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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1405/2025

ATA/578/2025 du 23.05.2025 ( FPUBL ) , REFUSE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1405/2025-FPUBL ATA/578/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 mai 2025

sur effet suspensif

 

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Mes Nathalie Bornoz et Robert ASSAEL, avocats

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Anne Meier, avocate

 



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1966, a été engagée par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 1er novembre 2001 en qualité de médecin interne. Elle a été nommée médecin cheffe du service B______ le 1er octobre 2017.

En 2014, son revenu annuel brut s’élevait à CHF 210'926.- (classe 30, annuité 15).

Elle traite également une clientèle privée stationnaire et ambulatoire. En 2024, elle a perçu à ce titre CHF 286'674.25.

Depuis octobre 2017, elle est Professeure ordinaire à la faculté de médecine de l’Université de Genève. Sa rémunération brute s’élève à ce titre à CHF 83'806.95.

b. En 2017, le service B______ a fait l’objet d’un audit, à la suite de tensions en salle d’accouchement.

c. Le 3 décembre 2024, l’entreprise C______ a rendu un rapport d’évaluation du service B______, fondé sur un questionnaire de satisfaction anonyme de 334 collaborateurs du service, ainsi que 40 entretiens confidentiels avec des collaborateurs occupant différentes fonctions au sein du service. Selon le rapport, la motivation au sein du service était en baisse, principalement à cause de certains aspects négatifs du climat de travail. Les collaborateurs avaient notamment exprimé de l’insatisfaction sur les sujets du « leadership », de la communication et de la collaboration, ainsi que sur le sujet de « l’implémentation », notamment de sanctions en cas de comportements inappropriés. Quand bien même différents membres de la hiérarchie médicale avaient été visés par les commentaires négatifs, la cheffe de service, A______, avait été la représentante de la hiérarchie la plus souvent associée aux problèmes rencontrés dans le service. Les principales tendances négatives qui avaient été rapportées à son sujet consistaient en des agressions verbales, un manque de respect, l’instauration d’un climat de peur, une communication violente, l’absence de responsabilisation et le fait de démotiver certains collègues à travailler avec elle. Certains de ces problèmes avaient fait l’objet d’un accompagnement en 2020.

d. Dans un rapport sur l’évaluation du service B______ des HUG rendu le 14 décembre 2024, le professeur D______, chef du service E______ de l’hôpital F______, a relevé que les conflits au sein de l’équipe et le clivage entre la cheffe de service et une partie de l’équipe exposaient à des accidents médicaux et à des tensions importantes. Le manque de communication et de transmission entre les différents services avait notamment conduit à plusieurs décès néonatals, ainsi qu’à un accident grave entre 2018 et 2021. Il lui semblait important pour la direction de l’hôpital de trouver une solution d’apaisement pour ressouder l’équipe.

B. a. Le 2 janvier 2025, A______ a été convoquée à un entretien de service. Les faits la concernant mis en exergue dans les rapports d’audit faisaient partie intégrante des faits reprochés.

b. L’entretien de service a eu lieu le 21 janvier 2025 avec le Professeur G______, chef du département H______, et I______, directeur des ressources humaines.

Lors de cet entretien, il a notamment été mentionné que les comportements et faits décrits et documentés dans les rapports de la société C______ et du Prof. D______ étaient graves et de nature à remettre en question le bon fonctionnement du service. Le rapport de C______ faisait état de grandes souffrances, exprimées par une partie des collaborateurs du service, médecins, soignants ou membres du personnel administratif, en lien avec le leadership, la communication, la collaboration, ainsi que des comportements inappropriés. Le Prof. D______ soulignait quant à lui le risque réel « d’accidents médicaux consécutifs à l’ambiance et aux mauvaises relations au sein de l’équipe ».

c. Par observations du 17 février 2025, A______ a relevé qu’il n’était pas fait état de violences obstétricales de sa part. Elle ne pouvait accepter les accusations portées à son encontre par certains collaborateurs, dont on ignorait comment ils avaient été sélectionnés et quelles questions leur avaient été posées. L’évaluation du Prof. D______ ne constituait pas une investigation avec possibilité de « contradictoire ». Elle reconnaissait les difficultés relationnelles avec un groupe de l’équipe, en particulier au sein de la salle d’accouchement. Des tensions existaient avec un petit groupe de sages-femmes.

Le rapport C______ souffrait de plusieurs faiblesses méthodologiques majeures qui en compromettaient la validité et la fiabilité des conclusions. L’audit conduit en 2017 au sein du service ne la concernait pas. Ses évaluations avaient toujours été excellentes et elle n’avait jamais fait l’objet de reproches quant à la qualité de sa prise en charge médicale ainsi que celle du service B______. Les évaluations de C______ et du Prof. D______ ne constituaient pas une enquête administrative, laquelle aurait été nécessaire.

d. Par décision du 7 avril 2025, déclarée exécutoire nonobstant recours, les HUG ont procédé à l’ouverture d’une procédure de reclassement conformément à l’art. 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à l’art. 48A du statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 (ci-après : le statut). En cas de refus, d’échec ou d’absence de reclassement, une décision de résiliation des rapports de service pour motif fondé interviendrait conformément à l’art. 48A al. 6 du statut.

Les motifs invoqués lors de l’entretien de service du 21 janvier 2025 étaient dûment établis. Les comportements qui lui étaient reprochés étaient en contradiction avec les valeurs relationnelles et le cadre du leadership prônés par les HUG. Les évaluateurs de C______ avaient analysé de nombreux témoignages et déclarations se recoupant et mettant en exergue un climat de travail hostile à une collaboration sereine entre membres du personnel, quels que soient les métiers concernés. Les reproches formulés l’étaient à tout le moins en grande partie à son égard. En sa qualité de cadre supérieure des HUG, médecin-cheffe d’un service médical, il était de sa responsabilité d’adopter un comportement professionnel fidèle à la déontologie de sa profession et de faire preuve du plus haut niveau d’exemplarité dans la conduite de ses actions. Ses observations n’auguraient aucune remise en question ni prise de conscience de sa part concernant son comportement et ses responsabilités.

En tant que tels, ses comportements étaient constitutifs d’une violation des art. 20, 21, 22 et 23 du statut. En conséquence de la gravité des faits énoncés et du lien de confiance profondément ébranlé, sa fonction à la tête du service B______ n’était plus compatible avec son bon fonctionnement.

e. Par courrier du 9 avril 2025, les HUG lui ont proposé une nouvelle affectation en qualité de médecin adjointe agrégée, pour un revenu annuel brut de CHF 201'695.- (classe 27, annuité 22). Il lui a été proposé de poursuivre sa charge de professeure, à titre bénévole. Elle pouvait continuer à avoir une clientèle privée, mais uniquement pour les patientes qui demanderaient spécifiquement à être suivies par ses soins. Les demandes qui ne lui seraient pas adressées nominativement seraient réparties à l’ensemble des autres ayant droits du service. Un délai au 2 mai 2025 lui a été fixé pour accepter ou refuser ce nouveau poste.

C. a. Par acte du 17 avril 2025, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d’ouverture de la procédure de reclassement, concluant à son annulation. À titre préalable, elle a requis la restitution de l’effet suspensif.

La décision avait des conséquences drastiques sur sa situation professionnelle, car le poste de médecin adjointe agrégée lui ferait perdre les attributions inhérentes à sa fonction de cheffe du service B______, une partie importante de la clientèle privée et ses fonctions de professeure ordinaire et son travail universitaire, dans la mesure où il ne serait guère concevable de le faire bénévolement. Son salaire passerait de CHF 619'938.85 à CHF 297'163.-, soit une réduction de 52%, ce qui représentait un préjudice économique important. Il convenait d’ajouter l’atteinte psychologique et à sa réputation. Elle avait consacré toute sa vie à prodiguer des soins aux patients, avec compétences, dévouement, écoute et empathie et à transmettre son savoir. À six ans de la retraite, elle ne comprenait pas cette « décision vexatoire ». Si elle acceptait la proposition de reclassement, elle perdrait la possibilité de faire contrôler judiciairement les reproches qui lui étaient faits et qu’elle contestait catégoriquement. Le préjudice irréparable était dès lors réalisé. Il n’y avait aucune urgence qui imposait l’exécution de la décision querellée.

Sur le fond, les reproches qui lui étaient formulés n’avaient pas fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme, contradictoire, de sorte que son droit à une enquête équitable avait été violé. L’entreprise C______ avait procédé à 39 entretiens individuels, mais avait refusé de dévoiler l’identité des personnes interrogées, leurs fonctions et le nom du service dans lequel elles travaillaient au moment des évaluations, ainsi que le contenu des questions posées. Cela ne constituait au demeurant pas un échantillon représentatif du service. La sélection des personnes interrogées avait été confiée à J______, dont l’implication dans le processus constituait un conflit d’intérêts majeur, raison pour laquelle elle avait demandé en vain qu’il n’intervienne plus. Il était inconcevable que les HUG aient pu se fonder sur le rapport de l’entreprise C______ alors que cette société avait reconnu que son mandat n’était pas une investigation sur des comportements inappropriés, mais une évaluation du climat en général. Elle avait également admis ne pas pouvoir garantir que les informations recueillies étaient « fidèles à la réalité » et ne pas pouvoir recommander une action sur une « analyse professionnelle approfondie ». Quant au rapport du Prof. D______, l’identité de six gynécologues de la place qu’il avait questionnés n’avait jamais été révélée, ce qui était critiquable. Pour le reste, elle se rapportait aux observations formulées le 17 février 2025.

b. Le 28 avril 2025, la recourante a transmis aux HUG un certificat d’arrêt de travail à 100% à compter du 26 avril 2025 et sollicité l’annulation du délai pour se déterminer sur le poste proposé.

c. Les HUG ont prolongé ce délai au 12 mai 2025, tout en précisant que l’incapacité de travail du collaborateur n’avait pas de conséquence quant à la poursuite de la procédure de reclassement.

d. Le 2 mai 2025, les HUG ont conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

L’intérêt public à reclasser la recourante dans une fonction sans responsabilité d’unité, dans le but de maintenir une continuité des soins et de protéger la personnalité des personnes travaillant dans le service primait l’intérêt privé de l’intéressée à être maintenue dans son poste de cheffe de service. Il était indispensable d’éviter une paralysie par l’octroi de l’effet suspensif et de permettre aux HUG de poursuivre la procédure de reclassement en cours. Restituer l’effet suspensif au recours empêcherait les HUG de remplir les conditions de validité d’une décision de licenciement, le reclassement ou la tentative de reclassement devant impérativement avoir lieu. La recourante ne semblait pas avoir pris conscience de la gravité des manquements qui lui étaient reprochés puisque
celle-ci se limitait à critiquer les méthodologies utilisées tant par la société C______ que par le Prof. D______ dans le cadre de leur audit respectif, et à soutenir que les critiques soulevées à son encontre émaneraient d’un groupe restreint de soignants qui chercheraient à lui nuire. Une simple lecture des rapports d’audit permettait néanmoins de constater que l’ensemble des corps de métier interrogés avaient relevé le comportement inacceptable de la recourante dans le cadre de la gestion du service B______. Il serait, par ailleurs, choquant que les HUG se voient contraints de maintenir la recourante à la tête du service B______ malgré les manquements graves qui lui étaient reprochés, alors même que la LPAC ne prévoyait plus l’obligation de réintégration en cas de licenciement.

L’incapacité de travail de la recourante ne pouvait avoir pour effet de repousser ni de prolonger la procédure de reclassement, tel que cela ressortait de la jurisprudence.

Enfin, le recours était dépourvu de chances de succès. La décision ne lui causait aucun préjudice irréparable, si bien que le recours serait irrecevable. La proposition de reclassement déjà formulée était la seule qu’ils étaient en mesure de lui proposer, au vu de ses compétences, sans lui attribuer de fonctions managériales compte tenu des manquements qui lui étaient reprochés.

e. Le 8 mai 2025, la recourante a transmis aux HUG un nouveau certificat d’arrêt de travail à 100% et requis l’annulation du délai pour se déterminer.

f. Le 9 mai 2025, la recourante a sollicité des mesures superprovisionnelles visant à ce que la chambre de céans ordonne, en tout urgence, la suspension sine die du délai au 12 mai 2025 pour se déterminer sur la proposition des HUG quant au poste de médecin adjointe agrégée. Elle n’était pas en état médical de se déterminer sur le poste proposé.

g. Le 12 mai 2025, la chambre de céans a refusé la requête de mesures superprovisionnelles.

h. Le 13 mai 2025, la recourante a répliqué sur effet suspensif.

Elle avait subi de la part des HUG un processus vexatoire, qui avait abouti à l’humiliante décision. Le traitement qu’elle avait subi était contraire à la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité,
LEg - RS 151.1), car elle n’était pas placée dans la même position que ses collègues hommes, qui avaient les mêmes fonctions, ou des fonctions inférieures et moins d’années de service.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l’effet suspensif.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10).

2.             Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 20 juin 2023).

2.1 Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

2.2 Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, p. 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; du 18 septembre 2018).

Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

2.3 Les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

Le recours contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement, préalable au prononcé d'un licenciement administratif, n’est ouvert qu’à des conditions restrictives (ATF 143 I 344 consid. 7.5 et 8.3 ; ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 3). Cela étant, le législateur genevois avait envisagé la possibilité d'un recours au stade déjà de l'ouverture de la procédure de reclassement. En effet, l'autorité compétente ordonnait l'ouverture d'une procédure de reclassement en se fondant sur un examen a priori de la situation conflictuelle, sans avoir à procéder à une instruction complète. Il n'était ainsi pas nécessaire que les faits soient établis avec certitude, la vraisemblance étant suffisante. Il suffisait au sens de l'art. 46A RPAC qu'un certain nombre de faits déterminants soient constatés avec un degré de vraisemblance suffisant lors d'entretiens de service pour apparaître plausibles et soient assez sérieux pour justifier l'ouverture de la procédure (« dûment établis »). Un tel examen pouvait dès lors conduire, comme l'avait expressément relevé le Conseil d'État dans les travaux préparatoires, à des situations « à la limite » ; le contrôle juridictionnel étant alors « déterminant » pour éviter de « faire échouer le traitement RH adéquat » (ATF 143 I 344 consid. 7.5 et les références citées).

La chambre de céans a admis la recevabilité d'un recours interjeté contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement (ATA/37/2022 du 18 janvier 2022 consid. 2b), tandis que dans d'autres cas elle a déclaré les recours sans objet ou irrecevables, soit parce que la décision au fond avait été rendue dans l'intervalle (ATA/1356/2021 du 14 décembre 2021 consid. 2 et les arrêts cités), soit parce que la partie recourante n'avait pas de perspectives concrètes de reclassement (ATA/1019/2023 du 19 septembre 2023 ; ATA/821/2023 du 9 août 2023), ou encore a laissé la question de la recevabilité ouverte (ATA/1260/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2c).

2.4 En l’espèce, l’intérêt public des intimés à poursuivre sans délai la procédure de reclassement est important. S’agissant des chances de succès du recours, la question de savoir si les conditions restrictives permettant de recourir contre une décision incidente sont remplies est délicate. Or, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, il n’apparaît pas d’emblée évident que le recours soit recevable, la procédure de reclassement n’ayant pas (encore) abouti. À teneur des écritures, la recourante ne s’est pas déterminée quant au poste proposé dans le délai imparti, puis prolongé par les intimés.

Contrairement à ce que soutient la recourante, le fait qu’elle soit en incapacité de travail ne justifie pas de restituer l’effet suspensif au recours. Comme l’ont relevé les intimés, aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit de poursuivre une procédure de reclassement en cas d’incapacité de travail du fonctionnaire concerné (ATA/1117/2022 précité consid. 8 ; ATA/544/2021 du 25 mai 2021 consid. 12d). Suivre le raisonnement de la recourante, selon laquelle la procédure ne pourrait être engagée ou poursuivie tant qu'elle serait en incapacité de travail, permettrait de repousser indéfiniment ladite procédure (ATA/1066/2023 du 26 septembre 2023 consid. 9).

La recourante ne peut pas davantage être suivie lorsqu’elle fait valoir que l'exécution immédiate de la décision contestée la priverait de la possibilité de faire contrôler par un juge l’existence de motifs fondés de résiliation en cas d’acceptation du poste proposé. Il ressort en effet de la jurisprudence de la chambre administrative qu’un recours contre une décision d’ouverture de la procédure de reclassement pourrait être recevable lorsque le reclassement entraîne pour la personne concernée un déclassement professionnel, personnel et salarial. L’idée est qu'il ne peut être exigé de la recourante qu'elle se voie contrainte de refuser le reclassement et de provoquer ainsi la résiliation des rapports de service dans le seul but de faire vérifier l'existence d'un motif fondé de résiliation (ATA/299/2025 du 25 mars 2025 consid. 3.6 ; ATA/1043/2023 du 26 septembre 2023 consid. 2.8).

La recourante se prévaut, par ailleurs, de l’atteinte psychologique et à sa réputation que cause la procédure de reclassement. La chambre de céans a toutefois déjà jugé à plusieurs reprises qu’une décision finale favorable permet de réparer une telle atteinte (ATA/1143/2024 du 1er octobre 2024 consid. 8.9 ; ATA/681/2023 du 27 juin 2023 consid. 8 ; ATA/807/2022 du 16 août 2022 ; ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019).

Enfin, en tant que la recourante invoque un préjudice financier en cas d’acceptation du poste proposé – question en l’état prématurée –, force est de rappeler la jurisprudence constante de la chambre de céans, selon laquelle l'intérêt public à la préservation des finances de l’État prime l’intérêt financier de la recourante à percevoir le salaire non-diminué durant la procédure de recours (ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023 ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et les références citées). Le fait qu’une partie de ses revenus consisterait en honoraires fluctuants d’une activité indépendante, dont elle serait en partie privée en cas d’acceptation du poste proposé ne suffit pas pour s’écarter de cette jurisprudence.

En conséquence, l’intérêt public à poursuivre la procédure de reclassement apparaît prima facie plus important que l’intérêt de la recourante à surseoir à celle-ci.

Au vu de ce qui précède, la demande de restitution de l'effet suspensif au recours sera refusée.

2.5 Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort de frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Mes Nathalie Bornoz et Robert ASSAEL, avocats de la recourante ainsi qu'à Me Anne Meier, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.

La vice-présidente

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :