Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/18/2025 du 07.01.2025 sur JTAPI/543/2024 ( LCI ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3585/2023-LCI ATA/18/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 7 janvier 2025 3ème section |
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dans la cause
ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE A______ recourante
représentée par Me Alain MAUNOIR, avocat
contre
B______
représentée par Me François BELLANGER, avocat
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimés
_________
Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juin 2024 (JTAPI/543/2024)
A. a. B______ est propriétaire de la parcelle n° 4’773 de la commune de C______ (ci-après : la commune).
b. La parcelle se trouve dans le périmètre d’un site inscrit à l’inventaire des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ci-après : ISOS), avec un objectif de sauvegarde A, soit le plus élevé.
Elle est aussi incluse dans le périmètre du plan de site n° 1______ (ci-après : le plan de site) adopté par arrêté du Conseil d’État du 21 juin 2017, lequel a, selon son règlement d’application adopté le même jour, pour but de protéger le sud du village de A______, qui figure dans l’ISOS pour l’ensemble de ses qualités architecturales et paysagères.
Le bâtiment qui est érigé sur la parcelle bénéficie, conformément au plan de site, d’une protection accrue dans la mesure où il est prévu qu’il doit être maintenu en raison de ses qualités architecturales ou historiques.
c. En octobre 2021, B______ a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département) une demande d’autorisation visant la rénovation et transformation de ce bâtiment et l’installation d’une pompe à chaleur. Des places de stationnement étaient également prévues.
d. Lors de l’instruction de la demande, enregistrée sous la référence DD 2______, les préavis usuels ont été requis et émis. Le projet a été remanié à cinq reprises pour répondre entièrement aux diverses exigences des instances de préavis.
e. Par décision globale du 27 septembre 2023, publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour, le département a délivré l’autorisation de construire DD 2______.
f. Par acte du 23 octobre 2023, B______ a formé recours contre cette décision par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Le recours a été enregistré sous la référence A/3491/2023.
B. a. Par acte du 26 octobre 2023, l’Association de sauvegarde de A______ (ci-après : l’association) a interjeté recours contre cette décision par devant le TAPI, concluant implicitement à son annulation.
Elle avait pour but la sauvegarde du site historique et architectural de A______. Elle avait été fondée en 2019 pour tenter d’éviter l’altération irrémédiable de ce village classé site d’importance nationale à l’inventaire fédéral ISOS, lequel était menacé de toutes parts par des projets immobiliers, notamment au cœur du village, dans l’ancien domaine L______.
L’autorisation querellée prévoyait la rénovation et transformation de la ferme du domaine L______. Il s’agissait de créer des nouveaux logements d’habitation dans l’annexe de la maison de maître, qui abritait des locaux agricoles. Il s’agissait d’un changement d’affectation. Elle ne s’opposait pas à une transformation de ces locaux pour autant que celle-ci soit respectueuse, ce qui n’était nullement le cas puisqu’il s’agissait ici d’obtenir une rentabilisation maximale au prix d’une altération portant atteinte au site.
b. Le 16 novembre 2023, l’association a produit ses statuts, adoptés le 29 janvier 2020, la liste de ses membres ainsi que la décision de son comité du 19 octobre 2023 de recourir contre l’autorisation querellée.
Selon l’art. 3 des statuts, l’association a pour buts : de faire connaître, de valoriser et de sauvegarder le patrimoine architectural, historique et naturel de A______ et de ses alentours ; de préserver la qualité de vie des habitants du village et de favoriser la convivialité ; de promouvoir la mobilité douce et une agriculture locale saine et respectueuse de la nature.
L’art. 4 des statuts établit une liste non limitative de ses activités : lutte contre l’enlaidissement du site ou sa banalisation notamment par l’édification de nouvelles constructions, par des mesures d’aménagement inappropriées ou inesthétiques ; lutte contre la pollution et les nuisances sonores, causées en particulier par le trafic ; balades et découvertes du patrimoine architectural et historique, du patrimoine naturel, lecture du paysage ; rédaction d’articles, de brochures, de guides de promenades ; animations villageoises, activités intergénérationnelles et maintien des traditions (Feuillu, cortège de l’Escalade) ; promotion des activités culturelles et encouragement des jeunes artistes ; collaboration avec des organismes poursuivant les mêmes buts.
La liste des treize membres contient les prénoms et noms des membres ainsi que leur adresse, hormis pour le membre d’honneur dont l’adresse n’était pas indiquée. Il en résulte que six membres sont domiciliés à A______, trois à Genève, un à Zurich et deux à l’étranger.
c. Le 29 décembre 2023, B______ a conclu au rejet du recours.
L’association n’était pas d’importance cantonale ni touchée personnellement dans ses droits par la décision attaquée et la qualité pour recourir ne pouvait pas lui être reconnue en fonction de ses statuts. Ses buts statutaires relevaient de l’intérêt général. À supposer qu’elle eût la qualité pour recourir, la décision de recourir n’avait manifestement pas été prise par l’organe compétent. Les griefs étaient contestés, pour certains irrecevables.
d. Le 5 janvier 2024, le département a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.
Le 22 novembre 2023, le TAPI avait déjà nié la qualité pour recourir de l’association (JTAPI/1303/2023).
e. Le 29 février 2024, l’association a persisté dans ses conclusions.
Elle avait entre autres buts d’œuvrer par pur idéal pour la valorisation et la sauvegarde du « patrimoine architectural, historique et naturel de A______ et de ses alentours » ainsi que « d’améliorer la qualité de vie », de « promouvoir la mobilité douce et une agriculture locale saine et respectueuse de la nature ». Ces derniers objectifs relevaient très largement de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement, étant notamment mentionnés à l’art. 1 al. 2 let. c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). La loi cantonale prévoyait expressément que la qualité pour recourir était également accordée aux associations locales actives depuis plus de trois ans, lorsqu’elles se vouaient « par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature et des sites » (art. 145 al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05). Le jugement JTAPI/1303/2023 faisait l’objet d’un recours, toujours pendant.
f. Le 26 mars 2024, le département a relevé que l’activité de l’association s’adressait essentiellement à ses membres et non à un pur idéal.
g. Par jugement du 6 juin 2024, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.
L’association n’était pas directement touchée par l’autorisation de construire, qui n’avait aucune incidence concrète et pratique sur son fonctionnement ou son activité et qui ne l’atteignait pas, d’une façon ou d’une autre, dans ses droits et obligations. Par ailleurs, le fait « de préserver la qualité de vie des habitants du village » ne constituait pas un avantage pratique pour elle mais relevait de motifs d’intérêt général ne répondant pas à l’exigence du caractère particulier de l’atteinte définie par l’art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
L’association, qui n’était à l’évidence pas d’importance cantonale, ne disposait pas non plus de la qualité pour recourir au sens des art. 60 al. 1 let. e LPA et 145 al. 3 LCI. À lire ses buts et ses activités (art. 3 et 4 des statuts), elle n’avait pas uniquement pour buts les questions relatives à l’aménagement du territoire et à la protection de l’environnement, mais poursuivait aussi, de manière majoritaire, d’autres objectifs. En tant qu’elle ne se vouait pas exclusivement à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites, elle ne pouvait fonder sa qualité pour recourir sur l’art. 145 al. 3 LCI.
Le fait qu’elle avait été amenée à déployer une activité plus ou moins régulière dans le domaine de la protection du patrimoine bâti ne modifiait en rien ce constat. D’une part, la qualité pour recourir se déterminait précisément, selon l’art. 145 al. 3 LCI, sur la base d’un examen des buts statuaires (arrêt du Tribunal fédéral 1C_38/2015 du 13 mai 2015 consid. 4.3). D’autre part, ses interventions avaient eu lieu dans le cadre des enquêtes relatives à des projets de construction, lesquelles étaient ouvertes à tous intéressés (art. 4 LAT et arrêt du Tribunal fédéral 1C_94/2020 du 10 décembre 2020 consid. 2.1), et son recours dans le cadre de la procédure A/199/2023 avait été déclaré irrecevable par le TAPI le 22 novembre 2023.
C. a. Par acte remis à la poste le 8 juillet 2024, l’association a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, à ce que sa qualité pour recourir contre la décision querellée soit reconnue et à ce que la procédure soit retournée au TAPI pour compléter l’instruction et rendre un nouveau jugement sur le fond.
Elle ne prévoyait pas dans ses buts statutaires la défense de ses membres. Elle prévoyait, parmi ses objectifs, d’œuvrer par pur idéal pour la valorisation et la sauvegarde du patrimoine architectural, historique et naturel de la commune. Les autres buts inscrits dans ses statuts se recoupaient très largement avec plusieurs thèmes abordés par la LAT et ses dispositions d’exécution.
La LCI reconnaissait la qualité pour recourir aux associations cantonales ou actives depuis plus de trois ans, se vouant par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature et des sites. Le TAPI ne pouvait sans arbitraire limiter cette qualité aux seules associations ne mentionnant qu’un unique et seul but dans leurs statuts. Une telle interprétation était contraire à la lettre de la loi et à la volonté du législateur.
En déclarant le recours irrecevable, le TAPI n’avait pas examiné ses griefs au fond, ce qui constituait un déni de justice.
b. Le 14 août 2024, B______ a conclu au rejet du recours.
c. Le 14 août 2024, le département a conclu au rejet du recours.
d. Le 27 septembre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Elle poursuivait une pluralité d’objectifs à but idéal, relevant soit de l’aménagement du territoire, soit de la protection de l’environnement, soit de la sauvegarde du patrimoine bâti. Il suffisait selon la jurisprudence que ces buts soient majoritaires par rapport aux buts étrangers à l’aménagement du territoire et à la protection de la nature et des sites.
Elle produisait une copie du procès-verbal de son assemblée générale extraordinaire du 21 juin 2024 lors de laquelle la décision de recourir contre le jugement du TAPI avait été prise.
e. Le 30 septembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Le litige porte sur la qualité pour recourir de l’association, qui lui a été déniée par le TAPI dans le cadre de son recours déposé contre une autorisation de rénover et transformer un bâtiment et d’installer une pompe à chaleur.
2.1 Il incombe au recourant d'alléguer les faits propres à fonder sa qualité pour recourir lorsqu'ils ne ressortent pas de façon évidente de la décision attaquée ou du dossier (ATF 142 V 395 consid. 4.3.2 ; 133 II 249 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_390/2010 du 17 mai 2011 consid. 2.1).
2.2 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).
Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 de la LOJ et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_433/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).
Selon l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).
2.3 Une association jouissant de la personnalité juridique est autorisée à former un recours en son nom propre lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection (art. 60 al. 1 let. a et b LPA). Comme pour les particuliers, il ne lui est pas possible de recourir pour des motifs d’intérêt général, alors même que, selon ses statuts, elle aurait un but idéal (arrêt du Tribunal fédéral 1C_499/2020 du 24 septembre 2020 consid. 2 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd., 2011, ch. 5.7.2.4 p. 750). Il en va par exemple ainsi lorsqu’une association est demanderesse d’un permis de construire qui lui est refusé ou lorsqu’elle conteste une injonction qui la vise directement (Laurent PFEIFFER, La qualité pour recourir en droit de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 2013, p. 133).
2.4 Ont aussi qualité pour recourir les organisations auxquelles la loi reconnaît le droit de recourir (art. 60 al. 1 let. e LPA). Ainsi, ont qualité pour recourir contre une autorisation de construire, les associations d’importance cantonale ou actives depuis plus de trois ans qui, aux termes de leurs statuts, se vouent par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites (art. 145 al. 3 LCI). La jurisprudence tant fédérale que cantonale a précisé qu'une association dont les statuts poursuivaient la défense des intérêts de ses membres sans se vouer exclusivement à l'étude, par pur idéal, de questions relatives à l'aménagement du territoire, à la protection de l'environnement ou à la protection des monuments et des sites ne pouvait revendiquer le bénéfice de la qualité pour recourir prévue à l'art. 145 al. 3 LCI (arrêt du Tribunal fédéral 1P.595/2003 du 11 février 2004 consid. 2.2 et 2.3 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 7b).
2.5 Une association peut également faire valoir les intérêts de ses membres lorsqu’il s’agit d’intérêts qu’elle doit statutairement protéger, qui sont communs à la majorité ou à un grand nombre de ses membres et que chacun a qualité pour s’en prévaloir à titre individuel. Ce recours est aussi nommé corporatif (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_52/2009 du 13 janvier 2010 consid 1.2.2 non publié in ATF 136 I 1). Ces conditions doivent être remplies cumulativement ; elles doivent exclure tout recours populaire. Celui qui ne fait pas valoir ses intérêts propres, mais uniquement l’intérêt général ou l’intérêt public, n’est pas autorisé à recourir. L’association ne peut prendre fait et cause pour l'un de ses membres ou pour une minorité d'entre eux (ATF 145 V 128 consid. 2.2 ; 142 II 80 consid. 1.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_749/2021 du 16 mars 2022 consid. 1.2.1 ; ATA/1064/2022 du 18 octobre 2022 consid. 5b).
Le droit de recours n’appartient par conséquent pas à toute association qui s’occupe, d’une manière générale, du domaine considéré. Il doit au contraire exister un lien étroit et direct entre le but statutaire de l’association et le domaine dans lequel la décision litigieuse a été prise (JdT 2011 p. 286 consid. 1.1.1 et les références citées).
La possibilité d'un recours corporatif répond avant tout à un objectif d'économie et de simplification de la procédure, dès lors qu'il est plus rationnel d'accueillir un recours lorsque celui-ci remplace un recours formé individuellement par de multiples parties. Il est vrai que cette solution tend également, dans une certaine mesure, à rétablir un certain équilibre dans l'accès à la justice, en faveur de parties qui, prises individuellement, craindraient une telle démarche (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 751). Ces objectifs ne sauraient toutefois être invoqués pour suppléer au défaut des conditions requises de recevabilité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_91/2015 consid. 6.4.2 du 16 décembre 2015).
2.6 La chambre de céans a déjà jugé que la qualité pour agir d'une association ne saurait être appréciée une fois pour toutes. Il convient notamment de vérifier, périodiquement au moins, si les conditions d'existence des associations sont réalisées, si les buts statutaires sont en rapport avec la cause litigieuse et si la décision d'ester en justice a bien été prise par l'organe compétent (ATA/1064/2022 précité consid. 5d et les arrêts cités).
2.7 En l’espèce, le TAPI a dénié à la recourante la qualité pour recourir au motif qu’elle n’était pas atteinte par la décision dans son activité, la préservation de la qualité de vie des habitants ne constituant pas pour elle un avantage pratique, qu’elle ne remplissait pas les conditions du recours corporatif, ses statuts n’indiquant pas qu’elle avait pour but la protection ou l’obtention d’avantages particulier en faveur de ses membres et que la moitié de ceux-ci au moins n’étaient pas domiciliés à A______ et qu’elle n’était pas d’importance cantonale, poursuivant majoritairement d’autres buts que les questions relatives à l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement et ne se vouant pas exclusivement à l’aménagement du territoire et à la protection de l’environnement.
Ce raisonnement ne souffre aucune critique.
La recourante ne soutient pas qu’elle serait d’importance cantonale. Il ressort en effet clairement de ses statuts qu’elle déploie son activité à propos du village de A______. Elle a par contre été fondée le 29 janvier 2020 si bien qu’elle était active depuis trois ans lorsqu’elle a recouru devant le TAPI en octobre 2023.
Ses statuts lui assignent les buts (1) de faire connaître, de valoriser et de sauvegarder le patrimoine architectural, historique et naturel de A______, (2) de préserver la qualité de vie des habitants du village et de favoriser la convivialité et (3) de promouvoir la mobilité douce et une agriculture locale saine et respectueuse de la nature (art. 3). Parmi les activités de la recourante, objet d’une « liste non limitative », les statuts mentionnent (1) lutte contre l’enlaidissement du site ou sa banalisation notamment par l’édification de nouvelles constructions, par des mesures d’aménagement inappropriées ou inesthétiques, (2) lutte contre la pollution et les nuisances sonores, causées en particulier par le trafic, (3) balades et découvertes du patrimoine architectural et historique, du patrimoine naturel, lecture du paysage, (4) rédaction d’articles, de brochures, de guides de promenades, (5) animation villageoise, activités intergénérationnelles et maintien des traditions (Feuillu, cortège de l’Escalade), (6) promotion des activités culturelles et encouragement des jeunes artistes et (7) collaboration avec des organismes poursuivant les mêmes buts (art. 4).
La recourante fait valoir que les « autres objectifs » de ses statuts que le TAPI a jugés exorbitants à l’aménagement du territoire et à la protection de l’environnement se « recoupent » en réalité très largement avec plusieurs thèmes abordés par la LAT, et relèvent partant aussi de ces domaines. La lettre de ses statuts ne permet toutefois pas cette interprétation : la préservation de la qualité de la vie et la préservation de la convivialité peuvent peut-être résonner avec les buts ou les principes de la LAT (art. 1 et 3 LAT), mais il s’agit d’expressions assez vagues, alors que la LAT règle l’aménagement du territoire et que les statuts de la recourante ne mentionnent nulle part cet instrument ; la diffusion de la connaissance et la valorisation du patrimoine architectural, historique et naturel et la rédaction de brochures et de guides ressortissent à des objectifs culturels et pédagogiques et non à la protection effective des monuments, de la nature et des sites ; la promotion de jeunes artistes ressortit à l’activité culturelle et la promotion de la convivialité et l’animation villageoise à l’activité sociale et récréative. La recourante ne peut dans ces circonstances établir qu’elle se voue exclusivement par pur idéal à l’étude de questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement ou à la protection des monuments, de la nature ou des sites au sens où l’entendent l’art. 145 al. 3 LCI et la jurisprudence précitée rendue à son sujet.
La recourante invoque l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_382/2020 du 16 novembre 2020. Celui-ci indique que le caractère principal des buts d’aménagement du territoire et de protection de la nature doit être compris en relation avec la poursuite éventuelle d'autres buts étrangers à l'aménagement et à la protection de la nature, lesquels doivent demeurer accessoires (consid. 5.4.2). Or, en l’espèce, il peut difficilement être soutenu que les activités de nature pédagogique, culturelle, sociale et récréative prévues par les statuts de la recourante soient accessoires. La recourante apparaît plutôt comme une association villageoise à activités multiples, avec pour dénominateur commun la vie villageoise.
Pour le surplus, la recourante ne soutient pas qu’elle serait elle-même directement touchée par la décision ni qu’elle remplirait les conditions du recours corporatif. Ses statuts ne prévoient pas qu’elle défende les intérêts individuels de ses membres, ce qu’elle souligne d’ailleurs dans son recours, et il ressort de la liste de ces derniers, qu’elle a produite devant le TAPI, que D______ est domicilié au Caire, E______ à Zurich, F______ avenue G______ à Genève, H______ et I______ chemin J______ à Genève et K______ à Londres, les autres membres étant domiciliés à A______.
C’est ainsi de manière conforme à la loi que le TAPI a nié à la recourante la qualité pour recourir.
Il suit de là qu’il n’a pas commis de déni de justice ni violé l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) en n’entrant pas sur le fond du recours.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
3. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à B______, qui y a conclu, à la charge de la recourante.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 8 juillet 2024 par l’ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 juin 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de l’ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE A______ ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à B______, à la charge de l’ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE A______ ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Alain MAUNOIR, avocat de la recourante, à Me François BELLANGER, avocat de l'intimée, au département du territoire - OAC ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.
Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE |
| le président siégeant :
C. MASCOTTO
|
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le |
| la greffière : |