Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1998/2020

ATAS/55/2022 du 24.01.2022 ( PC ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.03.2022, rendu le 29.06.2022, IRRECEVABLE, 9C_112/2022, 9C_247/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1998/2020 ATAS/55/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 janvier 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié à Thônex

 

recourant

 

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est un ressortissant égyptien, né le ______ 1968 au Caire. Il réside en Suisse depuis le 28 octobre 2005.

b. Du 21 février 2006 au 5 décembre 2010, il a été titulaire d’un permis de séjour (« permis B »).

c. Dans le cadre de la procédure de renouvellement de son permis de séjour, l’Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève (ci-après : l’OCPM) s’est, en date du 12 mai 2011, déclaré prêt à autoriser une poursuite du séjour sur la base de l’art. 8 CEDH, sous réserve de la validation de cette décision pas l’Office fédéral des migrations, aujourd’hui Secrétariat d’État aux migrations (ci-après : le SEM).

d. En date du 29 décembre 2011, le SEM a refusé de donner son approbation à la prolongation de l’autorisation de séjour et a prononcé le renvoi de l’assuré de Suisse. Sur recours de l’assuré, le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision par arrêt du 28 juillet 2014 (arrêt C-528/2012 de la IIIe Cour), arrêt lui-même confirmé par le Tribunal fédéral en date du 23 janvier 2015 (arrêt 2C_794/2014 de la IIe Cour de droit public). Tant durant la procédure devant le Tribunal administratif fédéral qu’au cours de la procédure devant le Tribunal fédéral, le recourant a bénéficié de l’effet suspensif.

e. À partir du 23 janvier 2015, l’intéressé a continué à résider effectivement à l’avenue ______ à Thônex.

f. Le 16 mars 2016, l’assuré a sollicité une admission provisoire auprès de l’OCPM, requête transmise par cet office au SEM.

g. En date du 14 juin 2017, le SEM a rendu une décision de réexamen par laquelle, au vu de l’aggravation de l’état de santé de l’assuré et de la pénurie de médicaments que connaissait l’Égypte, elle a admis la requête de reconsidération du 16 mars 2016 et admis provisoirement l’intéressé en Suisse (« livret F ») pour une durée initiale de douze mois. Cette admission provisoire a été renouvelée pour la dernière fois en date du 22 avril 2021 et sa date d’échéance est actuellement le 22 avril 2022.

B. a. Le 5 décembre 2019, le recourant a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du Service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé).

b. Par décision du 15 janvier 2020, notifiée au recourant, à son adresse privée, avec copie à l'Hospice général, le SPC a refusé la demande de prestations complémentaires au motif qu'une autorisation de séjour n'avait été délivrée au recourant que le 16 août 2017.

c. Le 21 janvier 2020, Madame B______, assistante sociale de l'Hospice général, aide aux migrants (ci-après : l'assistante sociale), a requis du SPC la reconsidération de la demande du recourant.

d. Par courrier du 29 janvier 2020, le SPC a informé l'assistante sociale qu'il procèderait à un nouvel examen du dossier suite à l'opposition du 21 janvier 2020.

e. Par décision du 6 mai 2020, notifiée le 7 mai 2020 par recommandé à l'assistante sociale, à l'adresse Hospice général, aide aux migrants, Unité N/F, case postale 3360 - 1211 Genève 3, le SPC a rejeté l'opposition.

C. a. Le 3 juillet 2020, l’assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'un recours à l'encontre de la décision précitée, en relevant qu'en raison de la fermeture des bureaux de l'Hospice général, il n'avait eu connaissance de la décision du 6 mai 2020 que le 30 juin 2020, de sorte que le dépassement du délai de recours était indépendant de sa volonté.

b. Le 18 août 2020, le SPC a conclu à l'irrecevabilité du recours pour tardiveté.

c. Le 10 septembre 2020, le recourant a répliqué et a produit une pièce complémentaire. Le 2 octobre 2020, le SPC a dupliqué, en relevant que l'opposition avait été formée par l'Hospice général au nom du recourant, de sorte que la décision sur opposition avait été notifiée à l'Hospice général en tant que mandataire ; celui-ci se devait d'en informer le recourant, que ce soit oralement ou par écrit et la faute du mandataire était imputable au recourant.

d. A la demande de la chambre de céans, l'assistante sociale a donné des renseignements complémentaires le 19 janvier 2021. L’autorité intimée s’est déterminée sur ceux-ci en date du 29 janvier 2021 et le recourant en date du 26 février 2021.

e. Par arrêt incident ATAS/290/2021 du 29 mars 2021, la chambre de céans a déclaré le recours recevable. En substance, la chambre de céans a retenu que l’intimé avait failli à son obligation de renseigner en n’envoyant pas la copie de sa décision au recourant, alors même que l’activité de l’Hospice général, à qui le SPC avait notifié sa décision, subissait notoirement de très importantes contraintes liées à la première vague de la pandémie de coronavirus ; il convenait donc de retenir que la date de notification de la décision sur opposition de l’autorité intimée était le 30 juin 2020, et non pas le 7 mai 2020.

f. L’intimé a recouru contre cette décision auprès du Tribunal fédéral, lequel a déclaré son recours irrecevable en date du 14 juin 2021 (arrêt 9C_247/2021 de la IIe Cour de droit social).

g. Le SPC a déposé des observations complémentaires le 17 août 2021. Le recourant en a fait de même le 26 août 2021.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC -RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25). Le recourant est par ailleurs domicilié sur le territoire du canton de Genève.

Comme il a été établi dans l’arrêt incident ATAS/290/2021 du 29 mars 2021 qui tranche la question de la recevabilité du recours de l’assuré, celui-ci est recevable.

2.             Le présent litige porte sur le droit du recourant à des prestations complémentaires, au vu en particulier de son statut d’étranger non-ressortissant de l’Union européenne ou d’un État de l’Association européenne de libre-échange.

2.1 Selon l’intimé, le recourant n’a pas le droit à des prestations complémentaires car il ne résidait pas depuis plus de 10 ans de manière ininterrompue et légale en Suisse à la date du dépôt de sa requête, soit le 5 décembre 2019. En outre, il n’existe pas de règle contraire de droit international : aucune convention de sécurité sociale n’existant entre la Confédération suisse et la République arabe d’Égypte.

2.2 Selon le recourant, il réside depuis le 28 octobre 2005 légalement en Suisse et remplit donc la condition de durée de résidence applicable spécifiquement aux étrangers. En particulier, le fait qu’il se soit à plusieurs reprises et sur des durées relativement longues trouvé en procédure afin de faire reconnaitre son droit à séjourner en Suisse ne saurait, de son opinion, lui porter préjudice en lien avec les conditions d’octroi des prestations complémentaires.

3.             En ce qui concerne les prestations complémentaires fédérales, les conditions de leur octroi sont fixées par la LPC et par l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI - RS 831.301). Selon l’art. 5 al. 1 LPC, les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires que s’ils ont séjourné de manière légale et ininterrompue en Suisse pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (« délai de carence »). Pour les réfugiés et les apatrides, le délai de carence est réduit à cinq ans selon l’alinéa 2 de ce même article.

3.1 Si le renvoi ou l’expulsion d’un étranger résidant sans droit, mais de facto, en Suisse n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée selon l’art. 83 al. 1 à 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), le SEM doit l’admettre à titre provisoire en Suisse. Le statut des personnes admises provisoirement en Suisse, basé sur l’art. 85 LEI, doit donc être distingué de celui des personnes bénéficiant de l’asile en Suisse, personnes dont le statut est régi en principe par les règles applicables aux personnes bénéficiant de permis de séjour ou d’établissement vu les renvois des art. 58 et 60 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31). Ces deux statuts doivent en outre être distingués du statut de réfugiés, lequel couvre automatiquement les personnes ayant obtenu l’asile selon l’art. 59 LAsi, mais également toute autre personne persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques du ou des pays dont elle a la nationalité selon l’art. 1 let. A ch. 2 de la Convention relative au statut des réfugiés conclue à Genève le 28 juillet 1951 et entrée en vigueur pour la Suisse le 21 avril 1955 (RS 0.142.30) et l’art. 3 LAsi.

3.2 La précision « s’ils séjournent de manière légale en Suisse » contenue dans le texte de l’art. 5 al. 1 LPC a été introduite dans la loi au 1er juillet 2018. Cependant, elle ressortait déjà antérieurement de la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid, 4.2 et 4.3) comme l’ont précisé tant le Tribunal fédéral que la chambre de céans (arrêt du Tribunal fédéral 9C_38/2020 du 20 octobre 2020 consid. 5 ; ATAS/1047/2021 du 12 octobre 2021 consid. 6 ; ATAS/769/2021 du 21 juillet 2021 consid. 4b ; ATAS/495/2020 du 22 juin 2020 consid. 6a ; ATAS/369/2020 du 14 mai 2020 consid. 4 ; ATAS/287/2019 du 28 mars 2019 consid. 6a ; ATAS/748/2017 [arrêt de principe] du 31 août 2017 consid. 6d). Il ne s’agit donc que d’une codification légale d’une situation normative déjà existante antérieurement (FF 2016 2835 [Message relatif à la modification de la loi fédérale sur les étrangers (Gestion de l'immigration et amélioration de la mise en œuvre des accords sur la libre circulation des personnes)], p. 2891).

3.3 L’art. 1 al. 1 de l’ancien règlement d'exécution du 1er mars 1949 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (RSEE – RS 142.201) prévoyait que tout étranger entré légalement en Suisse peut y résider sans autorisation spéciale jusqu’à l’expiration du délai dans lequel il est tenu de déclarer son arrivée, ou, lorsqu’il a fait régulièrement cette déclaration, jusqu’à la décision sur la demande d’autorisation de séjour ou d’établissement qu’il doit présenter en même temps. Selon l’art. 2 al. 1 de l’ancienne loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE – RS 142.20), un étranger entré légalement en Suisse et ayant l’intention d’y établir son domicile devait en principe requérir une autorisation de séjour dans les huit jours suivant son arrivée en Suisse. Ces dispositions étaient en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007. Depuis le 1er janvier 2008, l’art. 17 LEI prévoit le principe inverse, en ce sens que l’étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d’autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l’étranger, sauf en cas de décision inverse de l’autorité si les conditions d’un droit au séjour sont manifestement remplies.

En revanche, en ce qui concerne la prolongation d’une autorisation de séjour, l’art. 59 al. 2 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) prévoit que lorsque la personne concernée a déposé une demande de prolongation, elle est autorisée à séjourner en Suisse pendant la procédure, pour autant qu’aucune autre décision n’ait été rendue. Ce droit au séjour de fondement « procédural » est un droit au séjour légal au sens de l’art. 5 al. 1 LPC (ATAS/769/2021 du 21 juillet 2021 consid. 4d ; ATAS/1058/2020 du 29 octobre 2020 consid. 8d).

4.             Il convient maintenant d’appliquer ce cadre normatif au cas d’espèce.

4.1 En absence de convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République arabe d’Égypte, les conditions de l’art. 5 LPC trouvent application au recourant.

4.2 À la lecture de la décision du SEM du 14 juin 2017, il apparait que l’assuré s’est vu mettre au bénéfice d’une admission provisoire au sens de l’art. 83 LEI car il n’apparaissait pas raisonnablement exigible de le renvoyer en Égypte au vu du traitement médical multidisciplinaire dont sa santé dépend, et de la pénurie de médicaments dans cet État (cf. décision du SEM du 14 juin 2017 - référence SYMIC 5877458/ N 692 486, p. 5). L’octroi de l’admission provisoire n’est donc pas fondé sur une persécution liée à la race, les convictions, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou les opinions politiques du recourant. Celui-ci ne prétend d’ailleurs pas le contraire. Par ailleurs, il est constant que l’assuré ne s’est pas vu octroyer l’asile par les autorités suisses.

Partant, la durée du délai de carence applicable au recourant est celle de l’art. 5 al. 1 LPC, à savoir dix ans, et non le délai spécial de cinq ans de l’art. 5 al. 2 LPC applicable aux réfugiés.

4.3 Le recourant est arrivé en Suisse le 28 octobre 2005 selon les données de l’Office fédéral des migrations (cf. pièce 2 intimé, p. 1). Dès lors qu’il a été mis au bénéfice d’un droit au séjour en date du 21 février 2006 (cf. pièce 2 intimé, p. 6), tout porte à croire qu’il s’est conformé à l’obligation de déposer une requête de permis dans les huit jours dès son arrivée en vertu du cadre normatif alors en vigueur. Sur la base de l’art. 2 al. 1 LSEE et de l’art. 1 al. 1 RSEE, il faut donc retenir que le recourant a séjourné légalement en Suisse du 28 octobre 2005 au 20 février 2006 inclus (procédure d’octroi du permis de séjour).

En ce qui concerne ensuite la période du 21 février 2006 au 5 décembre 2010, il n’est pas contesté que l’assuré ait bénéficié d’un droit valable au séjour en Suisse (cf. pièce 2 intimé, p. 6 ; décision sur opposition, p. 2).

Entre le 6 décembre 2010 et le 29 décembre 2011, le recourant a également résidé de manière légale en Suisse, contrairement à ce qu’a retenu l’autorité précédente, vu l’art. 59 al. 2 OASA. Malgré la décision de renvoi du 29 décembre 2011, cette situation s’est prolongée dès lors que l’effet suspensif du recours déposé par l’assuré auprès du Tribunal fédéral administratif n’a pas été retiré (cf. arrêt C-528/2012 de la IIIe Cour) et que le Tribunal fédéral a, en date du 12 septembre 2014, octroyé l’effet suspensif au recours subséquent de l’assuré contre la décision négative dudit Tribunal administratif fédéral (cf. arrêt 2C_794/2014 consid. C). Ce n’est qu’à la date de l’arrêt du Tribunal fédéral, soit le 23 janvier 2015 (cf. art. 61 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]) que le séjour légal en Suisse du recourant a initialement pris fin.

En date du 14 juin 2017, le SEM a admis provisoirement le recourant en Suisse pour une durée de douze mois, suite à la demande de réexamen du recourant déposée le 16 mars 2016. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours en justice. Ce statut a été périodiquement renouvelé et était toujours en cours à la date de la présente décision. Ce n’est pas la date de délivrance du livret F physique (cf. art. 41 al. 2 LEI et art. 20 al. 2 de l’ordonnance sur l’exécution du renvoi et de l’expulsion d’étrangers [OERE - RS 142.281]) qui est déterminante, mais bien la date de la décision portant sur le droit à l’admission provisoire en Suisse. C’est d’ailleurs bien cette dernière date qui figure en tant que « date de délivrance » sur le livret F de l’assuré (cf. pièce 3 recourant).

S’agissant de la période allant du 23 janvier 2015 au 13 juin 2017, il est déterminant de savoir si la décision du SEM du 14 juin 2017 a pris effet à cette même date, ou si elle rétroagit à la date de la décision initiale de renvoi du 29 décembre 2011. Cette question doit faire l’objet d’un examen complémentaire spécifique.

4.4  

4.4.1 En ce qui concerne les décisions du SEM relatives à l’admission provisoire, il faut partir du principe que leur prise d’effet du statut d’admis provisoire rétroagit à la date de la décision de renvoi du SEM (Peter BOLZI, OFK-Migrationsrecht Kommentar, 5e éd. 2019, n. 4 ad. 83 LEI ; Illes RUEDI, Stämpfli Handkommentar - Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, n. 5 ad. art. 83 LEI ; Directive Asile n°6 du SEM : Situation juridique, n. 6.3.1 p. 7). En effet, si formellement une décision d’admission provisoire présuppose une décision d’expulsion, la pratique antérieure du SEM qui consistait à attendre la décision finale sur recours pour un requérant d’asile susceptible de bénéficier de la protection provisoire était source de nombreux désagréments pour ce dernier, le statut de requérant d’asile étant moins favorable que celui d’admis provisoire (Peter BOLZI, OFK-Migrationsrecht Kommentar, 5e éd. 2019, n. 4 ad. 83 LEI ; Illes RUEDI, Stämpfli Handkommentar - Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, n. 5 ad. art. 83 LEI). Ne pas retenir la date de la décision de rejet d’un droit au séjour et renvoi aurait pour conséquence de contraindre indirectement un administré à ne pas recourir pour pouvoir bénéficier (plus tôt) d’un statut dont il remplit pourtant les conditions, ce qui apparait contraire avec la garantie constitutionnelle d’accès au juge (dans le même sens : ATAS/1047/2021 du 12 octobre 2021 consid. 7e ; ATA/1076/2019 du 25 juin 2019 consid. 8d)

L’opinion des auteurs susmentionnés, tout comme la jurisprudence cantonale citée, se rapportent toutefois aux cas d’un recours porté contre une décision initiale concernant un refus d’un droit au séjour avec renvoi, celui-ci étant immédiatement suspendu en faveur d’une admission provisoire. Or, dans le cas d’espèce, la décision du 14 juin 2017 du SEM est une décision de réexamen d’une décision de refus de permis de séjour et de renvoi sans admission provisoire, et non pas une décision rendue en procédure de recours contre la décision initiale du 29 décembre 2011. Les opinions et arrêts susmentionnés ne sont par conséquent d’aucun secours pour déterminer si ce réexamen rétroagit à la date de la décision initiale, soit au 29 décembre 2011.

4.4.2 Pour déterminer la portée d’une décision étatique, respectivement de son dispositif, ce n’est pas sa lettre qui est déterminante mais son sens matériel à l’aune de sa motivation (ATF 147 V 369 consid. 4.2.1 ; ATF 132 V 74 consid. 2).

4.4.3 En l’espèce, il ressort de la décision du 14 juin 2017 que celle-ci vise une « adaptation » aux circonstances de la décision négative initiale du 29 décembre 2011. Le SEM a pris en compte les nouveaux rapports médicaux produits par le recourant et la situation médicale en Égypte en 2017 pour considérer que « les circonstances de fait ont subi, depuis l’entrée en force de la décision du SEM, une modification notable justifiant qu’il soit entré en matière sur la demande de réexamen. » (décision du 14 juin 2017, p. 4). Cette décision constitue un réexamen pour l’avenir comparable à ce qui est prévu en droit des assurances sociales pour les prestations durables par l’art. 17 LPGA, et non une révision rétroactive de la décision initiale, sur le modèle de ce qui est prévu à l’art. 53 al. 1 et 2 LPGA. Une telle décision de révision ne relevait de toute façon pas de la compétence du SEM. En effet, la question du renvoi de l’assuré ayant fait l’objet d’un arrêt du Tribunal fédéral, seul celui-ci était compétent pour réviser le fond de la cause vu l’art. 124 LTF et l’effet dévolutif de l’arrêt d’un tribunal supérieur disposant d’un pouvoir de réforme (ATF 146 II 335 consid. 1.1.2 ; ATF 136 II 539 consid. 1.2 ; en cas de découverte d’un motif de révision pendant le délai de recours au Tribunal fédéral voir : ATF 147 I 173 consid. 4.1.2 et 4.1.3 ; ATF 144 I 208 consid. 4.1). Le SEM n’a d’ailleurs pas fait courir rétroactivement le délai de douze mois de l’art. 85 al. 1 LEI.

La décision du 14 juin 2017 a donc produit un effet au plus tôt à la date de la requête de réexamen de l’assuré du 16 mars 2016. Partant, le recourant a séjourné illégalement en Suisse à tout le moins du 23 janvier 2015 au 15 mars 2016.

4.5 L’assuré n’avait donc pas séjourné dix ans de manière légale et ininterrompue en Suisse à la date du dépôt de sa demande de prestations complémentaires fédérales le 5 décembre 2019. Il en va de même à la date du présent arrêt. Ce n’est qu’au 16 mars 2026, voire au 14 juin 2027, que la condition prévue par l’art. 5 al. 1 LPC sera remplie ; la question de savoir laquelle de ces dates est exacte souffre en l’espèce de rester indécise dès lors qu’elle n’a pas d’impact sur l’issue du litige.

Partant c’est à bon droit que le SPC a nié le droit de l’assuré à des prestations complémentaires fédérales.

5.             Il faut encore examiner si la solution est identique s’agissant des prestations complémentaires cantonales.

5.1 Selon l’art. 2 al. 3 LPCC, le requérant étranger doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les dix années précédant sa demande de prestations complémentaires pour pouvoir bénéficier des prestations complémentaires cantonales.

La chambre des assurances sociales a déjà eu l’occasion de préciser dans un arrêt de principe que la jurisprudence fédérale selon laquelle seuls les séjours légaux devaient être pris en compte pour calculer le délai de carence cantonale (ATAS/748/2017 [arrêt de principte] du 31 octobre 2017 consid. 8e et 8f). Elle a constamment suivi cette jurisprudence depuis lors (ATAS/1047/2021 du 12 octobre 2021 consid. 6 ; ATAS/495/2020 du 22 juin 2020 consid. 6a ; ATAS/369/2020 du 14 mai 2020 consid. 4 ; ATAS/1053/2019 du 13 novembre 2019 consid. 4 ; ATAS/287/2019 du 28 mars 2019 consid. 6a ; ATAS/228/2019 du 20 mars 2019 consid. 5 ; ATAS/891/2018 du 8 octobre 2018 consid. 6 ; ATAS/428/2018 du 22 mai 2018 consid. 4 ; ATAS/415/2018 du 15 mai 2018 consid. 4b).

5.2 Les considérations développées au considérant 4 en lien avec les prestations complémentaires fédérales peuvent en conséquence être transposées mutatis mutandis aux prestations complémentaires cantonales. Il en résulte que la condition du respect du délai de carence prévu par l’art. 2 al. 3 LPCC n’est pas remplie dans le cas d’espèce, faute d’un séjour ininterrompu de dix ans dans le canton de Genève (ou par ailleurs en Suisse ou dans un État de l’UE ou de l’AELE au 5 décembre 2019, date du dépôt de sa requête de prestations complémentaires cantonales par l’assuré.

6.             Le recourant ne remplissant en l’état ni les conditions d’octroi des prestations complémentaires fédérales, ni les conditions d’octroi des prestations complémentaires cantonales, le recours doit être rejeté.

7.             Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let fbis LPGA et art. 89H al. 1 LPA).

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Constate la recevabilité du recours conformément à l’arrêt ATAS/290/2021 du 29 mars 2021.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le