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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3481/2019

ATAS/1058/2020 du 29.10.2020 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3481/2019 ATAS/1058/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 octobre 2020

 

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à MEYRIN, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Aleksandra PETROVSKA

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Arrivée en Suisse le 1er avril 2013, Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire ou la recourante), née le ______ 1964, de nationalité française, mariée à un ressortissant français et mère d'une fille née le ______ 2002, est titulaire d'une autorisation de séjour (permis B), depuis le 8 mai 2013. Renouvelée le 10 mars 2016, celle-ci était valable jusqu'au 31 mars 2018.

Depuis le 1er mars 2017, elle bénéficie d'une rente entière d'invalidité de CHF 249.- par mois.

2.        Le 26 novembre 2018, la bénéficiaire a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

3.        Après en avoir accusé réception le 30 novembre 2018, le SPC a adressé à la bénéficiaire une demande de pièces le 5 décembre 2018.

4.        Par courriel du 4 janvier 2019, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) a informé le SPC que la bénéficiaire, son époux et leur fille avaient déposé une demande de renouvellement de leur titre de séjour, laquelle était en attente de traitement auprès du secteur autorisations. L'époux de la bénéficiaire ayant été admis en raison de son activité lucrative et son épouse et leur enfant, au titre du regroupement familial, l'OCPM devait vérifier pour quelle raison et dans quelle mesure ils dépendaient de l'aide sociale.

5.        Les 7 janvier, 4 février et 7 mars 2019, le SPC a adressé à la bénéficiaire des rappels pour sa demande de pièces.

6.        Le 17 avril 2019, la bénéficiaire et son époux ont déposé une demande d'aide sociale auprès du SPC.

7.        Par courrier du 7 mai 2019, le SPC a informé la bénéficiaire que l'examen de sa demande de prestations complémentaires était suspendu, faute pour elle d'avoir transmis la totalité des justificatifs réclamés, utiles au calcul du montant de ses prestations.

8.        Par pli du 28 mai 2019, l'Hospice général (ci-après : l'hospice) a informé le SPC avoir accordé à la bénéficiaire un montant de CHF 5'467.30 au titre d'aide sociale, pour la période du 1er avril au 31 mai 2019.

9.        Par décision du 29 mai 2019, le SPC a informé la bénéficiaire que, dès le 1er juin 2019, son droit s'élèverait à CHF 1'936.- par mois au titre d'aide sociale.

10.    Par décision du 6 juin 2019, le SPC a refusé d'entrer en matière sur la demande de prestations complémentaires de la bénéficiaire, car l'OCPM ne lui avait pas renouvelé son autorisation de séjour.

11.    Par décision séparée du même jour, le SPC a fixé le droit de la bénéficiaire à des prestations d'aide sociale à CHF 2'302.- par mois, dès le 1er juillet 2019.

12.    Le 18 juin 2019, la bénéficiaire a fait opposition à la décision de refus de prestations complémentaires du SPC du 6 juin 2019, au motif que l'OCPM avait attesté, selon pièces jointes, qu'elle-même, son époux et sa fille, résidaient dans le canton de Genève depuis le 1er avril 2013, dans l'attente d'une décision définitive pour l'octroi ou la prolongation de son autorisation de séjour.

13.    Par décision du 19 août 2019, le SPC a rejeté l'opposition de la bénéficiaire, au motif que celle-ci n'était pas au bénéfice d'une autorisation de séjour valable, au jour de la décision litigieuse, soit le 6 juin 2019.

14.    Par acte du 19 septembre 2019, la bénéficiaire, représentée par son conseil, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision précitée, en concluant à son annulation et à l'octroi de prestations complémentaires depuis le 26 novembre 2018.

Elle était toujours dans l'attente d'une décision de l'OCPM et cette lenteur la privait injustement des prestations de l'intimé. Elle était domiciliée en Suisse depuis le 1er avril 2013 et au bénéfice d'une autorisation de séjour valable au 6 juin 2019 dès lors que son permis de séjour était en cours de renouvellement.

À l'appui de ses écritures, elle produisait notamment trois attestations de l'OCPM du 14 juin 2019, confirmant que sa famille et elle étaient dans l'attente d'une décision définitive pour l'octroi ou la prolongation de leurs autorisations de séjour. Celles-ci précisaient qu'elles ne valaient pas titre de légitimation.

15.    Le 3 octobre 2019, l'intimé a conclu au rejet du recours, en relevant qu'en l'absence de permis de séjour valable, la recourante n'avait pas droit aux prestations.

16.    Par décision du Tribunal de première instance du 17 octobre 2019, la recourante a été mise au bénéfice de l'assistance juridique, avec effet au 19 septembre 2019.

17.    Le 11 novembre 2019, la recourante a répliqué, en reprenant ses précédents développements et conclusions.

18.    À la demande de la chambre de céans, l'OCPM a indiqué le 24 juin 2020 que la recourante avait déposé le 23 mars 2018 une demande de renouvellement de son permis B échu le 23 mars 2018 [sic], laquelle était à l'examen auprès de ses services.

19.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n'y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d'exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        Interjeté dans les formes et les délais légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 LPGA ; art. 43 LPCC).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations complémentaires fédérales et cantonales, singulièrement sur la question de savoir si l'intéressée séjourne légalement en Suisse depuis le 31 mars 2018, date d'échéance de son permis B.

5.        Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produis (ATF 129 V 1 consid. 1.2 ; ATF 127 V 466 consid. 1 et les références citées).

Partant, la situation de la recourante doit être examinée à l'aune des dispositions en vigueur au 30 novembre 2018, date de réception de sa demande de prestations complémentaires par l'intimé.

6.        a. Selon l'art. 2 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 LPC des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux (al. 1). Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC et fixer les conditions d'octroi de ces prestations. Le prélèvement de cotisations patronales est exclu (al. 2).

b. Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu'elles ont droit à une rente ou à une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité ou perçoivent des indemnités journalières de l'assurance-invalidité sans interruption pendant six mois au moins (art. 4 al. 1 let. c LPC).

Au niveau cantonal, ont notamment droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes : qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève (art. 2 al. 1 let. a LPCC) ; et qui sont au bénéfice d'une rente de l'assurance-vieillesse et survivants, d'une rente de l'assurance-invalidité, d'une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité ou reçoivent sans interruption pendant au moins six mois une indemnité journalière de l'assurance-invalidité (art. 2 al. 1 let. b LPCC).

Ont droit aux PCF les personnes qui ont leur domicile sur le territoire de la République et canton de Genève (art. 1 let. a de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité, du 14 octobre 1965 (LFPC - J 4 20).

Ainsi, le droit aux PCF et aux PCC suppose notamment que le bénéficiaire ait, cumulativement, son domicile et sa résidence habituelle respectivement en Suisse et dans le canton de Genève. Lesdites prestations ne sont pas exportables (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 15 ad art. 4 LPC p. 26).

c. D'après l'art. 13 LPGA, le domicile d'une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210 ; al. 1). Une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d'emblée limitée (al. 2).

Cette disposition s'applique en matière de PCF, du fait du renvoi qu'opère la LPC à la LPGA de façon générale comme sur cette question spécifique (art. 1 et 4 al. 1 LPC), mais aussi en matière de PCC, en raison du silence de la LPCC sur le sujet, appelant l'application de la LPGA (art. 1A al. 1 LPCC), ainsi que de motifs de sécurité juridique et d'harmonisation des pratiques administratives (ATAS/415/2018 du 15 mai 2018 consid. 3b et les références citées).

Selon la jurisprudence, la résidence habituelle implique la résidence effective en Suisse et la volonté de conserver cette résidence ; en outre, le centre de toutes les relations de l'intéressé doit se situer en Suisse (ATF 141 V 530 consid. 5.3 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 24 ad art. 4 LPC p. 37). Pour savoir si la condition de la résidence habituelle en Suisse est remplie, l'organe compétent peut exiger du bénéficiaire qu'il annonce ses séjours à l'étranger en indiquant ses dates de départ de Suisse et de retour en Suisse. Dans le respect du principe de la proportionnalité, il peut aussi exiger des mesures supplémentaires comme, par exemple, le versement en espèces de la prestation au guichet postal ou prescrire à l'assuré de la retirer personnellement au guichet (arrêts du Tribunal fédéral 8C_493/2007 du 15 mai 2008 consid. 2 ; 9C_952/2010 du 7 mars 2011 consid. 3 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 25 ad art. 4 LPC p. 37).

En outre, les directives sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI
(ci-après : DPC) éditées par l'office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), valables dès le 1er avril 2011 et dans leur version au 16 mai 2018, précisent que seule la présence effective et conforme au droit vaut résidence habituelle en Suisse. Les périodes au cours desquelles une personne a séjourné illégalement en Suisse ne sont pas prises en compte dans la détermination de la durée de séjour. Ne sont pas davantage prises en compte les périodes durant lesquelles une personne, pour une raison ou une autre, n'était pas soumise à l'obligation de cotiser à l'AVS/AI (DPC, p. 44 n° 2320.01). À cet égard, les DPC font référence à l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 42/90 du 8 janvier 1992 et à l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_423/2013 du 26 août 2014.

7.        a. La LPC et la LPCC prévoient des conditions spécifiques pour les étrangers.

S'agissant des PCF, l'art. 5 al. 1 LPC, intitulé « Conditions supplémentaires pour les étrangers », dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 2018, prévoit que ceux-ci n'ont droit à des prestations complémentaires que s'ils séjournent de manière légale en Suisse. Ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence).

D'après le message relatif à la modification de la loi fédérale sur les étrangers (gestion de l'immigration et amélioration de la mise en oeuvre des accords sur la libre circulation des personnes) du 4 mars 2016 (FF 2016 p. 2835ss), la modification de l'art. 5 al. 1 LPC, entrée en vigueur le 1er juillet 2018, permet de ne plus octroyer des prestations complémentaires lorsque l'étranger séjourne en Suisse de manière illégale. Selon l'art. 4 al. 1 LPC, seules les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires. Cette disposition vaut aussi pour les personnes qui ont atteint le délai de carence ou celles qui ne sont pas soumises à un délai de carence. Toutefois, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'assurance-invalidité, la perte du droit de séjour n'entraine pas nécessairement et automatiquement la perte du domicile suisse ; ce dernier perdure tant que l'étranger séjourne en Suisse et manifeste sa volonté d'y rester. Par conséquent, et ce, malgré le fait que l'étranger ne soit plus au bénéfice d'une autorisation de séjour, la résidence en Suisse est reconnue par l'art. 4 al. 1 LPC. La modification proposée doit supprimer cet état de fait (FF 2016 p. 2891).

Ainsi que le Conseil fédéral l'a indiqué, la modification de l'art. 5 al. 1 LPC vise à ce qu'il ne soit plus possible de percevoir des prestations complémentaires une fois qu'une autorisation de séjour ou de courte durée aura été révoquée (FF 2016 p. 2866).

Cela étant, d'après les DPC, les prestations complémentaires sont octroyées sans égard à une certaine durée de domicile ou de résidence en Suisse, pour les ressortissants suisses, les ressortissants d'un État de l'Union européenne (ci-après : UE) ou de l'Association européenne de libre-échange (ci-après : AELE) qui sont soumis au règlement (CE) n° 883/2004. Des délais de carence sont prévus pour tous les autres ressortissants étrangers, les réfugiés et les apatrides (DPC, p. 46 nos 2410.01 et 2410.02).

En raison du principe de l'égalité de traitement, les ressortissants qui sont soumis au règlement (UE) n° 883/2004 ou 1408/71, pour autant qu'ils aient leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse, sont en effet assimilés aux citoyens suisses (ATF 141 V 396 consid. 4.2). Ainsi, les ressortissants d'un État partie à l'accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, du 21 juin 1999 (ALCP - RS 0.142.112.681) résidant légalement en Suisse ont droit aux prestations complémentaires à l'AVS/AI aux mêmes conditions que celles posées pour les ressortissants suisses (ATF 133 V 265 consid. 5). Les prestations complémentaires ne sont toutefois pas exportées du fait de leur inscription à l'Annexe X du règlement (CE) n° 883/2004 et à l'Annexe II bis du règlement (CE) n° 1408/71 au chapitre des prestations spéciales à caractère non contributif. Le renvoi aux dispositions communautaires est prévu par l'art. 32 LPC auquel on peut se référer pour plus de détails (Michel VALTERIO, op. cit., n° 1 ad 5 p. 43).

b. Selon l'art. 32 al. 1 LPC, (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017),  pour les personnes qui sont ou qui ont été soumises à la législation sur la sécurité sociale de la Suisse ou d'un ou de plusieurs États de l'UE et qui sont des ressortissants suisses ou des ressortissants de l'un des États de l'UE, pour les réfugiés ou les apatrides qui résident en Suisse ou dans un État de l'UE, ainsi que pour les membres de la famille et les survivants de ces personnes, les règlements (CE) nos 883/2004, 987/2009, 1408/71  et 574/72, dans leur version qui lie la Suisse en vertu de l'annexe II section A de l'ALCP, sont applicables aux prestations comprises dans le champ d'application de la LPC.

Selon l'art. 3 du règlement n° 883/2004, celui-ci s'applique notamment aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à son art. 70, lesquelles comprennent les prestations complémentaires (Michel VALTERIO, op. cit., n° 4 ad art. 32 p. 350).

Ainsi, en vertu du principe de l'égalité de traitement prévu à l'art. 4 du règlement (CE) n° 883/2004, l'octroi des prestations complémentaires, pour les ressortissants de l'UE, comme pour les ressortissants suisses, n'est pas soumis aux délais de carence prévus par l'art. 5 LPC. Le principe d'égalité de traitement prohibe toutes les discriminations fondées sur la nationalité (discriminations directes) et toutes formes dissimulées de discrimination qui, par l'application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat sans être justifiées par des raisons objectives ni proportionnées au but à atteindre (discriminations indirectes). En présence d'une discrimination, la personne concernée a droit à la prestation comme si elle remplissait les conditions d'octroi de celle-ci. En effet, lorsque le droit national prévoit un traitement différencié entre plusieurs groupes de personnes, en violation de l'interdiction de discrimination, les membres du groupe défavorisé doivent être traités de la même façon et se voir appliquer le même régime que les autres intéressés (ATF 131 V 209 consid. 6 et 7).

S'agissant du droit applicable, l'art. 11 al. 3 let. e du règlement (CE) n° 883/2004 prévoit que les personnes autres que celles visées aux let. a à d - ce qui est le cas en l'occurrence - sont soumises à la législation de l'État membre de résidence, sans préjudice d'autres dispositions du règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres États membres.

c. Concernant les PCC, le requérant suisse, le requérant ressortissant de l'un des États membres de l'AELE ou de l'UE, auquel l'ALCP, s'applique, doit avoir été domicilié en Suisse ou sur le territoire d'un État membre de l'AELE ou de l'UE auquel l'ALCP s'applique et y avoir résidé effectivement cinq ans durant les sept années précédant la demande prévue à l'article 10 ALCP (art. 2 al. 2 LPCC).

Au surplus, de façon générale, le législateur genevois a entendu soumettre les PCC à un régime similaire à celui qui régit les PCF, vu le renvoi précité de l'art. 1A al. 1 LPCC, en cas de silence de la LPCC, à la LPC et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales, ainsi qu'à la LPGA (ATAS/748/2017 du 31 août 2017 consid. 8b).

8.        a. Le 1er janvier 2019, est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI. En l'absence de dispositions transitoires, la règle générale prévaut selon laquelle s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où lesdits faits se sont produits (ATA/847/2018 du 21 août 2018 consid. 3c et les références citées ; ATA/1052/2017 du 4 juillet 2017 consid. 4).

b. La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l'ALCP.

Ainsi, l'ALCP et l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s'appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l'UE/AELE, la LEI ne s'appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l'ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (art. 12 ALCP et 2 LEI).

c. Le conjoint d'une personne ressortissante d'une partie contractante ayant un droit de séjour et ses descendants ont le droit de s'installer avec elle (art. 7 let. d ALCP et 3 par. 1 et 2 annexe I ALCP).

Selon l'art. 6 OLCP, les ressortissants de l'UE et de l'AELE, les membres de leur famille, ainsi que les prestataires de services visés à l'art. 2 al. 3 OLCP qui sont au bénéfice d'une autorisation en vertu de l'ALCP ou de la Convention instituant l'AELE reçoivent un titre pour étrangers (al. 1). Le titre pour étrangers attestant l'autorisation d'établissement UE/AELE est établi à des fins de contrôle pour une période de cinq ans. Son détenteur le remettra à l'autorité compétente en vue de sa prolongation deux semaines avant l'échéance de ce délai (al. 2).  L'établissement et la présentation des titres pour étrangers sont régis par les art. 71 à 72 OASA (al. 3).

Une autorisation UE/AELE n'a toutefois qu'un effet déclaratoire, c'est-à-dire qu'elle atteste seulement du droit de présence de l'étranger dans l'État d'accueil (ATF 136 II 329 consid. 2.2). Elle n'est dès lors pas indispensable lorsqu'il existe un droit de séjour. Ainsi, en matière d'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger notamment, l'exigence légale d'une autorisation de séjour de courte durée, de séjour ou d'établissement UE/AELE justifiant d'un domicile légalement constitué en Suisse doit être comprise que comme une condition formelle visant à faciliter la constatation par les autorités compétentes de l'existence d'un droit de séjour en Suisse, étant précisé qu'un tel droit peut exister indépendamment de ce document (ATF 136 II 405 consid. 4.4). Le séjour sans autorisation de celui qui peut invoquer l'ALCP n'est pas illégal (Minh Son NGUYEN, in Code annoté de droit des migrations, vol. II, LEtr, 2017, n° 10 et 30 ad art. 17 LEtr p. 120 et 127).

Lorsque la personne concernée a déposé une demande de prolongation, elle est autorisée à séjourner en Suisse pendant la procédure, pour autant qu'aucune autre décision n'ait été rendue (art. 59 al. 2 OASA).

Sous réserve des prescriptions applicables en matière d'expulsion pénale, il convient d'appliquer, en matière de fin du séjour, les principes contenues dans la LEI et l'OASA, à moins que les dispositions de l'ALCP ne soient plus favorables que celles de la LEI et l'OASA. Les autorisations octroyées en vertu de l'ALCP et ses protocoles s'éteignent ainsi par leur révocation ou leur non-prolongation selon les dispositions générales du droit administratif, lorsque, suite à une modification de la situation de fait, les conditions requises pour l'octroi de l'autorisation ne sont plus remplies (art. 23 al. 1 OLCP ; ATF 139 II 393 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_128/2015 du 25 août 2015 consid. 3.3 ; 2C_390/2014 du 22 janvier 2015 consid. 3.1). En cas de cessation volontaire de l'activité lucrative, le droit au séjour prend fin à ce titre. De ce simple fait, l'intéressé perd en effet de facto sa qualité de travailleur. Il ne peut poursuivre son séjour en Suisse que s'il remplit les conditions d'un autre statut au sens de l'ALCP (Secrétariat d'État aux migrations - SEM, Directives et commentaires concernant l'introduction progressive de la libre circulation des personnes [Directives OLCP], avril 2020, n° 10.2.1 p. 115).

d. Statuant sur un cas concernant une ressortissante d'un État membre de l'UE à laquelle la caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, agence d'assurances sociales, avait dénié le droit aux prestations complémentaires, au motif qu'elle n'avait pas de titre de séjour valable et ne remplissait dès lors pas la condition de la résidence habituelle, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a retenu qu'au vu de l'art. 59 al. 2 OASA et de la nature déclaratoire du titre de séjour UE/AELE, il fallait admettre que l'intéressée était admise à séjourner en Suisse jusqu'à l'issue de la procédure, de sorte que sa présence en Suisse valait comme résidence habituelle. L'intimée avait ainsi considéré à tort que l'intéressée, qui n'était alors au bénéfice d'aucun titre de séjour en raison de la procédure de renouvellement pendante, ne remplissait pas la condition de la résidence habituelle car seule une présence conforme au droit pouvait être admise (arrêt de la cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 10/16 - 9/2017 du 28 septembre 2017 consid. 4).

Cette solution va dans le sens de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, qui retient que la personne concernée peut rester en Suisse pendant la durée de la procédure de renouvellement et donc aussi après l'expiration de l'autorisation, pour autant que l'autorité compétente ne prenne pas de décisions divergentes à titre conservatoire. Bien qu'il ne s'agisse que d'un droit de séjour procédural, les droits conférés par le permis (notamment en matière de séjour et d'activité professionnelle) continuent de s'appliquer après l'expiration de la période de validité du permis de séjour (arrêts du Tribunal fédéral 9C_378/2020 du 25 septembre 2020 consid. 5.3 et 2C_1154/2016 du 25 août 2017 consid. 2.3 et les références citées).

9.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références citées). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références citées ; ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 469 consid. 4a ; ATF 122 III 223 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 94 consid. 4b ; ATF 122 V 162 consid. 1d).

10.    a. En l'occurrence, l'intimé considère que la recourante ne remplit pas la condition de l'art. 5 al. 1 LPC dès lors que son permis B était échu au 31 mars 2018 et que l'OCPM ne l'avait pas renouvelé au jour du dépôt de la demande de prestations.

Pour sa part, la recourante estime que la période écoulée depuis le 31 mars 2018 équivaut à un séjour légal en Suisse au sens de l'art. 5 al. 1 LPC, compte tenu du dépôt de sa demande de renouvellement de son permis B le 23 mars 2018.

À titre liminaire, il convient de relever qu'à teneur des dispositions légales précitées, la recourante, en raison de son statut de ressortissante de l'UE, ne saurait être soumise à l'art. 5 al. 1 LPC et il se justifie d'examiner sa situation juridique sous l'angle de l'ALCP et de la LEI, dans sa version en vigueur au 30 novembre 2018 (soit la date de réception de la demande de prestations complémentaires de la recourante par l'intimé). En vertu du principe de l'égalité de traitement avec les ressortissants suisses consacré notamment à l'art. 2 ALCP, il convient dès lors d'examiner si elle remplit les conditions prescrites aux art. 4 al. 1 LPC et 2 al. 1 LPCC, s'agissant du droit aux prestations complémentaires, en particulier celle d'une résidence légale en Suisse.

b. En premier lieu, la recourante doit avoir son domicile et sa résidence habituelle en Suisse.

Il ressort des pièces versées au dossier que l'intéressée est arrivée en Suisse le 1er avril 2013. Dès le 8 mai 2013, elle a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial avec son époux. Celle-ci a été renouvelée le 10 mars 2016 et était valable jusqu'au 31 mars 2018. L'OCPM a confirmé que la recourante avait déposé le 23 mars 2018, une demande de renouvellement de son titre de séjour.

En ces circonstances, il y a lieu de considérer que la recourante s'est effectivement constitué un domicile en Suisse et qu'elle a également manifesté sa volonté d'y demeurer de façon durable, en demandant en temps utiles le renouvellement de son titre de séjour. Cette condition apparaît dès lors réalisée, ce que l'intimé ne conteste d'ailleurs pas.

c. S'agissant du critère de la résidence légale, il sied de relever que, conformément à l'art. 59 al. 2 OASA, la recourante bénéficie d'un droit de séjour procédural l'autorisant à résider en Suisse durant le déroulement de la procédure de renouvellement de son titre de séjour. Elle dispose ainsi des mêmes droits que ceux découlant de son permis B, tant que l'OCPM ne s'est pas prononcé sur la demande de renouvellement de celui-ci, déposée le 23 mars 2018 par la recourante.

Au vu de ce qui précède et compte tenu des bases légales et de la jurisprudence sus rappelées, il y a lieu de retenir que la présence en Suisse de la recourante vaut comme résidence habituelle. L'intéressée ayant en outre manifesté l'intention de conserver cette résidence durant une certaine période, elle remplit également ce critère.

d. Par ailleurs, la recourante perçoit une rente entière d'invalidité depuis le 1er mars 2017. Elle réalise donc aussi la condition de l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

11.    Pour se voir octroyer des prestations complémentaires, la recourante doit encore bénéficier de ressources insuffisantes pour couvrir ses besoins vitaux (art. 2 al. 1 LPC). À teneur de l'art. 9 al. 1 LPC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Ces derniers comprennent notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l'AVS et de l'AI (art. 11 al. 1 let. d LPC) et les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

In casu, l'intimé, estimant que la recourante ne remplissait pas les conditions générales de l'art. 5 LPC, n'a pas procédé à l'examen de sa situation financière. La cause lui sera donc renvoyée à cette fin et cas échéant, pour déterminer la date de départ et le montant du droit aux prestations complémentaires de la recourante, tout comme, s'agissant des PCC, examiner si les conditions de l'art. 2 al. 2 LPCC sont remplies.

12.    En conséquence, le recours sera admis et la décision querellée annulée, la cause étant renvoyée à l'intimée pour complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants qui précèdent.

13.    Vu l'issue du litige, une indemnité de CHF 1'500.- sera accordée à la recourante à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA).

Au surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA et 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.    Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.    L'admet.

3.    Annule la décision sur opposition de l'intimé du 19 août 2019.

4.    Renvoie la cause à l'intimé pour examen de la condition financière et nouvelle décision.

5.    Condamne l'intimé à verser une indemnité de CHF 1'500.- à la recourante.

6.    Dit que la procédure est gratuite.

7.    Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le