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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/874/2020

ATAS/769/2021 du 21.07.2021 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/874/2020 ATAS/769/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juillet 2021

8ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à 1219 Le Lignon

 

 

recourante

contre

 

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, Genève

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______(ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1974, de nationalité équatorienne, divorcée, s'est installée en Suisse, dans le canton de Genève, le 8 octobre 2008. Elle est la mère de quatre enfants, soit de :

-          B______, née le ______ 1994, de nationalité équatorienne, ayant Monsieur C______ pour père et ayant été mise au bénéfice d'un livret L-OASA en 2009 dans le canton de Genève jusqu'à son départ pour l'Equateur le 7 août 2009 ;

-          D______, né le ______ 2007, ressortissant des Etats-Unis d'Amérique, ayant Monsieur E______ pour père (dont l'assurée divorcera le 5 mars 2013 et qui décédera en février 2018), ayant été mis au bénéfice, dans le canton de Genève, d'abord d'un livret L-OASA en 2009 puis d'un livret B-OASA en 2013 ;

-          F______, né le ______ 2011, de nationalité suisse, ayant Monsieur G______ pour père ;

-          H______, né le ______ 2014, de nationalité suisse, ayant Monsieur G______ pour père.

2.        Du 8 octobre 2008 au 7 août 2009, l'assurée a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour de courte durée au titre du regroupement familial pour vivre auprès de son époux d'alors, M. E______, autorisation dont le renouvellement a été refusé par une décision du 2 mars 2010, qui n'est cependant pas entrée en force.

3.        Le 2 décembre 2013, l'assurée a été mise au bénéfice d'une nouvelle autorisation de séjour pour cas de rigueur, en tant que mère d'un enfant citoyen suisse. Cette autorisation de séjour a pris fin le 13 février 2014, l'assurée ayant annoncé son départ définitif de Suisse pour l'Equateur.

4.        Le 21 décembre 2015, l'assurée a demandé l'octroi d'une autorisation de séjour pour vivre auprès de G______, père de ses enfants F______ et H______. L'instruction de cette demande a pris fin dans le canton de Genève le 5 avril 2016, du fait que l'assurée et son compagnon précité se sont installés dans le canton de Vaud dès le 1er avril 2016, mais elle a été reprise le 14 novembre 2016 après que ledit couple s'était réinstallé dans le canton de Genève.

5.        Le 11 septembre 2017, G______ a écrit à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que sa concubine (soit l'assurée) n'habitait plus au domicile qu'il avait alors à Chêne-Bougeries (GE), mais qu'elle serait installée en France avec son fils D______ tandis que leurs enfants communs, F______ et H______, restaient domiciliés en Suisse à son domicile précité jusqu'à décision du juge. Il a ajouté que "Pour [sa] part, on [pouvait] annuler la demande en cours de permis de séjour de Mme A______ et de son fils D______."

6.        Les relations entre l'assurée et son compagnon précité, G______, étaient devenues conflictuelles au plus tard en 2017. Dès le 1er mars 2017, l'assurée avait été vue régulièrement par une intervenante-psychologue du Centre de consultation pour victimes d'infractions (ci-après : Centre LAVI). Elle et ses trois enfants précités D______, F______ et H______ ont été accueillis successivement dans deux voire trois foyers d'hébergement d'urgence à Genève (d'après une attestation du Centre LAVI du 16 octobre 2017 "actuellement", puis à l'Hôtel I______ dès le 1er novembre 2017, puis encore à la Résidence J______ dès le 26 septembre 2018). L'assurée a été suivie par l'Hospice général.

7.        A la suite du décès de E______, son ex-époux et père d'D______, l'assurée a été mise au bénéfice, par décision du 5 octobre 2018, d'une rente de veuve et, pour l'enfant précité, d'une rente d'orphelin de père, avec effet au 1er mars 2018.

8.        Le 2 juillet 2019, à l'initiative et avec le soutien de l'Hospice général, l'assurée a saisi le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l'intimé) d'une demande de prestations complémentaires, pour le groupe familial composé d'elle-même comme ayant droit et de ses trois enfants précités D______, F______ et H______.

9.        Par décision du 5 juillet 2019, le SPC a refusé cette demande de prestations complémentaires, pour le motif que l'assurée ne réalisait pas la condition d'être domiciliée et de résider habituellement en Suisse.

10.    Le 2 août 2019, l'assurée a formé opposition contre cette décision. Elle-même et ses trois enfants précités (dont deux étaient suisses) habitaient "à Genève depuis 2015, et à la Résidence J______ depuis 09.2018." Elle produisait :

-          des attestations du 2 août 2019 de l'OCPM, aux termes desquelles l'assurée et D______ résidaient sur le territoire du canton de Genève, à la Résidence J______, "dans l'attente d'une décision définitive sur l'octroi ou la prolongation de [leur] autorisation de séjour" ;

-          des certificats de domicile du 21 décembre 2018 de l'OCPM, selon lesquels ses enfants F______ et H______ étaient domiciliés à la Résidence J______;

-          une attestation de la Résidence J______ du 2 août 2019 certifiant que l'assurée et ses trois enfants précités habitaient dans cet établissement hôtelier par l'intermédiaire de l'Hospice général depuis le 26 septembre 2018 ;

-          un procès-verbal d'audience de comparution personnelle des mineurs H______ et F______ (représentés par une curatrice), l'assurée et G______ du 26 juin 2019 devant le Tribunal civil de Genève (comportant une décision sur mesures provisionnelles prévoyant que lesdits mineurs passeraient leurs vacances d'été en juillet avec leur mère et en août avec leur père) ;

-          une décision du 28 janvier 2019 de la Caisse cantonale genevoise de compensation affiliant l'assurée à l'AVS à partir du 1er septembre 2015 en qualité de personne sans activité lucrative.

11.    Par décision sur opposition du 14 février 2020, le SPC a rejeté l'opposition de l'assurée à sa décision précitée du 5 juillet 2019 et a confirmé cette dernière par substitution de motifs, retenant désormais, sur la base des documents produits par l'assurée, que cette dernière avait bien son domicile et sa résidence dans le canton de Genève mais qu'elle n'était pas au bénéfice d'une autorisation de séjour valable, ce qui constituait un empêchement à l'octroi de prestations complémentaires à l'AVS/AI.

12.    Par acte du 5 mars 2020, posté le lendemain, l'assurée a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS). L'assurée expliquait que leurs permis de séjour étaient en révision depuis 2017, à la suite du courrier précité que G______ avait envoyé le 11 septembre 2017 à l'OCPM. Elle décrivait ses conditions de vie depuis sa séparation "violente" avec G______ : dans des foyers d'accueil depuis trois ans, dans l'attente du paiement des pensions alimentaires dues depuis 2017, avec deux de ses trois enfants précités atteints d'autisme. L'assurée produisait notamment :

-          un courrier du 4 mars 2020 par lequel l'OCPM se disait disposé à faire droit à la demande d'autorisation de séjour de l'assurée et de son fils D______, à condition qu'elle mette tout en œuvre pour ne plus dépendre de l'aide sociale, rembourse ses dettes et adopte un comportement irréprochable, et transmettait son dossier au Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) pour approbation ;

-          une attestation du 14 février 2020 de l'Administration fiscale cantonale certifiant que l'assurée, domiciliée à la Résidence J______, était inscrite au rôle des contribuables et assujettie de manière illimitée aux impôts cantonal, communal et fédéral direct dans le canton de Genève ;

-          une attestation d'aide financière du 26 novembre 2019 de l'Hospice général ;

-          une décision de la Justice de paix du district de Nyon, définitive et exécutoire dès le 19 novembre 2019, prononçant la mainlevée définitive de l'opposition à une poursuite de l'assurée contre G______ en paiement de pensions alimentaires en faveur de leurs enfants F______ et H______, à concurrence de CHF 34'798.- plus intérêts au taux de 5 % l'an dès le 1er septembre 2018.

13.    Le 1er avril 2020, le SEM a donné son approbation à l'octroi d'une autorisation de séjour à l'assurée et son fils D______, qui ont donc été mis au bénéfice d'une telle autorisation valable dès le 1er avril 2020.

14.    Le 3 avril 2020, le SPC a conclu au rejet du recours. Au moment – déterminant – où le SPC avait rendu la décision attaquée, l'assurée n'était pas au bénéfice d'une autorisation de séjour valable. Elle paraissait ne l'être toujours pas, le SEM n'ayant (à sa connaissance) pas encore donné son approbation à l'autorisation de séjour délivrée par l'OCPM. Il serait loisible à l'assurée de déposer une nouvelle demande de prestations complémentaires sitôt qu'elle aurait été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour valable ; le SPC examinerait ensuite si elle remplissait les autres conditions personnelles et économiques prévues par la législation et rendrait une nouvelle décision sujette à opposition.

15.    Le 20 août 2020, l'assurée a écrit à la CJCAS qu'à la suite de l'obtention de son permis B en mars 2020, elle avait pu obtenir un appartement HBM dans une situation d'urgence. Elle produisait notamment :

-          une copie des autorisations de séjour B ayant été délivrées pour elle-même et son fils D______ ;

-          une attestation du 29 juin 2020 de l'OCPM, aux termes de laquelle l'assurée résidait légalement sur le territoire du canton de Genève depuis le 8 octobre 2008 et était titulaire d'un titre de séjour (permis B).

16.    Le 2 septembre 2020, le SPC a persisté à conclure au rejet du recours, pour le motif qu'au moment où il avait rendu la décision attaquée, l'assurée n'était pas au bénéfice d'une autorisation de séjour valable. Il invitait l'assurée à déposer une nouvelle demande de prestations complémentaires.

17.    Le 24 juin 2021, répondant à des questions que la CJCAS lui avait posées le 23 juin 2021, l'OCPM a indiqué que l'assurée avait été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour de courte durée dès le 8 octobre 2008, puis, le 2 décembre 2013 (après des péripéties ici non pertinentes), d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur (en tant que mère d'un enfant citoyen suisse). Cette autorisation-ci avait pris fin le 13 février 2014 lorsque l'assurée avait annoncé son départ définitif de Suisse pour l'Equateur. Le 21 décembre 2015, l'assurée avait demandé à l'OCPM de lui octroyer une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, dont l'instruction avait été interrompue du fait qu'elle et son compagnon d'alors et père de ses enfants F______ et H______ avaient annoncé leur départ pour le canton de Vaud, mais qui avait été reprise dès le 14 novembre 2016 du fait de leur réinstallation dans le canton de Genève. Après sa séparation d'avec M. G______ (et l'envoi par ce dernier de sa lettre précitée du 11 septembre 2017 à l'OCPM), l'assurée avait été en mesure de démontrer qu'elle avait son domicile effectif dans le canton de Genève dès le 12 octobre 2017 et avait obtenu la garde de ses enfants citoyens suisses précités dès le 26 août 2019. Le 4 mars 2020, l'OCPM avait soumis au SEM, avec un préavis favorable, la demande d'autorisation de séjour de l'assurée, et le SEM avait donné son approbation le 1er avril 2020. L'assurée était ainsi au bénéfice d'une nouvelle autorisation de séjour, valable dès le 1er avril 2020. L'assurée n'avait fait l'objet, par le passé, ni d'une révocation d'autorisation de séjour, ni d'une décision de renvoi devenue exécutoire. L'OCPM considérait que durant l'instruction de sa demande d'autorisation de séjour, l'assurée pouvait rester en Suisse, au bénéfice d'une tolérance.

18.    Le 2 juillet 2021, le SPC a relevé qu'au moment où la décision attaquée avait été rendue, l'assurée n'était pas au bénéfice d'une autorisation de séjour valable et que la procédure alors en cours devant l'OCPM, ayant abouti à la délivrance d'une autorisation de séjour valable dès le 1er avril 2020, était une procédure d'octroi et non de renouvellement d'autorisation de séjour. Le fait que l'OCPM avait toléré la présence de l'assurée en Suisse pendant cette procédure ne rendait pas son séjour légal sous l'angle de la législation sur les prestations complémentaires. L'assurée pouvait déposer une nouvelle demande de prestations complémentaires.

19.    L'assurée n'a pas présenté d'observations suite à la réponse précitée de l'OCPM du 24 juin 2021, ainsi que la CJCAS lui avait indiqué qu'il lui était loisible de le faire.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la CJCAS connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie, la décision attaquée ayant été rendue sur opposition en application des lois précitées.

Le recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC), dans le respect des exigences de forme et de contenu posées par la loi (art. 61 let. b LPGA ; cf. aussi art. 89B LPA).

Touchée par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, la recourante a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b et 89A LPA).

Le recours est donc recevable.

2.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était pendant devant la chambre de céans au 1er janvier 2021, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass.féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

Ne s’appliquent pas non plus en l’espèce, eu égard à leurs dispositions transitoires respectives, les modifications, également entrées en vigueur le 1er janvier 2021, qui ont été apportées à la LPC par la réforme des prestations complémentaires du 22 mars 2019 (RO 2020 585 ; FF 2016 7249), de même que par le ch. I.5 de la loi fédérale du 20 décembre 2019 sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches (RO 2020 4525 ; FF 2019 3941).

3.        Le litige porte sur la question de savoir si, au moment où la décision attaquée a été rendue, la recourante remplissait l'une des conditions d'octroi de prestations complémentaires, à savoir celle d'avoir sa résidence habituelle en Suisse (et dans le canton de Genève) en dépit du fait que – selon l'intimé – elle n'était alors pas au bénéfice d'une autorisation de séjour valable.

4.        a. Il n'est pas contesté que le droit aux prestations complémentaires (ci-après : PC), tant fédérales (ci-après : PCF) que cantonales (ci-après : PCC), suppose notamment que le bénéficiaire ait, cumulativement, son domicile et sa résidence habituelle respectivement en Suisse et dans le canton de Genève, en plus de remplir d'autres conditions qui ne sont pas l'objet de la décision attaquée ni, partant, du recours, comme – sied-il de relever en l'espèce – la condition (réalisée par la recourante) de percevoir par exemple une rente de l'AVS (art. 4 al. 1 let. b LPC ; art. 2 al. 1 let. b LPCC).

Cette exigence de domicile et de résidence habituelle est posée, pour les PCF, par l'art. 4 al. 1 in initio LPC et, en tant qu'elles doivent être versées par le canton de Genève, par l'art. 1 al. 2 de la loi (genevoise) sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 (LPFC - J 4 20). Pour les PCC, elle l'est par l'art. 2 al. 1 let. a LPCC.

Cette condition est interprétée de façon identique pour les PCF et le PCC, pour des motifs de sécurité juridique et d'harmonisation des pratiques administratives (ATAS/415/2018 du 15 mai 2018 consid. 3b ; ATAS/748/2017 du 31 août 2017 consid. 7a et 8), que fonde au demeurant la volonté du législateur genevois d'appliquer aux PCC, en cas de silence de la LPCC, les dispositions de la LPC et de la LPGA (art. 1A al. 1 LPCC).

b. Des conditions supplémentaires s'appliquent pour les ressortissants étrangers, dont des délais de carence, autrement dit une durée minimale de séjour en Suisse et dans le canton de Genève durant un certain nombre d'années avant le dépôt de la demande de PC (art. 5 al. 1 et 2 LPC ; art. 2 al. 2 et 3 LPCC).

La recourante étant de nationalité équatorienne, il n'est point besoin de mentionner ici ce qu'il en est à cet égard des ressortissants d'un Etat de l'Union européenne ou de l'Association européenne de libre-échange (cf. art. 32 LPC art. 2 al. 2 LPCC ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 1 ss ad art. 5 et n. 1 ss ad art. 32).

Il sied en revanche d'indiquer qu'au sens des dispositions instituant des délais de carence, le Tribunal fédéral a précisé que seule la présence effective et conforme au droit valait résidence habituelle (Michel VALTERIO, op. cit., n. 2 ad art. 5). Il ne serait pas admissible, sous peine d'avantager celui qui passe outre à l'obligation de quitter la Suisse au détriment de celui qui se soumet à cette exigence, de retenir le séjour effectif lorsque ce séjour n'est pas conforme aux autorisations délivrées par l'autorité compétente, et ce indépendamment du fait que l'étranger résidant illégalement en Suisse ait le cas échéant été tenu de verser des cotisations aux assurances sociales (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3 ; ATAS/415/2018 du 15 mai 2018 consid. 4 ; ATAS/748/2017 de principe du 31 août 2017 ; ATAS/770/2016 du 27 septembre 2016 consid. 2c i.f.). Les directives de l'office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (ci-après : DPC) prévoient de même, à leur n° 2320.01, que seule la présence effective "et conforme au droit" vaut résidence habituelle, et précisent que les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour.

c. Dans l'intervalle, cette interprétation a trouvé une consécration dans la LPC elle-même, puisque, dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2018 (issue d'une modification apportée à la LPC par la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20), elle prévoit explicitement, à son art. 5 al. 1 phr. 1, que les étrangers n'ont droit à des prestations complémentaires que s'ils séjournent de manière légale en Suisse.

Comme la chambre de céans l'a relevé dans l'ATAS/748/2017 précité (consid. 6e) en citant le Message du Conseil fédéral du 4 mars 2016 relatif à cette modification législative (FF 2016 p. 2835 ss), la mise en œuvre des art. 121a et 197 ch. 11 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) sur la gestion de l’immigration, acceptés par le peuple et les cantons le 9 février 2014, impliquait de prévoir un échange de données relatif à la perception de prestations complémentaires et à la révocation des autorisations de séjour et fournissait ainsi l’occasion « d’exclure de manière explicite le versement de prestations complémentaires aux étrangers sans titre de séjour en Suisse » (p. 2839). Le commentaire selon lequel la nouvelle disposition proposée devait permettre « de ne plus octroyer des prestations complémentaires lorsque l’étranger séjourn(ait) en Suisse de manière illégale » (p. 2891) ne devait pas être compris comme l’admission, jusque-là, d’une prise en compte des périodes de séjour illégal en Suisse dans le calcul du délai de carence prévu par l’art. 5 LPC. En effet, comme le retenait déjà une ancienne jurisprudence fédérale (soit l’arrêt du Tribunal fédéral des assurances sociales P 42/90 du 8 janvier 1992, cité in ATF 118 V 79 consid. 4b), « les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée du séjour » (Message précité, p. 2891) ; il s’agissait de supprimer l’état de fait résultant de la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l’AI (par exemple l’arrêt I 486/00 du 30 septembre 2004 précité), en vertu de laquelle « la perte du droit de séjour n’entraîn(ait) pas nécessairement et automatiquement la perte du domicile suisse, ce dernier perdur(ant) tant que l’étranger séjourn(ait) en Suisse et manifest(ait) sa volonté d’y rester », avec l’effet que « malgré le fait que l’étranger ne soit plus au bénéfice d’une autorisation de séjour, la résidence en Suisse (était) reconnue par l’art. 4 al. 1 LPC » (Message précité, p. 2891). Ainsi que le Conseil fédéral l’a indiqué, la modification proposée de l’art. 5 al. 1 LPC visait à ce qu’il ne soit plus possible « de percevoir des prestations complémentaires une fois qu’une autorisation de séjour ou de courte durée aura(it) été révoquée » (Message précité, p. 2866), ce qui supposait qu’une telle autorisation avait préalablement été accordée.

La modification considérée de l'art. 5 al. 1 LPC partait donc du présupposé, considéré comme un acquis jurisprudentiel, que la condition d’une résidence ininterrompue en Suisse prévue par l’art. 5 LPC ne saurait être réalisée au regard de périodes de séjour illégal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_38/2020 du 20 octobre 2020 consid. 5).

De même, l'exigence d'une résidence habituelle en Suisse prévue par l'art. 4 al. 1 in initio LPC pour les PCF et par l'art. 2 al. 1 let. a LPCC pour les PCC suppose, pour des étrangers, que ceux-ci y séjournent légalement.

d. Il ne s'en suit pas que le versement de PC doit être refusé ou, le cas échéant, supprimé ou interrompu durant la procédure de renouvellement ou de prolongation d'une autorisation de séjour, procédure qui s'étend fréquemment au-delà de la durée de validité formelle de l'autorisation de séjour considérée.

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser ce point dans des affaires dans lesquelles les organes d'exécution de la législation sur les PC avaient supprimé du calcul du droit aux PC le conjoint étranger d'un bénéficiaire étranger de PC après que les autorités de police des étrangers avaient révoqué l'autorisation de séjour dudit conjoint en application du nouvel art. 43 al. 1 let. e LEI, selon lequel, dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2019, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, (notamment) à la condition que la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de LPC ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (arrêts du Tribunal fédéral 9C_522/2020 du 15 janvier 2021 consid. 6.1 ; 9C_378/2020 du 25 septembre 2020 consid. 5).

L'autorisation de séjour est limitée dans le temps, mais peut être prolongée s'il n'existe aucun motif de révocation au sens de l'art. 62 al. 1 LEI (art. 33 al. 3 LEI). Elle prend fin notamment lorsque l'étranger déclare son départ de Suisse (art. 61 al. 1 let. a LEI), à son échéance (art. 61 al. 1 let. c LEI) ou en cas de révocation (art. 62 LEI). La personne concernée peut cependant rester en Suisse pendant la procédure de prolongation de l'autorisation de séjour, y compris après l'échéance de cette dernière, lorsqu'elle a déposé une demande de prolongation et pour autant que l'autorité compétente n'ait pas pris à ce propos des mesures provisionnelles différentes ; c'est ce que prévoit explicitement l'art. 59 al. 2 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Le droit de séjour qui en résulte est certes de nature procédurale, mais il fait perdurer les prérogatives liées à l'autorisation de séjour au-delà de la durée de validité formelle de cette dernière.

La chambre de céans a jugé que la personne ainsi admise à rester en Suisse jusqu'à l'issue de la procédure relative à la prolongation de son autorisation de séjour continuait à remplir la condition d'une résidence habituelle en Suisse posée pour avoir droit à des PC (ATAS/1058/2020 du 29 octobre 2020 consid. 8c et d et 10c ; cf. aussi l'arrêt PC 10/16 – 9/2017 du 28 septembre 2017 consid. 4 de la cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois).

5.        a. En l'espèce, il n'est pas contesté mais pas pertinent que la recourante a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour valable dès le 1er avril 2020, car l'octroi de cette dernière constitue un fait survenu postérieurement à la décision attaquée, du 14 février 2020, date qui fixe le pouvoir d'examen des autorités judiciaires (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 p. 231, cité dans l'arrêt précité du Tribunal fédéral 9C_38/2020 consid. 5 in fine). L'intimé n'a d'ailleurs pas manqué de le préciser dans ses écritures. De plus – se conformant à son devoir de renseigner les personnes assurées sur leurs droits et obligations, de façon générale comme en réponse à des situations particulières, ainsi que le prescrit l'art. 27 LPGA –, il a invité la recourante, même à réitérées reprises, à déposer une nouvelle demande de PC, après quoi il examinerait si elle remplit les autres conditions personnelles et économiques conditionnant le droit aux PC et rendrait une nouvelle décision sur son droit aux PC.

b. L'instruction du recours a permis d'établir que, par le passé, la recourante a été au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse et dans le canton de Genève, une première fois du 8 octobre 2008 au 7 août 2009, puis, après des péripéties ici non pertinentes, du 2 décembre 2013 au 13 février 2014, mais qu'à cette date-ci son autorisation de séjour a pris fin du fait que la recourante avait annoncé son départ définitif de Suisse pour l'Equateur.

L'art. 61 al. 1 let. a LEI prévoit explicitement que l'autorisation de séjour prend fin lorsque l'étranger déclare son départ de Suisse. Une réadmission en Suisse d'étrangers ayant été précédemment en possession d'une autorisation de séjour peut certes intervenir, possiblement à des conditions facilitées (art. 30 al. 1 let. k LEI ; art. 49 al. 1 OASA), toutefois à l'issue d'une procédure d'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour, et non de renouvellement ou de prolongation d'une autorisation de séjour. L'utilisation d'une formule quelque peu stéréotypée dans des attestations de l'OCPM (comme, en l'espèce, dans celles du 2 août 2019), selon laquelle un étranger est "dans l'attente d'une décision définitive sur l'octroi ou la prolongation" d'une autorisation de séjour, n'autorise pas à amalgamer ces deux situations distinctes.

En l'occurrence, c'est le 21 décembre 2015, soit une année et dix mois après que son autorisation de séjour avait pris fin, que la recourante a demandé l'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour. L'instruction de cette demande a été interrompue du 5 avril au 14 novembre 2016 (du fait que la recourante et son compagnon se sont installés dans le canton de Vaud durant cette période), puis elle a été reprise dès cette date-ci, pour n'aboutir à l'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour, avec l'approbation du SEM, que dès le 1er avril 2020.

Durant toute cette période de près de cinq ans, la recourante ne se trouvait pas dans la situation, visée par l'art. 59 al. 2 OASA, d'avoir déposé une demande de prolongation d'une autorisation de séjour et, partant, en l'absence de mesures provisionnelles différentes, d'être en droit de rester en Suisse. Sa situation est donc différente de celle ayant donné lieu à l'ATAS/1058/2020 précité du 29 octobre 2020, qui concernait une personne étrangère au bénéfice d'une autorisation de séjour en cours de renouvellement.

c. Sans doute sa précédente autorisation de séjour n'avait-elle pas été révoquée (mais elle avait bien pris fin, depuis près de deux ans) et la recourante n'avait-elle pas fait l'objet d'une mesure de renvoi. Son séjour en Suisse ne restait que toléré par l'autorité de police des étrangers.

Cette tolérance ne fondait pas un droit de séjour, fût-ce de nature procédurale, qui aurait fait naître en faveur de la recourante les prérogatives découlant d'une autorisation de séjour, ni fait revivre les prérogatives attachées à son ancienne autorisation de séjour. Le libellé de l'attestation que l'OCPM a délivrée le 29 juin 2020 à la recourante est manifestement erroné : en effet, comme cela résulte des renseignements que l'OCPM a donnés le 24 juin 2021 à la chambre de céans, il est faux de dire que cette dernière "résidait légalement sur le territoire du canton de Genève depuis le 8 octobre 2008 et était titulaire d'un titre de séjour (permis B)" ; la réalité est que du 21 décembre 2015 au 31 mars 2020, la recourante a séjourné en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance.

Ladite attestation ne lie ni l'intimé, ni la chambre de céans. Même pour une personne étrangère ayant été par le passé au bénéfice d'une autorisation de séjour ayant pris fin, il ne saurait suffire de déposer une demande d'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour pour que, durant son instruction par l'autorité de police des étrangers tolérant le cas échéant son séjour en Suisse, les organes d'exécution de la législation sur les PC doivent considérer, du fait de cette tolérance, que ladite personne remplit la condition d'avoir sa résidence habituelle en Suisse au sens des dispositions précitées de la LPC et de la LPCC.

d. Rien n'amène à considérer, en l'espèce, que cette conclusion serait contraire au principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.), dont la chambre de céans a réservé l'applicabilité en la matière considérée (ATAS/891/2018 du 8 octobre 2018 consid. 8b).

Ce principe protège l'administré dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances qu'il a le cas échéant reçues des autorités, aux conditions cumulatives suivantes : 1. il faut que l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard d'une personne déterminée ; 2. qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de sa compétence ; 3. que l’administré n’ait pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu ; 4. qu’il se soit fondé sur celui-ci pour prendre des dispositions qu’il ne saurait modifier sans subir un préjudice ; 5. que la loi n’ait pas changé depuis le moment où le renseignement a été donné (ATF 121 V 66 consid. 2a et les références ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, 2018, vol. II, n. 3510 ss).

En l'occurrence, du fait de la tolérance dont elle a bénéficié de la part de l'OCPM, la recourante n'a pas reçu l'assurance de voir son séjour ainsi toléré de facto en Suisse être considéré comme légal dans la perspective d'un droit à des PC. L'OCPM n'aurait en tout état pas été compétent ni pu être tenu pour compétent pour donner une telle assurance (ATAS/891/2018 précité consid. 8c). Il sied de noter qu'en tolérant son séjour en Suisse durant l'instruction de sa demande d'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour, l'OCPM n'a pas donné à la recourante l'assurance qu'elle obtiendrait une telle autorisation.

e. En conclusion, c'est à bon droit que l'intimé a considéré qu'à la date à laquelle il a rendu la décision attaquée (comme d'ailleurs à celle de la décision initiale, à laquelle celle-ci s'est substituée), la recourante ne remplissait pas la condition d'avoir sa résidence habituelle en Suisse et dans le canton de Genève, au sens d'y séjourner légalement, et n'avait donc pas droit à des PC.

6.        a. Le recours doit donc être rejeté.

b. Sous réserve d'exceptions ici non réalisées, la procédure en matière d’assurances sociales, en particulier de prestations complémentaires, est gratuite pour les parties (art. 61 let. a aLPGA ; art. 89H al. 1 LPA).

c. Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité de procédure à la recourante, qui n'obtient pas gain de cause (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA), ni d'ailleurs à l'intimé, dès lors qu'il s'agit d'une administration publique dotée d'un service juridique (Jean METRAL, in CR-LPGA, n. 98 et 100 ad art. 61 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1041).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure aux parties.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

Le président suppléant

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le