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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2456/2018

ATAS/228/2019 du 20.03.2019 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2456/2018 ATAS/228/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 mars 2019

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o B______, à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après l’intéressé ou le recourant), né le ______ 1953 et ressortissant philippin, réside sans autorisation de séjour en Suisse depuis 1998 et est au bénéfice d’une rente d’invalidité depuis le 1er mars 2016.

2.        Il a demandé des prestations complémentaires le 28 août 2017.

3.        Par décision du 31 octobre 2017, le service des prestations complémentaires (ci-après le SPC ou l’intimé) a refusé d’entrer en matière sur sa demande, au motif que, d’après les renseignements en sa possession, les formalités d’obtention d’une autorisation de séjour dans le canton de Genève étaient en cours auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après OCPM).

4.        Le 30 novembre 2017, l’intéressé a formé opposition à la décision précitée, faisant valoir que l’exigence d’être au bénéfice d’un titre de séjour ne s’appuyait sur aucune base légale ni réglementaire.

5.        Par décision sur opposition du 13 juin 2018, le SPC a rejeté l’opposition. Une des conditions pour bénéficier à Genève des prestations complémentaires tant fédérales que cantonales était d’avoir son domicile et sa résidence habituelle en Suisse, respectivement dans le canton de Genève. Seule la présence effective et conforme au droit valait résidence habituelle en Suisse. Les périodes au cours desquelles une personne avait séjourné illégalement en Suisse n'étaient pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014). Le fait de ne pas être au bénéfice d’une autorisation de séjour valable constituait un empêchement à l’obtention de prestations complémentaires (ATAS/770/2016 du 27 septembre 2016). En l’espèce, l’intéressé n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour et ne pouvait donc pas prétendre à l’octroi de prestations complémentaires.

6.        L’intéressé a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 17 juillet 2018. Il faisait valoir que le Tribunal fédéral s’était prononcé, en certaines circonstances, en faveur de l’octroi de prestations complémentaires alors même que le requérant étranger ne justifiait pas d’un titre de séjour au cours des dix années précédant sa demande. Le fait d’avoir cotisé aux assurances sociales au titre d’une activité lucrative exercée en Suisse, même sans autorisation idoine, revêtait une importance à cet égard (ATF 118 V 79; ATAS/750/2013 du 24 juillet 2013). Était également un élément déterminant le respect de l’art. 112 al. 2 Cst., en vertu duquel la législation sur l’AVS et l’AI devait prévoir des rentes couvrant les besoins vitaux de manière appropriée. Les prestations complémentaires visaient, de par leur nature, à couvrir des besoins vitaux et à restreindre le recours à l’assistance sociale. La notion même de besoins vitaux, telle que retenue par les législations sur les prestations complémentaires, plaçait cette notion à un niveau non négligeable, inscrivant les prestations complémentaires dans la perspective de la mise en œuvre des buts sociaux de la Confédération et des cantons. En l’espèce, il ne disposait pas de ressources suffisantes lui permettant de couvrir ses besoins vitaux. Par ailleurs, il avait déposé, le 17 décembre 2013, une demande d’autorisation de séjour et de travail, qui demeurait pendante auprès de OCPM, de sorte que son statut était en cours de régularisation et, à tout le moins, non irrégulier depuis plusieurs années. De plus, une convention de sécurité sociale existait entre la Suisse et les Philippines, État dont il était ressortissant. Il devait pouvoir, au moins subsidiairement, bénéficier de prestations complémentaires équivalant au minimum de la rente complète correspondant à la rente prévue à l’art. 5 al. 3 LPC. Enfin, il avait atteint l’âge de la retraite. De multiples circonstances abondaient dans le sens de l’octroi de prestations complémentaires en sa faveur.

7.        Par réponse du 30 juillet 2018, le SPC a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés par le recourant n’étaient pas susceptibles de conclure à une appréciation différente du cas.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA, art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC; J 4 20], art. 43 LPCC et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985; LPA - E 5 10).

3.        Le présent litige porte sur le droit du recourant aux prestations complémentaires et, plus particulièrement, sur la question de savoir si l’intimé était légitimé à refuser d’entrer en matière sur sa demande de prestations en raison du défaut d’autorisation de séjour valable.

4.        Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1.2; ATF 127 V 466 consid. 1 et les références). Partant, la situation du demandeur doit être examinée à l’aune des dispositions en vigueur jusqu'en juin 2018, date de la décision querellée.

5.        L’une des conditions d’octroi des prestations complémentaires est d’avoir son domicile et sa résidence habituelle en Suisse, respectivement dans le canton de Genève (art. 4 al. 1 LPC; art. 1 let. a LPFC; art. 2 al. 1 let. a LPCC; art. 36A al. 1 let. a LPCC).

Pour les prestations complémentaires fédérales (ci-après PCF), l’art. 5 al. 1 et 2 LPC, dans sa teneur jusqu'au 30 juin 2018, prévoyait que les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation, le délai de carence étant ramené à cinq ans pour les réfugiés et apatrides. Sont exceptés les ressortissants étrangers des États de l’Union européenne (ci-après : UE) ou de l’Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE), pour autant qu’ils aient leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse (Michel VALTERIO, Commentaire LPC, n. 1 ss ad art. 5). L’art. 1 let. a LPFC précise, s’agissant des prestations complémentaires fédérales, qu’y ont droit les personnes qui ont leur domicile sur le territoire de la République et canton de Genève, dans la perspective de préciser le canton en charge d’allouer et verser les PCF.

Dans sa teneur actuelle, en vigueur depuis le 1er juillet 2018, l’art. 5 al. 1 LPC précise que les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires que s’ils séjournent de manière légale en Suisse.

Concernant les prestations complémentaires cantonales (ci-après PCC), pour les requérants suisses ou ressortissants de l’un des États membres de l'AELE ou de l’UE, l’art. 2 al. 2 LPCC prévoit un délai de carence de cinq ans de domicile et de résidence en Suisse ou sur le territoire d’un État membre de l’AELE ou de l’UE sur les sept années précédant le dépôt de la demande de PCC, et l’art. 2 al. 3 LPCC exige, pour les autres étrangers, les réfugiés et les apatrides, un domicile et une résidence effective dans le canton de Genève, sans interruption, durant les dix années précédant le dépôt de la demande de PCC.

Pour la computation du délai de carence prévu par la LPC, la jurisprudence fédérale retient que ne peut compter comme temps de résidence en Suisse, en vertu de l’art. 5 al. 1 et 2 LPC, que le temps durant lequel les étrangers requérant des prestations complémentaires étaient au bénéfice d’un permis de séjour valable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3).

Comme la chambre de céans l’a développé dans un arrêt rendu en plénum (ATAS/748/2017 du 31 août 2017), il s’agit d’une jurisprudence constante, qui vaut aussi pour les PCC, compte tenu des motifs qui l’étayent ainsi que de la volonté du législateur genevois d’aligner le régime genevois des prestations complémentaires sur le régime fédéral (ATAS/748/2017 précité consid. 8). Dans cet arrêt de principe, la chambre de céans a jugé que tant pour les PCF que pour les PCC, il ne faut prendre en compte, sauf si le principe de la bonne foi commande le contraire, que les périodes de séjour dûment autorisé pour vérifier si les étrangers requérant de telles prestations remplissent la condition d’une résidence habituelle en Suisse durant le nombre d’années exigé lors du dépôt de la demande desdites prestations.

Dans un arrêt du 8 octobre 2018 (ATAS/891/2018), la chambre de céans a jugé que le seul dépôt d’une demande d’autorisation de séjour ne pouvait constituer le point de départ du délai de carence, en application du principe de la bonne foi.

6.        Lorsqu'un travailleur étranger tombe malade ou est victime d'un accident en Suisse, le défaut de l'autorisation de travail exigée par le droit public n'exclut pas le droit à des prestations de l'assurance-invalidité fédérale. Le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'était pas contraire à l'ordre public suisse d'allouer des prestations d'assurances sociales, plus particulièrement de l'assurance-invalidité, à un ressortissant étranger entré illégalement en Suisse et dont le gain d'un « travail au noir » a été soumis à cotisations (ATF 118 V 79).

7.        La convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République des Philippines conclue le 17 septembre 2001 et approuvée par l'Assemblée fédérale le 25 septembre 2003 (RS 0.831.109.645.1) est applicable en ce qui concerne la Suisse à la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants et la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité.

8.        En l’espèce, le recourant n'est pas au bénéfice d'un titre de séjour en Suisse. Il ne remplit par conséquent pas la condition d'un domicile légal en Suisse, selon les dispositions légales et la jurisprudence applicables en la matière.

Il ne peut pas se prévaloir de la jurisprudence relative à l'assurance-invalidité qui concerne une situation différente, à savoir des personnes illégalement en Suisse qui ont cotisé pour cette assurance en raison de l'exercice d'une activité lucrative (ATF 118 V 79). L'assuré n'a, en effet, pas payé de cotisations sur la base de la législation relative aux prestations complémentaires, même s'il a travaillé en Suisse.

Le recourant ne peut pas non plus se prévaloir du fait qu'il a déposé une demande d’autorisation de séjour et de travail, car même si son séjour était toléré par l'OCPM en attendant sa décision, cela ne permettrait pas de considérer qu'il réside légalement en Suisse, selon la jurisprudence précitée.

Enfin, les prestations complémentaires n'entrent pas dans le champ matériel de la convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République des Philippines, de sorte qu'elle ne s'applique pas au cas d'espèce.

9.        Infondé, le recours sera rejeté.

10.    La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

 

À la forme :

1. Déclare le recours recevable

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 – LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le