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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/656/2018

ATAS/287/2019 du 28.03.2019 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/656/2018 ATAS/287/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 mars 2019

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Maurice UTZ

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Madame A______ (ci-après : l’intéressée), née le ______ 1979 au Brésil, bénéficie d’une rente d’invalidité entière depuis janvier 2016.

2.        Le 2 mai 2017, elle a déposé une demande de prestations auprès du Service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC). Dans sa demande, elle a notamment indiqué être originaire du Brésil, résider à Genève depuis le 21 janvier 2007 et être séparée de son époux depuis septembre 2015.

3.        Selon le registre de l’Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM), l’intéressée, de nationalités brésilienne et portugaise, est arrivée à Genève le 1er janvier 2011, en provenance du Brésil. Elle a été mise au bénéfice d’un livret L-CE du 3 janvier au 31 décembre 2011.

Elle a eu deux enfants, nés en 2006 et 2016, avec Monsieur B______, né en 1985 au Brésil, de nationalités brésilienne et portugaise, domicilié à Genève du 25 mai 2010 au 2 juillet 2015, à la même adresse que l’intéressée depuis le 1er mai 2011.

Cela étant, l’intéressée s’est mariée au Portugal le 10 décembre 2012 avec Monsieur C______, né en 1977, ressortissant portugais, titulaire d’un permis B-CE jusqu’en décembre 2017, puis d’un permis C-CE, domicilié à Genève à la même adresse que l’intéressée entre le 10 décembre 2012 et le
31 octobre 2014. M. C______ a eu une fille en 2008 avec une femme domiciliée à la même adresse que lui depuis son arrivée à Genève, le 1er janvier 2014.

4.        Invitée à compléter sa demande, l’intéressée a indiqué au SPC, par courrier non daté reçu le 1er juin 2017, qu’elle était « dûment enregistrée » auprès de l’OCPM et que le renouvellement de son autorisation de séjour était en cours d’examen.

5.        Par courriel du 12 juin 2017, le SPC a demandé des informations supplémentaires à l’OCPM : il avait constaté que le titre de séjour L de l’intéressée était échu depuis le 31 décembre 2011 et que ses enfants ne figuraient pas dans le registre de l’Office.

6.        Le 29 juin 2017, l’OCPM a répondu que l’intéressée faisait l’objet d’une décision de révocation de son autorisation de courte durée, mais que la poursuite de son séjour en Suisse avait été préavisée favorablement. Son cas était à l’examen auprès de l’autorité fédérale. Les enfants étaient bien à Genève et des demandes étaient également à l’étude.

7.        Par décision du 3 juillet 2017, le SPC a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations du 2 mai 2017, au motif que les formalités d’obtention d’une autorisation de séjour à Genève étaient en cours auprès de l’OCPM, de sorte que l’intéressée n’était pas au bénéfice d’un permis de séjour valable.

8.        En date du 4 août 2017, l’intéressée a contesté cette décision en faisant valoir que, dans la mesure où elle avait été au bénéfice d’une autorisation de séjour par le passé, son séjour devait être considéré comme légal tant que l’OCPM analysait le droit au renouvellement de son titre de séjour. L’intéressée a en outre relevé que les ressortissants de pays hors de l’Union européenne avaient droit aux prestations complémentaires après un séjour ininterrompu de 10 ans à Genève. Or, elle vivait dans le canton depuis 10 ans et 7 mois.

9.        Par décision du 17 janvier 2018, le SPC a rejeté l’opposition de l’intéressée. Il a maintenu que cette dernière n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour valable, ce qui constituait un empêchement à l’obtention de prestations complémentaires.

10.    Le 6 février 2018, le SPC a renvoyé à l’intéressée, par pli simple, sa décision du 17 janvier 2018. En effet, celle-ci, envoyée d’abord par courrier recommandé, n’avait pas été retirée par sa destinataire dans le délai de garde.

11.    Par acte du 23 février 2018, l’intéressée, par l’intermédiaire d’un mandataire, a interjeté recours contre la décision du 17 janvier 2018 en concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à l’octroi de prestations complémentaires cantonales et fédérales pleines et entières.

La recourante fait grief à l’intimé d’avoir mal instruit la question de la légalité de son séjour en Suisse. Elle relève que la décision attaquée ne contient aucun élément de fait sur cette question, tout comme la décision initiale, de sorte qu’elle se dit incapable de comprendre la position de l’intimé.

La recourante soutient qu’elle séjourne légalement en Suisse ; suite à sa séparation d’avec un ressortissant de l’Union européenne, l’OCPM a été d’accord, après instruction, de renouveler son autorisation de séjour. Son dossier a été transmis à l’autorité fédérale compétente, laquelle ne s’est pas encore prononcée. Cela étant, il convient de considérer qu’elle séjourne légalement et valablement en Suisse en attendant.

La recourante produit un courrier de l’OCPM adressé à son conseil le
7 mars 2017. Il en ressort qu’elle a obtenu une autorisation de courte durée avec une activité lucrative en janvier 2011 en tant que ressortissante portugaise, sur la base d’une fausse carte d’identité portugaise. Elle a été condamnée le 22 juillet 2013 par le Tribunal de police pour faux dans les certificats, séjour illégal (du 1er janvier 2007 au 15 mai 2012) et activité lucrative sans autorisation (du 1er janvier 2007 au 15 mai 2012). Le 10 octobre 2012, elle a épousé M. C______, ressortissant portugais titulaire d’un permis de séjour. Elle a sollicité l’octroi d’une autorisation au titre du regroupement familial par courrier du 15 février 2013. Elle a également demandé l’octroi d’une autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial en faveur de son fils né en 2006 au Japon. Le mari de la recourante a déclaré à l’OCPM le 17 septembre 2015 qu’il ne vivait plus en ménage commun avec sa femme depuis mai 2015, ce qu’il a confirmé par courrier du 18 avril 2016, en précisant qu’une procédure de divorce allait être engagée. Au niveau médical, la recourante a été amputée de la jambe gauche suite à un accident de la route survenu au Brésil alors qu’elle était âgée de 16 ans. Elle a ensuite présenté un épisode dépressif avec deux tentatives de suicide. À l’âge de 19 ans, elle a été victime d’un viol et a débuté un suivi psychologique suite à des crises de panique et une dépression. Ses parents ayant déménagé, elle a vécu seule avant d’immigrer au Japon, où elle a habité de 24 à 27 ans. Elle est ensuite arrivée à Genève en 2007 et a présenté une recrudescence des symptômes dépressifs sévères dans un contexte de douleurs chroniques au niveau du dos. Elle est suivie depuis 2012 par la consultation de la douleur et bénéficie d’une prise en charge multidisciplinaire. Compte tenu des fausses déclarations de la recourante, son autorisation de courte durée a été révoquée. Concernant la demande d’autorisation de séjour suite à son union célébrée le 10 octobre 2012 au Portugal, il est relevé que ce mariage n’existe plus que de manière formelle puisque les époux sont séparés et qu’une procédure de divorce va être déposée, ce qui n’est pas contesté par la recourante. Cette dernière ne peut donc invoquer cette union (art. 3 annexe I ALCP) sans commettre un abus de droit manifeste. En l’absence de ménage commun, elle ne peut pas non plus soutenir que l’existence de domiciles séparés est justifiée par des raisons majeures. L’union conjugale n’ayant pas duré trois ans et la recourante étant défavorablement connue des services de police et ayant fait l’objet d’une condamnation pénale, une prolongation de l’autorisation de séjour après la dissolution du mariage n’est pas non plus envisageable. Toutefois, l’OCPM considère que la recourante peut se prévaloir de raisons personnelles majeures (la réintégration au Brésil de la recourante et de son fils est fortement compromise compte tenu du fait qu’ils séjournent à Genève depuis bientôt 10 ans, que l’enfant est arrivé en Suisse alors qu’il était âgé de moins d’une année et qu’il y est scolarisé depuis 2010 ; en outre, l’état de santé de la recourante est de nature à justifier des raisons majeures justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour). Pour ces motifs, l’OCPM a préavisé favorablement l’octroi d’une autorisation de séjour. Sa décision finale demeure toutefois soumise à l’approbation du Secrétariat d’État aux Migrations du Département fédéral de justice et police (ci-après : le SEM).

12.    Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 15 mars 2018, a conclu au rejet du recours.

13.    Par écriture du 9 mai 2018, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle allègue qu’elle vit à Genève depuis le 21 janvier 2007 et qu’elle a sollicité, le 15 février 2013, une autorisation de séjour au titre de regroupement familial auprès de l’OCPM, en application de l’accord sur la libre circulation des personnes. L’instruction de cette demande a été particulièrement ardue, mais l’OCPM a estimé que l’autorisation sollicitée était justifiée et en avait demandé l’approbation au SEM, lequel ne s’est pas encore déterminé. Il est donc manifeste, selon elle, que son domicile se trouve sur le territoire du canton de Genève.

14.    Par écriture du 28 mai 2018, l’intimé a maintenu ses conclusions.

15.    Le 24 juillet 2018, la recourante a informé la Chambre de céans que le SEM avait donné son approbation à l’octroi d’une autorisation de séjour. Elle rappelle que l’OCPM était disposé à lui octroyer un permis B depuis sa décision du 7 mars 2017.

La recourante produit un courrier du 18 juillet 2018 du SEM, duquel il ressort que l’autorisation de séjour en sa faveur a été approuvée et que le dossier a été renvoyé à l’OCPM qui délivrera prochainement le titre de séjour. Toutefois, compte tenu du fait que la rente d’invalidité de la recourante est en cours de révision, la validité de l’autorisation de séjour a été limitée à une année. À son échéance, l’autorité cantonale compétente procédera à une nouvelle évaluation de la situation professionnelle, financière et familiale.

16.    D’après les indications du registre de l’OCPM, la recourante est titulaire d’un livret B-OASA (autorisation de séjour après dissolution du mariage ou de la famille constituée au titre du regroupement familial, lorsque la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures autres que la violence conjugale) depuis le 18 juillet 2018.

17.    Le 13 septembre 2018, l’intimé a souligné que l’approbation d’une autorisation de séjour était intervenue postérieurement à la période litigieuse.

Il rappelle à cet égard que la demande de prestations complémentaires a été déposée le 2 juin 2017 et qu’il a refusé d’entrer en matière le 3 juillet 2017. Dès lors, il suggère que la recourante soit invitée à déposer une nouvelle demande de prestations complémentaires.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93
consid. 6b ; ATF 112 V 360 consid. 4a ; RAMA, 1998, KV 37, p. 316, consid. 3b).

3.        Le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours (art. 60 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du
14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC). Une communication qui n'est remise que contre la signature du destinataire ou d'un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 38 al. 2 bis LPGA).

Le recours du 23 février 2018 contre la décision sur opposition du 17 janvier 2018, réputée reçue le 25 janvier 2018, a été interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi, de sorte qu’il est recevable (art. 56 et 60 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations complémentaires fédérales et cantonales, singulièrement sur la question de savoir si les conditions supplémentaires prévues pour les étrangers étaient réalisées lors du dépôt de sa demande, le 2 mai 2017 et si c’est à juste titre que l’intimé l’a rejetée par décision du 3 juillet 2017, confirmée le 17 janvier 2018.

5.        a. Selon l’art. 2 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (al. 1). Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la présente loi et fixer les conditions d’octroi de ces prestations (al. 2).

D’après l’art. 4 al. 1 let. c LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles ont notamment droit à une rente de l’assurance-invalidité. Conformément à l’art. 13 LPGA, le domicile d’une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), et une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée.

L’art. 5 LPC prévoit des conditions supplémentaires que doivent réaliser les ressortissants étrangers qui ne sont pas ressortissants d’un État de l’Union européenne (ci-après : l’UE) ou de l’Association européenne de libre-échange
(ci-après : l’AELE ; cf. ATF 133 V 265 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_635/2014 du 10 juin 2015 consid. 4.2). À teneur de l’art. 5 al. 1 aLPC (dans sa version en vigueur jusqu’au 30 juin 2018, applicable en l’occurrence dès lors que les faits déterminants se sont produits avant l’entrée en vigueur de cette modification), les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire. Conformément à l’art 5 al. 2 LPC, pour les réfugiés et apatrides, le délai de carence est ramené à cinq ans.

L’art. 1 let. a de la loi genevoise sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 (LPFC - J 4 20) précise, s’agissant des prestations complémentaires fédérales, qu’y ont droit les personnes qui ont leur domicile sur le territoire de la République et canton de Genève, et qui répondent aux conditions de la législation fédérale et de la législation cantonale relatives aux prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité.

b. Sur le plan cantonal, l’art. 2 al. 1 let. a et b LPCC prévoit que les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève ont droit aux prestations complémentaires cantonales à la condition, notamment, d’être au bénéfice de certaines prestations d'assurances sociales, dont une rente de l'assurance-vieillesse et survivants ou d’invalidité. Selon l’art. 2 al. 2 LPC, le requérant suisse, le requérant ressortissant de l'un des Etats membres de l'AELE ou de l'UE auquel l’ALCP s'applique, doit avoir été domicilié en Suisse ou sur le territoire d'un Etat membre de l'AELE ou de l'UE auquel l'ALCP s'applique et y avoir résidé effectivement cinq ans durant les sept années précédant la demande prévue à l'article 10. L’art. 2 al. 3 LPCC stipule que le requérant étranger, le réfugié ou l’apatride doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les dix années précédant la demande desdites prestations.

L’art. 13 LPGA s’applique également en matière de prestations complémentaires cantonales, en raison du silence de la LPCC sur le sujet (art. 1A al. 1 LPCC), ainsi que de motifs de sécurité juridique et d’harmonisation des pratiques administratives (ATAS/208/2017 du 14 mars 2017 consid. 9 et ATAS/1235/2013 du
12 décembre 2013 consid. 5).

6.        a. Selon la jurisprudence fédérale rendue sous l’empire de l’art. 5 aLPC, ne peut compter comme temps de résidence en Suisse que le temps durant lequel les étrangers requérant des prestations complémentaires sont au bénéfice d’un permis de séjour valable.

Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que la condition de la résidence habituelle en Suisse d’un étranger posée par l’art. 5 al. 1 aLPC ne peut être réalisée qu’en considération d’un séjour licite, en vertu du principe de la légalité, selon lequel les conditions d’assurance doivent être remplies d’une façon conforme à l’ordre juridique. Il ne faut pas privilégier l’étranger séjournant illégalement en Suisse par rapport à ceux qui se soumettent à l’obligation de quitter le territoire helvétique après la caducité de leur permis de séjour. Il n’y a par ailleurs pas matière à faire un lien entre une période de cotisation et le droit aux prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3). Seules les périodes durant lesquelles le requérant réside de manière régulière en Suisse doivent être prises en considération. Il n’est pas admissible de retenir le séjour effectif lorsque celui-ci n’est pas conforme aux autorisations de séjour délivrées par l’autorité compétente, sous peine d’avantager celui qui passe outre à l’obligation de quitter la Suisse, au détriment de celui qui se soumet à cette exigence (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 42/90 du 8 janvier 1992, cité in ATF 118 V 79 consid. 4b).

b. La Cour de céans, siégeant en plénum, a également retenu, après examen de la jurisprudence fédérale et cantonale, de la doctrine et des directives de l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : l’OFAS) concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, qu’il faut s’en tenir à l’interprétation que la jurisprudence fédérale a donnée de façon constante, non critiquée par la doctrine, du délai de carence prévu par l’art. 5 aLPC, à savoir qu’il ne faut prendre en compte, sauf si le principe de la bonne foi commande le contraire, que les périodes de séjour dûment autorisé pour vérifier si les étrangers requérant des prestations complémentaires fédérales remplissent la condition d’une résidence habituelle en Suisse durant le nombre d’années exigé lors du dépôt de la demande desdites prestations (ATAS/748/2017 du 31 août 2017).

Après avoir notamment rappelé que le législateur genevois avait entendu aligner le plus possible le régime des prestations complémentaires cantonales sur celui des prestations complémentaires fédérales, et que l’aide financière à apporter le cas échéant à des étrangers sans autorisation de séjour faisait l’objet d’une réglementation spécifique dans le canton de Genève, la Cour de céans a conclu que le principe susmentionné s’appliquait également pour les prestations complémentaires cantonales (ATAS/748/2017 du 31 août 2017).

c. Il sied en outre de souligner que l’art. 5 LPC, dans sa teneur en vigueur depuis le
1er juillet 2018, stipule désormais que les étrangers n'ont droit à des prestations complémentaires que s'ils séjournent « de manière légale » en Suisse. Ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence).

7.        Les Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI de l’OFAS (ci-après : les DPC, valables dès le 1er avril 2011), prévoient notamment que seule la présence effective et conforme au droit vaut résidence habituelle en Suisse. Les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour. Ne sont pas davantage prises en compte les périodes durant lesquelles une personne, pour une raison ou une autre, n’était pas soumise à l’obligation de cotiser à l’AVS/AI (DPC n° 2320.01).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324
consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

9.        En l’espèce, la Cour de céans relève en préambule que le « refus d’entrer en matière » de l’intimé sur la demande de la recourante (cf. décision du 3 juillet 2017 et courrier de l’intimé du 13 septembre 2018) constitue en réalité un refus de prestations complémentaires motivé par l’absence de titre de séjour valable.

10.    Elle constate ensuite que les informations mentionnées dans le registre de l’OCPM, selon lesquelles la recourante serait de nationalités portugaise et brésilienne, sont manifestement erronées et résultent selon toute vraisemblance de l’utilisation d’une fausse carte d’identité portugaise, faits pour lesquels la recourante a été condamnée en 2013 (cf. courrier de l’OCPM du 7 mars 2017). L’intéressée n’a d’ailleurs pas mentionné la nationalité portugaise dans sa demande de prestations, pas plus qu’elle ne soutient qu’elle serait ressortissante d’un État membre de l’UE ou de l’AELE.

Il convient donc de retenir que la recourante est de nationalité brésilienne uniquement, de sorte que l’ALCP n’est pas applicable. En outre, la recourante ne saurait se prévaloir de la qualité de membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre de l’UE, au vu de sa séparation, en 2015.

Enfin, la Suisse n'a pas conclu de convention de sécurité sociale avec le Brésil, de sorte que seul le droit interne suisse est applicable.

11.    La recourante fait tout d'abord valoir un défaut de motivation de la décision querellée.

a. Conformément à l’art. 49 al. 3 LPGA, les décisions doivent être motivées si elles ne font pas entièrement droit aux demandes des parties.

Pour répondre à ces exigences, l'administration doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués (ATF 134 I 83
consid. 4.1 et les arrêts cités). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, in RDAF 2009 II p. 434).

b. En l'occurrence, l’intimé a conclu, dans sa décision sur opposition du
17 janvier 2018, que la recourante n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour valable, ce qui constituait un empêchement à l’obtention de prestations complémentaires. Ainsi, contrairement à ce que sous-entend la recourante, la décision litigieuse permet de comprendre les éléments de faits et droit qui ont été retenus, ce qui est en outre corroboré par la teneur des écritures de la recourante.

Il s'ensuit que ce grief est mal fondé.

12.    Sur le fond, la recourante soutient qu’elle vit à Genève depuis le 21 janvier 2007, qu’elle a sollicité en février 2013 une autorisation de séjour au titre de regroupement familial auprès de l’OCPM, que l’instruction de cette demande a été particulièrement ardue, mais que l’OCPM a accepté de renouveler son autorisation de séjour suite à sa séparation. Elle considère avoir séjourné légalement en Suisse dans l’attente de la décision y relative.

Il ressort toutefois clairement du courrier de l’OCPM du 7 mars 2017 que l’autorisation de courte durée avec activité lucrative, délivrée du 3 janvier au
31 décembre 2011 sur la base d’une fausse carte d’identité portugaise, a été révoquée par l’OCPM.

En outre, l’autorisation au titre du regroupement familial sollicitée par la recourante en février 2013 suite à son mariage en octobre 2012 avec un ressortissant portugais, alors titulaire d’un permis B, ne lui a jamais été délivrée, l’autorité compétente ayant été informée en septembre 2015 que les époux ne faisaient plus ménage commun.

Par ailleurs, une autorisation de séjour après la dissolution du mariage lui a également été refusée, compte tenu de ses antécédents judiciaires et de la durée insuffisante de son union conjugale.

Ainsi, contrairement à ce que prétend la recourante, l’OCPM n’a pas estimé que l’autorisation sollicitée était justifiée et n’a pas accepté de « renouveler » le permis de séjour suite à la séparation des époux. Il a en revanche émis un préavis favorable quant à la délivrance d’un livret B pour raisons personnelles.

Un tel préavis ne saurait être assimilé à l’octroi d’un titre de séjour valable, l’approbation du SEM étant indispensable. D’ailleurs, ledit titre de séjour n’a été accordé à la recourante qu’à compter du 18 juillet 2018, soit postérieurement à la décision litigieuse.

Partant, la Cour, qui statue en fonction de l’état du dossier au moment de la décision attaquée, ne peut que constater que la recourante n’était alors pas titulaire d’une autorisation de séjour et ne résidait donc pas légalement à Genève, lorsqu’elle a sollicité des prestations auprès de l’intimé, ni, d’ailleurs, lorsque ce dernier a statué.

13.    Il convient encore d’examiner si le principe de la bonne foi commande en l’espèce de tenir pour licite le séjour de la recourante, laquelle était dans l’attente d’une décision de l’OCPM.

La Cour de céans relèvera tout d’abord que si l’instruction de la demande de regroupement familial du 15 février 2013 a été « particulièrement ardue », comme la recourante le mentionne dans son écriture du 9 mai 2018, c’est sans aucun doute en raison des circonstances qui lui ont valu une condamnation pénale et du fait que les conditions permettant d’obtenir un titre de séjour dans le cadre d’un regroupement familial n’étaient plus réunies, les époux ayant décidé de mettre un terme à leur mariage.

Elle rappellera ensuite que la recourante a été condamnée le 22 juillet 2013 par le Tribunal de police pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation du
1er janvier 2007 au 15 mai 2012. Dans ces conditions, il est indéniable que cette période ne peut en aucun cas compter comme temps de résidence. Le délai de carence de dix ans n’a donc pu commencer à courir avant 2012, de sorte qu’il ne pouvait être échu lors du dépôt de la demande le 2 mai 2017.

Dans ces conditions, la question de savoir si le séjour de la recourante peut être tenu pour licite, cas échéant durant quel laps de temps, en raison de son mariage avec un ressortissant portugais, alors titulaire d’un permis B-CE, peut demeurer ouverte, la recourante n’ayant en tout état de cause pas résidé légalement et de manière ininterrompue à Genève pendant les dix années précédant immédiatement sa demande. Il est néanmoins troublant de constater, s’agissant de ce mariage, que la recourante - dont on se souvient qu’elle a tenté dans un premier temps d’obtenir un titre de séjour en faisant usage d’une fausse carte d’identité portugaise - a épousé M. C______ en octobre 2012 et s’en est séparée en mai 2015. Or, durant toute cette période, M. B______, père des deux enfants de la recourante, nés en 2006 et 2016, était domicilié à la même adresse que l’intéressée. Quant à M. C______, il a eu une fille en 2008 avec une femme qui l’a rejoint à Genève 1er janvier 2014.

14.    Eu égard aux considérations qui précèdent, c’est à bon droit que l’intimé a rejeté la demande de prestations complémentaires de la recourante, en l’absence d’autorisation de séjour valable au moment du dépôt de la demande, mais également vu la non-réalisation du critère relatif au nombre minimal d’années de séjour requis pour les étrangers.

Mal fondé, le recours doit être rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA ; art. 89H al. 1 LPA).

Vu l’issue donnée au recours, il n’y a pas matière à allocation d’une indemnité de procédure (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA).

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      Le rejette.

3.      Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le