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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21434/2019

ACJC/106/2023 du 23.01.2023 sur JTBL/280/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 01.03.2023, rendu le 11.04.2024, CONFIRME, 4A_134/2023
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21434/2019 ACJC/106/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 23 JANVIER 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant| d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 12 avril 2022, représenté d'abord par l'ASLOCA puis comparant par Me Cyril MIZRAHI, avocat, avenue Vibert 9, 1227 Carouge, en l’Etude duquel il fait élection de domicile,

 

Et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE] et Madame C______, domiciliée ______ [VS], intimés, comparant tous deux par Me Florence YERSIN, avocate, boulevard Helvétique 4, 1205 Genève, en l’Etude de laquelle ils font élection de domicile. 

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/280/2022 du 12 avril 2022, reçu par les parties le 13 avril 2022, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré valable le congé notifié le 21 août 2019 pour le 31 août 2020 par C______ et B______ à A______ concernant l’appartement de 2 pièces situé au 6ème étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), octroyé à A______ une unique prolongation de bail de quatre ans échéant au 31 août 2024 (ch. 2), autorisé A______ à restituer l’appartement en tout temps durant le délai de prolongation, moyennant un préavis écrit de 15 jours pour le 15 ou la fin d’un mois (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B. a. Par acte expédié le 23 mai 2022 à la Cour de justice, A______ (ci-après : le locataire ou l’appelant) a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, à l’annulation du congé.

b. Dans leur réponse du 23 juin 2022, C______ et B______ (ci-après : les bailleurs ou les intimés) ont conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 15 septembre 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

e. Par acte du 6 octobre 2022, A______ a allégué des faits nouveaux. Il a déposé des pièces nouvelles, dont un extrait du Registre du commerce. Le 27 octobre 2022, les bailleurs ont conclu à l’irrecevabilité de l’écriture et des pièces nouvelles de leur partie adverse. Ils ont allégué des faits nouveaux.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 8 mai 1990, SOCIETE IMMOBILIERE D______, en qualité de bailleresse, et A______, en qualité de locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement de 2 pièces situé au 6ème étage de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève, celui-ci étant destiné à usage d’habitation exclusivement.

A______ était déjà locataire d’un autre appartement dans l’immeuble au moment de la signature du bail.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d’une année, du 1er septembre 1990 au 31 août 1991, renouvelable ensuite tacitement d’année en année, le préavis de résiliation étant de trois mois.

Le loyer annuel a été initialement fixé à 4’296 fr., soit 358 fr. par mois. Les charges relatives au chauffage et à l’eau chaude ont été fixées annuellement à 780 fr., soit 65 fr. par mois.

Selon l’article 56 des clauses particulières du contrat de bail, le locataire était autorisé à sous-louer l’appartement à un membre de son personnel.

b. Les propriétaires actuels de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève sont C______ et B______.

c. Le loyer, charges comprises, a été fixé en dernier lieu à 488 fr. par mois.

d. Entre 2004 et 2012, le locataire a vécu avec son épouse E______ dans un appartement sis rue 2______ no. ______, à K______ [GE].

e. Il a sous-loué l’appartement litigieux, meublé, à F______, lequel n’était pas son employé, pour un montant supérieur à son loyer, à partir du mois d’août 2005 et jusqu’en juin 2009 à tout le moins.

Dans la mesure où il n’en avait pas avisé les bailleurs, ces derniers ont résilié le bail le 15 décembre 2005 pour le 28 février 2006.

Par jugement du Tribunal des baux et loyers du 15 décembre 2008, cette résiliation a été annulée au motif qu’elle était inefficace en l’absence d’avertissement écrit (procédure C/3______/2006). Cette décision a été confirmée en dernier lieu par arrêt du Tribunal fédéral du 18 avril 2011 (4A_456/2010).

f. Suite à sa séparation, le locataire est retourné vivre dans l’appartement de la rue 1______ en 2013.

g. Le 1er octobre 2017, le locataire a conclu un contrat de sous-location portant sur l’appartement remis à bail avec G______ pour une durée d’une année, du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018, pour un loyer mensuel de 600 fr., charges comprises. La plaquette figurant sur la boîte aux lettres de l’appartement indiquait les deux noms de A______ et G______.

h. Par jugement du 19 avril 2018, le Tribunal de première instance a ratifié la convention de divorce signée par l’appelant et son ex-épouse, attribuant la jouissance de l’appartement sis à K______ à cette dernière. Le jugement mentionne que le locataire est domicilié no. ______ rue 1______ (JTPI/5944/2018).

i. Par avis du 21 août 2019, les bailleurs ont résilié le bail pour son échéance du 31 août 2020, sans indiquer de motif.

j. Le 20 septembre 2019, le locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d’une requête en contestation du congé.

Vu l’échec de la tentative de conciliation, une autorisation de procéder a été délivrée au locataire le 18 novembre 2019.

Le 16 décembre 2019, le locataire a saisi le Tribunal des baux et loyers d'une requête en contestation de congé, subsidiairement en prolongation de bail d’une durée de quatre ans et conclu à être autorisé à restituer le logement pour le 15 ou la fin d’un mois, moyennant un préavis de quinze jours.

k. Dans leur réponse du 4 mars 2020, les intimés ont conclu à la validité du congé notifié au locataire, avec effet au 31 août 2020, à ce que son évacuation immédiate soit prononcée au 1er septembre 2020, à ce qu’il soit débouté de toutes autres ou contraires conclusions et condamné à payer des dépens.

Ils ont notamment allégué que le locataire vivait en Valais, alternativement à K______, et non pas dans l’appartement litigieux.

Le congé a été fondé sur la volonté de C______, domiciliée en Valais, d’occuper elle-même l’appartement sis rue 1______ no. ______, lorsqu’elle se rendait à Genève, soit un ou deux soirs par semaine, pour s’occuper de sa petite-fille.

l. Lors de l'audience de débats d'instruction du 7 septembre 2020, le locataire a produit un chargé de pièces complémentaire, sollicité l’audition de témoins et a conclu à ce qu’il soit ordonné aux bailleurs de produire tous documents attestant de leurs diverses propriétés immobilières ainsi que les contrats de bail qu’ils avaient pu conclure pour l’ensemble de leurs propriétés immobilières depuis 2018.

Les bailleurs ont produit l’état locatif de l’immeuble sis no. ______ rue 1______ au 30 septembre 2020. Il en découle que l’immeuble comprend dix-huit objets, dont deux arcades et quinze appartements de trois pièces, le logement du locataire constituant le seul appartement de 2 pièces et l’unique appartement sis au 6ème étage.

Les bailleurs ont également sollicité l’audition de témoins ainsi que la production de pièces par le locataire en vue d’établir si celui-ci habitait véritablement dans l’appartement litigieux.

Par ordonnance du 11 novembre 2020, le Tribunal a ordonné l'audition de quatre témoins et réservé l'audition de témoins supplémentaires ainsi que la production de pièces à un stade ultérieur de la procédure.

m. Lors des audiences du 7 septembre 2020, 11 mars 2021 et 27 mai 2021, le Tribunal a procédé à l'audition des parties.

A______ a déclaré être âgé de 82 ans, avoir vécu à K______ jusqu’en 2012 environ avec son épouse avec laquelle il ne s’entendait pas. Il se rendait donc quelques fois par semaine dans l’appartement de la rue 1______. Depuis sa séparation, il y vivait seul de manière permanente et souhaitait y rester. Il utilisait cet appartement comme bureau mais c’était également son logement. Son sous-locataire, G______, avait ponctuellement occupé l’appartement en dormant dans le salon et était parti en 2018. A______ a par ailleurs affirmé ne pas vivre en Valais et ne pas y avoir d’activité. S’il était effectivement propriétaire d’un chalet à H______ [VS], il l’avait donné à ses enfants, en conservant uniquement l’usufruit. Il s’y rendait de temps en temps pour s’occuper de ce bien. Il avait également un terrain à R______ (VS) où il n’avait rien construit faute de finances. Les prestations de l’AVS étaient sa seule source de revenus. Son état de santé était correct mais il souffrait de problèmes de mémoire liés à son âge. Ses démarches pour trouver un autre appartement étaient demeurées vaines.

C______, âgée de 75 ans, a déclaré avoir résilié le bail, souhaitant utiliser elle-même l’appartement. Elle habitait en Valais mais se rendait toutes les semaines à Genève, du lundi au mercredi, soit trois nuits par semaine, pour s’occuper de sa petite-fille de six ans, scolarisée à I______ (L______ [GE]). Elle recevait cette dernière dans sa maison à J______ [GE], où elle vivait avant son départ pour le Valais, une quinzaine d’années plus tôt. Elle était également copropriétaire de deux immeubles, sis respectivement [à la rue] 6______ et à la rue 4______. Elle envisageait de s’installer à Genève sur le long terme, à la rue 1______. en raison de son attachement à cet immeuble, l’une de ses filles ainsi que le frère de son filleul y habitant également. Elle y connaissait par ailleurs trois autres locataires. L’appartement litigieux correspondait tout à fait à ses besoins, étant proche de la gare, situé au 6ème étage et au calme. Elle ne souhaitait pas un appartement plus grand que celui-ci. Elle n’avait pas vérifié si d’autres appartements de l’immeuble étaient libres au moment de la résiliation du bail, ni si d’autres appartements dans cet immeuble ou dans un autre immeuble dont elle était propriétaire s’étaient récemment libérés ou encore si la locataire du 2ème étage dont le bail avait expiré avait quitté son appartement. L’appartement qui se trouvait au 5ème étage était effectivement vide depuis mai ou juin 2021 mais trop grand pour elle et en rénovation. Quant à la maison à J______, elle ne souhaitait pas y habiter lors de ses venues à Genève, celle-ci nécessitant trop d’entretien. A long terme, elle souhaitait la louer mais ne l’avait pas encore fait car il s’agissait du bien qu’elle occupait lorsqu’elle venait à Genève. Les appartements de l’immeuble sis [rue] 6______ étaient destinés à des familles et elle n’était pas attachée à l’immeuble sis rue 4______, quand bien même la taille des appartements était similaire à ceux de la rue 1______. Elle a expliqué avoir résilié le bail de l’appelant car il semblait ne pas habiter l’appartement et l’utiliser comme bureau uniquement. Elle n’avait aucun projet concret d’aménager le 6ème étage en loft.

B______, frère de C______, a déclaré n’avoir aucune intention d’utiliser l’appartement sis rue 1______. Il a confirmé que sa sœur se rendait à Genève deux fois par semaine pour s’occuper de sa petite-fille. Elle était très en forme et se déplaçait facilement à pied ou au moyen de transports publics. Il était, selon lui, logique qu’elle souhaite habiter cet appartement de deux pièces, vu ses besoins, quand bien même il était tellement petit qu’il se demandait s’il répondait aux normes en vigueur. C’était également cohérent avec le projet d’aménagement de l’appartement en loft, discuté par le passé. Il ignorait pour quelle raison sa sœur ne souhaitait pas occuper un appartement de l’immeuble de la rue 4______, lequel abritait des petits appartements avec cuisines ouvertes sur salons et dont plusieurs étaient libres. Les appartements de l’immeuble de [la rue] 6______ étaient quant à eux de grands appartements de cinq pièces.

n. Lors de son audition du 27 mai 2021, l’ex-épouse du locataire a confirmé que celui-ci habitait, à sa connaissance, à la rue 1______. depuis 2013. Il n’avait selon elle pas d’autre appartement et lorsqu’elle s’y était rendue, il y vivait seul.

o. Le Tribunal a encore procédé à l'audition de trois témoins lors de l’audience du 1er novembre 2021.

G______ a déclaré avoir sous-loué l’appartement litigieux du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018. Il était alors colocataire de l’appelant et dormait dans le salon. Il avait déménagé en septembre 2018 du fait que le locataire lui avait indiqué souhaiter y habiter seul. Il ignorait si le locataire se rendait parfois en Valais.

M______, locataire d’un appartement au 3ème étage de l’immeuble depuis une vingtaine d’années, a déclaré avoir croisé A______ mais ne pas pouvoir confirmer qu’il y vivait. Selon lui, un jeune couple avait habité son appartement depuis fin 2017 et jusqu’en 2020.

Enfin, N______, voisin de C______ à J______ [GE], a confirmé que celle-ci venait plusieurs fois par semaine à Genève et qu’il la voyait lorsqu’elle allait chercher sa petite-fille, dont elle s’occupait dans sa maison de J______.

p. Par ordonnance du 22 décembre 2021, le Tribunal a clôturé la phase d'administration des preuves, renonçant à entendre des témoins supplémentaires et à effectuer une inspection locale.

q. Lors de l'audience du 27 janvier 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

A l'issue de celle-ci, la cause a été gardée à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que l’instruction de la cause avait permis de vérifier les intentions de C______, soit sa volonté d’occuper l’appartement litigieux, en raison de sa proximité avec la gare, sa situation idéale au 6ème étage et du fait qu’elle y connaissait d’autres locataires. Le Tribunal a retenu que ce motif n’avait pas varié tout au long de la procédure. Quand bien même il était vrai que C______ n’avait pas exploré la possibilité d’occuper un autre appartement et qu’elle entendait faire un usage ponctuel du logement litigieux, cela ne suffisait pas à retenir une disproportion grossière des intérêts en présence. Elle était libre de choisir l’appartement qu’elle entendait occuper parmi ceux dont elle était propriétaire. En conséquence, le congé ne contrevenait pas aux règles de la bonne foi et devait être validé.

Le Tribunal a retenu que le congé avait des conséquences extrêmement pénibles pour le locataire, âgé de plus de 80 ans, n’ayant d’autres ressources que les prestations de l’AVS et dont le contrat de bail datait d’il y a plus de trente ans. Quant à la bailleresse, elle avait d’autres options de logement, de sorte que la pesée des intérêts en présence justifiait l’octroi d’une pleine prolongation de bail au locataire d’une durée de quatre ans.

En outre, le Tribunal a autorisé le locataire à restituer les locaux en tout temps moyennant un préavis écrit de 15 jours, pour le 15 ou la fin d’un mois.

Enfin, les conclusions des bailleurs en évacuation ont été jugées prématurées et, de ce fait, rejetées.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid 1.1; 136 III 196 consid 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges comprises, s'élève à 5’856 fr. La valeur litigieuse est donc supérieure à 10'000 fr. (5’856 fr. x 3 ans = 17’568 fr.), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. a, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid 4.3.1).

2. L’appelant a fait valoir des faits nouveaux et produit un bordereau de pièces complémentaire le 6 octobre 2022. Les intimés ont allégué des faits nouveaux le 27 octobre 2022.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Les nova peuvent être présentés jusqu’au début de la phase des délibérations (ATF 142 III 413 consid. 2.2.5).

2.2 En l'espèce, l’appelant a produit le 6 octobre 2022 un extrait du Registre du commerce à propos de la Fondation O______, une photo de la boîte aux lettres du numéro 31 de l’avenue 5______, [code postal] J______ [GE], un planning de rénovation des fenêtres du 29 septembre 2022, une photo de la boîte aux lettres de Madame P______ au no. ______, rue 1______, [code postal] Genève.

En substance, il a allégué que Q______, soit la fille de l’intimée, n’habitait plus dans l’immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, son appartement étant occupé par une certaine Madame P______ et qu’elle avait emménagé chez l’intimée, ce qui serait démontré par le planning de rénovation précité et par la photo de la boîte aux lettres de Madame P______. Ainsi, les allégués de l’intimée, selon lesquels celle-ci souhaitait s’établir dans cet immeuble pour se rapprocher de sa fille, seraient mensongers.

Par déterminations du 27 octobre 2022, les intimés ont conclu à l’irrecevabilité de ces pièces et faits nouveaux, admettant toutefois que Q______ avait quitté l’immeuble no. ______, rue 1______, [code postal] Genève, dans le courant de l’été 2022, pour s’établir chez C______.

Ces allégations et pièces nouvelles ont été communiquées après la mise en délibération de la cause par la Cour, de sorte qu’elles sont irrecevables, à l’exception de l’extrait du Registre du commerce relatif à la Fondation O______, qui vise des faits notoires (cf. art. 151 CPC).

En toute hypothèse, ces éléments ne sont pas déterminants pour la solution du litige, comme il sera vu ci-après (cf. consid. 4.4 ci-dessous).

3. L'appelant fait grief au Tribunal d’avoir violé son droit à la preuve en n’ordonnant pas aux intimés de produire les états locatifs des trois immeubles dont ils sont copropriétaires.

3.1 La preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC). Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 CPC).

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst), en particulier le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 132 V 368 consid 3.1 et les références). L'autorité a l'obligation, sous l'angle du droit d'être entendu, de donner suite aux offres de preuves présentées en temps utile et dans les formes requises, à moins qu'elles ne soient manifestement inaptes à apporter la preuve ou qu'il s'agisse de prouver un fait sans pertinence (cf. ATF 131 I 153 consid 3; 124 I 241 consid 2, JdT 2000 I 130; 121 I 306 consid 1b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2007 du 25 octobre 2007 consid 3.1).

Le juge peut renoncer à une mesure d'instruction pour le motif qu'elle est manifestement inadéquate, porte sur un fait non pertinent ou n'est pas de nature à ébranler la conviction qu'il a acquise sur la base des éléments déjà recueillis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_452/2013 du 31 mars 2014 consid 3.1 et réf. citées).

3.2 En l'espèce, la bailleresse a de manière constante exposé les raisons pour lesquelles elle n’avait jamais envisagé habiter dans l’un des appartements des deux autres immeubles dont elle est copropriétaire, soit à la rue 4______ no. ______ et à [la rue] 6______. Par conséquent, les pièces évoquées par l’appelant n'apparaissent pas pertinentes pour trancher le litige et, par appréciation anticipée des preuves, le Tribunal était en droit de clôturer l'administration des preuves. En outre, l'appelant ne prétend pas avoir persisté à conclure devant les premiers juges dans ses plaidoiries finales du 27 janvier 2022 à la production des états locatifs litigieux.

Pour les mêmes raisons, la Cour s'estime suffisamment renseignée sur les faits de la cause et dispose des éléments nécessaires pour statuer. D’ailleurs, l’appelant n’a pas conclu en appel à ce que des mesures d’instruction supplémentaires soient ordonnées.

Le droit à la preuve de l’appelant n’a ainsi pas été violé.

4. 4.1 L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir considéré que la résiliation litigieuse n’était pas contraire aux règles de la bonne foi. Selon lui, le motif du congé consiste en réalité en la volonté d’obtenir un rendement supérieur de l'appartement sis 8, rue de Zurich. En outre, il soutient que le motif du congé a varié tout au long de la procédure, l’intimée ayant d’abord prétendu souhaiter occuper l’appartement une à deux fois par semaine lorsqu’elle se rendait à Genève pour s’occuper de sa petite-fille, avant de déclarer qu’elle venait trois à quatre jours par semaine à Genève et qu’elle entendait s’installer à long terme dans l’appartement litigieux.

Par ailleurs, l'appelant fait grief au Tribunal d'avoir admis que le motif invoqué par l'intimée, soit son souhait d’occuper personnellement l'appartement litigieux, était conforme à la vérité et qu'il ne consacrait pas une disproportion manifeste des intérêts en présence. En effet, l’appelant était âgé de 82 ans, alors que la bailleresse n’avait aucun besoin de récupérer l’appartement : elle était propriétaire de plusieurs autres biens immobiliers et d’autres appartements étaient libres dans les immeubles dont elle était copropriétaire.

4.2 Lorsque le contrat de bail est de durée indéterminée, ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite, chaque partie est en principe libre de le résilier pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 140 III 496 consid 4.1; 138 III 59 consid 2.1). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue. Au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune des parties a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid 2.1; 4A_484/2012 du 28 février 2013 consid 2.3.1; 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid 2.2; 4A_735/2011 du 16 janvier 2012 consid 2.2). La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO), et ce même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 141 III 496 consid 4.1; 138 III 59 consid 2.1).

En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d’assainissement (ATF 142 III 91 consid 3.2.2 et 3.2.3; 140 III 496 consid 4.1), pour des motifs économiques (arrêts 4A_293/2016 du 13 décembre 2016 consid 5.2.1 et 5.2.3 non publié in ATF 143 III 15; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid 4.1 et 4.3; ATF 120 II 105 consid 3b/bb) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou en faveur de ses proches parents ou alliés (arrêts 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid 3.3 et 4).

La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 et 271a CO).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO. Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190 consid 2;
135 III 112 consid 4.1; 120 II 31 consid 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (ATF 140 III 496 consid 4.1; 136 III 190 consid 2; 135 III 112 consid 4.1).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts du Tribunal fédéral 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid 2.2; 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid 6). Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut examiner que l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux. Cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2016 consid 3.2; 4A_484/2012 précité consid 2.3.1 et les arrêts cités).

Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur dans l'avis de résiliation (pour le cas où l'avis de résiliation n'est pas motivé, cf. l'arrêt 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid 3.2.2) et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid 2.2).

Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation. Pour en juger, le juge doit se placer au moment où la résiliation a été notifiée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 précité consid 4.4.1). Des faits survenus ultérieurement ne sont en effet pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification : si le motif pour lequel le congé a été donné tombe par la suite, le congé ne devient pas abusif a posteriori. En revanche, des faits ultérieurs peuvent fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (ATF 140 III 496 consid. 4.1 ; ATF 138 III 59 consid 2.1 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_435/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1.1).

Contrairement à ce qui prévaut lorsque le bailleur résilie le bail de manière anticipée - cas dans lequel le fardeau de la preuve de son besoin propre incombe au bailleur, - il appartient au locataire, qui est le destinataire de la résiliation, de supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un congé contraire aux règles de la bonne foi. Le bailleur qui résilie et qui doit motiver le congé a toutefois le devoir de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par lui (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 précité consid 4.4.2).

4.3 La jurisprudence admet que le congé n'est pas contraire à la bonne foi lorsqu'il est motivé par le besoin du bailleur d'utiliser lui-même les locaux ou de les attribuer à l'un de ses proches (arrêts du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid 3.2.2; 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid 4.4.2).

Le besoin invoqué par le bailleur ne doit pas être immédiat ou urgent. On ne saurait en effet lui imposer d'attendre le moment où le besoin se concrétise, au vu du temps habituellement nécessaire pour récupérer effectivement un logement après une résiliation. Même le fait qu'un bailleur soit propriétaire de plusieurs immeubles n'implique pas nécessairement qu'une résiliation d'un contrat de bail pour ses besoins propres ou ceux de l'un de ses proches soit contraire aux règles de la bonne foi (ACJC/1552/2014 du 17 décembre 2014).

Le juge décide si le propriétaire a un besoin propre en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes du cas particulier au moment de la résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2016 du 9 septembre 2016 consid 3.1.2).

4.4 En l'espèce, les intimés n’ont, dans un premier temps, pas motivé la résiliation du bail du 21 août 2019 pour sa prochaine échéance contractuelle du 31 août 2020.

Au cours de la procédure en contestation du congé, ils ont ensuite exposé que la bailleresse souhaitait occuper cet appartement lorsqu’elle se rendait à Genève, pour s’occuper de sa petite-fille, et s’y installer sur le long terme. Elle habitait en effet en Valais et, lorsqu’elle séjournait à Genève, elle occupait la villa dont elle était propriétaire à J______ [GE]. Vu son âge, l’entretien de celle-ci devenait toutefois difficile. Elle a indiqué qu’elle était très attachée à l’immeuble sis rue 1______. où elle connaissait de nombreux locataires, qu’elle appréciait le calme du 6ème étage où était situé l’appartement litigieux, de même que sa proximité avec la gare ferroviaire. Quand bien même il peut sembler étonnant que la bailleresse souhaite s’installer dans un appartement qualifié de minuscule, elle a détaillé de façon constante les raisons pour lesquelles celui-ci correspondait à ses besoins actuels.

L'appelant se prévaut de ce que l’intimée n’a pas envisagé d’occuper un autre appartement que le sien alors même que d'autres logements dans l'immeuble sis rue 1______. dans les deux autres immeubles dont elle est copropriétaire se sont libérés. Les intimés ont expliqué que la bailleresse n’avait pas d’attachement avec l’immeuble sis rue 4______ et que les appartements de l’immeuble sis à [la rue] 6______ étaient de grands logements familiaux. Elle souhaitait occuper un petit appartement. En outre et s’agissant des appartements sis rue 1______. seul celui de l’appelant est un deux pièces et se trouve au 6ème étage de l’immeuble. S’il est vrai qu’un appartement s’est libéré au 5ème étage, soit juste en dessous de l’appartement de l’appelant, ceci est intervenu après la résiliation de bail litigieuse et n’est donc pas pertinent, le motif du congé devant être examiné en se replaçant au moment de sa notification. Il en va de même du fait, irrecevable, que la fille de la bailleresse n’occuperait plus un logement dans l’immeuble en question.

En tout état, en sa qualité de bailleresse, l’intimée est en droit de disposer comme elle le souhaite de son bien immobilier. S’il est vrai que l’intensité de l’utilisation qu’elle ferait de l’appartement litigieux a varié au cours de la procédure, elle a néanmoins systématiquement affirmé vouloir le récupérer pour son propre usage, lors de ses séjours à Genève.

Les allégations de l'appelant selon lesquelles la résiliation serait motivée par le souhait des bailleurs d’obtenir un rendement supérieur ne sont quant à elles étayées par aucun élément concret.

C'est par conséquent à juste titre que le Tribunal a considéré que le motif avancé par les bailleurs à l'appui de la résiliation était réel, sérieux et digne de protection.

C'est également à bon droit qu'il a retenu qu'il n'y avait pas de disproportion manifeste des intérêts en présence. S’il est vrai que le locataire vit depuis plus de 30 ans dans l’appartement et est âgé de 82 ans, il en a été tenu compte dans le cadre de la pesée des intérêts effectuée s’agissant de la prolongation du bail qui lui a été accordée pour une durée maximale de quatre ans.

Le congé est par conséquent valable et le jugement querellé sera confirmé.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 mai 2022 par A______ contre le jugement JTBL/280/2022 rendu le 12 avril 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/21434/2019.

Au fond :

Confirme le jugement querellé.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Monsieur Stéphane PENET, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.