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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/10886/2019

ACJC/1352/2022 du 17.10.2022 sur JTBL/553/2021 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/10886/2019 ACJC/1352/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 17 OCTOBRE 2022

 

Entre

 

SI A______ SA, sise ______[GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 11 octobre 2021, comparant par Me Pierre BANNA, avocat, rue Verdaine 15, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

 

et

 

1) Madame B______, domiciliée ______[GE], intimée, représentée par l'ALSOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

2) Madame C______, domiciliée ______[GE], autre intimée, comparant en personne.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/553/2021 du 11 octobre 2021, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des baux et loyers a constaté l'inefficacité du congé notifié à B______ et C______ par SI A______ SA par avis officiel du 17 avril 2019 pour le 31 mai 2019 concernant l'appartement de deux pièces au 1er étage de l'immeuble sis 1______ à Genève (chiffre 1 du dispositif), a annulé le congé notifié à B______ et C______ par SI A______ SA par avis officiel du 17 avril 2019 pour le 29 février 2020 (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 11 novembre 2021 au greffe de la Cour de justice, SI A______ SA forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Elle produit six pièces nouvelles à l'appui de son appel.

b. Dans sa réponse du 17 décembre 2021, B______ conclut à la confirmation du jugement entrepris.

c. SI A______ SA a répliqué le 24 janvier 2022 et B______ a dupliqué le 7 mars 2022, les parties persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 10 mars 2022 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. En date du 28 février 2002, D______, alors propriétaire, et G______ et C______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de deux pièces situé au 1er étage de l'immeuble sis 1______, à Genève.

b. Le contrat a été conclu pour une durée d'une année, du 1er mars 2002 au 28 février 2003, renouvelable ensuite tacitement d'année en année.

Le loyer annuel, a été fixé par le contrat à 9'900 fr., provisions pour charges en 900 fr. en sus.

Les locaux étaient destinés à l'usage d'habitation privée des locataires.

c. Par courrier du 25 mars 2008 valant avenant au contrat de bail, E______ AG (ci-après : la régie) a informé les locataires qu'elle était mandatée pour reprendre la gérance de l'immeuble depuis le 1er mars 2008, SI A______ SA étant la nouvelle propriétaire de celui-ci.

d. Par avenant du 22 juin 2011 entre, d'une part, C______, F______, G______, H______ et B______, désignés comme « locataires » et, d'autre part, E______ AG, désignée comme « bailleur », les parties ont convenu qu'à la suite de son départ de l'appartement, F______ était libéré des obligations découlant du bail avec effet rétroactif au 1er janvier 2011. En outre, dès le 1er janvier 2011, le contrat de bail poursuivait ses effets aux noms de C______ et B______. Enfin, G______ n'étant plus caution solidaire, à dater du 1er janvier 2011, H______ se portait caution solidaire.

e. Par courrier du 23 août 2017, quatre habitants de l'immeuble (soit I______, J______, K______ et L______) se sont plaints à la régie des nuisances sonores nocturnes (musique forte, cris à tue-tête, discussions avinées) de la part de B______ et de ses hôtes. Ils précisaient lui avoir demandé à plusieurs reprises de baisser le son, sans effets. La police était intervenue le jour-même vers 01h30 à leur demande, les policiers menaçant B______ de l'amender s'ils devaient revenir.

f. Le 4 septembre 2017, la régie a accusé réception de ce courrier et informé ses signataires qu'elle écrivait à B______ pour que cessent immédiatement ses comportements inacceptables et irrespectueux vis-à-vis de ses voisins.

Le même jour, elle a fait part de ces plaintes à B______ et C______ et leur a rappelé le règlement d'immeuble ainsi que leur devoir de diligence vis-à-vis des autres habitants de l'immeuble, les priant de cesser immédiatement es bruits excessifs et répétés qu'elles généraient.

g. En date du 19 octobre 2017, les quatre signataires du courrier du 23 août 2017, auxquels s'était joint M______, se sont à nouveau plaints à la régie de nuisances sonores causées par B______ la nuit précédente qui les avait amenés à appeler la police, laquelle était intervenue. Par la suite, B______ avait proféré des insultes à son balcon et augmenté le niveau sonore.

h. Le 10 novembre 2017, la régie a mis en demeure B______ et C______ de cesser immédiatement de manquer d'égards envers leurs voisins par des bruits excessifs, faute de quoi le bail pourrait être résilié avec effet immédiat.

Le même jour, elle a informé les voisins de la mise en demeure adressée à B______, les priant de l'avertir sans délai et par écrit si aucun changement ne devait être constaté.

i. Le 23 janvier 2018, les cinq mêmes voisins se sont plaints à la régie de nouvelles nuisances sonores (musique « à fond » et hurlements) causées par B______ dans la nuit du 21 janvier 2018.

j. Par courrier du 2 mai 2018, la régie a imparti aux locataires un délai au 20 mai 2018 pour lui fournir l'identité des personnes habitant l'appartement.

k. Le 18 mai 2018, B______ a confirmé à la régie vivre seule dans l'appartement, C______ n'y habitant plus.

l. Par courrier du 12 juin 2018 à la régie, C______ a fait part de son souhait de se départir du bail avec effet immédiat.

m. La régie a répondu le 3 juillet 2018 en fixant aux locataires un délai au 15 juillet 2018 pour lui faire parvenir des documents concernant B______ et H______ afin de pouvoir examiner la demande de changement de titulaire du bail.

n. B______ a indiqué le 9 juillet 2018 à la régie que le délai était trop court et qu'elle ne pourrait pas traiter correctement cette demande avant le 15 septembre 2018.

o. Par courrier du 12 septembre 2018, B______ et H______ ont sollicité de la bailleresse la rénovation de l'appartement sans hausse de loyer.

p. Dans sa réponse du 19 septembre 2018, la régie a rappelé qu'après l'avertissement et la mise en demeure de l'automne 2017, elle attendait depuis le mois de juillet 2018 les documents relatifs à la solvabilité de B______ et H______ afin de pouvoir éventuellement donner suite à la demande du 12 juin 2018 de C______. Elle mettait donc les locataires en demeure de transmettre ces documents au plus tard le 30 septembre 2018, faute de quoi le bail pourrait être résilié en application de l'article 257f al. 3 CO.

Par pli du lendemain, elle a relevé que la demande de travaux n'était pas signée par C______, pourtant titulaire du bail, et qu'elle restait dans l'attente des documents demandés à B______ et H______. La demande ne pourrait donc être traitée que lorsque la situation administrative serait réglée en totalité.

q. Par courrier du 27 septembre 2018, B______ a adressé à la bailleresse les documents demandés. Il en ressort que la précitée faisait l'objet de 19 actes de défaut de biens, qu'elle était prise en charge par l'Hospice général et percevait des prestations cantonales en cas de maladie. H______ faisait pour sa part l'objet d'une poursuite et réalisait un revenu mensuel brut de 8'369 fr.

Constatant que B______ bénéficiait de prestations sociales et ayant besoin d'informations supplémentaires sur H______, le 12 octobre 2018, la régie a envoyé aux locataires un formulaire de candidature à lui retourner dûment complété.

r. Par courrier électronique du 12 mars 2019, N______, locataire du 2ème étage, s'est plaint à la régie du bruit causé la veille par sa voisine du dessous, B______, qui avait fait la fête jusqu'à 7h du matin. Compte tenu de la faible isolation phonique intérieure de l'immeuble, les bruits de musique et les discussions l'avaient empêché de dormir et il le lui avait signalé le lendemain soir à B______. Cette situation n'était pas très fréquente, mais c'était la deuxième fois qu'il intervenait.

s. Par courrier du 24 mars 2019, M______, K______ et J______, sans se référer à un événement particulier, se sont plaints à la régie du bruit de B______, indiquant subir régulièrement des nuisances sonores de sa part entre 23h00 et 6h00 du matin, celle-ci utilisant « son logement comme une boîte de nuit », et avoir dû appeler la police à plusieurs reprises. Ces nuisances recommençaient inlassablement.

t. Par pli du 3 avril 2019 reçu le 10 avril 2019, la régie, se référant à l'avertissement du 4 septembre 2017 et à la mise en demeure du 10 novembre 2017, a mis en demeure les locataires de cesser immédiatement leurs bruits excessifs (musique forte, cris, discussions) émanant de l'appartement jusqu'au matin, faute de quoi le bail pourrait être résilié avec effet immédiat.

u. Par courrier du lendemain, la régie a indiqué n'être pas encore disposée à prendre une décision au sujet de la libération contractuelle de C______ vu les événements survenus le mois précédent. Elle précisait qu'elle reprendrait contact avec les locataires pour autant que la situation s'améliore.

v. Le 11 avril 2019, J______ a téléphoné à la régie pour se plaindre d'avoir été réveillée en sursaut la nuit précédente par B______ qui rentrait dans son appartement, accompagnée de cinq personnes vraisemblablement alcoolisées et fumant des joints. Lorsqu'elle appelait la police, celle-ci l'invitait à contacter la régie pour régler le problème, motif pris de ce qu'elle car elle ne pouvait intervenir pour ce genre de plaintes.

w. Par avis du 17 avril 2019, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 mai 2019 et, subsidiairement, pour le 29 février 2020.

x. Par courrier électronique du 17 avril 2019 au soir, confirmant ce qu'il avait communiqué précédemment par téléphone, L______ a signalé à la régie que dans la nuit du 10 au 11 avril 2019, il avait subi une « énième » nuit de musique forte de la part de B______. Il espérait que la régie ferait le nécessaire pour qu'il puisse dormir.

y. Par requêtes du 13 mai 2019 dirigées contre la bailleresse et C______, déclarées non conciliées à l'audience de la Commission de conciliation du 26 août 2019 et portées devant le Tribunal le 30 août 2019, B______ a conclu, pour ce qui est du congé ordinaire (C/2______/2019), principalement à l'annulation de la résiliation et subsidiairement à l'octroi d'une prolongation de bail d'une durée de quatre ans durant laquelle elle serait autorisée à résilier le bail moyennant un préavis de 15 jours pour le 15 ou la fin d'un mois et, pour ce qui est du congé extraordinaire (C/10886/2019), principalement au constat de son inefficacité et subsidiairement à son annulation.

Elle a exposé que le congé ordinaire avait été notifié parce qu'elle avait fait valoir de bonne foi des prétentions découlant du bail en demandant des travaux le 12 septembre 2018. En ce qui concernait le congé extraordinaire, aucune des conditions de l'article 257f al. 3 CO n'était remplie et pour les deux congés, le motif évoqué n'existait pas.

z. Par ordonnance du 9 septembre 2019, le Tribunal a joint les causes C/10886/2019 et C/2______/2019 sous référence C/10886/2019 et imparti un délai à C______ et SI A______ SA pour répondre par écrit à la demande.

aa. C______ n'a pas répondu dans le délai imparti.

bb. Dans sa réponse du 4 octobre 2019, la bailleresse a conclu à la validation des congés ordinaire et extraordinaire et au déboutement des locataires des fins de leurs conclusions.

Elle a fait valoir que les congés avaient été notifiés en raison des nuisances sonores excessives de B______, qui n'avaient pas cessé malgré trois avertissements, rendant le maintien du bail insupportable. Le cas échéant, compte tenu des plaintes des autres locataires de l'immeuble, aucune prolongation de bail ne devait être accordée.

cc. Lors de l'audience du 8 novembre 2019, B______ s'est prévalue de la nullité du congé au motif qu'il avait été notifié par SI A______ SA alors qu'à teneur de l'avenant du 22 juin 2011, la bailleresse était E______ SA. Elle a également produit une pétition comportant neuf signatures récoltées les 28 mai et 10 septembre 2019, d'habitants de l'immeuble attestant de ce qu'ils n'avaient jamais été incommodés par B______ et n'avaient pas à se plaindre d'elle ni de quelconques nuisances sonores de sa part.

La bailleresse a produit un courrier électronique du 19 octobre 2019, par lequel J______ informait la régie que B______ avait à nouveau fait beaucoup de bruit dans la nuit du 17 au 18 octobre et qu'il avait fallu appeler la police.

Les parties ont persisté dans leurs conclusions à l'occasion des premières plaidoiries.

SI A______ SA a exposé qu'elle était bien propriétaire de l'immeuble et que E______ AG agissait comme représentante de la bailleresse. La précitée était la régie de SI A______ SA et elle ne savait pas pour quel motif elle s'était désignée comme « le bailleur » dans l'avenant du 22 juin 2011, ni pour quelle raison il n'était pas fait mention d'un rapport de représentation.

Interrogée par le Tribunal, B______ a déclaré qu'elle avait conscience d'avoir fait du bruit mais aurait aimé que les voisins viennent le lui dire. En effet, le voisin du dessus était venu une fois, en mars 2019, et elle avait baissé la musique; c'était la seule fois qu'un voisin s'était adressé à elle. La police était intervenue trois fois en 2017 et une quatrième fois le 17 octobre 2019; il n'y avait jamais eu de suites aux interventions de celle-ci et elle n'avait pas été amendée.

Lors de l'intervention de 2017, des personnes étaient présentes chez elle mais depuis, elle recevait beaucoup moins. N'ayant pas d'activité professionnelle, il lui arrivait d'être encore debout pendant la nuit, de faire des jeux avec des amis jusqu'à 2h ou 3h du matin et de recevoir des amis jusqu'au matin en écoutant de la musique mais pas à un niveau sonore élevé. Elle n'avait pas eu connaissance des courriers de plainte des voisins avant leur production dans la présente procédure et il était inexact qu'ils lui auraient demandé de « faire moins fort ». Lors de la dernière intervention de police, elle était avec deux amis avec lesquels elle regardait un film. Pour ce qui était du 10 avril 2019, il ne lui semblait pas possible d'avoir refait du bruit le soir-même de la réception de la mise en demeure car cela aurait donné raison aux personnes qui se plaignaient d'elle. Elle n'avait aucun souvenir de ce qu'elle aurait pu faire ou non ce soir-là.

En ce qui concernait l'isolation phonique de l'immeuble, elle la considérait correcte, entendant ses voisins lorsqu'ils allaient aux toilettes ou se douchaient, parfois un piano, mais pas chaque conversation de ses voisins, lesquels ne la dérangeaient pas. Sur les balcons, on entendait tout.

dd. Par courrier du même jour, SI A______ SA a explicité sa position, précisant que E______ AG avait toujours agi en qualité de représentante de la bailleresse en vertu de pouvoirs qui avaient été portés à la connaissance des locataires par le courrier d'avis de changement de propriétaire et de gérance du 25 mars 2008.

ee. Par ordonnances des 4 février et 6 juillet 2020, le Tribunal a statué sur les moyens de preuve sollicités par les parties.

ff. Neuf témoins ont été entendus par le Tribunal.

J______, habitante du rez-de-chaussée dont l'appartement est légèrement décalé par rapport à celui de B______, a déclaré que le tapage nocturne avait commencé deux ou trois ans auparavant. B______ invitait ses amis et le bruit commençait vers 23h pour durer toute la nuit jusqu'au lendemain en milieu de matinée voire plus tard. La musique était à un niveau sonore très élevé et les précités parlaient, criaient et adoptaient un comportement de fêtards. Elle ne s'était jamais adressée personnellement à B______ pour lui demander de faire moins de bruit mais avait appelé la police à plusieurs reprises, la dernière fois à la fin de l'été 2019. Le bruit avait cessé depuis le début de l'année 2020, il y en avait un peu de temps en temps mais sans commune mesure avec la situation qui prévalait auparavant. Elle n'avait jamais rédigé de lettre à la régie mais lui avait téléphoné à plusieurs reprises et envoyé un courrier électronique. C'est également elle qui appelait la police.

Le père de la témoin citée ci-dessus, M______, a déclaré qu'on entendait le bruit provenant de chez B______ depuis toutes les pièces de l'appartement mais principalement depuis la chambre de sa fille. Il s'agissait de bruit de paroles et de musique toute la nuit. Les nuisances avaient commencé deux ou trois ans auparavant et cela s'était arrêté depuis deux mois (septembre ou octobre 2020), grâce à l'intervention de la police qui était venue plusieurs fois, en tout cas deux ou trois fois à sa demande. Elle ne s'était jamais déplacée pour rien, constatant toujours le bruit présent dans les couloirs. Il ne s'était pas plaint du bruit directement à B______ car la police lui avait déconseillé d'aller vers elle, au motif qu'avec « les personnes droguées et alcoolisées avec la musique à fond à 4h du matin, cela finit toujours en bagarre » et « pas de contact avec les gens qui font du bruit, la police est là pour ça ». Il n'avait pas eu à se plaindre du bruit d'autres voisins et ne s'était pas plaint d'autre bruit à la régie que de celui de B______. Celle-ci recevait des gens et faisait du bruit toute la nuit.

Il a confirmé avoir personnellement assisté aux événements relatés dans le courrier du 19 octobre 2017, soit B______ proférant des insultes au balcon. Il a précisé que c'étaient les invités de B______ qui faisaient du bruit, principalement des hommes, et a ajouté que « lorsqu'une femme invite cinq ou six hommes chez elle, on se pose des questions », « lorsqu'on invite cinq ou six bonhommes dans un studio à 4h du matin, c'est qu'il y a un problème. On ne met pas de la musique à fond et on ne parle pas à tue-tête, c'est qu'on est alcoolisé et shooté » et « lorsqu'on vient à 4h du matin dans un studio ce n'est pas clair. Vous ne devez pas soutenir le vice. Il ne faut pas soutenir les gens qui viennent mettre la panique dans l'immeuble à 4h du matin ». Selon lui, B______ était dans l'immeuble depuis environ deux ans et sous-louait l'appartement dont le bail n'était pas à son nom. Il avait été surpris lorsque le conseil de la bailleresse lui avait indiqué qu'elle était dans l'immeuble depuis 12 ans. Sa femme téléphonait à la régie dès qu'un problème survenait dans l'immeuble; elle appelait pour se plaindre du bruit, de propreté de l'immeuble ou « un tas de trucs ».

L______, habitant du 1er étage de l'immeuble, dont l'appartement se situe à côté de celui de B______, avait eu à se plaindre d'elle une année auparavant. Il ne lui avait parlé qu'une seule fois à cause du bruit, de la musique forte, après 2h du matin, une à deux fois par semaine, pendant un à deux ans. Cela s'était arrêté environ un an auparavant. Il n'était gêné par personne d'autre dans l'immeuble que B______ et avait appelé une fois la régie pour se plaindre d'elle. Il n'était pas là lors de la nuit mentionnée dans le courrier du 19 octobre 2017 mais avait été gêné par le bruit de manière générale. Pour ce qui était de son courrier électronique du 17 avril 2019, il avait attendu une semaine pour se plaindre car dans l'intervalle, il y avait eu d'autres nuits avec de la musique. Il n'avait actuellement aucun problème avec B______ ou aucun autre voisin. Il entendait ses voisins du dessus, du dessous et à côté et ne pensait pas que l'immeuble fût bien insonorisé.

I______, habitante du 1er étage, a évoqué un problème de bruit depuis l'arrivée de B______ dans l'immeuble, auquel elle n'avait réagi qu'à partir de 2017. Elle ne s'était jamais plainte directement à B______ mais s'était toujours adressée à la régie, par courriers des 23 août et 19 octobre 2017 et 23 janvier 2018. Il n'y avait plus eu de bruit après sa dernière lettre à la régie, ce qu'elle avait confirmé à cette dernière en décembre 2018.

O______, habitant du 1er étage en face de celui de B______ et sans mur commun, a déclaré n'avoir eu aucun souci avec elle. Depuis son arrivée dans l'immeuble le 15 mars 2019, seul le bruit de ses voisins du dessus le gênait. L'insonorisation des murs n'était pas très bonne et il imaginait que s'il y avait du bruit chez B______, il l'entendrait. Selon lui, il n'y avait aucun tapage dans l'immeuble.

P______, habitante du 2ème étage de l'immeuble dont l'appartement est décalé par rapport à celui de B______ mais au-dessus de celui de la famille J/K/M______, a déclaré n'avoir jamais eu de problème avec elle. Personne ne la gênait dans l'immeuble, qui était ancien et dont l'isolation correspondait aux standards de l'époque.

Q______, habitante du rez-de-chaussée depuis 2016, dont l'appartement est exactement en-dessous de celui de B______, a déclaré ne jamais avoir eu de problème avec celle-ci et n'être pas gênée par du bruit dans l'immeuble. Elle considérait que les appartements étaient bien isolés et n'avait entendu qu'une seule fois une fête au-dessus de chez elle. Elle n'était alors pas montée se plaindre car cela ne l'avait pas dérangée.

R______, habitante du rez-de-chaussée, dont l'appartement n'est pas en-dessous de celui de B______, n'a jamais eu à se plaindre d'elle ni d'autres occupants de l'immeuble. Il y avait en revanche beaucoup de bruit à l'extérieur de l'immeuble, à cause de gens qui squattaient les alentours et causaient beaucoup de soucis, ce dont elle s'était déjà plainte à la régie. Elle entendait très rarement ses voisins.

S______, habitant du 2ème étage de l'immeuble, dont l'appartement est décalé par rapport à celui de B______, a déclaré n'avoir jamais eu à se plaindre d'elle. Il lui était arrivé d'avoir des soucis de bruit avec d'autres voisins dont un locataire du 1er étage mais ne s'était jamais plaint à la régie, réglant le problème en discutant avec la personne. L'insonorisation de l'immeuble était déficiente et il entendait tout ce qui se passait au-dessus de lui. Il n'avait jamais entendu de fêtes chez B______. Pour lui, le quartier était calme, autant que cela puisse l'être en ville.

gg. A l'issue de l'audience du 20 novembre 2020, le Tribunal a clôturé l'administration des preuves, ordonné l'ouverture des plaidoiries finales et fixé un délai aux parties pour déposer leurs plaidoiries écrites.

hh. Par écritures du 18 décembre 2020, les parties ont persisté dans leurs conclusions et la cause a ensuite été gardée à juger.


EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel, charges comprises, a été fixé à 10'920 fr. Ainsi, la valeur litigieuse est manifestement supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. L'appelante produit trois pièces nouvelles en appel, soit un courrier de voisins de B______ (I______, J______ et L______) du 25 octobre 2021 et des courriers électroniques datant des 18 novembre 2021 (I______) et 21 mars 2022 (L______).

B______ a produit une pièce nouvelle le 7 avril 2022, soit un relevé de compte bancaire du 1er au 31 mars 2022, en réponse à la pièce produite par l'appelante le 25 mars 2022, soit le courrier électronique de L______ du 21 mars 2022.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits en première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 Les pièces produites par l'appelante sont en l'espèce postérieures au jugement du Tribunal du 11 octobre 2021, de sorte qu'elles sont recevables, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant, en tant qu'ils sont pertinents.

La pièce nouvelle produite par l'intimée répondant aux allégations contenues dans une première pièce nouvelle, elle est également recevable, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant, en tant qu'ils sont pertinents.

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 257f al. 3 CO en retenant, de manière insoutenable selon elle, que la locataire n'a plus causé de bruit excessif après la mise en demeure du 3 avril 2019 et considérant au surplus les nuisances provoquées par B______ après réception de l'avertissement du 3 avril 2019 comme celles de la vie courante dont les autres locataires devaient s'accommoder.

3.1 Un congé est inefficace et dénué d'effet lorsqu'il ne satisfait pas aux exigences légales ou contractuelles auxquelles est subordonné son exercice. Ainsi, le congé motivé par le défaut de paiement de loyer, alors qu'en réalité, le loyer a été payé, le congé donné pour de justes motifs qui ne sont pas réalisés, le congé signifié pour une date qui ne correspond pas aux termes contractuels ou légaux (art. 266a al. 2 CO), le congé en raison d'une violation des devoirs de diligence qui se révèlera inexistante et le congé anticipé donné à la suite d'un transfert de propriété alors que le besoin n'est pas urgent, est inefficace (ATF 121 III 156, 161 et ACJC/149/1997 du 17 février 1997). Les effets d'un congé inefficace ne sont pas reportés au prochain terme contractuel utile. L'art. 266a al. 2 CO n'est pas applicable au congé extraordinaire (ACJC/115/2005 du 14 février 2005).

3.2 Selon l'art. 257f al. 2 CO, le locataire est tenu d'avoir pour les personnes habitant la maison et les voisins les égards qui leurs sont dus. S'il persiste à manquer d'égards envers les voisins, nonobstant une protestation écrite du bailleur, à tel point que le maintien du bail devient insupportable pour ce dernier ou les personnes habitant la maison, l'art. 257f al. 3 CO autorise le bailleur à résilier le contrat moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

Pour qu'un bail puisse être résilié en vertu de la disposition sus-rappelée, il faut notamment que le locataire, par sa manière de se comporter dans le bâtiment, n'ait pas respecté les égards qui sont dus aux autres locataires, en portant atteinte, par exemple, à leur tranquillité (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 675; Higi, Commentaire zurichois, 4e éd. 1996, n. 41 ad art. 257f CO).

Les manques d'égards envers les voisins doivent revêtir un certain degré de gravité (ATF 132 III 109; arrêt du Tribunal fédéral 4C.270/2001 du 26 novembre 2001 consid. 3bb; Lachat, op. cit., p. 676 et 679, Higi, op. cit., n. 58
ad. art. 257f CO).

Il sied cependant d'observer une certaine marge de tolérance qui dépend, entre autres, de l'environnement (quartier bruyant ou non), de la destination des locaux (à usage d'une famille nombreuse, par exemple), de la qualité de l'insonorisation ou des dispositions particulières du contrat (le bailleur a beaucoup insisté sur la tranquillité de l'immeuble). La mesure de cette tolérance s'apprécie en équité et selon les règles sur les droits de voisinage (art. 684 CC), les normes professionnelles et les dispositions du droit administratif relatives à la tranquillité publique et à la protection de l'environnement (Lachat, op. cit., p. 79).

La violation du devoir de diligence prescrit par l'art. 257f al. 2 CO peut consister, notamment, dans le non-respect du repos nocturne, qui porte atteinte à la tranquillité des autres locataires; les excès de bruit constituent d'ailleurs des motifs typiques du congé extraordinaire prévu par l'art. 257f al. 3 CO (ATF 136 III 65 consid. 2.5 p. 72 et l'arrêt cité; arrêt du Tribunal fédéral 4A_722/2012 du 1er mai 2013 consid. 2.3). Les manques d'égards envers les voisins doivent revêtir un certain degré de gravité. Comme la résiliation doit respecter les principes de proportionnalité et de subsidiarité, il faut, en outre, que le maintien du bail soit insupportable pour le bailleur ou pour les personnes habitant la maison. Cette question doit être résolue à la lumière de toutes les circonstances de l'espèce, antérieures à la résiliation du bail. Elle relève du pouvoir d'appréciation du juge (ATF 136 III 65 consid. 2.5).

3.3 Le congé anticipé selon l'art. 257f al. 3 CO ne peut être donné au locataire fauteur de trouble que s'il persévère, après avoir reçu une protestation écrite du bailleur, à enfreindre son devoir de diligence. La nouvelle contravention doit correspondre, par sa nature, à celle qui a fait l'objet de l'avertissement initial (Higi, op. cit., n. 56 et n° 57 ad art. 257f CO) et ne pas survenir longtemps après ce dernier (Lachat, op. cit., p. 678).

La protestation écrite du bailleur, à la différence de l'avis comminatoire de l'article 257d CO, ne doit pas nécessairement contenir une menace de résiliation anticipée, le but étant de rétablir la tranquillité dans l'immeuble (ACJC/821/2004 du 18.06.2004).

L'avertissement écrit doit toutefois mentionner les reproches adressés au locataire et les mesures à prendre pour que les choses reviennent dans l'ordre (Lachat, op. cit., p.677).

L'exigence d'une protestation écrite du bailleur est impérative. Un avertissement oral est insuffisant, même réitéré et resté lettre morte. Ce n'est que si, au vu des circonstances, il apparaît qu'une mise en demeure est manifestement inutile que le bailleur peut s'en dispenser (ACJC/239/2003 du 10.03.2003).

Le congé anticipé présuppose encore que le maintien du bail est insupportable pour le bailleur ou pour les personnes habitant la maison. La réponse à cette question ne repose pas sur des critères abstraits, mais fait appel aux règles de l'équité, lesquelles imposent de tenir compte de toutes les circonstances importantes de l'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 4C.270/2001 du 26 novembre 2001 consid. 3dd; Higi, op. cit., n. 59 ad art. 257f CO; Lachat, op. cit., p. 679; Svit-Kommentar, op. cit., n. 35 ad art. 257f CO).

C'est au moment où la résiliation est donnée qu'il faut se replacer pour juger de sa validité, des circonstances postérieures n'étant pas de nature à influer a posteriori sur une résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4C.270/2001 du 26 novembre 2001).

3.4 L'art. 257f al. 3 CO ne subordonne pas la résiliation anticipée du bail à l'existence d'une faute du locataire; il requiert tout au plus un comportement contrevenant aux égards dus aux autres locataires. La résiliation anticipée est destinée à rétablir une situation normale dans l'immeuble et à ménager les intérêts des autres locataires et des voisins, auxquels le bailleur doit veiller. Sa responsabilité contractuelle ou légale (art. 679 CC) peut du reste être engagée à cet égard (Tercier/ Favre, Les contrats spéciaux, 4e éd. 2009, n. 2380). La résiliation anticipée doit être distinguée des conséquences générales de la violation contractuelle, pour lesquelles l'art. 97 CO requiert expressément l'existence d'une faute.

3.5 En l'espèce, les premiers juges ont d'abord relevé que les enquêtes, lors desquelles neuf témoins avaient été entendus, avaient permis d'établir que plusieurs locataires n'avaient jamais été dérangés par B______ et que leur appréciation de la qualité de l'insonorisation de l'immeuble différait fortement. Certains avaient d'ailleurs été gênés par le bruit d'autres locataires de l'immeuble.

Ils ont par ailleurs tenu pour établi que B______ avait dérangé ses voisins J______, I______ et L______ durant une période allant d'août 2017 à janvier 2018, puis que la situation avait été calme durant plus d'une année, jusqu'à un épisode bruyant du 11 mars 2019, relayé à la régie par le témoin N______, qui avait conduit à la mise en demeure du 3 avril 2019.

S'agissant du témoignage du locataire M______, le Tribunal a relevé l'animosité marquée dont il avait fait montre à l'égard de B______ et a mis en évidence ses termes à l'encontre de cette dernière et ses affirmations péremptoires concernant son mode de vie manifestement différent du sien et lui déplaisant fortement.

Le Tribunal a ainsi considéré que B______ n'avait pas causé de bruit excessif ou excédant ceux de la vie courante après la réception de la mise en demeure. Il a également retenu que les plaintes des locataires L______ et J______ concernant la nuit du 10 au 11 avril 2019 n'avaient été corroborées par aucun autre habitant et n'étaient pas suffisantes pour établir la réalité du manque d'égard allégué.

La Cour fait sienne l'appréciation des premiers juges.

Il ressort en effet de l'audition des témoins J______, L______, O______ et S______ que l'immeuble est plutôt mal isolé et que les bruits de ses différents habitants en gênent d'autres, sans que l'on puisse retenir un comportement rendant la poursuite du bail insupportable.

Le Tribunal a fait montre de prudence dans l'examen des déclarations des membres de la famille J/K/M______, qui apparaît ne tolérer aucun bruit et a développé une animosité à l'égard de l'intimée. En particulier, le récit de J______ de l'épisode de la nuit du 10 au 11 avril 2019 apparaît peu crédible compte tenu des circonstances relatées par elle (réveil en sursaut mais description précise du nombre de personnes entrant dans l'appartement de B______ et de leur comportement). De plus, selon ses propres dires, la famille J/K/M______ est prompte à appeler la Police dès qu'elle estime être dérangée et l'intimée avait indiqué à ce propos, sans être contredite, qu'elle n'avait pas été amendée et que la police lui avait indiqué ne pas intervenir pour ce genre de plaintes.

En outre, le témoin N______, qui est le seul à avoir relaté spécifiquement l'épisode du 11 mars 2019, à l'origine de la mise en demeure, s'est plaint dans son courrier électronique du 12 mars 2019 du bruit causé la veille par B______, relevant toutefois la faible isolation phonique intérieure de l'immeuble et que de tels épisodes n'étaient pas très fréquents.

Quand au courrier électronique de L______ du 17 avril 2019, il est parvenu à la régie après la notification de la résiliation du bail.

Enfin, les témoignages reçus à titre de pièces nouvelles sont postérieurs au congé et ne sauraient dès lors influencer les juges, qui doivent se placer au moment de la résiliation pour juger de sa validité. De surcroît, ils ne permettent pas de retenir que le maintien du bail serait insupportable pour l'appelante ou pour les personnes habitant la maison, ceci en application des règles de l'équité, qui imposent de tenir compte de toutes les circonstances importantes de l'espèce.

3.6 Partant, c'est à juste titre que le congé extraordinaire du 17 avril 2019 pour le 31 mai 2019 a été déclaré inefficace; le jugement du Tribunal sera dès lors confirmé sur ce point.

4. L'appelante fait également grief au Tribunal d'avoir violé l'art. 271 al. 1 CO en ne retenant pas la validité du congé ordinaire notifié à B______ le 17 avril 2019, pour l'échéance contractuelle du 29 février 2020, pour le même motif que la résiliation extraordinaire du même jour.

4.1 Lorsque le contrat de bail est de durée indéterminée, ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite, chaque partie est en principe libre de le résilier pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2; 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.1).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108; sur les cas typiques d'abus de droit : ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF
136 III 190 consid. 2; 135 III 112 consid. 4.1; 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 136 III 190 consid. 2;
135 III 112 consid. 4.1).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts du Tribunal fédéral 4A_297/2010 du 6 octobre 2010 consid. 2.2; 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6). Pour statuer sur la validité d'un congé, il ne faut examiner que l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux. Cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2016 précité consid. 3.2; 4A_484/2012 précité consid. 2.3.1 et les arrêts cités).

4.2 Pour pouvoir examiner si le congé ordinaire contrevient ou non aux règles de la bonne foi (art. 271 et 271a CO), il faut déterminer quel est le motif de congé invoqué par le bailleur dans l'avis de résiliation (pour le cas où l'avis de résiliation n'est pas motivé, arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2) et si le motif est réel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.4.1). 

4.3 En l'espèce, les premiers juges ont retenu que l'examen des conditions de la validité du congé extraordinaire opéré ci-dessus (considérants 3.5 et 3.6) avait permis d'établir que les nuisances provoquées par l'intimée entre août 2017 et janvier 2018 avaient cessé, hormis quelques rares épisodes sans grande gravité, notamment compte tenu de la mauvaise insonorisation de l'immeuble.

Ils ont dès lors considéré que le motif du congé ordinaire, identique à celui du congé extraordinaire, apparaissait comme un prétexte, de sorte que ledit congé devait être année.

La Cour fait sienne cette appréciation du Tribunal. Les nuisances permettant de valider le congé extraordinaire n'étant pas établies malgré l'audition de neuf témoins, lesdites nuisances ne sauraient justifier une résiliation ordinaire.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé sur ce point également.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 11 novembre 2021 par SOCIETE IMMOBILIERE A______ SA contre le jugement JTBL/553/2021 rendu le 11 octobre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/10886/2019.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTONIOZ et Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF fixée à 32'760 fr. (consid. 1.2).