envoyer les documents d'ouverture de compte auprès de la banque AH______ et confirmaient à chaque fois que cette requête était effectuée de leur propre initiative, sans avoir reçu de sollicitation de la part du destinataire du courrier.

r.b A______ a produit divers courriers de clients dont elle avait la charge lorsqu'elle travaillait pour B______, aux fins de démontrer la relation de proximité entretenue avec eux:

Par courrier du 26 octobre 2018 (cf. pièce 20 déf., en japonais et sa traduction), le titulaire de la relation 8______ (Fonds AG______) a rappelé que A______ avait été personnellement responsable du compte précité depuis 2002 et qu'à travers les années, elle avait toujours traité avec lui et sa famille avec le plus grand professionnalisme et intégrité personnelle. Elle était la seule personne d'une banque ou d'une société de courtage qui faisait systématiquement un rapport sur le compte, que les performances soient bonnes ou mauvaises. Au fur et à mesure que sa famille et lui-même avaient appris à la connaître, ils en étaient venus à l'apprécier énormément sur le plan personnel. C'était la raison pour laquelle ils avaient conservé le compte à la banque, même s'ils avaient envisagé de le fermer à plusieurs reprises. Pour cette raison et compte tenu des contacts ultérieurs entre ses collaborateurs et le successeur de A______ au sein de B______ durant l'été 2017, il avait exprimé sa volonté de mettre fin à la gestion du compte fin septembre 2017.

Par courrier du 3 octobre 2018, le client S______ a indiqué qu'au fil des années, y compris plusieurs années avant l'ouverture de la relation 5______ auprès de B______, il avait développé avec A______ une forte relation de confiance, due en grande partie à ses qualités humaines et professionnelles ainsi qu'à son fort engagement personnel. Sur la base notamment de ce qui précède, ainsi que de sa profonde déception vis-à-vis de la banque, il confirmait que le choix de lui confier la gestion d'une partie des avoirs du compte précité était évident et avait été fait de sa propre initiative.

s. B______ a fait valoir que la perte de clientèle liée au départ de A______ de la banque lui avait causé un important dommage. Pour prouver ses dires, elle a produit des tableaux Excel créés par I______ et O______ et signés par eux (pièce n° 28 dem., dont les chiffres sont partiellement reproduits ci-après). Les créateurs des tableaux ont chacun expliqué que la colonne "AUM au 31 décembre 2016" recensait les chiffres officiels au 31 décembre 2016 tels que communiqués aux titulaires des vingt-six relations bancaires concernées dans l'estimation de fin d'année, soit l'état de fortune du compte à la date de bouclement donnée. Selon les déclarations des témoins I______ et O______, les chiffres des colonnes "revenus 2016" et "revenu moyen 2014-2016" étaient tirés de la base de données financières de la banque, appelée cockpits (dont des synthèses pour les années 2014-2016 ont été effectuées sous forme de nouveaux tableaux produits sous pièces n° 70 à 72 dem., étant relevé que ces tableaux ne mentionnent aucune devise). D'après I______, les revenus moyens 2014-2016 étaient extrêmement proches du revenu 2016, de sorte que ces chiffres pouvaient légitimement être utilisés. Selon lui, les montants avoisinaient ceux indiqués par A______ dans son premier tableau de projections (pièce 20 dem.).

Les chiffres résultant de ces tableaux ne sont justifiés par aucun document financier, la banque ayant choisi de prouver ses allégués uniquement par des témoignages. La banque a expliqué que le montant du dommage retenu pour chaque relation bancaire correspondait au manque à gagner sur une période d'une année (soit la durée de la limitation de concurrence), manque à gagner qu'elle avait calculé en pondérant le revenu moyen réalisé pour chaque relation au cours de la période 2014-2016 par le montant (prétendument) exact des actifs concernés. Elle a par ailleurs expliqué qu'elle avait ajusté son dommage en tenant compte des rémunérations éventuellement perçues entre l'annulation ou la suspension du mandat et la clôture des comptes.

La dernière colonne du tableau ci-dessous reprend les chiffres indiqués par A______ dans le tableau "Projections 2015" qu'elle prétend avoir remis à P______ lors de l'entrevue du 15 mai 2017.

 

 

Relation bancaire

Revenu 2016 (CHF)

Revenu moyen 2014-2016 (CHF)

Montant des actifs transférés (CHF

Manque à gagner (CHF)

Revenus selon tableau _____ "Projections 2015" - CHF

 

n° 5______ (client S______)

830'815

806'824

106'200'256

784'617

619'903

 

n° 3______

168'546

184'615

17'598'663

206'121

169'487

 

n° 8______ (Fonds AG______)

192'525

185'314

13'116'676

184'405

234'669

 

n° 9______

345'340

360'104

31'715'068

364'318

260'254

 

n° 10______

154'174

169'181

8'080'401

153'288

132'733

 

n° 14______

84'427

86'913

5'101'188

87'165

73'165

 

n° 11______

83'446

87'727

4'638'586

86'202

70'731

 

n° 17______

110'898

108'529

6'272'442

99'804

70'763

 

n° 15______

46'418

56'918

13'628'446

58'680

56'635

 

n° 16______

24'124

25'257

8'411'777

24'708

20'133

 

n° 18______

70'014

74'931

3'935'449

76'731

63'192

 

n° 19______

46'507

46'679

2'576'169

49'205

36'574

 

n° 23______

136'090

146'846

7'433'302

155'873

124'463

 

n° 21______

38'001

32'587

1'584'691

35'076

28'509

 

n° 20______

31'764

36'713

2'028'629

36'962

30'406

Totaux

15 relations

2'340'224

2'386'992

232'321'742

2'407'156

1'991'617

Ainsi, selon B______, le manque à gagner annualisé totalisait 2'407'156 fr. pour les actifs ayant quitté l'établissement. A ce montant s'ajoutait le manque à gagner de 292'969 fr. et 138'933 fr. résultant de la suspension du mandat de gestion des deux fondations (relations n° 6______ et n° 7______) entre juillet et décembre 2017. Selon les écritures de la banque du 27 juin 2018, le dommage total s'élevait donc à 2'839'058 fr. Dans ses écritures du 29 mars 2019, la banque évaluait son dommage à tout le moins au montant de 2'158'541 fr., en se référant à un nouveau tableau du dommage (pièce n° 65 dem.; colonne "manque à gagner net des revenus perçus", la terminologie "net" faisant référence aux déductions opérées pour tenir compte des rémunérations encore perçues pour certaines relations entre la résiliation des mandats de gestion et la clôture des comptes).

Questionné au sujet du manque à gagner de la banque, le témoin G______ a déclaré qu'environ 230 millions de francs suisses avaient quitté B______ à la suite de la démission de A______, dont environ 100 millions à destination de la banque AH______. Lesdits actifs avaient auparavant généré des revenus de l'ordre de 2.2 à 2.4 millions de francs suisses par année pour la banque.

t. Le 21 novembre 2017, B______ a requis une poursuite à l'encontre de A______, pour la somme de 2'137'878 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 août 2017, fondée sur la "violation du devoir de fidélité découlant du contrat de travail et violation de la clause de Non démarchage".

Le commandement de payer, poursuite n° 2______, a été notifié le 4 décembre 2017 à A______, qui y a formé opposition.

u.a Par acte du 9 janvier 2018, déclaré non concilié et introduit le 27 juin 2018 devant le Tribunal des prud'hommes, B______ a assigné A______, avec suite de frais, en paiement de la somme totale de 2'839'058 fr. nets, plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 31 août 2017, à titre de réparation du préjudice résultant de la violation par la travailleuse de son devoir de fidélité, des instructions de son employeuse et de la clause de non-concurrence.

La banque a également conclu au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer susmentionné.

A l'appui de ses conclusions, la banque a, en substance, fait valoir qu'à la période de la démission de A______, plusieurs relations suivies par cette collaboratrice avaient résilié des mandats de gestion et transféré leurs fonds vers d'autres banques, notamment la banque AH______. B______ considérait dès lors que la travailleuse avait continué de suivre ces actifs pour le compte de son nouvel employeur. Il en était résulté un préjudice pour la banque, tel que chiffré ci-dessus. Ce dommage était imputable à A______, car elle avait activement participé au départ de ces clients. Cette position était notamment confortée par les similitudes dans les instructions des clients, qui usaient parfois de termes comparables et avaient été expédiées dans des enveloppes identiques, pour la plupart depuis Genève. Cela était d'autant plus vraisemblable que AF______ SA était une structure de petite taille dont les clients concernés n'auraient pu avoir connaissance par eux-mêmes. Il s'agissait donc d'un acte patent de démarchage.

u.b Dans sa réponse, A______ a conclu à ce que la banque soit déboutée des fins de sa demande, que le Tribunal constate l'inexistence de la prétention déduite en poursuite et ordonne en conséquence à son ancienne employeuse de donner contrordre à celle-ci.

Elle a par ailleurs formé une demande reconventionnelle, concluant au paiement de la somme totale de 65'663 fr. 30 (sous réserve d'amplification), notamment à titre de bonus 2017 et d'indemnisation des jours de vacances non pris en nature (pour le détail des postes, cf. infra let. u.d).

A______ a contesté que la clause de non-démarchage lui soit applicable. En effet, les clients l'avaient suivie car ils accordaient davantage d'importance à la personne de la gestionnaire de leurs comptes qu'à celle de la banque dépositaire. Elle maîtrisait parfaitement le japonais ainsi que les codes et les attentes des ressortissants du Japon. Elle jouissait d'un parcours académique spectaculaire qui lui conférait une crédibilité particulière auprès de la clientèle japonaise. Ses relations avec cette dernière, de portée bien plus large que la stricte gestion de fortune, avaient dépassé le cadre strictement professionnel et perduraient de longue date. Elle a en outre fait valoir qu'elle avait résilié son contrat de travail pour des motifs justifiés imputables à B______, laquelle ne lui avait plus offert de perspectives professionnelles raisonnables. Pour le surplus, concernant le dommage allégué par la banque, celle-ci s'était elle-même privée d'une part significative de sa rémunération en refusant de collaborer avec AF______ SA dès le mois de novembre 2017 et de conserver son rôle de banque dépositaire des actifs de clients ayant résilié le mandat de gestion. En ce qui concernait la preuve de son dommage, B______ n'avait fourni aucune pièce bancaire pertinente. Elle avait par ailleurs omis de déduire de la perte de chiffre d'affaires alléguée le coût d'acquisition de ses revenus (salaire des gestionnaires, occupation des locaux, etc.).

u.c Dans sa réponse à la demande reconventionnelle (et duplique sur demande principale), la banque a notamment conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, dans la mesure de leur recevabilité.

La banque a notamment fait valoir que son ancienne collaboratrice se servait de l'inspection menée au Japon et de l'absence de country manual sur ce pays comme prétextes pour faire croire à la caducité de la clause de limitation de concurrence. Concernant les points-cibles, leur caractère de gratification avait été clairement souligné dans tous les documents contractuels.

u.d Dans sa réplique sur demande reconventionnelle, A______ a amplifié ses conclusions à hauteur de 75'105 fr. 75, somme comprenant, s'agissant des postes encore litigieux en appel, 38'193 fr. 35 bruts à titre de bonus point-cibles pour la période du 1er janvier au 31 août 2017, 13'430 fr. 40 bruts à titre d'indemnisation de 11.5 jours de vacances non pris en nature et 5'000 fr. bruts à titre d'indemnité pour tort moral, le tout avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er septembre 2017 pour les deux premiers postes, respectivement dès le 19 novembre 2018 pour le dernier.

A l'appui de ses conclusions, A______ a insisté sur les motifs de la résiliation de son contrat de travail, lesquels avaient trouvé leur fondement dans les erreurs et carences de la banque. Celles-ci avaient atteint leur paroxysme durant le second semestre de 2015 et le premier trimestre de 2016 et engendré des conséquences sur sa santé. En particulier, elle avait été mise en danger par la tendance de B______ à privilégier ses propres intérêts aux dépens de ceux de ses employés. Ces risques pour sa sécurité personnelle et son avenir professionnel avaient entraîné une perte totale de confiance quant à la loyauté de son employeuse. En particulier, elle s'était rendu compte que B______ n'avait fait que peu de cas du respect des lois fiscales japonaises, alors que ce marché constituait l'essentiel de sa rémunération.

Concernant sa prétention en tort moral, elle a en substance fait valoir qu'elle avait fait l'objet de critiques infondées relatives à sa probité professionnelle et à son honneur. H______, J______ et G______ l'avaient accusée d'être "le banquier le plus corrompu" au cours d'une réunion tenue le 30 novembre 2017 en présence d'un membre du conseil des fondations dont elle était chargée. En outre, la banque lui avait imposé, dès sa démission, des conditions relevant du mobbing. Elle a produit diverses attestations médicales, l'une d'elles, datée du 28 juin 2019, indiquant qu'elle avait développé dès avril 2017 un tableau clinique de burn-out professionnel en raison de problèmes relationnels sur son lieu de travail (cf. pièce 79 déf.). Depuis 2013, elle avait été absente pour maladie à hauteur de 15 à 29 jours par année, le plafond ayant été atteint en 2017. Elle avait également suivi un long traitement de physiothérapie à la même période et souffert d'un malaise vagal à l'été 2013, qui l'avait conduite aux urgences de [la clinique privée de] AO______, où le médecin avait mis en évidence un contexte de forte chaleur associée à une pharyngite virale. Selon elle, ces effets délétères sur sa santé étaient dus au stress et au mobbing dont elle avait été victime.

u.f La banque a dupliqué sur demande reconventionnelle, persistant dans ses conclusions.

v.a Par ordonnance de preuves du 8 novembre 2019, le Tribunal a notamment dit que P______ (qui figurait sur la liste de témoins déposée par A______) serait entendu en qualité de partie et que les autres employés de la banque seraient entendus comme témoins.

v.b Le Tribunal a ensuite interrogé les parties et entendu de nombreux témoins, dont les déclarations ont été intégrées ci-dessus dans la mesure utile.

v.c A______ avait sollicité l'audition de trois témoins supplémentaires, tous domiciliés au Japon, soit C______, D______ et E______, lesquelles étaient d'anciennes clientes de la banque. Elle souhaitait les faire entendre en vue de démontrer le lien existant entre les clients et leur gestionnaire. B______ s'est opposée à la mise en place de commissions rogatoires à cet égard.

w. A______ a affirmé que depuis la fin des rapports de travail avec B______, elle avait voyagé au Japon, estimant courir moins de risques dès lors qu'elle n'était plus employée par la banque. En effet, les enjeux de conformité étaient bien plus élevés pour une banque que pour des gestionnaires externes, comme l'était sa nouvelle employeuse. Elle n'avait pas été inquiétée par les autorités japonaises dans ce cadre ou de toute autre manière à ce jour.

x. Le Tribunal a gardé la cause à juger le 24 novembre 2020.


 

EN DROIT

1.             1.1 Interjeté dans le délai utile (art. 142, 145 al. 1 let. b, 146, et 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 CPC) auprès de l'autorité compétente (art. 124 let. a LOJ) contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) statuant sur un litige prud'homal dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 et 92 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

Il en va de même de l'appel joint, lequel est également recevable pour avoir été interjeté dans le délai de trente jours suivant la notification de l'appel principal (art. 312 al. 2, 313 al. 1, 142 al. 1 et 145 al. 1 let. a CPC), selon la forme prescrite par la loi.

Par souci de simplification, A______ sera désignée ci-après comme l'appelante et la banque comme l'intimée.

1.2 L'appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (art. 157 CPC en lien avec l'art. 310 let. b CPC; ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4D_72/2017 du 19 mars 2018 consid. 2).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la présente procédure est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et 58 CPC). La procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC).

2.             Invoquant une violation de son droit à la preuve et de son droit d'être entendue, l'appelante sollicite l'audition de trois témoins domiciliés au Japon que le Tribunal a refusé de faire entendre.

2.1.1 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves: elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le Tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves.

2.1.2 La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst), en particulier, le droit pour le justiciable qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1), de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et celui de participer à l'administration des preuves (ATF 146 IV 218 consid. 3.1.1; 132 V 368 consid. 3.1).

Le droit à la preuve est une composante du droit d'être entendu, qui implique que toute partie a le droit, pour établir un fait pertinent qui n'est pas déjà prouvé, de faire administrer les moyens de preuve adéquats, pour autant qu'ils aient été proposés régulièrement et en temps utile (ATF 140 I 99 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_113/2018 du 12 septembre 2018 consid. 4.2.1.1 non publié in ATF 144 III 541).

2.2 En l'occurrence, le Tribunal a renoncé à ordonner l'audition de C______, D______ et E______ en qualité de témoins, puisque celle-ci était requise en lien avec trois allégués de l'appelante au sujet des relations qu'elle entretenait avec la clientèle dont elle avait la charge. Or, divers éléments du dossier, en particulier les témoignages et les évaluations produites, avaient permis d'établir l'investissement de l'appelante auprès des clients qu'elle suivait. Par appréciation anticipée des preuves, le Tribunal a dès lors considéré que les auditions requises ne permettraient pas d'apporter d'éléments supplémentaires utiles à la formation de son intime conviction quant aux faits allégués. Il n'était par conséquent pas nécessaire de recourir à des procédures probatoires impliquant des commissions rogatoires nuisant au principe de célérité de la procédure.

L'appelante reproche au Tribunal d'avoir constaté ce qui précède, tout en retenant ensuite qu'elle avait échoué dans la démonstration de l'existence d'un lien personnel avec les clients qui l'avaient suivie, ou du moins avec une majorité d'entre eux.

Il n'est cependant pas nécessaire de se pencher sur l'argumentation de l'appelante, vu la solution adoptée au consid. 6.2.1 ci-dessous. En conséquence, il ne sera pas donné suite aux conclusions de l'intéressée tendant à la réouverture des enquêtes, la cause étant en état d'être jugée.

3.             L'appelante se prévaut d'une constatation inexacte des faits, le Tribunal ayant omis de prendre en compte certains éléments pertinents pour l'issue du litige.

L'état de fait ci-dessus a dès lors été complété en tenant compte des griefs suffisamment motivés et justifiés qu'elle a invoqués, étant précisé que les faits que l'appelante souhaitait voir ajoutés résultent tous du dossier de première instance, contrairement à ce que fait valoir l'intimée. Il sera relevé, à toutes fins utiles, que quand bien même cette dernière a reproché à son ancienne employée d'avoir produit des pièces confidentielles, elle n'a pas sollicité qu'elles soient écartées de la procédure. Les documents en question ont ainsi dûment été pris en considération, dans la mesure de leur utilité à la manifestation de la vérité.

4.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir accueilli sans véritable sens critique les déclarations de l'ensemble des collaborateurs de la banque entendus comme témoins, alors que la plupart possèdent la signature collective à deux et peuvent ainsi valablement former et exprimer la volonté sociale.

4.1 Les personnes morales exercent leur capacité d'ester en justice par l'entremise de leurs organes statutaires (art. 55 al. 1 CC; ATF 141 III 80 consid. 1.3). Chacune des personnes habilitées à représenter la société en justice doit justifier de sa qualité et de son pouvoir en produisant soit un extrait du registre du commerce, soit l'autorisation qui lui a été délivrée pour plaider et transiger dans l'affaire concrète dont le tribunal est saisi (cf. art. 68 al. 3 CPC). Selon l'art. 159 CPC, lorsqu'une personne morale est partie au procès, ses organes sont traités comme une partie dans la procédure d'administration des preuves.

Par "organe", il faut entendre tant les organes de fait que les organes de droit. L'organe d'une personne morale est "un centre de fonction auquel la loi ou les statuts attribuent certaines tâches, telles que la formation de la volonté sociale, l'administration, la gestion, la représentation ou la révision, ainsi que les personnes qui agissent pour la personne morale sur le plan externe (administrateur, directeur, fondé de procuration)". L'organe de droit (formel) est prévu par la loi (organe légal) ou dans les statuts (organe statutaire) et créé conformément à la loi ou aux statuts. Peu importe que la personne formellement désignée exerce ou non ses attributions. Ce sont les organes exécutifs qui sont visés ici, et non l'organe législatif et l'organe de contrôle. Est un organe de fait (ou organe matériel), celui qui participe effectivement et de manière décisive à la formation de la volonté sociale, comme le fait normalement un organe de droit (Schweizer, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 11 à 14 ad art. 159 CPC).

Devraient notamment être reconnus comme parties: le directeur auquel le conseil d'administration a délégué son pouvoir de représentation, en particulier le directeur d'une banque (ATF 141 III 80 consid. 1.3; 117 II 432 consid. 2c), le fondé de procuration (notamment d'une banque) ou la mandataire commercial (ATF 141 III 80 consid. 1.3; 68 II 295).

La distinction – délicate – entre la qualité de partie (ou de personne assimilable à une partie) et celle de témoin est censée refléter la limite à tracer selon le degré d'implication de la personne en cause dans la procédure, et l'intérêt qu'elle peut avoir au résultat de celle-ci. Par ricochet, cette implication pourrait se répercuter sur la crédibilité de la personne entendue (Schweizer, op. cit., n. 20 ad art. 159 CPC). Certains auteurs retiennent que l'art. 159 s'applique aussi bien à la personne qui est organe au moment où la litispendance a été créée, qu'à celle qui l'est au moment où elle est auditionnée (Schweizer, op. cit., n. 20 ad art. 159 CPC; Chabloz, Petit commentaire CPC, 2020, n. 11 ad art. 159 CPC; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 5A_127/2013 du 1er juillet 2013 consid. 3.1, qui retient que si un directeur n'est plus organe au moment de la litispendance du procès, son intérêt à l'issue du procès est tout au plus de nature indirecte, dans la mesure où elle doit par exemple s'attendre, selon l'issue du procès, à des actions en responsabilité. Ce simple conflit d'intérêts potentiel ne suffit pas pour qu'un ancien organe soit exclu en tant que témoin).

Le CPC prévoit deux formes d'audition des parties, soit l'interrogatoire (art. 191 CPC) et la déposition (art. 192 CPC). La première n'est pas considérée comme un moyen de preuve, contrairement à la seconde (Schweizer, op. cit., n. 3-4 ad art. 192 CPC). Souvent plus précises que celles des témoins, les déclarations des parties (interrogatoire ou déposition) doivent être corroborées par d'autres moyens de preuve (Vouilloz, Petit commentaire CPC, 2020, n. 10 ad art. 192 CPC).

Si un organe est faussement entendu comme témoin, il s'agit d'une preuve irrégulière, recueillie en violation d'une règle de procédure, qui peut toutefois être exploitée (Schmid/Baumgartner, KUKO ZPO, 2021, n. 4 ad art. 159 CPC ainsi que Guyan, BSK ZPO, n. 3a ad art. 159 CPC, lesquels se réfèrent tous deux à une affaire lucernoise ayant retenu cette solution).

4.2 En l'occurrence, de nombreuses personnes entendues par le Tribunal en qualité de témoins (soit G______, H______, I______, J______, K______ L______, M______ et O______) étaient inscrites au registre du commerce genevois en qualité de directeur ou sous-directeur de la société au moment du dépôt de la demande. Ils disposent encore tous de la signature collective à deux, à l'instar de chaque membre du conseil d'administration de la banque.

Au regard des principes rappelés ci-dessus, l'on peut se demander s'il n'aurait pas fallu considérer que ces personnes étaient assimilables à une partie. Cela aurait pour conséquence que ces témoignages constitueraient des preuves irrégulières, recueillies en violation de règles de procédure. Cela est à tout le moins le cas en ce qui concerne G______, puisqu'en plus de sa qualité de directeur au moment de la litispendance, il est également associé du groupe B______. Les autres personnes mentionnées ci-dessus (hormis O______) avaient par ailleurs tous une position dirigeante plus élevée que N______ (anciennement sous-directrice), que la banque a curieusement choisi comme représentante. La décision de la banque d'être représentée par N______ paraît d'autant plus étrange que le Tribunal avait retenu, dans son ordonnance de preuves, que P______ serait entendu en qualité de partie, étant relevé que celui-ci disposait sans conteste d'une connaissance plus précise de certains faits litigieux, en particulier pour avoir été le premier interlocuteur de l'appelante au moment où elle a annoncé sa volonté de démissionner.

Quoi qu'il en soit, la force probante des déclarations des personnes entendues par le Tribunal sera évaluée en gardant à l'esprit ce qui précède, en fonction également des autres preuves figurant au dossier, étant rappelé que la Cour établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées.

5.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé l'art. 84 al. 2 CO en admettant la recevabilité des conclusions que la banque a chiffrées en francs suisses.

5.1 Selon l'art. 84 CO, la partie qui fait valoir en Suisse une prétention qui doit être exprimée en monnaie étrangère a l'obligation de prendre des conclusions en paiement dans cette monnaie. Si elle requiert à tort une condamnation en francs suisses, sa demande doit être rejetée, ne serait-ce que parce que le débiteur ne peut être condamné à une autre prestation que celle qu'il doit (ATF 137 III 158 consid. 4.1, in JT 2013 II 287 et les références citées; ATF 134 III 151 consid. 2.2, in JT 2010 I 124). Le juge ne peut ainsi s'écarter des conclusions d'une demande en paiement libellée en francs suisses et leur substituer une condamnation en monnaie étrangère, le choix de la monnaie de paiement prévu à l'art. 84 al. 2 CO n'étant offert qu'au seul débiteur (ATF 137 III 158 consid. 4.2; 134 III 151 consid. 2.2).

L'art. 84 CO régit la monnaie de paiement de toutes les dettes d'argent, quelles que soient leurs causes, qu'elles soient contractuelles ou extracontractuelles (ATF 137 III 158 consid. 3.1).

En cas de prétention en dommages et intérêts, la monnaie de paiement de la réparation est celle du lieu où le dommage est survenu. Le dommage se définissant comme une diminution involontaire du patrimoine net correspondant à la différence entre l'état actuel de ce patrimoine et celui où il se trouverait en l'absence de l'événement dommageable, il est logique que la réparation soit exprimée dans la même valeur que celle dans laquelle la diminution du patrimoine est intervenue (ATF 137 III cité consid. 3.2).

5.2 En l'espèce, l'appelante soutient nouvellement en appel que les conclusions de la banque libellées en francs suisses auraient dû être déclarées irrecevables (recte : être rejetées) du fait que la demanderesse aurait dû formuler ses prétentions essentiellement en dollars américains et en yens japonais, soit dans la monnaie de référence de chacun des comptes qui ont été clôturés peu avant ou après sa démission. En effet, le dommage que la banque prétend avoir subi correspondrait, selon l'appelante, au montant des commissions qu'elle n'a pas pu prélever sur les comptes des clients qui ont quitté la banque. L'appelante fait valoir que selon l'expérience générale de la vie, les commissions prélevées par un établissement bancaire le sont dans la monnaie de référence du compte.

L'appelante ne peut cependant être suivie. Comme le relève à juste titre l'intimée, le présent litige doit être distingué de celui qui surviendrait, par exemple, entre une banque et un client, dans le cadre duquel le second réclamerait de la première des dommages-intérêts en raison de la prétendue violation d'obligations contractuelles découlant du contrat de gestion de fortune. Dans ce cas de figure, la monnaie de référence du compte et du portefeuille de ce client déterminerait la monnaie dans laquelle la diminution alléguée de patrimoine s'est produite et donc dans laquelle les conclusions devraient être formulées en justice.

La présente affaire concerne, du point de vue des prétentions émises par la banque, une diminution de patrimoine – en l'occurrence une perte alléguée de chiffre d'affaires – qu'elle soutient avoir éprouvée du fait de prétendues violations contractuelles commises par une ancienne employée.

Selon l'art. 958d al. 3 CO, la tenue et la présentation des comptes (d'une personne morale) sont effectuées en francs suisses ou dans la monnaie la plus importante au regard des activités. L'intimée est une banque suisse sise à Genève et aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'elle ne comptabilise pas, à la fin de chaque année civile, ses revenus en francs suisses. Aussi, si la banque prélève possiblement sa rémunération dans la monnaie de référence du compte de chaque client – soit notamment en dollars américains ou yens suivant les relations bancaires et les transactions concernées – elle la convertit ensuite en francs suisses pour comptabiliser ses revenus.

Il convient donc de retenir en l'espèce que l'éventuelle diminution de patrimoine subie par la banque est intervenue en francs suisses. La banque était, par conséquent, fondée à libeller ses conclusions dans cette monnaie.

Le grief de l'appelante sera dès lors rejeté sur ce point.

6.             Il est constant que les parties ont été liées par un contrat individuel de travail (art. 319 CO) contenant une clause de prohibition de faire concurrence. Le litige porte sur la violation par l'employée de ses obligations tant avant qu'après la fin de son contrat de travail (le 31 août 2017), ce qui s'analyse à l'aune de l'art. 321a CO dans le premier cas (consid. 7) et des art. 340 ss CO dans le second (consid. 6).

L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 340 CO en retenant, sur la base de faits appréciés de manière erronée, que la clause de non-concurrence était valable. Selon elle, la clause litigieuse ne serait pas applicable pour deux motifs: d'une part, parce qu'elle-même fournissait aux clients une prestation caractérisée par une forte composante personnelle; d'autre part, elle avait mis fin aux rapports contractuels pour des motifs justifiés imputables à l'intimée, de sorte que la clause de non-concurrence avait de toute manière cessé de déployer ses effets.

6.1.1 Le travailleur qui a l'exercice des droits civils peut s'engager par écrit envers l'employeur à s'abstenir après la fin du contrat de lui faire concurrence de quelque manière que ce soit, notamment d'exploiter pour son propre compte une entreprise concurrente, d'y travailler ou de s'y intéresser (art. 340 al. 1 CO).

Selon l'art. 340 al. 2 CO, la prohibition de faire concurrence n'est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d'avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d'affaires de l'employeur et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l'employeur un préjudice sensible.

Une clause de prohibition de concurrence, fondée sur la connaissance de la clientèle, ne se justifie que si l'employé, grâce à sa connaissance des clients réguliers et de leurs habitudes, peut facilement leur proposer des prestations analogues à celles de l'employeur et ainsi les détourner de celui-ci. Ce n'est que dans une situation de ce genre que, selon les termes de l'art. 340 al. 2 CO, le fait d'avoir connaissance de la clientèle est de nature, par l'utilisation de ce renseignement, à causer à l'employeur un préjudice sensible. Il apparaît en effet légitime que l'employeur puisse dans une certaine mesure se protéger, par une clause de prohibition de concurrence, contre le risque que le travailleur détourne à son profit les efforts de prospection effectués par le premier ou pour le compte du premier.

La situation se présente différemment lorsque l'employé noue un rapport personnel avec le client en lui fournissant des prestations qui dépendent essentiellement des capacités propres à l'employé. Dans ce cas en effet, le client attache de l'importance à la personne de l'employé dont il apprécie les capacités personnelles et pour qui il éprouve de la confiance et de la sympathie. Une telle situation suppose que le travailleur fournisse une prestation qui se caractérise surtout par ses capacités personnelles, de telle sorte que le client attache plus d'importance aux capacités personnelles de l'employé qu'à l'identité de l'employeur. Si, dans un tel cas, un client se détourne de l'employeur pour suivre l'employé, il n'en résulte pas de préjudice pour l'employeur du fait que l'employé utilise des connaissances sur le cercle de clients; le préjudice résulte plutôt du fait que l'employé ne met plus ses capacités personnelles au service de l'employeur.

Pour admettre une telle situation - qui exclut la clause de prohibition de concurrence -, il faut que l'employé fournisse au client une prestation qui se caractérise par une forte composante personnelle (ATF 138 III 67 consid. 2.2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_286/2017 cité 2017 consid. 2.1; 4A_680/2015 du 1er juillet 2016 consid. 2.1; 4A_466/2012 du 12 novembre 2012 consid. 3.2; Aubry Girardin, in Commentaire du contrat de travail, Dunand/Mahon éd., 2013, n. 25 et 29 ss ad art. 340 CO).

Dans une précédente affaire genevoise (CAPH/7/2018 du 22 janvier 2018, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 4A_116/2018 du 28 mars 2019), il a été retenu qu'au même titre que le fait de confier sa santé à un médecin ou ses problèmes juridiques à un avocat, la relation nouée entre un gestionnaire de patrimoine et un client reposait sur une confiance absolue. Ce rapport se construisait au fil du temps et se renforçait non seulement par les résultats obtenus, mais également par la disponibilité du gérant, sa capacité à rassurer le client et à régler d'éventuels problèmes. Or, telles étaient précisément les qualités qui caractérisaient l'employé. Tous les clients entendus avaient expliqué avoir suivi celui-ci lorsqu'il avait changé d'employeur car ils accordaient davantage d'importance à la personne du gestionnaire qu'à la banque dépositaire.

6.1.2 Une clause de prohibition de faire concurrence valablement conclue devient caduque si le travailleur résilie le contrat pour un motif justifié imputable à l'employeur (art. 340c al. 2 CO).

Est considéré comme motif justifié au sens de la disposition précitée tout événement imputable à l'autre partie qui, selon des considérations commerciales raisonnables, peut donner une raison suffisante pour une résiliation du contrat. Il n'est pas nécessaire qu'il s'agisse d'une violation contractuelle en tant que telle. Il est possible d'invoquer plusieurs motifs qui, pris ensemble, sont propres à entraîner l'extinction de la prohibition de concurrence, alors qu'aucun d'entre eux ne serait, à lui seul, suffisamment important (Aubry Girardin, op. cit., n. 8 ad art. 340c CO; cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_22/2014 du 23 avril 2014 consid. 4.3.1).

La clause de non-concurrence tombe ainsi lorsque, par exemple, la résiliation fait suite à une baisse de salaire importante par comparaison avec les habitudes du marché, à une surcharge de travail chronique malgré un avertissement, à des reproches continuels ou à un mauvais climat général (ATF 130 III 353 consid. 2.2.1; JdT 2005 I 12). Tel est également le cas lorsque le congé est donné en raison de la dégradation des conditions de travail sans qu'elle soit due à un motif imputable à l'employé (Favre Moreillon, Guide pratique, Droit du travail, Aspects juridiques et pratiques, 2ème éd. 2006, p. 237).

Même si une réaction aussi rapide qu'en cas de congé immédiat n'est pas requise, il n'en demeure pas moins que celui qui laisse s'écouler trop de temps entre la survenance du motif justifié et la résiliation court le risque que le lien entre le congé et le motif invoqué ne soit pas admis (Aubry Girardin, op. cit., n. 11 ad art. 340c CO). En règle générale, toutefois, le fait que le travailleur ne donne pas congé avant l'expiration d'un court délai de réflexion n'entraîne pas la péremption de son droit. Une renonciation se présume d'autant moins que le travailleur doit disposer d'un certain temps pour trouver un nouvel emploi (ATF 110 II 172 consid. 2a, JdT 1984 I 602).

6.2.1 En l'occurrence, le Tribunal a retenu qu'en sa qualité de chargée de relation au sein de la banque, l'appelante n'avait été proche que de quelques clients (les relations bancaires concernées n'ayant cependant pas été précisées par les premiers juges) alors que quinze clients l'avaient suivie auprès de son nouvel employeur. La travailleuse n'ayant pas pu établir qu'elle avait noué un rapport particulier avec les clients dont elle avait la charge – dont la plupart n'avaient pas été apportés par elle – en leur fournissant des prestations dépendant essentiellement de ses capacités personnelles, la clause de non-concurrence était pleinement applicable.

C'est avec raison que l'appelante remet en cause cette appréciation du Tribunal, pour les motifs qui suivent.

Dans le cas présent, il résulte des preuves administrées que quinze clients dont l'appelante avait la charge ont quitté la banque B______. A teneur des divers éléments du dossier, il est établi que seuls huit d'entre eux (cf. partie EN FAIT let. r) ont placé tout ou partie de leurs avoirs auprès de [la banque] AH______ et de AI______ afin que l'appelante, devenue gérante indépendante auprès de AF______ SA, puisse continuer à en assurer la gestion. Les autres ont notamment rapatrié leurs avoirs au Japon (ou à Singapour concernant une partie de ceux de S______), ou déposé leurs actifs auprès d'autres établissements bancaires, sans qu'aucun élément ne permette de retenir qu'ils seraient gérés par l'appelante.

Il convient de relever à ce stade que le fait que la clientèle qui a quitté B______ ait été acquise par les propres efforts de la banque ou ceux déployés par l'appelante n'est pas déterminante en soi pour juger de l'applicabilité de la clause de non-concurrence.

L'appelante, nommée chargée de relation au sein de B______ en janvier 2002, a été responsable du suivi de certains clients depuis cette date. Il s'agit en particulier des relations n°10______, 11______ et 23______, dont les titulaires étaient clients de la banque depuis 1998 et 1999, selon les allégués de cette dernière, soit depuis plus de quinze ans entre 2002 et la démission de l'appelante en 2017. Cette dernière suivait d'autres clients depuis 2009 (père de S______) ou 2012 (relations 3______ et 14______).

Il résulte du dossier que l'appelante a toujours fourni aux clients dont elle avait la charge des prestations à forte valeur ajoutée, qu'elle était une gérante professionnelle, consciencieuse et assidue, jouissant de bonnes compétences analytiques et techniques, ainsi qu'en matière de fiscalité (étant précisé qu'elle recourait, au besoin, à l'aide de fiscalistes externes à la banque). Utilisant habilement les services de gestion centralisée de la banque, elle gérait les portefeuilles de ses clients en conformité avec leur profil, proposant des solutions d'investissement selon la situation de chacun. Elle était en outre très soucieuse de respecter les règles transfrontalières. Par ses compétences élevées et reconnues par son employeur, elle était parvenue à acquérir de nouveaux clients, bien que cela n'était pas son rôle principal, et à fidéliser des relations existantes par le biais de structures complexes, comme cela a été relevé dans son évaluation en 2013 et reflété dans sa rémunération. Elle est également parvenue à sauvegarder des actifs sous gestion de la banque bien que des changements dans la règlementation japonaise aient incité certains clients à rapatrier leurs avoirs au Japon (cf. évaluation de 2014).

La banque a admis que l'appelante avait noué des rapports particulièrement étroits avec la clientèle, ce qui avait singulièrement été rendu possible par le fait qu'elle était ressortissante japonaise et que pratiquement l'intégralité de la clientèle dont elle avait la charge avait un lien avec ce pays, que ce soit par la langue, la nationalité ou le pays de résidence. Il résulte en outre des enquêtes que l'appelante était la seule employée de la banque autorisée à voyager au Japon. Pour les quinze clients domiciliés dans ce pays, il est indéniable que le fait de rencontrer personnellement et régulièrement le chargé de relation est de nature à renforcer les liens avec celui-ci.

Il est également admis que l'appelante était l'unique interlocutrice de ses clients au sein de la banque, cette dernière s'étant même plainte du fait que les communications en japonais excluaient, de facto, les collègues de l'intéressée des contacts avec lesdits clients. Selon l'intimée, l'appelante "maîtrisait" totalement les clients, sans chercher à intégrer son supérieur. Il convient cependant de relever que cette situation est imputable à la banque et à sa propre organisation, puisqu'elle a laissé faire ou du moins toléré que l'appelante développe des relations privilégiées et exclusives avec les clients concernés. La banque n'a d'ailleurs ni allégué ni démontré avoir entrepris de quelconques démarches concrètes pour que les clients développent des liens ou aient des contacts avec d'autres employés, alors que, par exemple, I______, qui a été le supérieur hiérarchique de l'appelante durant plusieurs années (jusqu'en 2010), maîtrise également la langue japonaise.

Les rapports privilégiés que l'appelante a développés avec les clients dont elle avait la charge sont également reflétés par le fait que certains lui ont personnellement confié leur numéro de téléphone portable avec l'interdiction de le transmettre à l'interne de la banque. Si, comme indiqué par G______ devant le Tribunal, les numéros de téléphone portable faisaient partie du minimum requis dans la base de données de la clientèle, il paraît surprenant que ceux des clients "historiques" de la banque, acquis avant l'arrivée de l'appelante au sein de celle-ci, n'y figuraient pas (cf. partie en FAIT, let. l).

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, il est indéniable qu'un lien de confiance absolue s'est noué au fil des ans entre l'appelante et les clients qu'elle suivait au sein de la banque, liens qui se sont renforcés notamment par les résultats obtenus, son sens de l'écoute et sa disponibilité importante ainsi que sa capacité à fournir des prestations également en dehors de la gestion de fortune (entre autres, restructurations, suivi fiscal, soutien personnel dépassant le cadre professionnel). Ce sont d'ailleurs ces qualités, en particulier la faculté de répondre aux demandes et besoins des clients, qui semblent avoir été déterminantes dans la décision de S______ de retirer la gestion de ses avoirs à l'intimée et à en confier une partie à l'appelante, comme en témoignent les échanges de courriels reproduits dans l'état de fait retenu ci-dessus (let. m.b).

Il ne fait dès lors aucun doute que les clients qui ont suivi l'appelante dans sa nouvelle activité accordaient davantage d'importance à la personne de la gestionnaire et à ses capacités professionnelles et personnelles qu'à l'identité de la banque dépositaire. Ce sont ainsi ces qualités de l'appelante qui ont incité certains clients à retirer leurs avoirs de B______ et à les déposer chez AH______ et AI______ afin qu'elle puisse continuer à en assurer la gestion.

Dès lors que la personnalité et les compétences de l'appelante revêtaient une importance prépondérante, cela a interrompu le rapport de causalité qui doit exister entre la simple connaissance de la clientèle et la possibilité de causer un dommage sensible à l'employeur.

Il en résulte que la clause de non-démarchage est inapplicable, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal.

La question de savoir si l'appelante a activement incité ou aidé les clients concernés à quitter la banque est dépourvue de pertinence sur ce point, mais sera examinée ci-après (consid. 7) en relation avec le respect des obligations contractuelles de la travailleuse durant les rapports de travail.

6.2.2 Même si la clause litigieuse avait été applicable – ce qui n'est pas le cas au regard de ce qui précède – elle serait de toute manière devenue caduque, puisque l'appelante avait des motifs justifiés, imputables à sa partie adverse, de mettre fin au contrat de travail.

L'intimée, dont l'argumentation a été jugée crédible par le Tribunal, ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que l'unique véritable raison de la résiliation de son contrat par la travailleuse résidait dans le fait qu'elle souhaitait obtenir une rémunération plus élevée et que les motifs de démission plaidés dans le cadre de la présente procédure ne seraient que de purs prétextes.

En effet, il a été admis (cf. EN FAIT, let. d.c, d.d, e.a § 3) que l'appelante avait été mise en danger, dans le cadre de l'inspection menée au Japon au début de l'année 2016, par la communication au régulateur japonais de courriels comportant son nom, lesdits courriels étant liés aux opérations de régularisation de certains clients japonais qui n'avaient pas déclaré leurs avoirs au fisc de leur pays. Cette mise en danger, bien que finalement restée sans conséquence (ce qui n'a pu être constaté que bien plus tard), a notamment eu pour corollaire que l'employeuse a dû mettre en place une interdiction de voyager au Japon durant plusieurs mois. Cette interdiction n'a, dans les faits, touché que l'appelante, puisqu'elle était la seule employée autorisée à voyager dans ce pays, en raison de la complexité des règles transfrontalières. L'erreur commise par la banque en transmettant des informations indues aux autorités japonaises a eu des répercussions sur l'activité de l'appelante, en particulier sur les objectifs qui lui étaient fixés. Cela est confirmé par l'évaluation relative à l'année 2016, dont il résulte, selon le supérieur hiérarchique de l'intéressée, que les chiffres globaux ("NNM – 11 millions") ont certainement été affectés par l'impossibilité pour l'appelante de voyager cette année-là. Il est en effet indéniable que le fait de ne pas pouvoir rencontrer les clients personnellement a pu constituer un obstacle au développement de leur portefeuille ; l'interdiction de se rendre dans un pays empêche par ailleurs d'y rencontrer d'autres clients potentiels.

Par la suite, l'activité de l'appelante a continué à être impactée par l'inspection menée au Japon. En effet, quand bien même cette collaboratrice, ou plutôt les comptes dont elle était chargée, n'ont pas directement été visés par le régulateur japonais, il n'en demeure pas moins que la gestion de ceux-ci posait des questions sérieuses de conformité aux règles transfrontalières. Cela est en particulier confirmé par le courriel que H______ a expédié le 9 juin 2016 (cf. let. e.a) pour s'enquérir des résultats de l'inspection japonaise et la voie à suivre pour eux, en particulier pour l'appelante, laquelle était, pour reprendre ses termes, directement exposée au Japon. Il résulte également du courriel précité de H______ que, contrairement à ce qu'ont déclaré de manière concordante l'ensemble des personnes entendues en qualité de témoins (y compris le précité), le régulateur japonais avait menacé de sanctionner publiquement la banque si des mesures correctives n'étaient pas mises en place dans un délai de deux à trois mois. Le risque de transgression de règles transfrontalières en relation avec les comptes bancaires dont l'appelante avait la charge apparaît également corroboré par les courriels de Z______ du mois de février 2017. Ce dernier y indique les mesures concrètes et immédiates à prendre concernant certains comptes spécifiques dont I______ était responsable, avec la précision que d'autres comptes bancaires qui n'avaient pas encore fait surface devraient être traités ultérieurement (cf. partie let. e.b). En réponse à ces courriels, I______ a mis l'appelante (ainsi que ses N+1 et N+2) en copie, ce qui tend à confirmer que des relations bancaires dont elle était chargée étaient concernées.

Le contenu explicite des courriels précités permet de remettre en question l'ensemble des déclarations des témoins entendus au sujet de l'inspection japonaise et de ses conclusions. En particulier, les déclarations de H______, I______, G______ et L______ – lesquels ont cherché à minimiser l'importance des investigations menées depuis le Japon et leurs conséquences pour la banque genevoise – ont d'autant moins de force probante qu'il est douteux que ces personnes auraient dû revêtir la qualité de témoins, vu leur inscription au registre du commerce en tant que directeurs au moment des faits, au moment de l'introduction de la demande en justice, voire encore au moment du dépôt des listes de témoins. Il sera par ailleurs rappelé que G______ est également associé capital partner du groupe B______, ce qui est de nature à renforcer son intérêt personnel à l'issue de la cause.

L'appelante a fait valoir qu'en raison des événements susmentionnés, elle n'avait plus osé se rendre au Japon jusqu'au terme des rapports de travail, même après la levée du travel ban, en raison de l'absence de country manual spécifique à ce pays, guide qui aurait été, selon elle, indispensable pour connaître les pratiques autorisées et éviter de violer les règlementations locales.

Contrairement à l'opinion émise par plusieurs personnes entendues en qualité de témoin (dont les déclarations doivent être appréciés avec réserve pour les mêmes motifs que susmentionnés), il apparaît indiscutable que de simples directives internes générales relatives aux activités transfrontalières ne sont pas suffisantes pour connaître les pratiques autorisées dans chaque pays. Cela est d'autant plus vrai concernant le Japon, pays dont M______ a expliqué que les règles transfrontalières étaient très complexes et changeaient régulièrement. Il n'est d'ailleurs pas anodin que l'appelante ait été la seule employée autorisée à s'y rendre, le témoin V______ ayant même indiqué qu'en dehors de cette collègue, le Japon était un pays interdit. Au demeurant, l'intimée a elle-même allégué que le Japon était un pays de catégorie 2, lequel aurait dû être couvert par un guide cross-border selon les directives internes qu'elle avait elle-même édictées.

La circonstance que seuls 30% environ des avoirs sous gestion de l'appelante appartenaient à des clients domiciliés au Japon est dépourvue de pertinence, puisqu'une part importante de son activité devait être déployée dans ce pays. En effet, dans les objectifs fixés pour l'année 2017, il était attendu de cette collaboratrice qu'elle acquière de nouveaux actifs nets à hauteur de 30 millions de francs suisses. Au vu des éléments que l'appelante a tenu à ajouter dans ce cadre (cf. partie EN FAIT, let. g) pour apprécier le caractère réalisable desdits objectifs, l'on comprend, si l'on se réfère parallèlement aux objectifs fixés pour l'année 2014 (cf. let. c.c) qu'il était attendu d'elle qu'elle développe une stratégie net new assets au Japon, malgré les incertitudes règlementaires et l'absence de politique claire de la banque sur ce point.

L'appelante a fait valoir que l'ensemble de ces événements successifs avait développé en elle un sentiment d'insécurité et une perte de confiance en son employeuse, du fait qu'elle ne lui communiquait pas toutes les informations essentielles liées à l'inspection menée au Japon et ses conséquences pour son activité au quotidien. Cela a été confirmé par le témoin V______, qui a déclaré que l'appelante avait été anxieuse en raison de l'investigation menée en 2016, anxiété qui pouvait être accentuée par la proportion importante de clients japonais figurant dans son portefeuille et du risque de réputation qui pouvait en découler. Les divers éléments du dossier ont d'ailleurs permis d'établir que les règles applicables apparaissaient particulièrement floues, ce d'autant plus que tous les collaborateurs ne les interprétaient pas de la même manière, malgré des avis de droit établis par des avocats japonais et des instructions précises du service de compliance (cf. positions de I______ et de G______, partie EN FAIT let. e.a et e.b).

Les événements qui ont précédé la démission viennent crédibiliser les motifs de résiliation du contrat invoqués par l'appelante. Déjà au cours de l'année 2016, elle avait manifesté ses craintes auprès de son employeur, agissant même par l'intermédiaire d'un avocat pour recevoir des informations concernant l'inspection japonaise et tenter d'obtenir (sans succès) une promesse de prise en charge d'éventuels frais de défense en cas de procès lié à son activité transfrontalière avec le Japon. Il est également établi qu'elle a insisté, avec l'appui de son supérieur hiérarchique, pour qu'un country manual soit édicté pour le Japon.

Quoi qu'en dise l'intimée, ces motifs résultent également implicitement du courriel de démission du 31 mai 2017. L'appelante y fait expressément référence aux "événements survenus depuis le début de l'année 2016 et leurs conséquences potentielles sur sa carrière" pour motiver sa demande quant aux conditions de son départ de la banque. L'appelante a affirmé avoir présenté ces motifs en détail, oralement, lors d'un entretien avec P______ le 15 mai 2017. L'intimée a sciemment décidé de ne pas faire entendre ce dernier en qualité de représentant, alors qu'il aurait pu livrer sa propre version de l'entrevue précitée.

En tout état de cause, la teneur du courriel précité permet de constater que l'appelante a été très transparente avec son ancienne employeuse sur ce qu'elle lui reprochait et sur le fait qu'elle envisageait que certains clients la suivent. Elle a dès lors proposé à celle-ci de conserver les avoirs sous gestion en tant que banque dépositaire tandis qu'elle-même assurerait la gestion discrétionnaire de ces avoirs en tant que gérante indépendante. Cette solution était, selon l'appelante, favorable à la banque, puisqu'elle lui permettait de garder les avoirs sous gestion tout en supprimant les risques règlementaires à l'égard du Japon en matière de gestion de fortune discrétionnaire, puisqu'il avait d'ores et déjà été souligné que les comptes bancaires genevois des résidents japonais devaient être "excution only".

C'est donc bien la succession des événements résumés ci-dessus et leurs conséquences sur son activité au sein de la banque qui ont conforté l'appelante dans sa décision de démissionner, quand bien même elle a admis avoir déjà envisagé cette possibilité au cours de l'année 2015, notamment après la communication de ses données personnelles par la banque aux autorités américaines dans le cadre du programme mis en place par le DOJ. Les divers éléments avancés par l'appelante constituent des raisons suffisantes pour justifier une résiliation du contrat en raison de motifs imputables à l'intimée.

Il ne peut être retenu qu'elle a tardé à démissionner puisqu'elle l'a fait en mai 2017, soit 1) quelques mois après la fixation des objectifs pour l'année en question, objectifs qui étaient a priori difficilement réalisables, voire la maintenaient dans une activité dans laquelle elle continuait de s'exposer à des risques en raison du flou entourant les règles transfrontalières; 2) moins de deux mois après les échanges de courriels entre Z______ et I______ au sujet de la problématique des comptes avec mandats discrétionnaires, tels que ceux qu'elle-même gérait.

Partant, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'appelante a démissionné pour plusieurs motifs justifiés imputables à l'intimée, de sorte que la clause de non-concurrence aurait de toute manière cessé de déployer ses effets.

6.3 L'ensemble de ce qui précède fait échec aux prétentions de la banque en tant qu'elles portent sur la violation de la clause de non-démarchage contenue dans le contrat de travail qui la liait à l'appelante.

7.             Reste à déterminer si cette dernière a violé ses obligations contractuelles durant les rapports de travail et causé un dommage à son ancienne employeuse.

7.1.1 Le travailleur exécute avec soin le travail qui lui est confié et sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur (art. 321a al. 1 CO). Il s'abstient par conséquent de tout ce qui peut lui porter préjudice économiquement (ATF
140 V 521 consid. 7.2.1; 117 II 560 consid. 3a). Il ne doit pas faire concurrence à l'employeur pendant la durée du contrat (art. 321a al. 3 CO).

L'obligation de fidélité (art 321a CO) n'interdit pas au travailleur, une fois le contrat résilié, de préparer son avenir professionnel. Il peut, déjà durant le préavis, prendre des dispositions pour une activité ultérieure, p. ex. fonder une société, pour autant qu'il ne commence à concurrencer, par une activité concrète personnelle ou par entité interposée, son employeur avant la fin du contrat. Son devoir de fidélité lui interdit cependant de commencer à concurrencer son employeur, de débaucher des employés ou de détourner de la clientèle avant la fin de la relation de travail (ATF 117 II 72 consid. 4). La limite entre les préparatifs admissibles et un véritable détournement de la clientèle n'est pas toujours facile à tracer (ATF 138 III 67 consid. 2.3.5).

Le fait, pour un employé licencié ou démissionnaire, d'informer la clientèle – notamment celle qu'il avait déjà apportée lui-même – de son départ imminent ne constitue pas une violation du devoir de fidélité (CAPH/91/2021 du 10 mai 2021 conid. 5.1.1 et les nombreuses références citées).

Pendant la durée du contrat, le travailleur ne doit pas utiliser ni révéler des faits destinés à rester confidentiels, tels que les secrets de fabrication et d'affaires dont il a pris connaissance au service de l'employeur; il est tenu de garder le secret même après la fin du contrat en tant que l'exige la sauvegarde des intérêts légitimes de l'employeur (art. 321a al. 4 CO). Pour être qualifiées de secrets d'affaires ou de fabrication, les connaissances acquises par le travailleur doivent toucher à des questions techniques, organisationnelles ou financières, qui sont spécifiques et que l'employeur veut garder secrètes; il ne peut s'agir de connaissances qui peuvent être acquises dans toutes les entreprises de la même branche (arrêts du Tribunal fédéral 4A_31/2010 du 16 mars 2010 consid. 2.1 et 4A_417/2008 du 3 décembre 2008 consid. 4.1). L'art. 340 al. 2 CO distingue d'ailleurs la connaissance de la clientèle, d'une part, et les secrets de fabrication ou d'affaires, d'autre part. La seule connaissance de la clientèle ne saurait donc constituer l'un de ces secrets particuliers que le travailleur devrait garder même après la fin du contrat de travail (ATF 138 III 67 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4C.385/1991 du 23 octobre 1992 consid. 6c).

Le devoir de fidélité s'éteint au terme du contrat de travail (ATF 138 III 67 consid. 2.3.4).

7.1.2 Selon l'art. 321e al. 1 CO, le travailleur répond du dommage qu'il cause à l'employeur intentionnellement ou par négligence. Comme toute responsabilité contractuelle, la responsabilité du travailleur suppose la réalisation de quatre conditions: un dommage, la violation d'une obligation contractuelle, un rapport de causalité naturelle et adéquate entre ladite violation et le dommage ainsi qu'une faute intentionnelle ou par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2007 du 4 décembre 2007 consid. 6.2). Ces conditions sont cumulatives. Il suffit que l'une d'elles fasse défaut pour que la demande doive être rejetée.

Lorsque la violation du contrat résulte d'une abstention du travailleur, l'employeur devra démontrer qu'un acte positif du travailleur aurait permis d'éviter ou de diminuer le dommage (Dunand, in Commentaire du contrat de travail, Dunand/Mahon éd., Berne, 2013, n. 22 ad art. 321e CO). Lorsque par sa passivité, l'employeur consent à la lésion ou, à tout le moins, contribue à créer le dommage ou à l'augmenter, un tel comportement de l'entreprise justifie le refus de tout dommages-intérêts (Carruzzo, Le contrat individuel de travail, Commentaire des articles 319 à 341 CO, p. 100). Le travailleur ne saurait voir sa responsabilité engagée sur la base de l'art. 321e CO lorsque l'employeur ordonne ou tolère le comportement qui a causé le dommage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_599/2013 consid. 3.2.3).

Le dommage réside dans la diminution involontaire de la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait si l'événement dommageable ne s'était pas produit (cf. en matière de responsabilité du travailleur ATF 123 III 257 consid. 5d). Il peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 et les arrêts cités). L'on peut se fonder sur le taux de marge bénéficiaire pour calculer le manque à gagner subi (cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 4A_185/2007 du 20 septembre 2007; cf. également JAR 1996 p. 284).

Il appartient à l'employeur de prouver l'existence du dommage et son ampleur, ainsi que la violation, par le travailleur, de ses obligations contractuelles et le rapport de causalité entre cette violation et le dommage (ATF 97 II 145 consid. 5b; arrêt du Tribunal fédéral 4C_323/1995 du 13 janvier 1997 consid. 4e).

7.1.3 Selon l'art. 42 al. 2 CO, lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.

L'art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, mais ne dispense pas le lésé de fournir au juge, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du préjudice et permettant l'évaluation ex aequo et bono du montant du dommage. Les circonstances alléguées par le lésé doivent faire apparaître un dommage comme pratiquement certain; une simple possibilité ne suffit pas pour allouer des dommages-intérêts. L'allègement du fardeau de la preuve prévu par l'art. 42 al. 2 CO doit être appliqué de manière restrictive. Il n'entre en ligne de compte que si le préjudice est très difficile, voire impossible, à établir, si les preuves nécessaires font défaut ou si l'administration de celles-ci ne peut raisonnablement être exigée du lésé (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1418/2019 du 5 février 2020 consid. 4.1 et les références citées; 4A_396/2015 du 9 février 2016 consid. 6.1).

Si le lésé ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir des éléments utiles à l'estimation du dommage, l'une des conditions dont dépend l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l'existence d'un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du bénéfice de cette disposition; la preuve du dommage n'est pas rapportée et, en conséquence, conformément au principe de l'art. 8 CC, le juge doit refuser la réparation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1418/2019 précité consid. 4.1 et les références citées; 4A_175/2018 du 19 novembre 2018 consid. 4.1.1; 4A_97/2017 du 4 octobre 2017 consid. 4.1.3).

7.2.1 En l'espèce, au terme de l'appréciation des preuves, le Tribunal a considéré que l'appelante avait violé ses obligations de diligence et de loyauté au cours des rapports de travail. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal s'est en premier lieu fondé sur le fait que l'intéressée avait expressément envisagé, au moment d'annoncer sa démission, l'hypothèse que des clients dont elle était chargée la suivent auprès de son nouvel employeur. Cela impliquait donc nécessairement qu'elle s'était préparée au détournement de la clientèle durant les rapports de travail. Cette appréciation était confortée par les tableaux de projection établis par la travailleuse, la première version en 2015 et la seconde, plus détaillée, à la fin du premier semestre de 2016. Les explications fournies au sujet de la création de ce document n'avaient pas emporté la conviction du Tribunal, notamment du fait que celui-ci (dans sa dernière version) comportait le nom de sa future employeuse et de son actionnaire, ainsi que des projections de partage des revenus liés à la gestion des comptes de certains clients de l'intimée. Dès lors que la travailleuse avait admis qu'elle n'avait pas soumis ce fichier à l'intimée, sous réserve du premier onglet, cela parachevait d'infirmer qu'elle les avait établis à l'intention de son employeuse de l'époque.

Les griefs de l'appelante au sujet de ce pan du jugement sont fondés. Les tableaux Excel qu'elle a établis permettent certes de retenir qu'elle a minutieusement préparé son départ et la nouvelle activité qu'elle exercerait auprès de sa nouvelle employeuse. Il est également vrai que l'appelante a reconnu que l'indication des lettres H, M ou L représentait la probabilité que chaque client mentionné la suive en cas de démission. Cependant, rien n'indique que cette possibilité a été évaluée au terme de démarches concrètes auprès des personnes concernées en vue de les inciter à conclure un nouveau mandat de gestion avec elle. Quand bien même l'appelante a expressément demandé à son ancienne employeuse de ne pas faire obstacle dans le cas où certains clients décideraient de la suivre dans sa nouvelle activité, aucun élément ne permet de prouver que l'intéressée aurait activement cherché à démarcher les clients dont elle avait la charge.

Sur ce dernier point, le courriel que l'appelante a adressé au client S______ au début de l'année 2016 ne permet aucunement de démontrer qu'elle aurait encouragé celui-ci à la suivre en cas de changement d'activité ou qu'elle lui aurait fait une telle proposition. Pour le surplus, d'après ce qui ressort du courriel que ce client a adressé à la banque le 29 juin 2017 (cf. ci-dessus let m.b), il apparaît qu'il avait dans un premier temps prévu de conserver ses avoirs auprès de l'intimée. Ce n'est qu'au vu de l'attitude de G______ que ce client a finalement décidé de rapatrier une partie de ses actifs à Singapour et de confier la gestion d'une autre partie de ceux-ci à l'appelante, vu la relation de confiance nouée avec elle, qui ne semblait pas pouvoir être recréée avec son successeur.

Il est indéniable que l'appelante avait informé les clients dont elle était chargée du fait qu'elle allait quitter la banque, ce qu'elle était d'ailleurs autorisée à faire. Comme le relève l'intimée, il est possible qu'elle leur ait communiqué cette information avant même d'avoir donné officiellement sa démission. Cela étant, la banque n'est pas parvenue à démontrer que les circonstances auraient été différentes – soit que tous les clients seraient restés auprès d'elle – si l'appelante avait annoncé son départ après avoir résilié le contrat ou après la fin des rapports de travail. Cette hypothèse paraît d'ailleurs peu vraisemblable, vu le lien de confiance unissant l'appelante aux clients qui l'ont suivie auprès de son nouvel employeur. La seule quasi-simultanéité entre le départ de l'appelante et la résiliation du contrat par certains clients laisse, tout au plus, supposer que ces derniers souhaitaient poursuivre leur relation commerciale avec l'appelante, sans pour autant qu'une quelconque violation des devoirs professionnels de celle-ci ne puisse être retenue à son encontre.

Du reste, s'il est certes discutable que l'appelante ait refusé de transmettre à l'intimée les numéros du téléphone portable de certains clients, il faut également relever sur ce point que le règlement du personnel de la banque prévoyait l'abstention de tout acte contraire à l'intérêt des clients ainsi que la primauté de ces derniers en cas de conflits d'intérêts. A noter que l'appelante a fourni pour chaque client un autre moyen de contact (numéro de téléphone fixe et adresse de messagerie électronique), de sorte que la banque a été en mesure de communiquer avec les clients concernés. Au demeurant, même à retenir que l'attitude de l'employée constituerait une violation de ses obligations contractuelles, le lien de causalité entre cette violation et le dommage allégué par la banque n'est pas avéré. Sur les quelques clients dont l'appelante a refusé de communiquer le numéro de téléphone, l'un d'entre eux (titulaire des relations 12______ et 13______) étant resté client de la banque (cf. ci-dessus let. l).

Enfin, l'on peine à discerner en quoi le fait que l'appelante ait peut-être rédigé des instructions de résiliation de mandat de gestion pour certains clients durant les rapports de travail constituerait une violation de ses obligations contractuelles, dans la mesure où I______ en a fait de même pour certains clients qui le lui avaient demandé (cf. ci-dessus let. m.a), ceci faisant simplement partie du service à la clientèle.

7.2.2 Quoi qu'il en soit, point n'est besoin d'examiner plus avant toutes les autres violations du contrat invoquées par l'intimée (examen qui aurait de toute manière dû être limité aux actes commis avant la fin des rapports de travail, vu l'inapplicabilité de la clause de non-démarchage), puisque les prétentions de la banque auraient de toute manière dû être rejetées.

En effet, il appartenait à la banque de prouver le dommage de plus de 2 millions de francs suisses qu'elle prétend avoir subi à titre de perte de revenus. A cet égard, elle s'est contentée de produire des tableaux Excel que deux de ses employés, I______ et O______, ont établis, ainsi que d'autres tableaux dont les chiffres seraient, selon ses dires, issus de ses cockpits. L'intimée n'a cependant fourni aucun document financier pour justifier les chiffres résultant de ses tableaux, se contentant de faire entendre les auteurs de ceux-ci en qualité de témoins. Or, les déclarations des intéressés doivent être appréciés avec réserve, vu notamment leurs qualités respectives de directeur et sous-directrice au moment du dépôt de la demande en justice. Leurs déclarations ne permettent en particulier pas de pallier le défaut de production d'éléments de preuves par titres.

Bien que les montants indiqués par la banque pour chaque relation bancaire, au titre de revenus 2016, soient globalement assez proches de ceux mentionnés par l'appelante dans ses tableaux relatifs à l'année 2015 (étant relevé qu'il y a cependant, à quelques occasions, des différences de l'ordre de 40'000 fr. à 85'000 fr.), aucun élément concret ne prouve qu'ils correspondent aux revenus effectivement réalisés en 2016. Rien ne permet par ailleurs de retenir que les revenus 2017 auraient été similaires à ceux réalisés en 2016 ou 2015. D'ailleurs, il n'y a aucune certitude que l'ensemble des quinze clients qui ont quitté la banque seraient restés auprès de B______ si l'appelante était demeurée employée de celle-ci ou qu'ils y auraient conservé l'intégralité de leurs actifs ou encore que lesdits actifs auraient généré des revenus similaires d'une année à l'autre. G______ a déclaré que les retraits étaient "monnaie courante" car les clients disposaient de leur argent. J______ a pour sa part affirmé qu'un autre client important de l'appelante, dont le portefeuille s'élevait à près de 50 millions de francs suisses, avait quitté la banque avant le départ de l'intéressée. Il est d'ailleurs établi que d'anciens clients suivis par l'appelante ont clôturé les comptes détenus auprès de la banque genevoise pour rapatrier leurs avoirs au Japon à la suite de changements de règlementation, par exemple en 2014.

De surcroît, quand bien même l'on retiendrait que les chiffres allégués par la banque seraient rendus suffisamment vraisemblables du fait qu'ils se trouvent dans un ordre de grandeur relativement similaire à ceux figurant dans les tableaux de projections établis par l'appelante, cela ne serait de toute manière pas suffisant pour déterminer équitablement le dommage sur la base de l'art. 42 al. 2 CO. La banque s'est en effet contentée d'invoquer une perte de chiffre d'affaires, mais elle perd de vue le fait que le dommage dont elle peut demander la réparation est uniquement constitué de la perte de bénéfice net qu'elle aurait éprouvée.

L'intimée n'a cependant produit aucune pièce comptable et n'a fourni aucun élément permettant de connaître, par exemple, la différence de bénéfice réalisé entre les années 2016 et 2017. Elle n'a pas davantage donné d'indications utiles permettant d'évaluer, en pourcentage, la proportion du bénéfice net par rapport à la perte de chiffre d'affaires alléguée. Le dossier ne comporte ainsi pas suffisamment d'éléments pour établir le dommage ou pour l'évaluer, ne serait-ce qu'approximativement.

L'intimée a dès lors failli à son devoir d'apporter la preuve de son prétendu dommage, de sorte qu'elle doit être entièrement déboutée de ses conclusions, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal.

Partant, le chiffre 7 du dispositif du jugement querellé sera annulé.

Il n'est dès lors pas nécessaire de déterminer si la banque aurait pu diminuer son dommage (par exemple en acceptant la proposition de rester dépositaire des avoirs que l'appelante gérerait en qualité de gérante indépendante) ou si elle est entièrement ou partiellement responsable de celui-ci (notamment en raison de l'attitude de G______, qui semble avoir décidé le client S______ – l'un des plus importants clients gérés par l'appelante – à retirer ses avoirs de la banque et du fait qu'elle a tacitement accepté que l'appelante entretienne des relations privilégiées et exclusives avec les clients dont elle était chargée durant toute la durée des rapports contractuels).

7.3 Ce qui précède a pour corollaire que les chiffres 8 et 9 du dispositif dudit jugement – qui prononcent la mainlevée définitive de l'opposition formée par l'appelante au commandement de payer, poursuite n° 2______, notifié le 4 décembre 2017 et indiquent que ladite poursuite ira sa voie à concurrence de 500'000 fr. plus intérêts – doivent également être annulés.

8. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré que le bonus était purement discrétionnaire, soutenant que celui-ci était dû selon le contrat.

8.1 Le salaire est la rémunération que l'employeur est tenu de payer à l'employé pour le temps ou le travail que celui-ci a consacré à son service, et qui est fixé soit directement par contrat individuel, soit indirectement par un contrat-type de travail ou par une convention collective (art. 322 al. 1 CO).  

La gratification est une rétribution spéciale que l'employeur accorde en sus du salaire à certaines occasions, par exemple une fois par année (cf. art. 322d al. 1 CO). Elle se distingue du salaire en ceci que son versement dépend totalement ou au moins partiellement du bon vouloir de l'employeur (ATF 142 III 381 consid. 2.1). Il y a un droit à la gratification si les parties en ont convenu ainsi, expressément ou par actes concluants (art. 322d al. 1 CO). A défaut d'une telle volonté, cette prestation est facultative (ATF 131 III 615 consid. 5.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_513/2017 et 4A_519/2017 du 5 septembre 2018 consid. 5.1). En cas d'extinction des rapports de travail avant l'occasion qui donne lieu à rétribution, le travailleur n'a droit à une part proportionnelle de cette rétribution que s'il en a été convenu ainsi (art. 322d al. 2 CO).

Si la gratification est ainsi convertie en élément du salaire, elle n'est pas soumise à l'art. 322d al. 2 CO et, en cas d'extinction des rapports de travail, elle doit être payée en fonction de la durée de ces rapports (ATF 109 II 447 consid. 5c).

8.2 Le Tribunal fédéral a résumé dans plusieurs arrêts récents l'ensemble de sa jurisprudence relative aux bonus. Il en résulte qu'il faut bien distinguer entre les trois cas suivants: (1) le salaire - variable -, (2) la gratification à laquelle l'employé a droit et (3) la gratification à laquelle il n'a pas droit (arrêts du Tribunal fédéral 4A_327/2019 du 1er mai 2020 consid. 3.1; 4A_78/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.2 et les références citées).

8.2.1 On se trouve dans le cas n° 1 lorsqu'un montant (même désigné comme bonus ou gratification) est déterminé ou objectivement déterminable, c'est-à-dire qu'il a été promis par contrat dans son principe et que son montant est déterminé ou doit l'être sur la base de critères objectifs prédéterminés comme le bénéfice, le chiffre d'affaires ou une participation au résultat de l'exploitation, et qu'il ne dépend pas de l'appréciation de l'employeur. Il doit alors être considéré comme un élément du salaire (variable), que l'employeur est tenu de verser à l'employé (art. 322 s. CO; ATF 141 III 407 consid. 4.1; 136 III 313 consid. 2.).

8.2.2 En revanche, on se trouve en présence d'une gratification - dans les cas n° 2 et 3 - lorsque le bonus est indéterminé ou objectivement indéterminable, c'est-à-dire que son versement dépend du bon vouloir de l'employeur et que sa quotité dépend pour l'essentiel de la marge de manœuvre de celui-ci (ATF 141 III 407 consid. 4.1 et 4.2). La jurisprudence reconnaît à l'employeur un tel pouvoir d'appréciation lorsque le montant du bonus ne dépend pas seulement de l'atteinte d'un certain résultat d'exploitation, mais aussi de l'appréciation subjective de la prestation du travailleur. Le bonus doit alors être qualifié de gratification (ATF 142 III 381 consid. 2.1; 139 III 155 consid. 3.1).

Il y a un droit à la gratification - cas n° 2 - lorsque, par contrat, les parties sont tombées d'accord sur le principe du versement d'un bonus et n'en ont réservé que le montant. Il s'agit d'une gratification que l'employeur est tenu de verser, mais il jouit d'une certaine liberté dans la fixation du montant à allouer (ATF 136 III 313 consid. 2; 131 III 615 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 3.1.3.1).

Il n'y a pas de droit à la gratification - cas n° 3 - lorsque, par contrat, les parties ont réservé tant le principe que le montant du bonus, il s'agit d'une gratification facultative : le bonus n'est pas convenu et l'employé n'y a pas droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_463/2017 précité consid. 3.1.3.2).

Dans ce dernier cas, il faut encore examiner si le bonus revêt un caractère accessoire par rapport au salaire de base, étant rappelé que la gratification ne peut avoir qu'une importance secondaire dans la rétribution du travailleur et doit rester un élément accessoire du salaire, ne pouvant aller au-delà d'un certain pourcentage du salaire de base convenu (ATF 141 III 407 consid. 4.3.2; 129 III 276 consid. 2.1;139 III 155 consid. 5.3). L'application du principe de l'accessoriété peut ainsi enlever toute portée à la réserve et le bonus peut devoir être requalifié en salaire (ATF 141 III 407 consid. 4.3.2). Le critère de l'accessoriété ne s'applique toutefois que pour les salaires modestes et les salaires moyens et supérieurs, à l'exclusion des très hauts revenus, équivalents à cinq fois le salaire médian suisse (secteur privé), soit, pour l'année 2009 (à titre d'exemple), un montant de 354'000 fr. (ATF 141 III 407 consid. 4.3.2 et 5.3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_230/2019 du 20 septembre 2019 consid. 3; 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 3.1.4; 3.1.4.1 et 3.1.4.2).

8.2.3 La gratification peut également résulter, pendant la durée des rapports de travail, d'actes concluants et par conséquent être considérée comme convenue, si par exemple un certain montant a été versé de manière régulière et sans réserve pendant au moins trois années consécutives (ATF 129 III 276 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_230/2019 du 20 septembre 2019, consid. 3.2.1; 4A_430/2018 du 4 février 2019 consid. 5. 2. 1; 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 3.1.3.1).

De même, il a été admis par exception que, en dépit d'une réserve (sur le principe et sur le montant), un engagement tacite peut se déduire du paiement répété de la gratification pendant des décennies (jahrzehntelang), lorsque l'employeur n'a jamais fait usage de la réserve émise, alors même qu'il aurait eu des motifs de l'invoquer, tels qu'une mauvaise marche des affaires ou de mauvaises prestations de certains collaborateurs lorsqu'il l'a versée. Il s'agit alors d'une gratification à laquelle l'employé a droit (ATF 129 III 276 consid. 2.3). La même conclusion s'impose lorsque la réserve du caractère facultatif n'est qu'une formule vide de sens (c'est-à-dire une clause de style sans portée) et qu'en vertu du principe de la confiance, il y a lieu d'admettre que l'employeur montre par son comportement qu'il se sent obligé de verser un bonus (arrêts du Tribunal fédéral 4A_230/2019 du 20 septembre 2019 consid. 3.2.2; 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 3.1.3.2).

8.2.4 Pour qualifier un bonus dans un cas d'espèce, il faut interpréter les manifestations de volonté des parties lors de la conclusion du contrat ou de leur comportement ultérieur au cours des rapports de travail (accord par actes concluants, c'est-à-dire tacite), selon les règles générales d'interprétation qui prévoient de procéder, en premier lieu, à une interprétation subjective avant une interprétation objective (ATF 141 III 407 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 4; 4A_714/2016 du 29 août 2017 consid. 3; 4A_714/2016 du 29 août 2017 consid. 5.1 et 5.2).

8.2.5 L'employeur peut subordonner le droit à la gratification à des conditions. Ainsi est-il admissible d'exiger que le travailleur soit effectivement employé dans l'entreprise à l'échéance de la gratification, ou encore de n'allouer aucune gratification, ou une gratification réduite à l'employé qui est encore au service de l'employeur au moment de l'occasion donnant lieu à la gratification, mais dont le rapport de travail a déjà été résilié (arrêts du Tribunal fédéral 4A_158/2019 du 26 février 2020 consid. 4; 4A_513/2017 précité consid. 5.1; 4A_26/2012 du 15 mai 2012 consid. 5.2.2; 4A_502/2010 du 1er décembre 2010 consid. 2.2; 4A_509/2008 du 3 février 2009 consid. 4.1).

8.3 Dans un arrêt CAPH/21/2016 du 28 janvier 2016, la Cour a retenu que le bonus points-cibles prévu par une clause dont la teneur était quasiment identique à celle figurant dans le contrat de travail présentement litigieux était un salaire variable et non une gratification, puisqu'il était objectivement déterminable (consid. 4.2.2).

8.4 En l'espèce, le Tribunal a retenu que le bonus point-cible était une gratification discrétionnaire, dont le paiement n'était pas dû par l'intimée. En effet, ladite gratification n'était établie que dans son principe, alors qu'un éventuel versement et son montant dépendaient de critères supplémentaires, soumis à la discrétion de la banque, ce qui correspondait, selon les premiers juges, à la troisième hypothèse prévue par la jurisprudence rappelée ci-dessus, ce d'autant plus que chaque versement en faveur de l'appelante avait été assorti d'une réserve de son caractère discrétionnaire, tant dans son principe que dans son montant.

Se prévalant de l'arrêt de la Cour mentionné ci-dessus, l'appelante conteste le raisonnement des premiers juges, considérant que le montant réclamé constitue un élément du salaire auquel elle a droit (cas n° 1).

Comme retenu par le Tribunal, il est exact que la documentation contractuelle met explicitement en évidence le caractère facultatif du paiement du bonus points-cibles. Cela étant, nonobstant la réserve qui a été rappelée à l'occasion du versement du bonus intervenu chaque année, sans interruption depuis 2003, les divers éléments du dossier permettent d'inférer que le paiement du bonus points-cibles était promis dans son principe et que son montant était fixé sur la base de critères objectifs prédéterminés.

La clause idoine du contrat de travail réserve certes un pouvoir d'appréciation à l'intimée dans la valorisation des points-cibles, puisqu'il est indiqué que leur valeur est déterminée par l'intimée chaque année en fonction des résultats du groupe et du nombre de points-cibles. Ainsi, la valeur du point est mesurée sur la base des pertes et profits de l'entreprise, selon une clé de répartition dépendant du nombre de points-cibles alloué à l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise, étant rappelé que selon le témoin R______, le nombre de points attribué à chacun était communiqué au début de l'année. La marge de manœuvre de l'employeuse résidait donc principalement dans le nombre de points qu'elle attribuait à chacun.

Le premier contrat conclu entre les parties fixait le nombre de points-cibles de l'appelante à 55. Même si le contrat réservait un pouvoir d'appréciation à l'intimée en ce domaine, en indiquant que ce nombre n'était pas un droit acquis pour les années ultérieures, ce pouvoir d'appréciation était toutefois limité à certaines situations. En effet, le nombre de points-cibles ne pouvait être diminué que si les résultats de l'employé étaient très en dessous des objectifs fixés ou que sa gestion des risques, voire son comportement, ne correspondaient pas aux standards de l'employeuse. Dans les faits, le nombre de points-cibles attribué à l'appelante n'a fait qu'augmenter au fil du temps, pour atteindre 170 en 2016. Le nombre de points a ainsi augmenté entre 2015 et 2016 alors même qu'il ressort de l'évaluation de performance de 2016 que les résultats de la collaboratrice avaient été moins bons que ce qui était attendu. Les points ont ainsi toujours eu, au minimum, une quotité identique à l'année précédente, voire un montant plus élevé. La prétendue marge de manœuvre dont l'intimée disposait pour apprécier le travail de l'appelante et la réalisation de ses objectifs n'a dès lors jamais eu un impact négatif sur le nombre de points-cibles alloué à la travailleuse. Ces éléments corroborent le fait que l'appelante avait droit à un nombre minimum de 170 points-cibles pour l'année 2017, comme pour 2016, ce qui est d'ailleurs confirmé par la teneur du courrier que l'employeuse a adressé à l'intéressée le 14 juin 2017.

Le chiffre 4 de la clause du contrat de travail relative aux points-cibles prévoit qu'en cas de résiliation du contrat, la banque est libre de réduire ou de supprimer cette "gratification variable". Le contrat n'exclut ainsi pas nécessairement et automatiquement toute gratification du seul fait qu'il est mis fin au contrat en cours d'année, alors que si tel avait été le cas, cela aurait été "typique d'une gratification " (arrêt 4A_463/2017 du 4 mai 2018 consid. 3.2).

Dans le cas présent, l'appelante a d'emblée annoncé, au moment de sa démission, que certains clients dont elle était chargée allaient vraisemblablement la suivre auprès de sa nouvelle employeuse. L'intimée en a d'ailleurs tiré argument au cours de la présente procédure à l'appui de sa thèse de détournement actif de clientèle. Malgré cela, la banque a offert de verser à la travailleuse un montant de 28'335 fr. à titre de bonus points-cibles pour huit mois de service, pour autant que celle-ci se conforme strictement aux obligations découlant de la loi, de son contrat de travail et des directives internes, en particulier la non-sollicitation de clientèle. Cette proposition de la banque est contradictoire avec le fait que, dans le même courrier, elle reprochait déjà à l'appelante d'avoir violé son devoir de loyauté parce qu'un client qu'elle gérait venait de résilier le mandat de gestion de la banque. Par la suite, dans le courrier du 5 juillet 2017, la banque a encore rappelé son offre de verser le bonus points-cibles, en dépit des divers manquements reprochés à la collaboratrice dans l'intervalle. Ainsi, même dans des situations où la banque aurait pu faire valoir le fait que le comportement de la travailleuse ne correspondait pas aux "standards de la maison", elle a proposé de verser le bonus points-cibles au prorata du nombre de mois travaillés.

L'ensemble des éléments qui précèdent, y compris l'attitude de la banque, viennent infirmer le caractère discrétionnaire du bonus points-cibles, celui-ci étant au contraire objectivement déterminable et la réserve du caractère facultatif de ce bonus apparaissant comme une formule vide de sens. Cette interprétation est encore renforcée par le fait qu'il a été établi que certains employés ont pu obtenir une avance sur le bonus points-cibles, ce qui démontre qu'il s'agit d'un élément "garanti" du salaire.

Partant, la commune et réelle intention des parties était que le bonus points-cibles soit objectivement déterminable, de sorte qu'il s'agit d'un salaire variable (art. 322 CO), contrairement à la gratification supplémentaire prévue dans le contrat en cas de "contribution majeure", laquelle était discrétionnaire puisqu'elle dépendait clairement de l'appréciation de l'employeuse. La clause selon laquelle la banque est libre de réduire ou de supprimer la gratification points-cibles n'est dès lors pas applicable.

La valeur d'un point cible étant de 337 fr. en 2017 (selon les déclarations de N______, représentant l'intimée), l'appelante a par conséquent droit à un bonus points-cibles de 38'193 fr. 35 (337 fr. x 170 points / 12 x 8 mois) pour son activité au sein de la banque durant cette même année.

L'intimée sera dès lors condamnée à verser ce montant à l'appelante, avec intérêts à 5% l'an dès le 1er septembre 2017.

9. L'appelante fait valoir que le montant qui lui a été alloué par le Tribunal à titre d'indemnisation pour les 11.5 jours de vacances non pris en nature devrait être augmenté pour tenir compte de la rémunération variable liée aux points-cibles.

Pour sa part, l'intimée soutient qu'aucun montant n'est dû à son ancienne collaboratrice à titre de vacances non prises, puisque durant le délai de congé celle-ci avait exercé des activités pour les fondations de droit suisse et qu'elle n'était pas restée à disposition de la banque.

9.1 L'employeur accorde au travailleur, chaque année de service, quatre semaines de vacances au moins (art. 329a al. 1 CO), pendant lesquelles il doit verser à son employé le salaire total y afférent (art. 329d al. 1 CO).

A teneur de l'art. 329d al. 2 CO, tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d'autres avantages.

En règle générale, l'interdiction de remplacer les vacances par des prestations en argent s'applique aussi après la résiliation des rapports de travail. Il peut cependant être dérogé à ce principe selon les circonstances. D'après la jurisprudence, des prestations en argent peuvent remplacer les vacances lorsque celles-ci ne peuvent être prises avant la fin des rapports de travail ou lorsqu'on ne peut exiger qu'elles le soient (ATF 131 III 623 consid. 3.2; 128 III 271 consid. 4a/aa).

Si le salarié, comme dans le cas présent, a été libéré de l'obligation de travailler jusqu'au terme du contrat, le point de savoir si le solde de vacances non prises doit être indemnisé en espèces repose sur le rapport entre la durée de la libération de l'obligation de travailler et le nombre de jours de vacances restant. Il faut en particulier que, durant cette période, le salarié congédié, en plus de ses vacances, ait suffisamment de temps à consacrer à la recherche d'un nouvel emploi (ATF 131 III 623 consid. 3.2 in fine).

9.2 En l'occurrence, il est admis que l'appelante disposait d'un solde de 18.5 jours de vacances au moment où elle a donné sa démission.

Dans un premier temps, la banque a refusé que la collaboratrice prenne des vacances durant le délai de congé, afin que celle-ci mette à jour les données des clients dont elle s'occupait pour son successeur. Au terme de multiples échanges de courriers, l'intimée a finalement accepté de libérer l'appelante de son obligation de travailler, avec effet immédiat, par courrier du 5 juillet 2017.

L'appelante est ensuite partie en vacances du vendredi 7 au lundi 17 juillet 2017, de sorte qu'elle devait encore bénéficier de 11.5 jours de vacances jusqu'au terme des rapports de travail. Elle a été en incapacité totale de travail du 18 juillet au 2 août, puis à 50% depuis cette dernière date jusqu'au 8 août 2017. Elle a, à nouveau, été en incapacité de travail à 100% du 25 août au 6 septembre 2017, sans que cela n'ait eu une influence sur le terme du contrat, puisqu'il est admis qu'il a pris fin le 31 août 2017 (la relation de travail avec AF______ SA ayant d'ailleurs débuté le 1er septembre 2017).

Il résulte de ce qui précède que depuis le moment où elle a été libérée de son obligation de travailler (et après avoir pris 7 jours de vacances), l'appelante a disposé de 12 jours ouvrables – soit du 9 au 24 août 2017, période durant laquelle elle n'était pas incapable de travailler – pour prendre son solde de vacances, comme elle y était tenue selon la Convention collective de travail applicable. Elle aurait d'ailleurs même pu prendre des vacances durant sa première période d'incapacité de travail, puisque le certificat médical indique un arrêt de travail pour cause de maladie "avec permission de sortir et de voyager".

A noter que l'appelante ne devait consacrer aucun jour à des recherches d'emploi, puisqu'elle avait déjà été engagée (du moins oralement) par AF______ SA, comme cela résulte de son courriel de démission.

Aucun motif ne justifie dès lors que l'intimée paie en espèces des jours de vacances que l'appelante a eu tout le loisir de prendre en nature durant le délai de préavis.

L'appel de la banque sera admis sur ce point et l'appelante sera déboutée de ses conclusions tendant au paiement de jours de vacances prétendument non pris.

Le chiffre 5 du dispositif du jugement attaqué sera, par conséquent, annulé.

10. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas lui avoir alloué une indemnité pour tort moral.

10.1 Aux termes de l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité. L'art. 328 al. 2 CO astreint l'employeur à prendre, pour protéger la vie, la santé et l'intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l'expérience, applicables en l'état de la technique et adaptées aux conditions de l'exploitation, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l'exiger de lui.

Pour justifier l'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO, il ne suffit pas que le juge constate une violation de l'art. 328 CO, il faut encore que l'atteinte ait une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (ATF 130 III 699 consid. 5.1 ; 102 II 211, consid. 9).

L'atteinte objectivement grave doit être ressentie par la victime comme une souffrance morale, à défaut de quoi aucune indemnisation ne peut lui être accordée. Comme chaque être humain ne réagit pas de la même manière à une atteinte portée à son intégrité psychique, le juge doit se déterminer à l'aune de l'attitude d'une personne ni trop sensible, ni particulièrement résistante. Pour que le juge puisse se faire une image précise de l'origine et de l'effet de l'atteinte illicite, le lésé doit alléguer et prouver les circonstances objectives desquelles on peut inférer la grave souffrance subjective qu'il ressent, malgré la difficulté de la preuve dans le domaine des sentiments (ATF 125 III 70 consid. 3a ; 120 II 97 consid. 2b). La gravité de l'atteinte à la personnalité suppose en tout cas une atteinte extraordinaire, dont l'intensité dépasse l'émoi ou le souci habituel, de telle sorte qu'elle peut fonder une prétention particulière contre son auteur, alors que la vie exige de chacun qu'il tolère de petites contrariétés (CAPH/18/2020 du 24 janvier 2020 consid. 7.1 et la référence citée).

Une indemnité est par exemple due au travailleur qui a été victime, dans l'entreprise de l'employeur, de harcèlement psychologique ou mobbing, lorsque, d'un point de vue objectif, il a subi une humiliation particulièrement sévère (ATF 125 III 70 consid. 3a p. 74 s.; voir aussi ATF 130 III 699 consid. 5.1; arrêt 4A_607/2011 du 10 novembre 2011 consid. 3). N'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une réparation (ATF 125 III 70 consid. 3a).

Il convient de se fonder avec circonspection sur les attestations médicales, lesquelles, souvent établies sur les seuls dires du salarié, peuvent difficilement refléter tous les aspects objectifs d'une situation (Aubert, in Commentaire romand du Code des obligations I, 2012, ad art. 328 CO, N 8).

En outre, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer si les circonstances d'espèce justifient une indemnité pour tort moral (ATF 137 III 303 consid. 2.2.2). En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, cette disposition répartit le fardeau de la preuve - auquel correspond en principe le fardeau de l'allégation (Hohl, Procédure civile, tome I, 2ème éd., 2016, n. 1232 ss) - et, partant, les conséquences de l'absence de preuve ou d'allégation (ATF 127 III 519 consid. 2a et les références citées).

10.2 En l'espèce, en première instance, l'appelante avait fait valoir que la banque, par son comportement, avait porté de nombreuses atteintes à sa personnalité. L'intimée aurait ainsi délibérément mis en œuvre une stratégie visant à nuire à son avenir professionnel et adopté une attitude chicanière à la suite de sa démission. Pour fonder sa prétention en tort moral, l'appelante s'est référée à des attestations médicales, dont les auteurs n'ont cependant pas été entendus par le Tribunal.

Les premiers juges ont retenu que, à l'exception du certificat médical faisant état d'un tableau clinique de burn-out professionnel, les autres attestations médicales ne permettaient pas d'établir un quelconque lien de causalité entre les conditions de travail et les atteintes à la santé alléguées, avec la précision que les consultations de physiothérapie de l'appelante n'avaient pas engendré d'incapacité de travail. L'instruction n'avait pas davantage permis de prouver l'existence de propos attentatoires à l'honneur de l'appelante. Le seul témoin (AP______, dont les propos n'ont pas été retranscrits dans l'état de fait ci-dessus, vu qu'ils n'avaient aucune incidence sur l'issue du litige), qui était le seul qui avait confirmé des éléments en ce sens, n'avait pas personnellement assisté aux faits rapportés. Par ailleurs, vu le contexte entourant la démission de l'appelante, il était légitime que l'intimée éprouve une certaine défiance à l'égard de celle-ci et qu'elle mette tout en œuvre pour éclaircir la situation. Il n'en résultait cependant pas un traitement ou un comportement attentatoire à l'honneur de l'intéressée.

En seconde instance, l'appelante se borne à affirmer que sa prétention est justifiée, en renvoyant principalement à ses allégués de fait sur ce point. A supposer que cette argumentation quelque peu indigente soit recevable, l'appelante n'expose ni en quoi les certificats médicaux produits démontreraient un lien de causalité entre les atteintes dont elle s'est prévalue et des actes imputables à l'intimée, ni que ces atteintes atteindraient un seuil suffisant pour justifier l'octroi d'une indemnité pour tort moral. A noter que le seul certificat médical qui mentionne un burn-out professionnel en référence à des incapacités de travail survenues depuis le mois d'avril 2017 a été établi le 28 juin 2019, soit à une période largement postérieure aux faits litigieux.

Par ailleurs, même à supposer que les propos dénigrants de la banque soient prouvés, rien ne permettrait de considérer que l'appelante a subi une atteinte d'une gravité objectivement suffisante pour justifier l'allocation d'une somme à titre de tort moral.

C'est donc à bon droit que ses prétentions en versement de la somme de 5'000 fr. à ce titre ont été rejetées.

Partant, l'appel sera rejeté à cet égard.

11. Sans prendre de conclusions formelles, l'appelante fait valoir que sa requête visant à obtenir une lettre de garantie restait d'actualité.

Le Tribunal a débouté l'appelante de cette prétention, car la formulation retenue par la banque n'apparaissait pas contraire au droit et semblait adéquate compte tenu des circonstances.

Faute de critique motivée contre la motivation du premier juge (art. 311 al. 1 CPC), la Cour n'entrera pas en matière sur ce point.

12. 12.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dès lors que la quotité des frais de première instance, soit 10'681 fr. 65, n'a pas été remise en cause en appel et que celle-ci a été arrêtée conformément aux règles légales, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point. Toutefois, compte tenu de l'issue du litige, il s'agit de statuer à nouveau sur leur répartition.

En première instance, l'intimée avait chiffré ses conclusions à 2'839'058 fr.; l'appelante avait, pour sa part, émis des prétentions reconventionnelles totalisant 75'105 fr. 75. Au terme de la présente procédure d'appel, l'intimée a entièrement succombé dans ses conclusions principales et l'appelante a obtenu un peu plus de la moitié de ses conclusions reconventionnelles. Dans la mesure où l'appelante obtient gain de cause sur plus de 98% de la valeur litigieuse totale (cf. art. 94 al. 2 CPC), il se justifie de mettre l'intégralité des frais judiciaires de première instance à la charge de l'intimée.

Les chiffres 13, 15 et 16 du jugement entrepris seront dès lors annulés et il sera statué en ce sens.

12.2 Les frais judiciaires d'appel et d'appel joint seront arrêtés, compte tenu de la valeur litigieuse de chacun des appels et de l'importance du travail généré par les écritures des parties, à 14'500 fr. au total (art. 71 RTFMC) et compensés avec les avances de frais fournies (par l'appelante à hauteur de 4'500 fr. et par l'intimée à hauteur de 10'000 fr.), qui restent acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Pour les mêmes motifs que susmentionnés, lesdits frais seront intégralement mis à la charge de l'intimée. Celle-ci sera dès lors condamnée à rembourser à l'appelante l'avance de frais qu'elle a effectuée.

Il n'est pas alloué de dépens devant la juridiction des prud'hommes (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 4 :


A la forme
:

Déclare recevables l'appel et l'appel joint formés respectivement par A______ et B______ contre le jugement JTPH/176/2021 rendu le 17 mai 2021 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/524/2018.

Au fond :

Annule les chiffres 5, 7 à 9, 13, 15 et 16 du dispositif du jugement précité et, statuant à nouveau :

Condamne B______ à verser à A______ le montant brut de 38'193 fr. 35, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er septembre 2017.

Met les frais judiciaires de première instance à la charge de B______.

Condamne B______ à payer 681 fr. 65 à l'Etat de Genève, soit pour lui aux Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de solde de frais judiciaires de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 14'500 fr., les met à la charge de B______ et dit qu'ils sont compensés par les avances versées par les parties.

Condamne B______ à rembourser 4'500 fr. à A______ à titre de frais judiciaires d'appel.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Nadia FAVRE, juge employeur; Madame Ana ROUX, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.


 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.