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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/5393/2011

ACJC/1552/2014 du 17.12.2014 sur JTBL/1371/2013 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : CONTESTATION DU CONGÉ; FICTION DE LA NOTIFICATION; RÉSILIATION ABUSIVE; PROLONGATION DU BAIL À LOYER; BAIL À LOYER
Normes : CO.273.1; CO.271; CO.272.1; CO.272b.1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5393/2011 ACJC/1552/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de baux et loyers

DU MERCREDI 17 DECEMBRE 2014

 

Entre

Monsieur A______, p.a. ______, ______, Genève, appelant et intimé sur appel formé par Madame B______, d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 29 novembre 2013, comparant par Me Jean-Yves Schmidhauser, avocat, place des Philosophes 8, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

Madame B______, domiciliée ______, Genève, intimée et appelante, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 29 novembre 2013, expédié pour notification aux parties par plis du 2 décembre 2013, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a, notamment, déclaré recevables les contestations de congé formées le 14 mars 2011 par B______ (ch. 1 du dispositif), déclaré valables les congés notifiés à B______, par avis officiels du 24 janvier 2011, concernant l'appartement de 4 pièces au ______ème étage de l'immeuble ______ à Genève, ainsi que le local n° ______ situé au sous-sol du même immeuble (ch. 2), et octroyé à B______ une unique prolongation de bail de 23 mois pour l'appartement et de quatre ans pour le local, échéant chacune au 31 décembre 2015 (ch. 3).

B. a. Par acte expédié par la poste le 17 janvier 2014, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite la réforme en ce sens, principalement, que les contestations de congé formées le 14 mars 2011 sont déclarées irrecevables et subsidiairement à ce qu'aucune prolongation de bail ne soit accordée à B______.

b. Par acte déposé le 20 janvier 2014 au greffe de la Cour de justice, B______ forme appel de ce jugement, concluant principalement à l'annulation des résiliations de bail du 24 janvier 2011 pour l’appartement et pour le local situé au sous-sol, et subsidiairement à l'octroi d'une prolongation de bail au 31 janvier 2018.

c. Chacune des parties a déposé, en date du 20 février 2014, un mémoire de réponse par lequel elles concluaient au rejet de l'appel de leur partie adverse.

d. Par courrier du 17 mars 2014, B______ a indiqué à la Cour qu'un appartement situé à côté du sien venait de se libérer et qu'il aurait pu être offert au fils du bailleur. Elle a produit à ce sujet un échange de correspondances avec le bailleur, datant de février et mars 2014.

e. A______ s'est déterminé à ce sujet par écritures du 28 mars 2014, produisant également plusieurs pièces nouvelles.

Les parties ont été informées le 15 avril 2014 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier de la cause :

a. Depuis le 16 janvier 2001, C______ et B______ ont conclu, en tant que locataires, un contrat de bail à loyer portant sur un appartement situé au ______ème étage de l'immeuble ______ à Genève. Conclu pour une durée initiale de cinq ans et quinze jours, soit jusqu'au 31 janvier 2006, le bail est ensuite renouvelé tacitement d'année en année, le préavis de résiliation étant de quatre mois.

b. Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé en dernier lieu à 26'256 fr. et les charges à 1'980 fr.

c. Les parties ont également conclu un bail portant sur un local n° ______ situé au sous-sol du même immeuble. Le contrat correspondant n'a pas été produit.

d. La locataire est née le ______ 1940 et dispose de revenus annuels modestes 32'250 fr.

L'époux de B______ est décédé en juin 2006. Les parties ont dès lors convenu que celle-ci serait dès 2008 seule titulaire des contrats de bail.

e. Par avis du 26 août 2008, l'échéance du bail de l'appartement a été portée au 31 janvier 2014, le contrat se renouvelant ensuite tacitement d'année en année.

f. Entre novembre 2009 et fin août 2010, B______ a sous-loué son logement, avec l'accord du bailleur, à D______.

g. Par avis séparés du 24 janvier 2011, A______ a résilié le bail de l'appartement pour le 31 janvier 2014, et celui du local en sous-sol pour le 31 décembre 2011. Les lettres accompagnant ces avis indiquaient que les baux étaient résiliés car le fils du bailleur souhaitait occuper personnellement l'appartement.

h. Ces deux résiliations ont été adressées par plis recommandés. Selon les services "track and trace" de la poste, les avis de retrait ont été déposés dans la boîte aux lettres de B______ le 26 janvier 2011, et les plis mis à sa disposition à l'office de poste le 27 janvier 2011.

i. B______ n'est pas allée chercher ces plis à la poste, qui les a donc retournés à l'expéditeur le 3 février 2011.

j. Le 28 février 2011, le bailleur a adressé par courrier simple à B______ une copie des avis de résiliation et des lettres du 24 janvier 2011 qui n'avaient pas été retirés à l'office de poste.

k. La locataire a indiqué avoir pris connaissance des deux résiliations le 1er mars 2011.

l. Elle a contesté ces congés le 14 mars 2011 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, concluant à leur annulation et à l'octroi d'une prolongation du bail.

Elle a indiqué dans ses écritures du 14 septembre 2011 au Tribunal avoir été "régulièrement" invitée chez ses enfants depuis le décès de son mari. Elle a précisé qu'elle s'était rendue chez un de ses fils en Allemagne "pour s'occuper de ses petits-enfants de Noël 2010 à février 2011", puis qu'elle était ensuite partie "se reposer chez des amis à Megève". Elle était par conséquent absente de Genève au moment de la notification des congés litigieux.

m. Dans une attestation rédigée le 9 août 2011, C______, fils aîné de B______, a déclaré qu'entre juillet 2008 et fin janvier 2011, sa mère avait vécu successivement auprès de ses trois fils, à savoir soit à Stuttgart, soit à Atlanta, aux Etats-Unis, soit à Megève en France. Il a précisé que l'intéressée avait vécu chez lui entre septembre 2010 et fin janvier 2011, puis qu'elle était ensuite retournée à Genève et à Megève.

n. Entendue par le Tribunal à l'audience des débats du 19 décembre 2011, B______ a déclaré ce qui suit :

"Depuis septembre 2010, j’ai effectué divers déplacements. Lorsque ceux-ci étaient d'une certaine durée, j'avais donné procuration à une amie pour relever mon courrier. En janvier 2011, je suis partie à Stuttgart suite à l'opération de ma belle fille, épouse de mon fils qui vit aujourd'hui à Paris mais qui alors vivait en Allemagne. Ce séjour était prévu pour une semaine seulement et je n'ai donc pas pris de disposition pour mon courrier. Suite aux complications de l'opération et au fait que j'ai attrapé une pneumonie, j'ai dû rester sur place jusqu'à fin février 2011. Je n'ai rien fait pour que mon courrier soit relevé. Mon amie qui avait la procuration était à Megève durant cette période et cela n'aurait servi à rien que je l'appelle."

o. Par jugement JTBL/96/2012 du 30 janvier 2012, le Tribunal a déclaré les contestations de congés tardives et donc irrecevables. Il a considéré qu'en s'absentant de Genève pendant plus de sept jours au début de l'année 2011 sans prendre de dispositions pour assurer la réception de son courrier, la locataire avait pris le risque, en application de la théorie de la réception absolue, de se voir opposer la notification d'actes qu'elle n'avait en réalité pas reçus. Les congés du 24 janvier 2011 étaient dès lors réputés lui avoir été valablement notifiés le 27 janvier 2011. Les requêtes en contestation de congé déposées le 14 mars 2011 étaient dès lors, selon les premiers juges, tardives.

p. Par arrêt du 30 août 2012, la Cour de justice a annulé ce jugement et renvoyé la cause au Tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

La Cour de justice a relevé, dans cet arrêt, que le Tribunal fédéral avait rendu un arrêt du 23 mars 2006 selon lequel la fiction de la notification ne s'applique pas à un administré qui s'est absenté durant cinq semaines pour cause de vacances sans prendre de mesures pour assurer la réception de son courrier, alors qu'il était sans nouvelles depuis trente-cinq mois de l'autorité devant laquelle son recours était pendant (arrêt du Tribunal fédéral 2P.120/2005 consid. 5). Observant qu'en janvier 2011, aucune circonstance ne permettait à la locataire de supposer que son bailleur allait prochainement lui notifier une résiliation de son bail, la Cour a considéré que la locataire n'était tenue de prendre des mesures pour assurer la réception de son courrier que si elle s'absentait pour une longue durée, une période de cinq semaines n'étant pas considérée comme telle. Il convenait dès lors de déterminer si, au moment de partir pour l'Allemagne, B______ avait ou non l'intention de séjourner à Stuttgart pour une durée qui aurait justifié qu'elle prenne, avant son départ, des mesures adéquates pour assurer la réception de son courrier.

q. A la suite du renvoi de la cause en première instance, le Tribunal a procédé à l'audition des parties, ainsi que de cinq témoins. C______ et son épouse E______, ont été convoqués à deux reprises pour être entendus comme témoins, les 10 juin 2013 et 7 octobre 2013, mais ne se sont pas présentés.

Le témoin F______ a notamment déclaré ce qui suit :

"Je suis une amie de Mme B______ depuis environ 17 ans. Lorsque Mme B______ s'absente pour longtemps, c'est-à-dire plus d'une semaine, elle me laisse les clés de son appartement et de sa boîte aux lettres. S'il y a un recommandé, je dispose d'une procuration pour le retirer.

Je me souviens que fin 2010 / début 2011 (je ne me souviens pas de la date précise) elle est partie pour Stuttgart pour un séjour à priori bref mais qui s'est prolongé. Elle ne m'a rien dit de spécial puisque précisément, vu la durée brève initialement prévue du séjour, il n'était pas nécessaire que j'aille chercher son courrier.

Elle est partie là-bas parce que sa belle-fille devait subir une opération apparemment anodine mais qui s'est compliquée, ce qui a rendu nécessaire que le séjour de Mme B______ soit prolongé pour qu'elle s'occupe de ses petits-enfants."

De son côté, le témoin G______, fils du bailleur, a exposé être âgé de 26 ans et avoir obtenu un bachelor en sciences politiques en 2011. Parallèlement à ses études, il effectuait un stage de commerce et espérait être engagé en fixe à la fin de ses études. Son amie, du même âge que lui et qu'il connaissait depuis sept ou huit ans vivait, comme lui, chez ses parents, et réalisait un revenu mensuel de 5'000 fr. à 6'000 fr. Ils souhaitaient désormais devenir indépendants et emménager ensemble. Il savait que l'appartement de la locataire était un quatre pièces avec mezzanine d'environ 85 m2 au loyer d'environ 2'400 fr., montant qu'ils pouvaient assumer à deux. Selon son père, les autres appartements étaient trop grands pour un jeune couple. Lui-même n'était propriétaire d'aucun bien immobilier. Il lui était important de vivre au centre-ville, compte tenu de son lieu de travail et de celui de son amie.

Réentendue par le Tribunal à l'audience du 22 avril 2013, B______ s'est exprimée de la manière suivante :

"Le Tribunal me demande si je ne me suis pas inquiétée de la prolongation de mon séjour à Stuttgart par rapport à mon courrier à Genève. Je réponds que non puisque toutes mes factures avaient été payées et que je n'attendais rien de spécial. En plus, il n'y avait pas moyen de permettre à F______ de pénétrer chez moi puisque je ne lui avais pas remis les clés auparavant. Je ne pouvais pas non plus lui envoyer la clé de ma boîte aux lettre par la poste puisque chaque jour, je pensais pouvoir quitter l'Allemagne deux jours plus tard. Mais au lieu de s'améliorer de jour en jour, la santé de ma belle-fille se détériorait."

r. Dans son jugement du 29 novembre 2013, le Tribunal a considéré, sur la base du témoignage de F______, que B______ était partie de Genève pour Stuttgart fin 2010-début 2011, pour un séjour qui n'était initialement pas prévu pour une durée supérieure à cinq semaines. Dans ces circonstances, on ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir donné les instructions nécessaires pour qu'une tierce personne puisse aller relever son courrier à la poste.

Pour le surplus, les congés ont été considérés comme valables puisque la réalité du motif invoqué par le bailleur avait été démontrée.

Faisant la balance des intérêts contradictoires, les premiers juges ont accordé une unique prolongation de bail échéant au 31 décembre 2015, pour l'appartement et pour le local en sous-sol.

s. L'argumentation des parties sera examinée ci-après dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1).

En l'espèce, compte tenu d'un loyer annuel de 28'236 fr., charges comprises de l'appartement, la valeur minimale de 10'000 fr. est atteinte. La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 Selon l'art. 311 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision. Ce délai ne court pas du 18 décembre au 2 janvier inclus (art. 145 al. 1 let. c CPC).

En l'occurrence, le jugement frappé d'appel a été communiqué aux parties par plis du 2 décembre 2013, reçu le lendemain par les appelants; compte tenu de la suspension du délai pendant la période des fêtes de fin d'année, le délai d'appel de trente jours prenait fin le samedi 18 janvier 2014, de sorte que l'échéance a été reportée au premier jour ouvrable utile (art. 142 al. 3 CPC). Les deux appels ont ainsi été déposés en temps utile. Ils répondent par ailleurs aux exigences de forme requises par la loi, de sorte qu'ils sont recevables.

1.3 Par économie de procédure, les deux appels seront traités dans le même arrêt (art. 125 CPC).

1.4 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, n. 6 ad art. 317 CPC).

Les novas proprement dits sont ceux survenus ou découverts depuis les délibérations de première instance et sont recevables s'ils sont invoqués sans retard, alors que les novas improprement dits sont admis uniquement s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise; ils doivent en outre être amenés sans retard au procès.

En l'espèce, les pièces produites par la locataire en appel portent sur un échange de correspondances relatif à un appartement décrit comme vacant, situé sur le même palier que le logement litigieux. Dans la mesure où il se rapporte à des événements survenus postérieurement à la notification du jugement de première instance, cet échange de courriers porte sur des faits à qualifier de novas proprement dit, de sorte que les pièces correspondantes sont recevables.

Quant aux pièces produites par le bailleur avec ses écritures du 28 mars 2014, elles ont pour but de contrecarrer le nouvel argument de la locataire basé sur la libération récente de l'appartement voisin. On ne saurait dès lors reprocher au bailleur de ne pas avoir fait preuve de toute la diligence requise. Les pièces correspondantes sont par conséquent également recevables, au regard de l'art. 317 al. 1 CPC.

2. 2.1 L'appelant A______ reproche aux premiers juges d'avoir retenu que B______ était partie de Genève pour Stuttgart à la fin 2010 ou au début 2011, pour un séjour de relativement courte durée. L'appelant soutient que les déclarations du témoin F______ étaient très imprécises s'agissant des dates de départ et de retour à Genève de l'intéressée. Il fait valoir que d'autres éléments du dossier, soit en particulier l'attestation écrite signée par le fils de la locataire, ainsi que le contenu des écritures de celle-ci, démontreraient une absence de Genève pour une période beaucoup plus longue. Les propos de la locataire sur la durée de son séjour en Allemagne, en relation avec une opération chirurgicale subie par sa belle-fille, seraient incohérents, voire contradictoires, alors que c'est sur elle que reposerait le fardeau de la preuve. L'appelant fait également valoir que B______ aurait dû prendre des mesures particulières, lorsqu'elle a constaté que son absence de Genève se prolongeait. Il affirme enfin que le séjour de l'intimée en Allemagne s'est terminé à fin janvier 2011 et non à fin février 2011, et qu'elle aurait pu prendre connaissance des résiliations litigieuses dès le tout début février 2011.

2.2 En relation avec la bonne application de l'art. 273 CO, le Tribunal a considéré, à juste titre, qu'à la suite de l'arrêt du 30 août 2012 de la Cour de céans, la seule question à élucider, sous l'angle de l'établissement des faits, portait sur la durée initialement prévue de l'absence de la locataire, au moment où celle-ci avait décidé de quitter Genève pour Stuttgart à la fin 2010 ou au début 2011. A ce sujet, il n'a pas échappé aux premiers juges que le fils de B______ a attesté par écrit que l'intéressée avait vécu avec lui et sa famille, en Allemagne, entre septembre 2010 et la fin janvier 2011. Cette affirmation est toutefois contredite, au moins partiellement, d'une part par les déclarations de la locataire devant le Tribunal, en date du 19 décembre 2011, qui a indiqué être partie à Stuttgart en janvier 2011 et y être restée "jusqu'à fin février 2011". D'autre part, le témoin auditionné le 22 avril 2013, amie de B______ depuis environ dix-sept ans, a exposé que cette dernière était partie pour Stuttgart "fin 2010/début 2011 (…) pour un séjour a priori bref mais qui s'est prolongé". Selon ce témoin, la durée de ce séjour en Allemagne était censée être courte, de sorte qu'aucune mesure particulière n'a été mise en place pour la réception de son courrier.

S'il est vrai que les éléments de preuve réunis en première instance ne sont pas entièrement concordants, il était justifié et adéquat de se référer prioritairement aux déclarations d'un témoin assermenté, qui a pu faire l'objet d'une audition directement par le Tribunal, plutôt que sur un écrit établi par le fils de la locataire, sans que celui-ci ait pu être entendu par les premiers juges. Les déclarations du témoin F______ viennent de plus corroborer les propos de la principale intéressée qui indiquait en décembre 2011 au Tribunal être partie en janvier 2011 à Stuttgart pour un séjour "prévu pour une semaine seulement".

Dans ces conditions, il convient d'admettre, avec les premiers juges, que la locataire a quitté Genève pour l'Allemagne entre la fin 2010 et le début 2011, pour un séjour qui n'était pas prévu pour une durée supérieure à cinq semaines. Au contraire, cette absence ne devait s'étendre que sur une, voire peut-être deux semaines, et ne s'est prolongée qu'en raison de circonstances non prévues initialement.

2.3 Dans la mesure où la durée de son absence de Genève n'était pas prévue pour s'étendre au-delà de deux semaines, on ne saurait, dans le cas d'espèce, reprocher à la locataire de ne pas avoir pris de mesures particulières lorsqu'elle a constaté que son absence se prolongeait. En effet, l'intéressée a indiqué s'être vue contrainte de prolonger son séjour à l'étranger, compte tenu notamment d'une pneumonie qu'elle y aurait contractée. Comme elle l'a déclaré devant le tribunal, elle pensait chaque jour être en mesure de quitter l'Allemagne dans un court délai, sans que cela ne soit possible avant la fin février 2011 (procès-verbal de l'audience du 22 avril 2013, p. 6). C'est dès lors en vain que l'appelant A______ affirme que la locataire aurait dû mettre en place des mesures de représentation afin de pouvoir prendre connaissance du courrier qui lui était adressé à Genève. En effet, sur la base des éléments réunis en première instance, la locataire ne pouvait pas s'attendre, même au cours de son séjour en Allemagne, à ce que la suite de son absence de Genève dure encore plusieurs semaines.

Par conséquent, la durée de l'absence de la locataire, telle qu'elle était prévisible au moment de son départ de Genève, en janvier 2011, ne justifiait pas qu'elle prenne des mesures particulières pour assurer la réception de son courrier. Il faut dès lors considérer que le délai de trente jours prescrit par l'art. 273 al. 1 CO a commencé à courir, en l'espèce, dès le jour où la locataire a pu concrètement prendre connaissance des avis de résiliations, à savoir dès la fin février 2011. Les contestations de congé, déposées le 14 mars 2011, l'ont donc été en temps utile.

3. 3.1 Dans son appel, la locataire conteste la validité des congés. Selon elle, le motif invoqué par le bailleur ne constituerait qu'un prétexte, le véritable but du propriétaire étant de relouer l'appartement à un loyer plus élevé. Elle relève que ses moyens financiers sont modestes et que son centre de vie est resté à Genève, en dépit de ses fréquents déplacements. Les résiliations démontreraient une disproportion manifeste des intérêts en présence, en sa défaveur.

3.2 Aux termes de l'art. 271 CO, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi.

Est contraire aux règles de la bonne foi une résiliation qui ne correspond à aucun intérêt digne de protection et apparaît comme une chicane, ou qui consacre une attitude déloyale. L'article 271 al. 1 CO n'exige pas l'abus manifeste d'un droit au sens de l'article 2 al. 2 CC.

Le but de la loi est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives; un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du simple fait que l'intérêt du locataire au maintien du bail parait plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin. Seule une disproportion manifeste des intérêts en présence, due au défaut d'intérêt digne de protection du bailleur, peut rendre une résiliation abusive (arrêt du Tribunal fédéral 4A_414/2009 du 9 décembre 2009, et les références citées).

Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut par conséquent pas procéder à la pesée des intérêts du bailleur (intérêt à récupérer son bien) et ceux du locataire (à rester dans les locaux loués); la comparaison entre les intérêts n'intervient que dans le cadre d'une requête en prolongation du bail. Il est donc sans pertinence, pour statuer sur l'annulation du congé, de savoir si l'intérêt du locataire à se maintenir dans les lieux est plus grand que l'intérêt du bailleur à le voir partir (arrêt du Tribunal fédéral 4A_167/2012 du 2 août 2012).

Un congé donné par un bailleur qui entend disposer des locaux pour lui-même ou les mettre à disposition de membres de sa famille ou de proches ne contrevient pas aux règles de la bonne foi, même si le besoin invoqué n'est ni immédiat, ni urgent. On ne saurait en effet imposer au propriétaire d'attendre le moment où le besoin se concrétise, compte tenu du temps habituellement nécessaire pour récupérer effectivement un appartement après une résiliation. Même le fait qu'un bailleur soit propriétaire de plusieurs immeubles n'implique pas nécessairement que la résiliation d'un contrat de bail pour ses besoins propres soit contraire aux règles de la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 4A_130/2008 du 26 mai 2008).

Le Tribunal fédéral a considéré que le motif de permettre à son enfant, qui vient de terminer ses études, de quitter le domicile de ses parents pour emménager dans un appartement avec son compagnon a le pas, s'il est avéré, sur l'intérêt du locataire à continuer d'occuper le logement pris à bail, la question d'une éventuelle prolongation du bail étant réservée (arrêt du Tribunal fédéral 4C_17/2006 du 27 mars 2006).

Il appartient au destinataire du congé de démontrer que celui-ci contrevient aux règles de la bonne foi; la partie qui résilie a seulement le devoir de contribuer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par elle. Celui qui donne le congé doit ainsi au moins rendre vraisemblables les motifs du congé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_518/2010 du 16 décembre 2010).

3.3 Les juges du Tribunal ont constaté que depuis le début de la procédure, le bailleur avait fait valoir le besoin de son fils à se reloger. Ce motif n'a pas varié depuis début 2011 et aucun élément substantiel n'est venu remettre en cause la réalité de cet objectif. En particulier, le fils du bailleur a été entendu comme témoin et a pu confirmer son souhait d'emménager dans l'appartement litigieux avec sa compagne. Il a indiqué que l'appartement répondait à leurs besoins, tant sur le plan financier qu'en terme de surface habitable et de situation géographique. L'emplacement au centre-ville constituait un critère important pour leur couple, compte tenu de leurs lieux de travail respectifs.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, rien ne vient entamer la crédibilité des déclarations de ce témoin. Il n'était dès lors pas nécessaire d'ordonner la production de pièces complémentaires, susceptibles par exemple de confirmer la situation financière ou professionnelle du jeune couple. L'appelante n'a d’ailleurs pas sollicité la production de documents particuliers, de la part du bailleur, en première instance.

Quant au fait que le bailleur est également propriétaire d'autres appartements, la jurisprudence a déjà considéré qu'il n'implique pas nécessairement que la résiliation du bail soit contraire aux règles de la bonne foi (cf. not. ACJC/1273/2005 du 14 novembre 2005). En l'espèce, le bailleur a exposé en appel de manière convaincante que l'appartement qui s'était libéré au début 2014 dans le même immeuble comportait six pièces, sur une superficie d'environ 160 m2. Il était donc trop grand pour répondre aux besoins d'un jeune couple sans enfant.

Il n'existe pas davantage de disproportion manifeste entre les intérêts divergents des co-contractants. Ainsi, la locataire ne dispose certes que de revenus modestes, mais elle est néanmoins en mesure de s'acquitter d'un loyer de plus de 2'000 fr. par mois, hors charges. Il est également justifié de tenir compte de ses séjours relativement fréquents à l'étranger, comme l'ont fait les premiers juges.

Les résiliations litigieuses ne sont dès lors pas contraires aux règles de la bonne foi, ce qui conduit à confirmer leur validité.

4. 4.1 Les parties s'opposent au sujet de l'application de l'art. 272 CO. Le bailleur considère que l'appréciation des intérêts en présence ne permettait pas aux premiers juges d'accorder à la locataire une prolongation jusqu'au 31 décembre 2015. Il relève que les congés ont été donnés presque quatre ans avant l'échéance du 31 décembre 2014 et que la locataire n'a effectué que peu de démarches en vue de se reloger. Selon lui, le besoin de son fils de pouvoir disposer du logement ici en cause serait désormais urgent, compte tenu de son âge actuel, soit 27 ans.

Pour sa part, la locataire qualifie la prolongation accordée par le Tribunal d'"insuffisante". Elle relève que le canton de Genève subit une forte pénurie de logements et que ses revenus modestes l'empêchent de retrouver un appartement de remplacement. Compte tenu de son âge et de ses difficultés personnelles, il convient de lui accorder une prolongation de longue durée.

4.2 Aux termes des art. 272 al. 1 et 272b al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail d'habitation pour une durée de quatre ans au maximum, lorsque la fin du contrat aurait pour lui des conséquences pénibles et que les intérêts du bailleur ne les justifient pas. Dans cette limite de temps, le juge peut accorder une ou deux prolongations.

Le juge apprécie également librement, selon les règles du droit et de l'équité, s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement. Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 136 III 190 consid. 6 p. 195; 135 III 121 consid. 2 p. 123; 125 III 226 consid. 4b p. 230). Il peut tenir compte du besoin plus ou moins urgent pour le bailleur de voir partir le locataire (ATF 136 III 190 consid. 6 p. 196). Peuvent aussi être pris en considération le délai entre la notification de la résiliation et l'échéance du bail, et les efforts déployés par le locataire pour trouver des locaux de remplacement dans cet intervalle. Les exigences doivent toutefois être relativisées dans la mesure où le congé est contesté (arrêt du Tribunal fédéral 4A_454/2012 du 10 octobre 2012 consid 3.3).

Lorsque la situation ne paraît pas de nature à évoluer, il n'y a pas de violation du droit fédéral à fixer d'emblée une unique prolongation, plutôt que d'envisager deux prolongations successives (arrêt du Tribunal fédéral 4A_735/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.5).

Pour déterminer la durée de la prolongation, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 135 III 121 consid. 2 p. 123 s.).

4.3 En l'espèce, la locataire occupe l'appartement depuis 2001 et dispose de revenus modestes. Eu égard au faible taux de vacance des logements dans le canton, il n'est pas aisé d'en retrouver un après échéance. De plus, l'intéressée est âgée. Il y a toutefois également lieu d'observer qu'à l'appui de son affirmation selon laquelle elle aurait recherché un nouveau logement, l'appelante ne démontre pas avoir effectué la moindre démarche, hormis une inscription à la Gérance immobilière municipale. Le besoin du bailleur de pouvoir reprendre possession de l'appartement litigieux est, d'un autre côté, établi, sans qu'il relève d'une urgence particulière. En définitive, une prolongation unique du bail au 31 décembre 2015, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, constitue le résultat d'une judicieuse balance des intérêts et peut être confirmée.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers. (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

6. Le loyer annuel s'élevant à 28'236 fr., charges comprises, la valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. d LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables les appels formés les 17 janvier 2014 par A______, d'une part, et le 20 janvier 2014 par B______, d'autre part, contre le jugement JTBL/1371/2013 rendu le 29 novembre 2013 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/5393/2011-5-OSB.

Au fond :

Confirme le jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Monsieur Pierre DAUDIN et Monsieur Alain MAUNOIR, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 


Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.