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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/231/2018

ATAS/428/2018 du 22.05.2018 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/231/2018 ATAS/428/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 mai 2018

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CAROUGE, représenté par le Service des affaires sociales de la Ville de Carouge

Madame B______, domiciliée c/o M. A______; à CAROUGE, représentée par le Service des affaires sociales de la Ville de Carouge

 

 

recourants

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______, né le ______, ressortissant espagnol, est enregistré auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) comme étant arrivé en Suisse, dans le canton de Genève, en provenance d’Espagne, le 1er juillet 2015. Il a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour CE/AELE pour les ressortissants CE-17/AELE exerçant une activité lucrative en date du 20 août 2015. Il indique résider et avoir travaillé en Suisse en réalité depuis 2012, en étant affilié à l’assurance obligatoire des soins au sens de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

M. A______ a épousé Madame B______, née le ______ 1985, ressortissante de Bolivie, en date du 8 octobre 2016, date à partir de laquelle cette dernière est enregistrée auprès de l’OCPM comme étant venue de Bolivie. Mme B______ a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour accordée dans le cadre du regroupement familial du conjoint et partenariat enregistré en date du 24 mars 2017. Elle indique vivre en Suisse depuis 2006, mais ne pouvoir prouver y avoir sa résidence que depuis 2009, par la production d’un contrat de travail de garde d’enfants à Carouge (GE) signé le 1er novembre 2009 et d’attestations de salaire AVS/AI/APG dès l’année 2012.

M. A______ et Mme B______ ont deux filles nées à Genève, C______ le ______ 2013 et D______ le ______ 2018. La famille est domiciliée et réside à Carouge (GE).

2.        Le 20 juin 2017, Mme B______ et M. A______ (ci-après : les intéressés ou les recourants) ont adressé au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) une demande de prestations complémentaires familiales (ci-après : PCFam). Ils ont répondu « non » à la question de savoir s’ils résidaient de manière ininterrompue sur le territoire genevois depuis cinq ans, lui y étant arrivé le 20 juin 2015 et elle le 8 octobre 2016.

3.        Le SPC les a convoqués pour un entretien fixé au 3 juillet 2017.

4.        Par décision du 3 juillet 2017, le SPC a refusé d’entrer en matière sur leur demande de PCFam, pour le motif que, ne s’étant pas présentés audit rendez-vous, leur demande n’avait pas été valablement déposée.

5.        Les intéressés ont réitéré leur demande de PCFam le 10 novembre 2017.

6.        Par décision du 14 novembre 2017, le SPC a refusé leur demande, pour le motif qu’ils ne remplissaient pas la condition d’avoir « leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations » (art. 36A al. 1 let. a de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 - LPCC - J 4 25).

7.        Par recommandé du 7 décembre 2017, les intéressés, représentés désormais par le Service des affaires sociales de la Ville de Carouge, ont formé opposition à cette décision. S’ils étaient au bénéfice d’une autorisation de séjour depuis respectivement le « 01.07.2015 » et le « 08.10.2016 », ils vivaient en réalité en Suisse et y résidaient, depuis 2006 s’agissant d’elle et 2012 s’agissant de lui ; elle travaillait toujours pour le même employeur depuis 2009 à 50 % pour un salaire de CHF 1'600.- par mois, et lui travaillait pour deux employeurs, sur appel, à un taux d’activité moyen de 75 %. Faisant référence à une jurisprudence de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) – en particulier à l’ATAS/750/2013 du 24 juillet 2013 –, les intéressés estimaient que le fait de n’être pas au bénéfice d’une autorisation de séjour valable ne constituait pas un empêchement à la constitution d’un domicile et d’une résidence habituelle au sens de l’art. 36A al. 1 let. a LPCC. Ils demandaient au SPC de calculer leur droit aux PCFam.

8.        Par décision sur opposition du 17 janvier 2018, le SPC a rejeté l’opposition des intéressés. L’une des conditions d’obtention des PCFam était celle d’avoir son domicile et sa résidence habituelle sur le territoire du canton de Genève depuis cinq ans au moment du dépôt de la demande de prestations. Selon la jurisprudence rendue en matière de prestations complémentaires à l’AVS/AI, fédérales (ci-après : PCF) et cantonales (ci-après : PCC), applicable par analogie en matière de PCFam, seule la présence effective et conforme au droit valait résidence habituelle en Suisse ; les périodes au cours desquelles une personne avait séjourné illégalement en Suisse n’étaient pas prises en compte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014 ; ATAS/748/2017 du 31 août 2017 ; ATAS/770/2016 du 27 septembre 2016). Les intéressés ne remplissaient pas la condition du délai de carence de cinq ans.

9.        Par acte daté du 19 janvier 2018, posté le 22 janvier 2018, les intéressés ont recouru contre cette décision sur opposition par-devant la CJCAS. Les jurisprudences concernant les PCF et PCC ne devaient pas s’appliquer aux PCFam ; il fallait s’en tenir à la jurisprudence citée dans l’opposition.

10.    Le 14 février 2018, le SPC a communiqué à la CJCAS une copie de son dossier et déclaré s’en tenir et renvoyer à la position exprimée dans la décision attaquée. Les intéressés n’invoquaient aucun argument susceptible de conduire à une appréciation différente du cas.

11.    Le 23 février 2018, les intéressés ont demandé à la CJCAS de ne pas appliquer aux PCFam les dernières jurisprudences rendues en lien avec la durée du séjour requis pour avoir droit aux PCF et PCC. Les PCFam s’appuyaient sur une loi cantonale ; elles n’avaient pas de lien avec les PCF et les PCC. Le fait que le même service appliquait ces législations ne devait pas conduire à des confusions.

12.    La cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires, du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), dont les PCFam. Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, dès lors que le recours est dirigé contre une décision sur opposition rendue en application de la LPCC.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), dans le respect des exigences, peu élevées, de forme et de contenu prévues par la loi (art. 89B LPA).

Les deux intéressés sont touchés par la décision attaquée et ont un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, et ont donc qualité pour recourir (art. 60 al. 1 let. a et b et 89A LPA).

Le recours est recevable.

2.        a. Concrétisant l’art. 112a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), chargeant conjointement la Confédération et les cantons d’assurer la couverture des besoins vitaux en matière d’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30), prévoit, à son art. 2 al. 1, que la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 LPC – à savoir des bénéficiaires de certaines prestations de l’assurance-vieillesse et survivants ou de l’assurance-invalidité – des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux. Les prestations complémentaires prévues par la LPC se composent de la prestation complémentaire annuelle, qui est une prestation en espèces, versée mensuellement, calculée sur la base de revenus et dépenses réguliers et prévisibles, et qui fait l’objet d’un financement conjoint de la Confédération et des cantons (art. 3 al. 1 let. a et al. 2, 13 et 15 LPC), et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité, sur présentation de pièces justificatives, prestations en nature à la charge exclusive des cantons (art. 3 al. 1 let. b, 14 et 16 LPC).

b. La LPC n’empêche pas les cantons de développer leurs propres prestations sociales. Son art. 2 al. 2 phr. 1 prévoit que les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC et fixer les conditions d’octroi de ces prestations. Ils disposent d’une entière autonomie pour prévoir et régler des aides supplémentaires, pour le financement desquelles, toutefois, ils ne reçoivent pas de contributions de la Confédération ni, en vertu de l’art. 2 al. 2 phr. 2 LPC, ne peuvent percevoir de cotisations patronales (ATF 141 I 1 consid. 5.2.2 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 1 ss ad art. 2). C’est au demeurant une compétence originaire des cantons, couverte par l’art. 3 Cst., que d’instituer des prestations sociales ou d’aide sociale en dehors du champ d’application de l’art. 112a Cst. et de la LPC, même au-delà de l’aide à laquelle peut prétendre toute personne dans une situation de détresse en vertu de l’art. 12 Cst. et/ou 39 de la Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), normes constitutionnelles que concrétise notamment la loi (genevoise) sur l’insertion et l'aide sociale individuelle, du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04 ; ATAS/748/2017 précité consid. 8c).

c. Dans le canton de Genève, le législateur a prévu deux types de prestations complémentaires, les unes dans le prolongement de la LPC – à savoir les PCC, ciblant, comme ces dernières, les personnes âgées, les conjoints ou partenaires enregistrés survivants, les orphelins et les invalides, pouvant le cas échéant y prétendre en complément aux PCF (art. 1 al. 1 et 2 à 36 LPCC) –, et les autres au profit des familles avec enfants – à savoir les PCFam (art. 36A à 36I LPCC) –, qui ne sauraient y prétendre si elles bénéficient ou pourraient bénéficier des PCF et/ou PCC (art. 36C al. 1 LPCC).

3.        a. L’une des conditions d’octroi de PCF, de PCC ou de PCFam est d’avoir son domicile et sa résidence habituelle en Suisse, respectivement dans le canton de Genève (art. 4 al. 1 LPC et art. 1 let. a de la loi [genevoise] sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité, du 14 octobre 1965 - LPFC - J 4 20 ; art. 2 al. 1 let. a LPCC ; art. 36A al. 1 let. a LPC).

Selon l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée. Cette disposition s’applique en matière de PCF, du fait du renvoi qu’opère la LPC à la LPGA de façon générale comme sur cette question spécifique (art. 1 et 4 al. 1 LPC), mais aussi en matière de PCC et de PCFam, en l’absence de définition spécifique dans ces matières et en raison du renvoi que la LPCC fait à la LPGA (art. 1A al. 1 let. b et al. 2 let. c LPCC), ainsi que pour des motifs de sécurité juridique et d’harmonisation des pratiques administratives (ATAS/208/2017 du 14 mars 2017 consid. 9 ; ATAS/1235/2013 du 12 décembre 2013 consid. 5).

b. Pour les PCF, l’art. 5 al. 1 et 2 LPC, intitulé « Conditions supplémentaires pour les étrangers », prévoit que ces derniers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation, délai de carence ramené à cinq ans pour les réfugiés et apatrides. Sont exceptés les ressortissants étrangers des États de l’Union européenne (ci-après : UE) ou de l’ Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE), pour autant qu’ils aient leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (Michel VALTERIO, Commentaire LPC, n. 1 ss ad art. 5). L’art. 1 let. a LPFC précise, s’agissant des PCF, qu’y ont droit les personnes qui ont leur domicile sur le territoire de la République et canton de Genève, dans la perspective de préciser le canton en charge d’allouer et verser les PCF.

Concernant les PCC, pour les requérants suisses ou ressortissants de l’un des États membres de l’Association européenne de libre-échange ou de l’Union européenne, l’art. 2 al. 2 LPCC prévoit un délai de carence de cinq ans de domicile et de résidence en Suisse ou sur le territoire d’un État membre de l’AELE ou de l’UE sur les sept années précédant le dépôt de la demande de PCC, et l’art. 2 al. 3 LPCC exige, pour les autres étrangers, les réfugiés et les apatrides, un domicile et une résidence effective dans le canton de Genève, sans interruption, durant les dix années précédant le dépôt de la demande de PCC.

S’agissant des PCFam, l’art. 36A al. 1 let. a LPCC prévoit, pour toute personne (donc indépendamment de sa nationalité), un délai de carence d’au moins cinq ans à compter du dépôt de la demande de PCFam.

4.        Pour la computation du délai de carence prévu par la LPC, la jurisprudence fédérale retient que ne peut compter comme temps de résidence en Suisse, en vertu de l’art. 5 al. 1 et 2 LPC, que le temps durant lequel les étrangers requérant des prestations complémentaires étaient au bénéfice d’un permis de séjour valable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances P 45/99 du 8 février 2000 consid. 4b in medio ; P 42/90 du 8 janvier 1992, cité in ATF 118 V 79 consid. 4b ; ATAS/770/2016 du 27 septembre 2016 consid. 2c ; ATAS/185/2007 du 20 février 2007 consid. 9 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 2 ad art. 5). Les directives de l’office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : DPC) retiennent aussi que seule la présence effective « et conforme au droit » vaut résidence habituelle en Suisse au sens de l’art. 5 al. 1 et 2 LPC (ch. 2320.01 1/15). Dans une version non encore en vigueur issue de la modification du 16 décembre 2016 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20 ; FF, 2016, p. 8651 ss, 8656), l’actuel art. 5 al. 1 LPC va être complété d’une phr. 1 selon laquelle « les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires que s’ils séjournent de manière légale en Suisse ».

Comme la chambre de céans l’a développé dans un arrêt rendu en plénum (ATAS/748/2017 du 31 août 2017), il s’agit d’une jurisprudence constante, contrairement à ce que certains arrêts de la chambre de céans ont retenu, confondant la question pertinente du droit aux prestations complémentaires avec celles de l’assujettissement à l’AVS/AI et du droit à des prestations de l’AI (ATAS/1147/2010 du 10 novembre 2010 ; ATAS/969/2010 du 28 septembre 2010). Cette jurisprudence vaut aussi pour les PCC, compte tenu des motifs qui l’étayent ainsi que de la volonté du législateur genevois d’aligner le régime genevois des PCC sur le régime fédéral des PCF (ATAS/748/2017 précité consid. 8).

Ainsi, dans cet arrêt de principe, rendu après un examen approfondi de la jurisprudence et de la doctrine ainsi que des dispositions considérées, mises en perspective, s’agissant des PCC, avec les prestations d’aide sociale prévues par la LIASI, la chambre de céans a jugé que tant pour les PCF que pour les PCC, il ne faut prendre en compte, sauf si le principe de la bonne foi commande le contraire, que les périodes de séjour dûment autorisé pour vérifier si les étrangers requérant de telles prestations remplissent la condition d’une résidence habituelle en Suisse durant le nombre d’années exigé lors du dépôt de la demande desdites prestations.

La chambre de céans s’en tient depuis lors à cette jurisprudence (ATAS/1135/2017 du 12 décembre 2017 consid. 7), qu’aucune raison ne justifie de remettre en question (ATAS/415/2018 du 15 mai 2018 consid. 4c).

5.        a. Les recourants estiment que pour les PCFam, il y a lieu, dans la computation du délai de carence résultant de l’art. 36A al. 1 let. a LPCC, de tenir compte de la durée de domicile et de résidence effective dans le canton de Genève à compter du dépôt de la demande de PCFam, y compris les périodes de séjour non couvertes par une autorisation de séjour.

b. Les recourants font référence à un ATAS/1118/2013 du 19 novembre 2013, qui ne porte cependant nullement sur le sujet considéré (mais sur le droit à des prestations de l’assurance-invalidité). Peut-être entendent-ils citer en réalité l’ATAS/1118/2014 du 4 novembre 2014, portant sur le calcul de PCF et PCC ; cet arrêt ne traite toutefois pas du tout de la problématique soulevée ici, mais de la question de savoir si un couple vivant séparé avait repris la vie commune.

Les recourants se prévalent en outre de l’ATAS/750/2013 du 24 juillet 2013, dans lequel la chambre de céans a jugé que la loi ne posait pas la condition d’un séjour dûment autorisé pour la computation du délai de carence considéré, dans le sillage des arrêts par lesquels elle s’était distancée, à la suite de la confusion précitée, de la jurisprudence pertinente du Tribunal fédéral en matière de PCF et de celle qu’elle avait suivie antérieurement en matière de PCF et de PCC (ATAS/185/2007 du 20 février 2007 ; ATAS/212/2007 du 1er mars 2007 ; cf. aussi ATAS/770/2016 du 28 septembre 2016). Depuis lors, la chambre de céans a rendu l’arrêt de principe ATAS/748/2017 précité, qui – d’après l’intimé – est applicable par analogie aux PCFam.

Il sied de noter que, dans cet ATAS/750/2013, la chambre de céans avait retenu que la similitude des exigences de domicile et de résidence habituelle posées pour les PCC et les PCFam devait conduire à considérer que le droit auxdites prestations était subordonné à cet égard aux mêmes conditions ; au regard de la position de principe qu’elle a adoptée depuis lors pour les PCC, cet argument tend à fonder la conclusion inverse que, comme pour les PCC, seules les périodes de séjour dûment autorisé doivent être prises en compte pour les PCFam. Il sied en outre de relever que, dans ce précédent, la recourante, ressortissante de la République du Congo, était au bénéfice d’un permis F (admission provisoire) depuis dix ans à compter du dépôt de sa demande de PCFam ; elle avait donc résidé en Suisse durant toute cette période et y résidait encore en toute légalité, et remplissait ainsi la condition considérée, comme la Commission cantonale de recours AVS-AI-APG-PCF-PCC-RMCAS-Amat l’avait d’ailleurs déjà jugé dans d’autres affaires (jugements des 21 juillet 2000 dans la cause n° 46/2000 et 12 septembre 2001 dans la cause n° 733/2000).

c. Les PCFam ont été introduites dans la législation genevoise par une loi 10600 du 11 février 2011 modifiant la LPCC, dès le 1er novembre 2012.

Sur le sujet considéré, l’art. 36A al. 1 let. a du projet de loi (ci-après : PL 10600) prévoyait qu’auraient droit aux PCFam les personnes qui « ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève », et l’art. 36A al. 2 précisait que les « conditions de durée de séjour minimale dans le canton [seraient] celles prévues » à l'art. 2 al. 2 et 3 LPCC, disposition qui instituait un délai de carence différencié en fonction de la nationalité du requérant. Ainsi, pour autant qu’il remplisse les autres conditions légales, un ressortissant de l’UE ou de l’AELE aurait droit aux PCFam s’il était domicilié et avait sa résidence habituelle dans le canton de Genève lors du dépôt de sa demande et l’avait été dans un État membre de l’UE ou de l’AELE pendant cinq ans au cours des sept années précédant le dépôt de la demande (MGC 2009-2010 III A 2840 ; MGC 2010-2011 V A 4361). La commission parlementaire en charge de l’étude de ce projet de loi a accepté un amendement consistant à prévoir, à l’art. 36A al. 1 let. a, que les requérants de PCFam devaient avoir « leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations », impliquant l’abandon du renvoi que l’art. 36A al. 2 du projet de loi faisait à l’art. 2 al. 2 et 3 LPCC (MGC 2010-2011 V A 4382 s.). Le Grand Conseil a adopté l’art. 36A al. 1 let. a ainsi amendé, en dépit d’un débat ayant porté sur le fait que cette disposition mettait sur le même pied le requérant suisse, l’étranger (quel que soit son État d’origine, donc aussi les ressortissants extracommunautaires), le réfugié ou l’apatride (MGC 2010-2011 V D/28 2244 ss).

Le mode de computation du délai de carence de cinq ans institué par l’art. 36A al. 1 let. a LPCC pour les PCFam n’a pas été évoqué lors des travaux préparatoires. Il n’en demeure pas moins que la préoccupation qui s’est manifestée lors des débats parlementaires de limiter l’attrait – estimé cependant marginal (MGC 2010-2011 V D/28 2244 ss) – que les PCFam pourraient exercer sur des familles domiciliées en dehors du canton de Genève, que ce soit ailleurs en Suisse, dans l’UE ou l’AELE ou encore dans d’autres États, tend à rendre inconcevable que le législateur ait entendu ouvrir le droit aux PCFam aux ressortissants étrangers qui seraient domiciliés et résideraient en Suisse et dans le canton de Genève sans autorisation de séjour valable et, partant, que de telles périodes de séjour en situation d’irrégularité du point de vue de la police des étrangers doivent être prises en compte dans la computation du délai de carence considéré.

d. Si, compte tenu d’un cercle de bénéficiaires distinct, les PCFam ne peuvent se calquer sans autre sur le droit fédéral en matière de PCF – raison pour laquelle l’art. 1A al. 2 LPCC a prévu l’application de la LPC dans la mesure seulement où la LPCC renvoie à cette loi fédérale (MGC 2009-2010 III A 2846) –, il appert que la LPCC ne pouvait contenir de renvoi à la LPC s’agissant de la prise en compte ou non de périodes de séjour illégal pour la computation du délai de carence, puisque cette loi fédérale ne comporte pas de disposition sur ce sujet, qui a été précisé par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Or, les motifs pour lesquels il se justifie de ne compter comme temps de résidence (respectivement en Suisse et dans le canton de Genève) que le temps durant lequel l’étranger requérant des PCF était au bénéfice d’un permis de séjour valable ont toute leur pertinence non seulement pour les PCC, mais aussi pour les PCFam. Comme la chambre de céans l’a relevé dans son arrêt de principe ATAS/748/2017 précité, il est en effet logique et cohérent de retenir – sauf exception, justifiée notamment pour le prélèvement de cotisations et, partant, l’obtention de prestations représentant le corollaire d’une obligation de cotiser – que le législateur qui fait dépendre l’octroi de prestations d’une condition de domicile et de résidence depuis un certain nombre d’années n’entend pas ouvrir le droit auxdites prestations à des ressortissants étrangers qui se seraient constitués un domicile et une résidence habituelle en violation des prescriptions sur le séjour et l’établissement des étrangers avant l’échéance du délai de carence compté à partir de la régularisation de leur situation. Or, le versement de PCFam n’est pas le corolaire du versement de cotisations. De plus, les personnes ne remplissant pas (ou pas encore) la condition du délai de carence ne sont pas exposées au dénuement, dans la mesure où elles ont droit, le cas échéant, à des prestations leur garantissant des conditions minimales d’existence, en particulier aux prestations d’aide prévues par la LIASI.

e. On ne saurait déduire de conclusion inverse de l’art. 6 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales, du 27 juin 2012 (RPCFam - J 4 25.04), selon lequel la durée minimale de séjour prévue à l'art. 36A al. 1 let. a LPCC est comptée à dater du premier jour du mois où l'intéressé s'est annoncé à l'OCPM, à moins qu'il ne puisse faire la preuve qu'il avait constitué son domicile dans le canton à une date antérieure. Comme la chambre de céans l’a jugé dans l’arrêt de principe précité (consid. 8d in fine), cette disposition réglementaire – à l’instar de l’art. 2 al. 1 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité, du 25 juin 1999 (RPC-AVS/AI – J 4 25.03) –, vise les Confédérés, et non les étrangers, qui, eux, doivent non simplement « déposer des papiers » ou, expression équivalente, « s’annoncer » à l’OCPM, mais requérir l’autorisation de séjourner en Suisse (art. 10 ss de la loi fédérale sur les étrangers, du 16 décembre 2005 - LEtr - RS 142.20).

Au demeurant, conférer, sur la base d’une interprétation littérale, une portée plus étendue à cette disposition réglementaire – à savoir retenir que cette dernière imposerait la prise en compte, dans la computation du délai de carence de l’art. 36A al. 1 let. a LPCC, de périodes durant lesquelles des étrangers auraient séjourné illégalement en Suisse, sur le territoire genevois – serait contraire au sens qui se dégage, d’un point de vue historique, systématique et téléologique, de la condition légale considérée. Une interprétation purement littérale de cette disposition réglementaire doit être écartée comme étant contraire au droit (ATAS/376/2016 du 17 mai 2016 consid. 5b sur le contrôle incident de constitutionnalité). Le législateur ne saurait avoir voulu que les PCFam soient accessibles aux étrangers résidant sans autorisation de séjour valable sur le territoire du canton, ni, partant, à ceux qui n’auraient pas régularisé leur situation, du point de vue de la police des étrangers, depuis au moins cinq ans.

6.        En l’espèce, M. A______ a obtenu une autorisation de séjour le 20 août 2015, et son épouse le 24 mars 2017. On ignore à quoi correspondent les dates des « 01.07.2015 » et « 08.10.2016 » qu’ils ont citées dans leur opposition du 7 décembre 2017 à la décision initiale de l’intimé ; peut-être (mais la question peut rester ouverte) s’agit-il des dates auxquelles ils ont requis une autorisation de séjour auprès de l’OCPM. Il sied de noter que dans leur demande de PCFam du 20 juin 2017, les recourants avaient répondu par la négative à la question de savoir s’ils résidaient de manière ininterrompue sur le territoire genevois depuis cinq ans et que lui y était arrivé le 20 juin 2015 et elle le 8 octobre 2016. C’est dans leur opposition précitée qu’ils ont invoqué pour la première fois qu’en réalité ils vivaient « en Suisse », lui depuis 2012 et elle depuis 2006 déjà.

Quoi qu’il en soit – autrement dit même s’il était établi que les recourants s’étaient constitués un domicile et avaient leur résidence habituelle sur le territoire genevois depuis au moins l’année 2012 (plus précisément le 20 juin ou le 10 novembre 2012 selon qu’on prend la date de dépôt de leur première ou de leur seconde demande de PCFam) –, force serait de constater qu’ils n’y résidaient pas au bénéfice d’une autorisation de séjour valable depuis au moins cinq ans lors du dépôt de leur demande de PCFam (le 20 juin 2017), ni même le jour où l’intimé a rendu la décision attaquée (le 18 janvier 2018), ni même encore à ce jour. Ils ne remplissaient à aucune de ces dates la condition du délai de carence prévue par l’art. 36A al. 1 let. a LPCC.

Aussi le refus de leur demande de PCFam était-il et reste-t-il bien fondé. Le recours doit être rejeté.

7.        La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

Vu l’issue donnée au recours, il n’y a pas matière à allocation d’une indemnité de procédure (art. 89H al. 3 LPA).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le