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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2609/2024

ATA/1102/2024 du 19.09.2024 sur JTAPI/834/2024 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2609/2024-MC ATA/1102/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Charles Archinard, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2024 (JTAPI/834/2024)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1996, est ressortissant de Gambie.

b. Il a été titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes pour une période allant du 2 février 2018 au 2 février 2020. Dans le cadre de la présente procédure, il a indiqué en avoir requis le renouvellement mais ne pas encore avoir reçu de réponse.

Il est par ailleurs titulaire d'un passeport gambien délivré le 16 mai 2024 et valide jusqu'au 16 mai 2029.

c. Le 6 mars 2019, il a été interpellé à Genève en possession de deux « parachutes » de cocaïne d'un poids total de 11 grammes. Par jugement du Tribunal de police du 30 octobre 2019, il a été reconnu coupable de délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à raison de CHF 10.- par jour, avec sursis pendant trois ans, sous déduction de quatre jours de détention avant jugement.

d. En relation avec ces faits, le commissaire de police, par décision rendue le 7 mars 2019 en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), a fait interdiction à A______ de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois ; cette durée a été réduite à six mois par jugement du Tribunal administratif de première instance (TAPI) du 22 mars 2019.

Il ne résulte pas du dossier que l'intéressé n'aurait pas respecté cette interdiction territoriale.

e. Par décision notifiée le 10 août 2020 à A______, le Secrétariat d'état aux migrations (SEM) lui a fait interdiction d'entrer en Suisse pour la période du 17 juillet 2020 au 16 juillet 2023.

Selon le dossier, l'intéressé a violé cette interdiction d'entrée en Suisse à deux reprises au moins, les 4 février et 18 août 2022. Il a fait l'objet pour ces faits de deux ordonnances pénales rendues respectivement les 16 juin et 19 août 2022, le reconnaissant coupable d'infractions à l'art. 115 al. 1 let. a LEI et le condamnant, pour la première, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à raison de CHF 10.- par jour, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, et, pour la seconde, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à raison de CHF 10.- par jour, sous déduction d'un jour de détention avant jugement.

f. Le 2 août 2024, A______ a été interpellé à la place des Volontaires à Genève dans le cadre d'une opération policière de lutte contre le trafic de stupéfiants.

Selon le rapport d'arrestation, il s'était placé avec une autre personne à proximité d'un bâtiment et, de cet emplacement, procédait régulièrement à des échanges d'objets avec des tiers, présumés être des vendeurs de stupéfiants, eux-mêmes positionnés le long de la rue de la Coulouvrenière. Avant chaque échange, il se dirigeait vers un vélo situé à proximité et y prenait quelque chose. Une clé ouvrant le cadenas dudit vélo – par ailleurs déclaré volé en 2018 – avait été retrouvée sur lui après son arrestation et, dans une sacoche attachée au cadre, la police avait notamment découvert 51,3 grammes de marijuana, conditionnés en 19 sachets, 97 pilules d'ecstasy, conditionnées dans deux sachets, et 64,1 grammes de haschich, conditionnés en 32 boules.

Entendu le même jour par la police, A______ a contesté qu'il s'agisse de son vélo ainsi que toute participation à un trafic de stupéfiants. Il a pour le surplus expliqué vivre à Annemasse avec sa compagne et leurs deux enfants, âgés de cinq et deux ans. Il subvenait à ses besoins en effectuant des travaux manuels. Il n'avait aucun lien avec la Suisse.

Par ordonnance pénale du 3 août 2024, il a été reconnu coupable pour les faits décrits ci-dessus de recel au sens de l'art. 160 ch. 1 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d LStup et d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI et condamné à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement. Il a indiqué avoir fait opposition à cette ordonnance pénale.

g. Par décision rendue le 3 août 2024 en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, le commissaire de police a fait interdiction à A______ de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 18 mois.

L'intéressé, qui ne disposait d'aucune autorisation de courte durée, d'autorisation de séjour ou d'autorisation d'établissement, faisait l'objet de soupçons de commission d'infractions en matière de stupéfiants. Les conditions d'application de l'art. 74 al. 1 let. a étaient ainsi réalisées.

Au vu des circonstances de l'espèce, en particulier du risque de récidive et du fait que l'intéressé pouvait potentiellement se livrer au trafic de stupéfiants dans tout le canton, avec lequel il n'avait au demeurant aucune attache, l'interdiction respectait par ailleurs le principe de proportionnalité tant dans son étendue que dans sa durée.

B. a. Le 3 août 2024, A______ a formé opposition à la décision d'interdiction territoriale du même jour.

b. Entendu le 23 août 2024 par le TAPI, il a indiqué vivre de « petits boulots » à Annemasse, où il était arrivé quelques mois plus tôt en provenance d'Italie. Il habitait dans un lotissement à Gaillard, séparé de sa compagne et de ses deux enfants. Sa « copine », B______, habitait pour sa part Genève et ne pouvait se rendre en France. Ils avaient l'intention de se marier.

Il a notamment produit à l'appui de ces explications une attestation de B______, titulaire d'un permis B, selon laquelle celle-ci entretenait depuis 2021 une relation avec lui. Actuellement fiancés, ils éprouvaient des difficultés à se rencontrer « en toute intimité » en raison des conditions de logement de ce dernier en France voisine et du fait qu'elle-même ne pouvait quitter le territoire suisse.

Au terme de l'audience, la représentante du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition, alors que le conseil de l'intéressé a conclu à ce que la durée de l'interdiction soit ramenée à six mois et son périmètre réduit, de manière à permettre à celui-ci de se rendre au domicile de B______, situé au boulevard C______.

c. Par jugement du 27 août 2024, le TAPI a rejeté l'opposition formée par A______ contre la décision du commissaire de police et confirmé l'interdiction territoriale prononcée par ce dernier.

Il n'était pas contesté que les conditions d'une interdiction territoriale soient réalisées, seul étant litigieux le respect du principe de la proportionnalité. L'étendue de l'interdiction devait à cet égard être confirmée, l'opposant vivant et travaillant à Annemasse et n'ayant aucun lien avec Genève. Son amie et lui-même pouvaient se voir, dans des conditions qu'il leur appartiendrait de fixer, en France voisine. La durée de l'interdiction était pour sa part justifiée par le fait qu'une précédente interdiction s'était révélée inefficace pour prévenir un trouble à l'ordre public et que, de son propre aveu, il avait régulièrement violé l'interdiction d'entrée dont il savait faire l'objet pour passer du temps avec sa fiancée.

C. a. Le 9 septembre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant principalement à son annulation pure et simple et, subsidiairement, à ce que la durée de l'interdiction soit ramenée à six mois et son périmètre réduit au centre-ville de Genève.

Contrairement à ce que son conseil avait indiqué par erreur dans sa plaidoirie devant le TAPI, sa fiancée ne résidait pas au boulevard C______ mais à Meyrin. Il avait par ailleurs formé une opposition à l'ordonnance pénale du 19 août 2022, qui ne lui avait jamais été valablement notifiée.

Dans la mesure où il n'avait été condamné qu'une fois, en 2019, pour infraction à la LStup, il ne pouvait être considéré comme représentant un danger pour l'ordre et la sécurité publics. L'interdiction territoriale prononcée était donc injustifiée et, en tout état, sa durée était disproportionnée.

Il était également disproportionné que cette interdiction s'applique à l'intégralité du territoire genevois, ce qui l'empêchait de rendre visite à sa fiancée, domiciliée à Meyrin.

b. Par détermination du 13 septembre 2024, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Trafiquant récidiviste de drogues aussi bien « dures (cocaïne) » que « douces », le recourant, dont les déclarations sur ce point étaient contradictoires, n'avait pas établi l'existence d'une relation stable et durable avec sa prétendue fiancée. La portée géographique de l'interdiction prononcée était adéquate et nécessaire à la protection de l'ordre et de la sécurité publics à Genève, étant rappelé que le recourant n'avait ni attache avec le canton ni raison impérieuse d'y venir.

c. A______ n’ayant pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti à cet effet, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 11 septembre 2024 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Est litigieuse l’interdiction de pénétrer dans tout le territoire cantonal pendant douze mois.

3.1 Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée s’il n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants.

3.2 Si le législateur a expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants (art. 74 al. 1 let. a LEI), cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.). Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).

Le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_762/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.2), une condamnation pénale de l’intéressé n'étant pas nécessaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2021 précité consid. 3.3 ; 2C_123/2021 du 5 mars 2021). De tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2021 précité consid. 3.1 et l'arrêt cité). De plus, même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contacts répétés avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 précité consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 précité).

3.3 En l'occurrence, il n'est pas contesté que le recourant n'est titulaire ni d'une autorisation de courte durée, ni d'une autorisation de séjour ni d'une autorisation d'établissement.

Il fait par ailleurs l'objet de soupçons concrets et sérieux de s'être livré à un trafic de stupéfiants, ayant été observé par la police alors qu'il semblait remettre à des vendeurs de drogues des stupéfiants qu'il conservait dans la sacoche d'un vélo (volé) situé à proximité, pour lequel il disposait d'une clé. Le fait qu'il ait formé opposition à l'ordonnance pénale rendue à son encontre le 3 août 2024 pour ces activités – aux termes de laquelle il a été reconnu coupable notamment d'infraction à la LStup et de recel – ne fait pas obstacle à ce que ces soupçons, tels que concrétisés en particulier par le rapport d'arrestation du 2 août 2024, soient pris en considération. Il y a ainsi lieu de retenir qu'il trouble ou menace l'ordre et la tranquillité publics au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LEI.

Les conditions au prononcé d'une interdiction territoriale sont donc réalisées.

4.             L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue géographique de la mesure. Elle doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3).

4.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

4.2 La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b). L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

4.3 La mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

4.4 Les fiancés ou les concubins ne sont, sous réserve de circonstances particulières, pas habilités à invoquer l'art. 8 CEDH. Ainsi, l'étranger fiancé à une personne ayant le droit de s'établir en Suisse ne peut, en principe, pas prétendre à une autorisation de séjour, à moins que le couple n'entretienne depuis longtemps des relations étroites et effectivement vécues et qu'il n'existe des indices concrets d'un mariage sérieusement voulu et imminent, comme par exemple la publication des bans du mariage (ATF 137 I 351 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1035/2012 du 21 décembre 2012 consid. 5.1 ; 2C_207/2012 du 31 mai 2012 consid. 3.3 ; 2C_206/2010 du 23 août 2010 consid. 2.1 et 2.3 et les références citées).

4.5 La chambre de céans a déjà plusieurs fois confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève, y compris à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellée et condamnée par le Ministère public pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/1316/2022 du 29 décembre 2022 ; ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019), à l’encontre d’une ressortissante française condamnée à plusieurs reprises pour infractions à la LStup qui admettait consommer des stupéfiants et s’adonner au trafic de ceux-ci (ATA/255/2022 du 10 mars 2022), ou encore à l'encontre d'un ressortissant nigérian au bénéfice d'un titre de séjour valable délivré par les autorités italiennes, disant être domicilié à Brindisi et condamné à plusieurs reprises à Genève, notamment pour infractions à la LStup (ATA/1028/2024 du 30 avril 2024).

Elle a aussi confirmé des interdictions territoriales pour une durée de 18 mois prononcées contre un étranger interpellé en flagrant délit de vente de deux boulettes de cocaïne et auparavant condamné deux fois et arrêté une fois pour trafic de stupéfiants (ATA/2577/2022 du 15 septembre 2022) ou un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup (ATA/536/2022 du 20 mai 2022).

Elle a rétabli à 24 mois une interdiction territoriale réduite à 18 mois par le TAPI dans le cas d’un ressortissant algérien ne disposant d’aucun lieu de vie en Suisse, hormis le domicile à Genève de sa compagne, où quelques affaires lui appartenant avaient été retrouvées. Il paraissait également vivre chez sa sœur en France voisine. Il n’établissait pas sa paternité sur l’enfant qu’il prétendait être le sien et n’expliquait pas les démarches concrètes qu’il aurait entamées à cet égard en vue d’obtenir les documents d’identité nécessaires à cette reconnaissance. Il avait fait l’objet de multiples condamnations pénales pour infractions à la LStup, mais également pour violation de domicile, vol et dommages à la propriété et lésions corporelles simples contre sa compagne, avait été condamné à des peines privatives de liberté, et d’autres procédures pénales étaient en cours contre lui. Il s’agissait en outre d’une seconde mesure. Il n’avait eu aucune considération pour la première décision d’interdiction territoriale prononcée à son encontre le 22 février 2022, pour une durée de douze mois, ni pour l’interdiction d’entrée valable jusqu’au 27 octobre 2027, soit encore pour plus de quatre années. Une durée de 18 mois paraissait donc faible au regard de ces circonstances. La réduction opérée par le TAPI, motivée par la paternité du recourant ne pouvait en conséquence être confirmée, notamment en l’absence de tout document établissant celle-ci (ATA/609/2023 du 9 juin 2023).

Elle a admis le caractère disproportionné d’une interdiction de territoire privant un recourant d’accès au domicile de son amie, chez laquelle il était effectivement domicilié et avec laquelle des démarches en vue du mariage étaient effectivement en cours (dépôt d’une demande d’autorisation de séjour en vue de mariage ; ATA/668/2020 du 13 juillet 2020).

De même, elle a jugé contraire au droit l’interdiction de tout le canton de Genève notifiée à un recourant qui avait entamé des démarches auprès de l’Office cantonal de la population et des migrations pour l’obtention d’un titre de séjour en vue de mariage et auprès de l’état civil pour reconnaître sa fille, et dont la réalité de la relation n’avait pas été mise en cause par le TAPI (ATA/1171/2019 du 22 juillet 2019).

4.6 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/99/2014 du 18 février 2014).

4.7 Dans le cas d'espèce, le prononcé d'une mesure de longue durée et couvrant l'ensemble du territoire cantonal répond à un intérêt public important consistant à y prévenir la commission par le recourant d'infractions, en particulier d'infractions à la LStup, étant rappelé que la lutte contre le trafic illégal de stupéfiants est expressément mentionné par l'art. 74 al. let. a LEI. Comme relevé ci-dessus, des soupçons graves et concrets pèsent sur le recourant, selon lesquels ce dernier aurait occupé, le 2 août 2024, une fonction intermédiaire dans le cadre d'un trafic de stupéfiants organisé, exerçant un contrôle direct sur des quantités non négligeables de diverses drogues dites « douces », sous une forme conditionnée pour la vente. Si le recourant devait être condamné pour ces faits, il s'agirait d'une récidive par rapport à sa condamnation du 30 octobre 2019 ayant porté sur une quantité de 11 grammes de cocaïne, drogue dite « dure » car susceptible de mettre gravement en danger la santé et l’intégrité physique de ses consommateurs. Domicilié en France voisine, il n'a donné aucune explication sur la manière dont il subvenait à ses besoins, si ce n'est qu'il effectuait de « petits boulots » non précisés : on peut donc craindre qu'il ait à nouveau recours, comme par le passé, au commerce de stupéfiants en vue de se procurer des ressources financières.

L'intérêt privé du recourant à pouvoir se rendre sur le territoire genevois paraît, à l'inverse, extrêmement ténu. Comme relevé, il réside en France voisine où habitent également son ex-compagne et ses deux enfants mineurs et ne dispose à ce jour d'aucune pièce de légitimation lui permettant d'accéder au territoire suisse, étant précisé que le sort de sa demande de prolongation du titre de séjour italien dont il était titulaire jusqu'en février 2020 est incertain. Sous réserve de la relation qu'il allègue entretenir avec B______, il n'a pour le surplus aucune attache à Genève ni aucune nécessité d'y venir.

Le recourant a certes indiqué pour la première fois devant le TAPI entretenir depuis plusieurs années une relation sentimentale avec une résidente genevoise titulaire d'un permis B, B______ ; aujourd'hui fiancés, ils souhaiteraient se marier. Quand bien même l'existence de cette relation paraît confirmée par un document manuscrit produit devant le TAPI, supposé émaner de la fiancée elle‑même, ni la stabilité ni le caractère sérieux de la relation ne peuvent être retenus au vu des autres éléments du dossier, en particulier des déclarations successives du recourant. Ce dernier n'a ainsi dit mot de cette relation lorsqu'il a été entendu le 2 août 2024 par la police ; il a expliqué le 23 août 2024 devant le TAPI être arrivé quelques mois plus tôt d'Italie, alors que le document versé à la procédure fait état d'une relation remontant à 2021 ; toujours devant le TAPI, il s'est abstenu de reprendre son conseil lorsque celui-ci, dans sa plaidoirie, a indiqué de manière erronée que B______ résidait au boulevard C______. Il n'est enfin pas contesté que le recourant n'habite pas avec B______ et qu'ils n'ont entrepris à ce jour aucune démarche officielle en vue de leur mariage. Comme l'a relevé le TAPI, l'impossibilité pour le recourant de se rendre au domicile de B______ ne les empêchera pas de continuer à entretenir des contacts, sous une forme et dans un lieu qu'ils détermineront, en France voisine, l’impossibilité pour celle-ci de s’y rendre n’étant pas documentée.

Au vu de ces éléments, l'interdiction prononcée respecte le principe de la proportionnalité aussi bien quant à sa durée que dans son étendue.

Mal fondé, le recours sera en conséquence rejeté.

5.             La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2024 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2024 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Charles Archinard, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'Etat aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :